[1]Petite Jeanne n’y comprend plus rien : dans le jardin mystérieux, plein d’ombre et de bosquets, tout, depuis quelque temps devient encore plus mystérieux… Un vieil homme se promène dans les allées, vêtu de la livrée. Il se fait nommer Pierre. S’il est domestique, pourquoi ne va-t-il pas plutôt frotter les parquets ?… Et puis, ces paysans qui vont et viennent panier au bras… puis disparaissent, à moins que maman ne les fasse entrer sans bruit à la maison… maman ne fait plus toilette ; elle ne reçoit plus voisins et amis comme autrefois… si Jeanne la questionne, elle se tait… Tout cela aiguise la curiosité de la petite fille. Elle veut savoir et elle saura !… Le prétexte d’une course au papillon lui permettra de prendre cette allée que suit le serviteur. Elle lui demande : « Vous avez déjà fini votre travail, Pierre ? Qu’est-ce que maman vous a fait faire ? »
Pierre ne répond pas ; il se penche vers la petite fille et la regarde avec une grande bonté… Un autre jour, Jeanne s’aperçoit que les lèvres de Pierre remuent comme s’il priait tout bas… Puis, c’est le comble !… se réveillant, une nuit, la petite Jeanne voit Pierre habille comme monsieur le Cure quand il disait la messe… et il dit la messe, en effet, an fond de la chambre d’enfants, sur une table garnie de nappes… Au fait, puisqu’elle a sept ans, pourquoi maman, si chrétienne, si pieuse, ne l’emmène-t-elle plus à l’église ? L’enfant s’y perd de plus en plus ; elle est entourée de mystères et de points d’interrogation, comme son lit de rideaux… mais la lumière des chandelles a traversé ceux-ci, tandis que son esprit reste dans l’obscurité la plus complète. Ce qui la bouleverse, c’est d’être trompé par sa mère… Pourquoi maman ne lui dit-elle pas tout simplement la vérité ? Si Pierre est prêtre, pourquoi ce déguisement de serviteur ?
Jeanne finit par se rendormir Le lendemain, après sa leçon, elle va jouer au jardin avec ses petites sœurs Antoinette et Claudine — Françoise est encore au berceau —.
Un papillon ! Vite, le filet ! Une fois encore, Jeanne se heurte à Pierre… elle en est toute saisie… mais Claudine la rappelle : « Jeanne, Jeanne ! Antoinette a pris ma poupée ! »
Se réveillant une nuit, la petite Jeanne voit Pierre…
Il fallait un fameux courage et une grande grâce de Dieu pour attendre de pied ferme l’ours qui doit vous étouffer, la lionne prête à vous dévorer. Il fallut non moins de courage pour subir le martyre si différent, qui consistait à rester couché sur la glace jusqu’à la mort.
Tandis que Constantin le païen converti par la croix et devenu empereur — travaillait en Occident au triomphe de l’Église, Lucinus, qu’il s’était associé, la persécutait en Orient.
Ce prince ordonne que toutes les légions fassent aux dieux des sacrifices publics, cela, sous peine de mort.
À Sébaste, en Arménie, quarante officiers et soldats refusent d’obéir. « Nous sommes chrétiens »
— On verra si vous le serez encore quand vous claquerez des dents ! Qu’on les couche sur l’étang glacé, aux portes de la ville !
« …Lentement il se traîne sur la glace…
Pour les tenter, un bain chaud est entretenu sur la berge. La seule vapeur qui s’en dégage, donne envie de courir s’y jeter…
La prière soutient leur courage. L’un d’eux aurait-il cessé de prier ?… Voici que son courage faiblit… lentement il se traîne sur la glace. Les païens qui entretiennent l’eau chaude l’aident à se hisser dans la baignoire. La différence de température le saisit et il expire presque aussitôt.
Tandis que ceci se passe, une des sentinelles a vu le ciel se peupler d’anges qui tiennent des couronnes au-dessus des trente-neuf soldats restés fidèles. L’ange du transfuge n’a plus personne à couronner. Alors, ne faisant ni une ni deux, le soldat laisse tomber sa chaude cape et, grelottant, mais brave, va se coucher à la place vide : « Je crois en Dieu.Je suis chrétien ! » dit-il.
Au petit jour, les quarante corps sont entassés sur un charriot et jetés au feu… Et, grâce à la sentinelle, c’est bien au nombre de quarante qu’ils furent couronnés dans la gloire…
Saint Sébastien
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Sébastien naquit à Narbonne, d’une famille chrétienne originaire de Milan. Parvenu à l’âge de choisir une carrière, il s’engagea dans l’armée de César. L’armée romaine était fort nombreuse et fort réputée et, pour tout sujet de l’Empire, c’était une gloire d’y servir et de porter les aigles romains de l’Orient à l’Occident, du Finistère à la Palestine, sans oublier l’Afrique du Nord.
Tout joyeux, vous courez à la fenêtre ou au jardin.
Autre chose est de vivre dans les neiges du Grand Nord, comme le missionnaire qui s’en va si loin évangéliser l’Esquimau.
Le P. Le Roux, un Breton aux yeux bleus et le P. Rouvière, Lozérien aux yeux noirs, tous les deux Oblats de Marie, partent à la recherche des Esquimaux campés sur la banquise.
La banquise… Imaginez-vous cela ? une mer sans bateaux, sans vagues, immobilisée sous la neige. Au loin, du côté de la terre, la falaise aux cavernes habitées par les ours blancs ; au large, un chaos de blocs de glace qui se détachent avec un bruit de tonnerre et s’en vont à la dérive… Quelle idée d’aller vivre là ! C’est que, sous la neige, il y a la glace, et sous la glace, l’eau, et dans l’eau, le poisson et le mammifère dont l’homme se nourrira puisqu’il ne peut cultiver la terre ni récolter les fruits d’arbres inexistants.
Venant de la Mission Notre-Dame d’Espérance, après plusieurs jours de voyage, les deux missionnaires aperçoivent enfin les coupoles des maisons de neige. Il est temps ! Pères et chiens sont à bout de forces et quel froid ! 52 degrés au-dessous de zéro ! « Tiens, remarque un des Pères, nous avons été signalés ; voici qu’ils sortent de leurs iglous. »
Un Esquimau vient en effet à leur rencontre et les salue à la mode de son peuple, bras levés, non en signe de reddition, mais de bienvenue. Suivent des inclinaisons de tête à droite, à gauche, une inclination jusqu’au sol,… et cela recommence. On ne peut être plus poli ! Les deux Français imitent de leur mieux. Une vraie pantomime.
L’homme se retourne alors vers le groupe qui le suit : « Kra-bouma ! clame-t-il, ce sont des Blancs ! » Et il court vers eux, mains tendues. Hommes, femmes, vieillards, enfants imitent le geste ; c’est à qui tendra ses deux mains garnies d’épaisses moufles de fourrure et tous rient de contentement. Les Blancs, ils les connaissent un peu pour les rencontrer à Fort-Norman quand ils vont y échanger fourrures et ivoires contre thé, sucre et tabac.
Le P. Rouvière n’est point un agent de commerce et il tient à leur dire, tout clair, le but de sa visite : « Nous sommes venus de très loin (de la France, par delà la mission) pour vous parler de Dieu qui a créé les poissons, les phoques et les hommes. Son fils Jésus, descendu du ciel sur la terre est mort pour ouvrir le ciel à ceux qui l’auront aimé ! »
Les deux missionnaires aperçoivent enfin les coupoles des maisons de neige…
Peut-être avez-vous entendu raconter l’histoire de ces Esquimaux ou de ces Indiens qui, à semblables paroles, ne s’étonnèrent pas : le Créateur, ils l’avaient deviné, découvert, par la beauté de sa création et ils l’avaient nommé le Grand Esprit. Ceux-ci ne comprennent pas ; ils se regardent surpris, puis, ne sachant que répondre, ils éclatent de rire.
C’est au petit hameau de « Becchi », près de Turin, que naquit, le 16 août 1815, Jean Bosco qui devait être le grand bienfaiteur des enfants abandonnés. Il fut baptisé dès le lendemain de sa naissance. Ses parents, pauvres ouvriers, étaient d’excellents chrétiens. Le père, François Bosco, travaillait de toute la force de ses bras pour nourrir sa famille. Il possédait une maisonnette et quelques bouts de champs. C’était assez pour vivre heureux avec sa femme, Marguerite, pieuse et laborieuse comme lui, et ses trois petits garçons.
Ce bonheur ne dura guère. Jean atteignait à peine ses deux ans quand son père mourut brusquement. La douleur de Marguerite Bosco fut extrême. Chargée de sa belle-mère infirme et de ses trois petits, elle parvint à force de travail, de courage, de peine, à assurer le pain de la famille.
Cette simple paysanne s’occupait admirablement de ses enfants ; non seulement de leur corps, mais surtout de leur âme. Son plus grand désir était de faire de ses fils de bons chrétiens. Elle les élevait dans la pensée de Dieu et ne manquait pas une occasion de leur rappeler sa sainte présence. « Dieu nous voit, Mes petits », disait-elle. « Dieu nous voit. Moi, je puis être absente, lui est toujours là. »
Chaque matin, agenouillée avec ses enfants devant le Crucifix, elle demandait à Dieu le pain quotidien.
Au soir des rudes journées d’été, en se reposant au seuil de la maison, elle montrait à ses fils les montagnes lointaines, illuminées par le soleil couchant. « Que de merveilles Dieu a faites pour nous, mes enfants ! » Et quand les étoiles s’allumaient dans le ciel assombri : « Tous ces astres merveilleux, c’est Dieu qui les a mis là. Si le firmament est si beau, que sera-ce du Paradis ? »
La grêle venait-elle ravager l’humble vigne des Bosco : « Courbons la tête, mes enfants. Le bon Dieu nous les avait données, ces belles grappes, le bon Dieu nous les reprend. Il est le Maître. Pour nous, c’est une épreuve ; pour les méchants, c’est une punition ».
L’hiver, quand la pluie glacée battait les vitres et que la famille se serrait autour de la cheminée où flambait une grosse bûche : « Mes petits, comme nous devons aimer le bon Dieu qui nous fournit le nécessaire ! Il est vraiment notre Père, notre Père qui est aux cieux ».
Elle ne cessait de recommander à ses enfants la dévotion à Marie, en qui elle mettait une confiance sans bornes.
Marguerite Bosco pouvait réciter par cœur son catéchisme, l’Histoire sainte, la vie de Notre-Seigneur, et, tout en s’occupant à son ménage, elle cherchait à enseigner ce qu’elle savait à ses fils.
Pour eux, ce qu’elle craignait comme la peste, c’étaient les mauvais compagnons.
Jamais ses enfants ne s’éloignaient de la maison sans sa permission.
« Maman, maman, pouvons-nous aller jouer avec un tel qui nous appelle ?
— Oui, mes petits. »
Ils couraient alors tout joyeux. Si c’était « non », l’idée ne leur venait même pas de désobéir.
Marguerite ne gâtait pas ses enfants, ne passait aucun caprice, et quand elle donnait un ordre, elle voulait être obéie. Jean aimait si tendrement sa chère maman que la crainte de la peiner suffisait à le rendre sage.
Elle tenait aussi à faire de ses fils des travailleurs. Il fallait se lever de bonne heure et s’occuper selon ses forces. Très jeune, Jean sut couper du bois, puiser de l’eau, éplucher les légumes, balayer la chambre.
Le jeudi, avant de porter au marché son beurre et ses œufs, la maman distribuait une tâche à ses garçons. Au retour, si elle jugeait le travail bien fait, elle tirait de son panier un morceau de brioche pour chacun.
On était pauvre chez les Bosco, et pourtant les malheureux qui frappaient à la porte trouvaient toujours un bon accueil et une assiette de soupe chaude. Jean apprit ainsi la charité. Son cœur, du reste, était excellent et très sensible.
Ce petit garçon à la démarche vive, à la tête ronde et frisée, parlait peu et observait beaucoup. Son imagination ne restait jamais en repos. Intelligent et sérieux, ardent et volontaire, on pouvait se demander pour quelle tâche Dieu le douait si remarquablement.
Dans le pays d’Unamio, entre les terres riveraines de l’Océan Indien, alors sujettes du Sultan de Zanzibar, vivait au siècle dernier la petite Suéma.
Il est beau le pays de Suéma : immenses plaines couvertes d’arbres fruitiers, traversées par de jolis ruisseaux. Les indigènes y récoltent magnoc, ignames, patates, maïs et presque tous les légumes d’Europe.
Au delà des plaines, d’immenses forêts remplies de tigres, d’hyènes, de panthères, de lions, dont les rugissements, répercutés par les échos, semblent la nuit des roulements de tonnerre. Là, paissent d’innombrables éléphants dont les défenses fournissent un bel ivoire, principale ressource et richesse du pays.
Les Africains de cette région vivent en grande partie de la chasse.
« Père, puis-je aller chasser avec toi ? » a demandé souvent la petite Suéma.
— Non. Quand tu seras plus grande ! »
Aujourd’hui, le père a répondu : « viens ! »
La première opération consiste à creuser, dans divers endroits de la forêt, des fosses profondes que l’on recouvre de branchages et de hautes herbes. Ce travail terminé, hommes, femmes et enfants se réunissent pour la battue. Comme Suéma se sent en sécurité entre son père, sa mère et ses sœurs, malgré ses sept ans, elle se montre très brave.
Arrivée à la lisière du bois, la troupe des chasseurs forme la chaîne, puis, au signal donné, s’enfonce dans la forêt, resserrant son cercle à mesure qu’elle marche et poussant des cris aigus afin d’épouvanter et de déloger le gibier. Quelques hommes chargés d’arcs et de sagaies précèdent la bande ; d’autres, dispersés, veillent autour des trappes et pourchassent les animaux qui, par instinct ou par adresse évitent les pièges en sautant par dessus.
Ne soupçonnant aucun danger, Suéma sautille joyeusement entre sa mère et ses sœurs ; elle s’amuse tant qu’elle se croit à une partie de plaisir. Heureux et fier de sa fille, le père marche en avant, tenant une flèche toute prête sur la corde de son arc.
Les chasseurs se rapprochent de la ligne des trappes ; ils n’en sont plus séparés que par un bosquet touffu quand sort de ce bosquet un rugissement si rauque, si prolongé, que tous en restent pétrifiés. Le sang se fige dans les veines ; un silence de mort remplace les cris de la battue, mais laissons Suéma nous raconter elle-même la suite : « Tandis que les échos répétaient ce rugissement du lion, j’aperçus ce terrible animal qui, les yeux flamboyants, la crinière hérissée, battait la terre de sa longue queue. Il approche… sa marche un peu oblique le conduit directement vers nous… Il passe à côté de mon père puis s’arrête, prêt à bondir sur mes sœurs et sur moi. À ce moment même, il rugit d’une façon terrible. Mon père comprend qu’il n’y a pas un moment à perdre ; il s’élance et attaque l’animal ; ses flèches et ses sagaies toujours si sûres, manquent cette fois leur but. Alors, le couteau de chasse à la main, il se jette sur le lion et, avec ses bras crispés, saisit la crinière de l’animal.
« La frayeur m’a tellement glacée que je ne vois plus ce qui se passe ; c’est à peine si j’aperçois, dans un tourbillon de sang, une masse rouge qui roule à terre et disparaît dans la forêt. » Le lion, furieux, blessé, a emporté le père de la petite Suéma.
La battue cesse ; la forêt devient solitaire ; seuls les sanglots de la veuve et de ses filles interrompent le silence. La nuit les trouve au même endroit et les rugissements de l’hyène rappellent à la pauvre mère son dernier-né, resté à la maison.
Ce soir-là, pour la première fois, la case fut sans feu, triste et silencieuse. « Oh ! ajoutait Suéma, comme on souffre quand on ne connaît pas Dieu et qu’on ne sait pas le prier ! »
Les parents de Suéma n’avaient pas reçu comme nous les lumières de la foi ; mais fidèles à la loi naturelle, inscrite par Dieu en tout homme, ils faisaient simplement leur devoir. Comme la jeune Africaine parlait avec bonheur des jours de son enfance ! des bontés de son père, des soins dont l’entourait sa mère, de l’affection mutuelle qui les unissait tous : « J’entendais dire aux enfants des voisins : « Voilà l’heureuse Suéma qui mange tous les jours de la viande et du sel ! » J’étais fière de ces paroles parce qu’elles faisaient l’éloge de mon père. »
« On disait aussi quelquefois, en me voyant passer : « Voilà Suéma la propre, aux cheveux bien tressés. J’étais contente de ces paroles qui étaient l’éloge de ma mère. » Mais revenons aux tristes jours qui suivirent la mort du chef de famille.
Quelques hommes armés d’arcs et de sagaies
Maintenant Suéma a autre chose à faire que de rire et de chanter en gardant les brebis avec les enfants de son âge ; elle cultive la terre avec ses aînées. Hélas, sur les récoltes s’abat un nuage de sauterelles ; ces insectes dévorent les plantes jusqu’à la racine et les arbres jusqu’à l’écorce. Ceux qui ont des réserves de sel ramassent des sauterelles et les mettent au saloir. Chez Suéma, impossible ! Le père est mort sans avoir dit où il prenait les plantes dont il extrayait ce sel si précieux parce que si rare en ce pays. Ces plantes existent-elles encore ? Les sauterelles ont tout dévoré !