Conclusion
À la fin du déjeuner, qui a réuni tout le monde, maman dit gaiement.
— Allo ! la petite jeunesse, faut-il que je vous révèle le projet de Colette ?
Trois têtes se lèvent en un amusant mouvement d’ensemble.
— Eh bien ! le voici… Tantôt vous irez à Bethléem, et vous emmènerez Marianick et Yamil.
— Chic ! dit Pierre.
Mais Bruno, positif, réclame :
— Pourquoi ?
— Colette vous l’expliquera, mais seulement lorsque vous serez rendus.
Le car dépose les voyageurs à Bethléem en quelque vingt minutes à peine.
Avant de pénétrer dans la ville, Colette propose un arrêt dans l’une de ces grandes prairies qui entourent Bethléem. Par groupes, des moutons broutent, paisibles, sous le regard de leurs bergers immobiles. Tout est calme, silencieux, et ce silence gagne même les enfants.
Quand chacun s’est installé au mieux, Colette dit drôlement :
— Mesdames, messieurs, mes chers enfants… le professeur d’Histoire Sainte que vous avez honoré de votre confiance a voulu ici vous faire ses adieux…
Pierre applaudit en riant ; mais Bruno, la larme à l’œil murmure très inquiet :
— Tu vas pas t’en aller, tate ?
Colette prend à deux mains la bonne tête ronde du petit homme et l’embrasse :
— Mais non, mon pauvre gros. C’est l’Histoire qui s’en va, parce qu’elle est finie.
Nicole, Yamil, Pierre, écoutez bien : Depuis le péché d’Adam et d’Ève, tout ce que nous vous avons raconté devait se terminer ici. À travers les siècles, le Bon Dieu voyait d’avance cette toute petite ville… Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, les Juges, les Rois, les persécutions, les batailles, tout était voulu, prévu pour aboutir à Bethléem.
Bruno fixe Colette de ses grands yeux étonnés.
— Pourquoi ici ?
— Pierre, pourrait vous le dire. De fait Pierre envoie à sa sœur un regard qui signifie : Bien sûr, mais fais comme si je ne savais rien.
Et Colette continue :
— Après tant de malheurs et de fautes, je vous ai dit que le peuple juif avait été finalement soumis à la domination romaine, sous le règne cruel du méchant Hérode.
Mais en réalité Hérode était seulement gouverneur de la Judée. Le maître de l’empire romain tout entier, c’était Auguste. Auguste voulut savoir combien d’hommes habitaient son empire, et fit ordonner à chacun d’aller inscrire son nom dans la ville dont sa famille était originaire.
Autrefois, j’espère que vous vous en souvenez, David était né à Bethléem. Or voici qu’au temps d’Hérode, une Vierge, appartenant à la famille de David, venait d’épouser un homme du nom de Joseph, qui lui aussi en descendait. Il fallait donc que tous les deux vinssent se faire inscrire à Bethléem.
— J’y suis ! crie Nicole ravie. J’y suis, tate. C’est la Sainte Vierge et saint Joseph. Ils vont venir, mais on n’en veut pas dans les hôtels qui sont pleins. Y trouveront seulement la grotte.
— Eh bien, mes petits, conclut Colette en se levant, la grotte où Marie et Joseph se sont réfugiés la nuit de Noël, est à deux pas d’ici, allons‑y.
En descendant l’escalier qui y conduit, Colette prend par la main les deux petits. Au moment de pénétrer dans le sanctuaire, Nicole souffle :
— C’est comme une petite chapelle.
En effet, les murs de roc disparaissent sous les tentures, et les lampes allumées donnent une lueur d’église. Colette attire les enfants tout contre elle et fait signe à Yamil de s’approcher. Elle dit très bas :
— À genoux. Là, devant moi, par terre, regardez cette étoile. Elle indique la place où l’on pense que le Petit Jésus est né.
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Quelques instants plus tard, après avoir bien prié, la bande joyeuse se retrouve dehors.
Le lumière d’Orient fait étinceler Bethléem. Le soleil joue sur les toits, les maisons, les arbres et les fleurs.
Colette contemple cette splendeur.
— Regardez encore, mes petits. Oh ! si je pouvais vous faire comprendre ! Toute cette lumière si éblouissante n’est rien à côté de celle que Jésus a apportée au monde.
Il n’y a plus besoin des images, des figures, des promesses de l’Histoire Sainte, qui toutes ne parlaient que de Lui. Il est venu,… le reste disparaît. L’accomplissement des Prophéties est parfait.
Yamil, qui n’a pas encore desserré les dents, dit de sa voix chantante :
— Li est venu, c’est vrai. Li est né dans la grotte, tu l’as dit, damiselle ; mais toi dire aussi : Li souffrir, puis mourir. Ça triste.
Marianick se penche sur le petit Bédouin :
— Las ! mon petit gars, faut pas oublier la fin. S’il est mort, Jésus Notre Sauveur, Il est aussi ressuscité. Et puis, sais-tu pas qu’Il a voulu rester toujours avec nous, puisqu’Il est là, dans tous les Tabernacles de nos églises de par le monde. Et Marianick indique du doigt le faîte de la basilique qui domine la grotte.
Alors Colette enveloppe les trois petits du regard un peu ému de ses grands yeux pervenche et dit très doucement :
— Celui que toute l’Histoire Sainte a promis au monde, qui est né ici à Bethléem, qui a souffert, qui est mort, qui est ressuscité à Jérusalem et qui, depuis, demeure vivant dans l’Eucharistie, viendra habiter dans votre cœur le jour de votre première Communion, et tous les autres jours ensuite, si vous voulez.
Bruno réfléchit posément pour mieux comprendre. Nicole pirouette de joie et Yamil prend la main de Colette pour furtivement la baiser, en murmurant :
— Yamil oubliera jamais damiselle, toi li faire aimer le Bon Dieu.
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