Étiquette : <span>Pâques</span>

Auteur : Vérité, Marcelle | Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Cette année, dit maman, il n’y aura pas d’œufs de .

Les petits crurent tout d’a­bord avoir mal enten­du. Pas d’œufs le jour de Pâques ! 

— Vous savez bien, pour­sui­vit maman avec un sou­pir, qu’il n’y n ni sucre, ni chocolat. 

— Mais, fit Syl­vi­nette aux yeux bleus, ce sont les cloches qui les apportent et nous man­ge­rions aus­si bien des œufs de poule, tu sais. 

— Ça m’é­ton­ne­rait qu’elles en trouvent plus que moi. Allons, au revoir, mes ché­ris, soyez sages et à ce soir. 

Nid pour accueillir les oeufs de Pâques

Maman s’en fut faire des ménages comme chaque jour, lais­sant Pou­pon sous la garde de Sylvinette.

— Vous en faites une tête ! chan­ton­na Moi­neau-Gen­til, pas­sant la tâte par la fenêtre. Ne savez-vous pas que c’est le prin­temps, que les oiseaux sifflent et que dans le square il fait bien meilleur qu’ici ? 

Il faut vous dire que Moi­neau-Gen­til était très aimé des enfants. Je ne sais si vous l’a­vez remar­qué, mais sou­vent, plus les gens sont pauvres, meilleurs ils sont pour les bêtes. Aus­si, quand Syl­vi­nette lui eut conté leur cha­grin, l’ réflé­chit un ins­tant, puis bat­tit des ailes. 

— Vous aurez des œufs de Pâques, foi de moi­neau ! Je vais dire un mot aux cloches : je suis au mieux avec le bour­don de Notre-Dame.

| Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Blot­tie au pied de la vieille église qui domi­nait la place en pente de la petite ville, la mai­son du doc­teur Gérard se dres­sait, toute grise et morose, presque bran­lante à force d’être vieille, et toute ron­gée de mousse aux angles de ses pierres dis­jointes. Gaie et peu­plée autre­fois par une nom­breuse famille, elle avait vu, peu à peu, ses habi­tants dis­pa­raître à la suite de deuils suc­ces­sifs et répé­tés, et, actuel­le­ment, elle n’é­tait plus habi­tée que par le doc­teur et sa petite fille, ché­tive enfant de dix ans qu’un état de san­té très pré­caire et une édu­ca­tion défec­tueuse ren­daient sau­vage et chagrine. 

Les révoltes de Germaine furent nombreuses contre son institutrice.
Les révoltes de Ger­maine furent nombreuses

Le doc­teur avait vu sa vie com­plè­te­ment assom­brie par la perte d’une femme ten­dre­ment aimée, et de plu­sieurs enfants, et bien qu’ai­mant pas­sion­né­ment sa petite Ger­maine, la seule affec­tion qui lui res­tât, il ne par­ve­nait pas à domp­ter, pour elle, son carac­tère taci­turne, de sorte que l’en­fant, vivant sans cesse dans un milieu triste et dépri­mant, avait fini par y perdre la belle gaî­té insou­ciante de l’en­fance et les cou­leurs roses de ses joues. 

Une vieille ser­vante était sa seule com­pa­gnie et lui ser­vait à la fois de men­tor et de cha­pe­ron. Très experte dans l’art culi­naire, elle excel­lait à confec­tion­ner des­serts et plats sucrés aux­quels Ger­maine tou­chait du bout des dents, mais, com­mune et com­plè­te­ment illet­trée, son influence morale et intel­lec­tuelle sur l’en­fant était à peu près nulle ce dont s’a­vi­sa, un jour, le doc­teur entre deux tour­nées de visites à ses malades. Il déci­da donc de don­ner, sans tar­der, une gou­ver­nante à la fillette, afin de lui pro­cu­rer l’ins­truc­tion et aus­si l’é­du­ca­tion indis­pen­sables, pour elle, dans le milieu où la Pro­vi­dence l’a­vait placée. 

Ayant eu recours aux influences plus ou moins habiles de plu­sieurs vieilles amies de sa famille, il finit par choi­sir par­mi les nom­breuses can­di­dates qui lui furent pré­sen­tées, et don­na ses pré­fé­rences à une jeune femme dont la phy­sio­no­mie douce et pre­nante et les excel­lentes réfé­rences lui firent bien augu­rer de ses talents d’éducatrice. 

Mais Ger­maine n’é­tait pas du tout de cet avis. Habi­tuée à une exis­tence facile où son caprice était le seul guide, elle vit, avec le plus grand déplai­sir, cette auto­ri­té nou­velle prendre des droits dans sa vie, chose d’au­tant plus pénible pour elle que Mme Bil­za, son ins­ti­tu­trice, bien que deman­dant très peu exi­geait très aima­ble­ment que ce peu fût ponc­tuel­le­ment rempli.

Les révoltes de Ger­maine furent nom­breuses ; son humeur cha­grine s’en accrut. Elle res­ta, pour Mme Bil­za, aus­si sau­vage et aus­si énig­ma­tique qu’au pre­mier jour. 

Quelque chose pour­tant com­men­çait à s’at­ten­drir en elle, et un vague remords lui venait quand, après une de ses colères cou­tu­mières, la jeune femme, toute bri­sée mora­le­ment, s’en-fuyait vite dans sa chambre et en res­sor­tait, quelques ins­tants après, les yeux rouges, il est vrai, mais plus tendres et plus sup­pliants encore quand ils se posaient sur sa petite élève. 

Auteur : Latzarus, Marie-Thérèse | Ouvrage : Pâques .

Temps de lec­ture : 19 minutes

— Je suis content, dit Jean ; main­te­nant, il n’y a plus que les Apôtres qui n’ont pas encore vu le Bon Dieu. 

— Cela ne va pas tar­der : la mati­née est ache­vée, les Apôtres ont enten­du les récits des Saintes Femmes, mais les scènes de la Pas­sion leur ont lais­sé de si affreux sou­ve­nirs qu’ils ne par­viennent pas à vaincre leur tris­tesse : Jean seule­ment, est convain­cu : n’ou­blie pas, mon petit ami, qu’au pied de la croix, il était seul avec les femmes : en récom­pense, Dieu a vou­lu que l’un des pre­miers, il soit ras­su­ré : Pierre, Jacques, André, Tho­mas et les autres pleurent encore. 

C’est à Pierre, l’ que Jésus a choi­si pour être à la tête de son Église, c’est à Pierre que le divin Maître appa­raît d’a­bord. Quand Jésus avait été arrê­té, tu t’en sou­viens, on avait deman­dé par trois fois à Pierre s’il Le connais­sait, et, trois fois, Pierre avait dit : « Je ne connais pas cet homme. » 

— Je m’en sou­viens, c’é­tait très vilain, dit Jean. 

— Si vilain que, depuis, Pierre n’a­vait pas ces­sé de pleu­rer sa faute. Il avait constam­ment, devant les yeux, le doux visage du Maître, et il lui sem­blait qu’il n’y aurait pas de repos, pour lui, tant qu’il n’au­rait pas obte­nu son par­don. Jésus est si bon qu’en appa­rais­sant à Pierre l’un des pre­miers, Il a vou­lu lui mon­trer qu’Il lui avait par­don­né sa fai­blesse. Désor­mais, mon petit Jean, Pierre ne renie­ra plus son Maître : il se lais­se­ra char­ger de chaînes, empri­son­ner, frap­per à coups de pierres et enfin cru­ci­fier, comme son Dieu, et ne ces­se­ra de répé­ter « Le Christ est ressuscité ». 

Cette grande nou­velle, Pierre l’an­nonce aux autres apôtres, aux­quels Jésus n’est pas encore appa­ru. Le Maître tient à conso­ler d’a­bord, deux voya­geurs qui marchent tris­te­ment sur le che­min d’un vil­lage nom­mé . En mar­chant, ils parlent de la mort de Jésus : Ils croyaient en Lui, mais, depuis trois jours qu’Il est dans le , Il n’a pas fait les miracles qu’on atten­dait ; alors ses amis ont peur des Juifs et fuient Jéru­sa­lem. Sou­dain, un com­pa­gnon de route survient : 

— De quoi par­lez-vous, dit-il, et d’où vient votre tristesse ?

L’un d’eux, Cléo­phas, lui dit qu’ils pleurent leur Maître qu’on a mis à mort. 

— Hommes sans intel­li­gence, leur dit le voya­geur, cœurs lents à croire tout ce que les pro­phé­ties ont annon­cé, ne fal­lait-il pas que le Christ souf­frît toutes ces choses et qu’ain­si Il entrât dans la Gloire ? 

Et Il leur expli­qua tout ce qui avait été dit du Christ, bien avant qu’Il vînt sur la terre. Cepen­dant, l’on arri­vait à Emmaüs et le voya­geur s’ap­prê­tait à quit­ter ses compagnons : 

— Demeu­rez avec nous, dirent-ils, car il se fait tard, et déjà le jour baisse. 

Le voya­geur demeu­ra et se mit à table avec les dis­ciples. Et voi­ci qu’ayant pris du pain, Il le rom­pit et le pré­sen­ta à ses com­pa­gnons. Alors, les yeux des pèle­rins d’Em­maüs s’ou­vrirent : Celui qui rom­pait ain­si le pain, c’é­tait Jésus, c’é­tait leur Maître. Ils le recon­nais­saient, mais déjà Il avait dis­pa­ru, et, demeu­rés seuls, ils se disaient l’un à l’autre : 

— N’est-il pas vrai que notre cœur était tout brû­lant, en nous-mêmes, lors­qu’Il nous par­lait en chemin ?

Les pèle­rins d’Emmaüs.

— Moi, je l’au­rais recon­nu, tout de suite, dit Jean. 

Auteur : Latzarus, Marie-Thérèse | Ouvrage : Pâques .

Temps de lec­ture : 16 minutes

« Le Sei­gneur est
véri­ta­ble­ment res­sus­ci­té,
 ! »

Du haut de ses huit ans, Jean regar­dait avec un peu de dédain, la petite fille de la concierge. Elle avait cinq ans, un tablier clair, des yeux noirs brillants, et de courts che­veux blonds. 

Quand Jean l’ob­ser­vait de la fenêtre, elle était géné­ra­le­ment occu­pée à quelque démé­na­ge­ment : elle appor­tait sur le trot­toir un petit fau­teuil de paille, une table basse, qu’elle cou­vrait d’un ménage en terre. 

Puis, elle allait cher­cher un gros chat gris qui sup­por­tait avec impa­tience d’être assis sur ses genoux et se sau­vait dès qu’elle ces­sait de le ser­rer. Elle ren­trait alors, et reve­nait avec une pou­pée qu’elle aban­don­nait bien­tôt pour des livres d’i­mages. Elle res­tait immo­bile pen­dant cinq minutes, et, au bout de ce temps, ren­trait tout ce qu’elle avait pré­cé­dem­ment éta­lé sur le trot­toir. Depuis qu’il la regar­dait vivre, Jean était per­sua­dé que les petites filles ne savaient pas ce qu’elles voulaient. 

Le matin du Same­di Saint, pour­tant, il eut sou­dain, l’im­pres­sion qu’une petite fille pou­vait avoir de la suite dans les idées. 

En effet, durant presque toute la mati­née, la jeune Rose se livra aux mêmes occu­pa­tions. Elle com­men­ça par mettre sur sa tête une écharpe un peu chif­fon­née, sur laquelle elle pla­ça la cou­ronne de mar­gue­rites de la pré­cé­dente Fête-Dieu. Puis elle alla cher­cher un panier à salade qu’elle balan­ça en guise d’en­cen­soir et se mit à mar­cher de long en large sur le trot­toir, en chan­tant à tue-tête : « Laudate…e, lau­date, lau­date Mariam… » Sa mère sor­tit pour lui ordon­ner de crier moins fort. La petite enton­na alors, d’une voix plus basse, mais encore aiguë, l’en­fan­tine chanson : 

« Le petit Jésus s'en va-t-à l'école 
En portant sa croix dessus son épaule,
Une pomme douce
Pour mettre à sa bouche,
Un bouquet de fleurs
Pour mettre à son cœur.
Auteur : Legrin, Albert | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Conte de Pâques

C’é­tait en 1400 et tant : en ce temps-là comme chante le diacre à l’É­van­gile, vivait en la ville de Pon­tor­son une vieille femme, si âgée, si décré­pite, si ché­tive, si minable, que les anciens du pays n’a­vaient aucune sou­ve­nance de l’a­voir vue jeune, accorte et folâtre ; elle habi­tait sur les bords du Coues­non une chau­mière bran­lante et, quand la tem­pête souf­flait de la grève, c’é­tait miracle que la hutte de Guil­hau­mette résis­tât et ne fut pas jetée dans la rivière. Cette mal­heu­reuse était la ter­reur du voi­si­nage : elle ne fai­sait pour­tant de mal à per­sonne ; inca­pable de tra­vailler, elle deman­dait d’une voix bien humble, bien sup­pliante, une aumône que la peur ne lui fai­sait pas refu­ser. Les jeunes gens pre­naient la fuite à son approche : les vieux se signaient, les enfants n’o­saient aller jouer sur la grève, de peur d’être enle­vés par ce mau­vais génie à qui on attri­buait tout le mal qui arri­vait dans le pays.

Guilhaumette

Guil­hau­mette pas­sait son che­min en silence, appuyée sur un long bâton, elle se remé­mo­rait, la pauvre, le temps où, gente jou­ven­celle aux joues fleu­ries comme une églan­tine, ce qui lui avait valu son sur­nom de la Rosée. Elle était fêtée, adu­lée par les hauts et puis­sants sei­gneurs du pays. Dans ce temps-là, elle était riche, elle semait l’or à pro­fu­sion et bien sou­vent : hélas ! pour satis­faire ses fan­tai­sies, les fiers che­va­liers avaient pres­su­ré leurs vas­saux, enle­vé le néces­saire aux vilains pour dépo­ser leur or aux pieds de l’enchanteresse.

Mais les années étaient venues, les rides étaient appa­rues, les che­veux noirs avaient blan­chis, les joues s’é­taient creu­sées, la taille s’é­tait épais­sie, en un mot la vieillesse était arri­vée avec son cor­tège de dou­leurs, avec la faim, la froi­dure, avec le remords, mais non avec le repentir.

Nous sommes au Same­di-Saint, était accom­pa­gné cette année de neige et de fri­mas ; il tom­bait le vingt-cin­quième jour de mars, l’hi­ver avait été bien dur ; la faim avait fait de nom­breuses vic­times, la misère était grande, mais l’es­pé­rance du prin­temps pro­chain met­tait comme un rayon lumi­neux dans tous les cœurs, mal­gré la rigueur du temps.