Catégorie : <span>Fêtes de l'année liturgique</span>

Auteur : Mainé, Marie-Colette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Allons ! Vite, Meriem, Sal­lah, Suzanne !… A vos four­neaux, lam­bines !… Qu’a­vez-vous à faire sur le seuil ?… Les clients sont pres­sés… Eh bien, Joreb ?… Je parle aus­si pour toi, mon gar­çon… Qu’at­tends-tu ?… Les bêtes de Si Ham­men ont besoin de nour­ri­ture, hâte-toi, sinon… »

Devant le geste de menace, le jeune gar­çon s’empresse d’o­béir, tan­dis que les trois ser­vantes regagnent pré­ci­pi­tam­ment leur cuisine.

C’est que maî­tresse Sarah n’est point com­mode ; cha­cun sait qu’elle a la main leste. Il est inutile de lui résis­ter. Son époux lui-même, le pauvre Nathan, n’ose guère éle­ver la voix devant elle. Certes, il faut à Sarah force éner­gie pour faire mar­cher droit le per­son­nel et les clients de l’ ; mais elle s’y entend. Louanges soient ren­dues à l’É­ter­nel ! Jus­qu’à pré­sent, tout marche bien. Poings sur les hanches, Sarah pro­mène sur la cour du klan un œil satisfait.

Scoutisme - Récit de NoëlLa scène est pit­to­resque : sous le regard de dame Sarah, une foule bruyante et bigar­rée s’a­gite dans le vaste enclos. Ici, ce sont les riches mar­chands nomades venant d’A­sie ou d’É­gypte…, avec leurs bal­lots de mar­chan­dises. Plus loin, les cha­meaux étirent leurs longs cous pelés… tan­dis qu’à côté les petits ânes rési­gnés se reposent d’un long et pénible voyage. Mais aujourd’­hui, en plus des habi­tuels clients, l’au­berge est pleine de Juifs venus, selon l’ordre de César, se faire ins­crire dans leur ville d’o­ri­gine ; il en arrive de toutes les régions et de toutes les condi­tions : Pha­ri­siens hau­tains, Rab­bis véné­rés, ou simples petits arti­sans des bourgs et des cam­pagnes. Ces der­niers s’en­tassent dans la cour tan­dis que les autres se par­tagent les chambres exi­guës que l’as­tu­cieuse Sarah ne cède qu’à prix d’or.

Mais les sour­cils de dame Sarah se froncent de colère. Eh quoi ! Joreb, ce pares­seux, vient de s’as­seoir, alors que le tra­vail presse !… Pas de ça !… Pres­te­ment, la maî­tresse se charge de le rap­pe­ler à l’ordre.

Le petit n’en peut plus : ses minces bras de treize ans sont rom­pus d’a­voir sou­le­vé tant de lourds colis ; mais cela, la patronne ne l’ad­met pas !… C’est dur d’être seul et orphe­lin !… Dans toute cette foule, Joreb se sent encore plus iso­lé que d’ha­bi­tude. Répri­mant un sou­pir, il se sai­sit d’une outre et se dirige vers les ani­maux assoiffés.

Auteur : Pautard, A. | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Joël réflé­chis­sait.

« Déjà, se disait-il, toute la ville reten­tit de tam­bou­rins et de flûtes. Déjà, les fours cuisent le pain sans levain, et par­tout on tue les agneaux que l’on fera rôtir. Demain, c’est la Pâque, la plus grande et la plus joyeuse de nos fêtes. Il faut aujourd’­hui que je fasse quelque chose d’ex­cep­tion­nel. Ce ne peut pas être un jour comme les autres. »

Récit du jeudi saint pour les enfants - JerusalemEt Joël, mâchon­nant une brin­dille, tour­nait en rond sur la ter­rasse de la mai­son, au grand soleil. Autour de lui, les innom­brables toits de Jéru­sa­lem s’é­ten­daient, domi­nés par des tours. On enten­dait la sourde rumeur de la ville en fête.

Le gar­çon des­cen­dit et alla trou­ver son père.

« Père, lui dit-il, confiez-moi un tra­vail que je n’ai pas l’ha­bi­tude de faire… Tenez, ma mère est très occu­pée aujourd’­hui. Don­nez-moi à por­ter la plus grosse des jarres. Je vais aller cher­cher de l’eau à sa place. »

Le père Michaël se mit à rire.

« Tu veux donc que tout le monde se moque de toi ? Tu sais bien que pui­ser l’eau est un tra­vail de femme. Que dira-t-on quand tu arri­ve­ras à la fon­taine ? On te pren­dra pour un fou. Ça ne s’est jamais vu !

— Peut-être, répli­qua le gar­çon. Mais je veux rendre ser­vice à ma mère. Si cela me coûte quelques moque­ries, tant mieux. Je n’en serai que plus heu­reux. Rendre ser­vice, cela a beau­coup plus de valeur quand c’est difficile ! »

Haus­sant les épaules, Michaël acquies­ça et per­mit à son fils de s’en aller vers la fon­taine, la lourde cruche sur le dos.

* * *

… Ce fut un joli suc­cès pour Joël. Les pas­sants le mon­traient du doigt. Faire un tra­vail de femme ! Était-ce rai­son­nable pour un grand gaillard comme lui ? Mais le gar­çon n’en avait cure. Il rem­plit sa jarre, au milieu des quo­li­bets, et péni­ble­ment, l’é­chine ployée sous son far­deau, remon­ta les ruelles en esca­lier, lais­sant der­rière lui une longue trace de gout­te­lettes que le pavé brû­lant avait tôt fait d’absorber.

Il avait déjà par­cou­ru la moi­tié du che­min, lors­qu’il croi­sa deux hommes, des Gali­léens. Ceux-ci regar­dèrent Joël, puis, après s’être mur­mu­ré quelque chose à voix basse, se mirent à le suivre. Le gar­çon les sur­veillait du coin de l’œil.

« Que me veulent-ils, ces gens-là ?… Ils marchent der­rière moi depuis la place aux oli­viers… Ce ne sont pas des mal­fai­teurs, pour­tant, mais… Bah ! Après tout, si ça les inté­resse de me voir por­ter ma cruche !… »

Il péné­tra dans la mai­son de son père et dépo­sa le réci­pient dans un angle de la cour. Des coups heur­taient la porte. Michaël alla ouvrir. Les deux étran­gers étaient là.

« La paix soit sur toi, dit le plus âgé. Je me nomme Simon-Pierre, et voi­ci Jean, mon com­pa­gnon. Le Maître nous a envoyés en disant : Vous ren­con­tre­rez un homme qui por­te­ra une cruche d’eau. Nous l’a­vons vu et sui­vi, et nous venons te deman­der, de la part du Maître, où est le lieu où Il doit man­ger la Pâque avec ses disciples.

Auteur : Bernard, Jean | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Le voi­là ! Le voi­là ! cou­rons vite… »

Sai­sis­sant la main de sa petite sœur, Jacques l’en­traîne à toute vitesse sur le sen­tier rocailleux. Il y a de la joie par­tout aujourd’­hui : dans l’air pur et le ciel bleu, dans le soleil qui brille radieux, et sur le visage de tous ces gens qui courent, char­gés de branches vertes, dans la direc­tion d’un point mys­té­rieux où la foule s’a­masse peu à peu.

« Hosan­na ! Hosanna .…»

Des cris arrivent jus­qu’aux oreilles de Jacques et de Myriam qui, tout essouf­flés, cherchent à se fau­fi­ler par­mi les groupes. Comme ils sont petits, ils arrivent sans trop de peine à se frayer un pas­sage à tra­vers la foule qui s’a­gite de plus en plus, bran­dis­sant ses palmes et redou­blant ses cris :

« Hosan­na ! Hosan­na ! Gloire au fils de David !… »

Enfants à la prossession des Rameaux

Les enfants sont arri­vés au pre­mier rang, au bord même du sen­tier où ils demeurent sou­dain immo­biles, le cœur bat­tant d’é­mo­tion. A quelques pas d’eux, les hommes s’a­vancent, essayant tant bien que mal d’é­car­ter la foule. Au milieu d’eux, assis sur un ânon : le Pro­phète… le fameux pro­phète qui, depuis tant de mois, par­court le pays en fai­sant le bien, et que plu­sieurs pré­tendent être le Mes­sie tant atten­du de tous… Comme Il a l’air bon ! Son visage est lumi­neux comme le soleil, son regard plus doux que le miel.

De tous leurs yeux, Jacques et sa sœur regardent. Myriam est si émue qu’elle ne peut plus par­ler. Elle a joint ses petites mains et fixe éper­du­ment Celui qui vient, tan­dis que Jacques, débor­dant d’en­thou­siasme, agite ses palmes et crie tant qu’il peut de vibrantes acclamations.

Quelques minutes encore, et le Sei­gneur sera tout près d’eux. Il arrive… Le voi­là… Tout d’un coup, Jacques et Myriam, éper­dus, tombent à genoux sur le che­min… En pas­sant près d’eux, le Pro­phète les a lon­gue­ment regar­dés, puis Il leur a sou­ri, et son sou­rire, péné­trant jus­qu’au fond de leur cœur, y a mis une lumière si claire, si chaude, qu’elle est en eux comme un vivant soleil.

C’est Jacques qui s’est res­sai­si le pre­mier. Il s’est rele­vé d’un bond et s’est pré­ci­pi­té sur les pas du Sei­gneur pour mêler ses cris à ceux du bruyant cor­tège qui, sans fin, conti­nue à L’acclamer.

* * *

Le soleil avait depuis long­temps dis­pa­ru à l’ho­ri­zon lorsque Jacques, tout cou­vert de pous­sière, est reve­nu à la mai­son. Hors de lui, le gar­çon n’en finit pas de racon­ter sa jour­née ; et demain, oui, demain sûre­ment, et les autres. jours, il recom­men­ce­ra à suivre le Pro­phète, à L’ac­cla­mer, et, qui sait, peut-être même arri­ve­ra-t-il à se faire connaître de Lui ?

Auteur : Mainé, Marie-Colette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Ce soir-là, les hommes s’é­taient endor­mis, fati­gués du jour pas­sé, acca­blés par une vie sans lumière…

La nuit était calme, belle, recueillie… comme en attente.

Un drame se pré­pa­rait ! Un drame ? Simple inci­dent pour quelques-uns qui pour­tant s’en iraient aux quatre coins du monde réveiller tous les hommes de la terre… un inci­dent qui se réper­cu­te­rait à tra­vers les âges jus­qu’à la fin des temps !

Ce soir-là, les étoiles s’é­taient allu­mées comme d’ha­bi­tude, et les hommes s’é­taient endormis…

Pas tous, cependant !…

* * *

Récit de la Passion pour le catéchisme : Judas vend Jésus pour 30 deniersJérusalem, 12 Nizan (mars-avril), 20 heures.

Une salle sombre, mal éclai­rée par la trem­blo­tante lueur d’une lampe à huile… La flamme qui danse allume des points d’or aux vête­ments des hommes qui dis­cutent. Leurs yeux luisent, perçants…

Les voix se répondent, chu­cho­tantes, lourdes de menaces…

« Oui, ce soir, je sais où « Il » sera… C’est le moment : venez « Le » prendre…

— Mais… nous ne « Le » connais­sons pas ; il fau­drait… un signe.

— Facile !… Je L’embrasserai. Alors ?… Com­bien me donnez-vous ? »

Le silence est pesant… Un son clair le rompt ; une main jette des pièces. L’argent tinte sur le marbre… Une fois… Deux fois… Trois fois… Trente fois…

Une autre main, avide, ramasse la somme.

« Mer­ci.… tout à l’heure ! »

* * *

Pour les enfants du caté : La Passion  du Christ - La Priere au jardin des oliviersDans l’oliveraie de la colline.

Le ruis­seau coule de roc en roc avec un bruit de soie qui se déchire… Sur le pont, quelques hommes s’a­vancent, par­lant dou­ce­ment entre eux… Pas­sé le Cédron, le groupe remonte la pente de la col­line oppo­sée ; bien­tôt, les pro­me­neurs atteignent une oliveraie.

Les vieux arbres tor­dus entre­mêlent leurs branches. Dans l’ombre, on dirait des diables guet­tant leur proie.

« Res­tez ici, je vais un peu plus loin, avec Pierre, Jacques et Jean… »

Le groupe, dimi­nué, s’en­fonce sous les troncs noueux la lune est levée, et sur le ciel clair se découpe l’é­norme sil­houette du temple. Comme elle semble menaçante !

« Je suis triste à en mourir… »

La voix est triste, en effet, presque trem­blante ; elle supplie :

« Veillez et priez avec Moi… »

Le Maître s’é­loigne… pas loin, et s’a­bat face contre terre.

Les minutes coulent, lentes… lourdes… lourdes comme le monde.

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Renée s’en­gouffre dans le cou­loir sor­dide, et d’un solide coup de talon claque la porte au nez de toute cette joie de la rue pleine de gens pres­sés, riant de por­ter du bon­heur en paquets roses et bleus, qu’ils accro­che­ront tout à l’heure à un sapin fleu­ri de lumière et d’argent.

Récit pour Noël - Illuminations de Noël et des enfantsCar toute l’al­lé­gresse de est dans la rue, dans les vitrines, sur les visages et dans les cœurs ; on la devine der­rière chaque fenêtre blan­chie ; on l’a­per­çoit par chaque porte qui s’en­trouvre sur des pavés ruti­lants ou des bras­sées de houx et de gui, on la lit dans les yeux des parents qui se fau­filent mys­té­rieu­se­ment au sous-sol avec des paquets plein les bras ; elle éclate dans la démarche même des enfants qui semblent cou­rir au-devant de la jubi­la­tion… Elle est par­tout, oui, par­tout, excep­té dans son cœur à elle et dans cette pièce toute grise où elle va retrou­ver une pauvre femme – sa mère – qui tousse à n’en plus finir…

« Il n’y a que pour moi que ce n’est pas Noël !… » mur­mure-t-elle avec une atroce amer­tume qui tire ses lèvres minces et noir­cit le regard de jais dans son visage terne et mal venu.

Elle s’est tas­sée sur l’es­ca­lier, mor­dillant ses ongles tour à tour et res­sas­sant cette détresse depuis des mois enli­sée au fond de son cœur, et qui déborde tout d’un coup, à l’heure même où tant d’autres cœurs s’ouvrent, larges, au bon­heur… Elle ne pleure pas : elle rage. Elle rage de