Étiquette : <span>Martyr</span>

Auteur : Danemarie, Jeanne | Ouvrage : Le Christ-Roi .

Temps de lec­ture : 8 minutes

CINQUIÈME SCÈNE

Le rideau se lève. Il n’y a rien sur la scène. Nous allons assis­ter au mar­tyre du P. Pro et de ses com­pa­gnons. C’est M. le Curé qui va expli­quer tout ce qui se passe.

M. LE CURÉ (debout à gauche du rideau)

La scène repré­sente le jar­din de la pri­son entou­ré de grilles. Au milieu une allée toute enso­leillée abou­tit à un bos­quet. Une foule arrive der­rière la grille. 

(Un groupe s’avance.) 

M. LE CURÉ 

Voi­ci des poli­ciers. Au milieu d’eux se trouve l’Ins­pec­teur Géné­ral Rober­to Cruz. 

(Un autre groupe avance avec des appa­reils photographiques.)

M. LE CURÉ 

Voi­ci des pho­to­graphes. Vous voyez que l’Ins­pec­teur Géné­ral les fait ins­tal­ler lui-même. Il veut qu’on puisse gar­der le sou­ve­nir de cette exé­cu­tion. Là-bas est la porte de la pri­son. Un poli­cier la garde. Les pri­son­niers ne savent rien encore. 

(La porte s’ouvre.) 

Le P. Miguel Pro paraît, il achève de s’ha­biller. Il aper­çoit la foule, les poli­ciers. On ne lui a pas dit qu’il allait mou­rir. Il le devine, et se redresse. 

LE POLICIER (à voix basse) 

Par­donne-moi.

LE P. PRO (de même, sou­riant)

Si je te par­donne ? je te remercie. 

LA FOULE

Le voi­là !

UNE FEMME

Com­ment le sauver ? 

UNE AUTRE

Oh ! Père Pro, vous qui avez mis tant d’âmes en Para­dis ! La vôtre ira tout droit.

LE POLICIER

Silence !

L’INSPECTEUR CRUZ

Ame­nez le pelo­ton d’exécution. 

( Six sol­dats arrivent, marchent au pas vers le bos­quet qui ter­mine l’allée.)

M. LE CURÉ reprend la parole

Le Père avance len­te­ment, en silence, il prie. On entend la voix de sa sœur Anne-Marie qui sup­plie les poli­ciers de la lais­ser pas­ser pour s’ap­pro­cher de lui. On la repousse. Elle san­glote… Le Père Pro conti­nue d’a­van­cer dans le jar­din enso­leillé. Der­rière les grilles la foule s’é­crase. Le Père frôle l’Ins­pec­teur Cruz, le cigare aux lèvres et son état-major. Non loin les jour­na­listes convo­qués aus­si par l’Ins­pec­teur. Les pho­to­graphes braquent leurs appareils. 

LE P. PRO, (il marche droit, les mains jointes. sans un fré­mis­se­ment. Aux poli­ciers qui l’en­tourent : )

Atten­dez un instant. 

(Il s’a­ge­nouille, les bras croi­sés sur la poi­trine, la tête hum­ble­ment pen­chée, tire une petite croix et la baise, se redresse, fait face au pelo­ton, ouvre les bras en croix.) 

Vive le Christ-Roi !

Auteur : Danemarie, Jeanne | Ouvrage : Le Christ-Roi .

Temps de lec­ture : 12 minutes

QUATRIÈME SCÈNE

M. LE CURÉ 

Le 13 novembre 1927 dans la belle pro­me­nade de Mexi­co, le bois de Cha­pul­te­pec, une bombe était jetée sur l’au­to­mo­bile d’O­bre­gon, le pré­dé­ces­seur de Calles. Per­sonne ne fut atteint, les assaillants purent s’en­fuir. On arrête le chauf­feur bles­sé qui mou­rut peu après et un pas­sant, un ouvrier indien, Jean Tira­do. Et trois jours plus tard, sans aucune enquête, on arrê­tait le P. Miguel Pro, son frère Hum­ber­to, l’in­gé­nieur Segu­ra et une dame Mon­tès de Oca, sous le pré­texte qu’ils étaient les auteurs de l’attentat. 

Les voi­ci en pri­son avec quelques autres catho­liques, entre autres Tho­mas de la Mora, un jeune gar­çon de 15 ans, ardent sol­dat de l’Ac­tion Catholique. 

(Le rideau se lève. Le cana­pé et les fau­teuils de M. le Curé ont dis­pa­ru, ils sont rem­pla­cés par des bancs et des tables et sur une affiche il y a écrit en grosses lettres : Pri­son.)

LE P. PRO (joyeux)

Eh bien, je n’ose pas l’a­vouer, mais je me repose ici. Je n’en pou­vais plus. Pour­tant le Maître sait bien que je vou­drais épui­ser la grâce de mon sacerdoce.

HUMBERTO

J’ai enfin dor­mi moi aus­si et je suis content. Jour et nuit sur mon vélo pour appe­ler les catho­liques ! j’a­vais tel­le­ment som­meil ! et toi, Segura ?

SEGURA

Moi je suis en sou­ci de mes ouvriers. On m’a arrê­té brus­que­ment. J’ai lais­sé sur ma table des papiers, des lettres, des affaires en train…

LE P. PRO 

Laisse, Segu­ra, Dieu y pourvoira. 

HUMBERTO

Et puis on va nous relâ­cher tout de suite, c’est cer­tain. On sait très bien que ce n’est pas nous qui avons jeté les bombes.

LE P. PRO 

Bien sûr ! Mais ce n’est pas une rai­son. Écoute.

Mme MONTÈS DE OCA, bon­dis­sant (c’est Sabine, elle est coif­fée avec un grand peigne et une mantille). 

… Écou­tez ! écou­tez quoi ? Sûre­ment on nous relâ­che­ra. (Avec une colère qui monte.) On n’a­vait pas le droit de nous mettre en pri­son sans l’ordre d’un juge, et on n’a point d’ordre de juge. On n’a pas le droit de nous mettre au secret. Nous avons le droit de deman­der un avo­cat et nous n’en avons point. Nous avons le droit d’être confron­tés avec nos accu­sa­teurs et nous ne les avons pas vus. Nous avons le droit de citer des témoins à décharge. Rien n’a été fait selon la loi. Je connais les lois mexi­caines. Je pro­teste, je pro­teste, je proteste ! 

THOMAS (en admi­ra­tion)

Oh ! Madame, comme vous par­lez bien ! 

(En Tho­mas de la Mora on ne peut man­quer de recon­naître Made­leine. On n’a pu trou­ver un jeune gar­çon pour ce rôle tout en viva­ci­té et en fer­veur. Alors M. le Curé a accep­té que Made­leine le tienne, et elle y est parfaite.) 

Mme DE OCA 

Je parle bien parce que je sais ce que je dis. (Poli­ment.) Mais, mon Père, vous alliez racon­ter quelque chose. Par­don, je vous ai interrompu.

LE P. PRO

Oui. J’ai appris dans mes courses beau­coup de choses que per­sonne ne raconte, mais qui seront connues un jour… Écoute, Hum­ber­to. Tu connais­sais Anto­nio Acù­ma Rodri­guez, comme toi volon­taire dans l’ar­mée du Christ ?

HUMBERTO

Oui.

LE P. PRO 

Il arri­vait de San­tia­go dis­tri­buant par­tout des mots d’ordre, char­gé d’une mal­lette pleine de muni­tion de feuillets exhor­tant les catho­liques à une résis­tance fière et tenace.

Auteur : Danemarie, Jeanne | Ouvrage : Le Christ-Roi .

Temps de lec­ture : 9 minutes

DEUXIÈME TABLEAU

Tout le monde s’est ras­sis, et même il y a quelques audi­teurs de plus : une auto s’est arrê­tée devant ce théâtre en plein air, et les occu­pants ont gen­ti­ment deman­dé la per­mis­sion de res­ter. M. le Curé a dit Oui, et les jeunes acteurs sont fiers de ce succès. 

M. LE CURÉ, debout à droite du rideau fermé. 

Nous sommes au Mexique le 11 novembre 1920. Au fond de l’ho­ri­zon on voit une mon­tagne abrupte, haute de 2600 m. Il fait encore un peu nuit. Des feux sont allu­més sur toutes les cimes d’a­len­tours. L’aube se lève peu à peu. La mon­tagne est noire de monde, une foule arrive de par­tout. Main­te­nant on dis­tingue sur le som­met la sta­tue du Christ-Roi, haute de 3 mètres, pla­cée sur une pyra­mide octo­go­nale de 6 m. de hauteur. 

Tout à coup le soleil jaillit der­rière la chaîne du Gua­na­jua­to. L’É­vêque de Léon s’a­vance. Il bénit la mon­tagne et la pro­clame Mon­tagne du Christ-Roi. Il bénit le monu­ment et le déclare Monu­ment Natio­nal. On entend les chants de la Béné­dic­tion du Saint Sacre­ment. L’É­vêque bénit avec l’Os­ten­soir les quatre points car­di­naux, puis il lance l’acclamation : 

Vive le Christ-Roi 

mille fois répé­tée par la foule.

Mais ce monu­ment était insuf­fi­sant. Les Mexi­cains vou­lurent en éle­ver un autre plus beau, beau­coup plus beau. Ils taillèrent une route dans la mon­tagne, ils bâtirent trois ponts de fer. La plate-forme était déjà bâtie. Avant l’i­nau­gu­ra­tion, pen­dant six jours et six nuits d’in­nom­brables pèle­rins gra­virent la mon­tagne. De par­tout mon­taient des prières et des can­tiques au Christ-Roi. 

Les Mexicains construisent sur la montagne un monument au Christ-Roi

Alors les méchants, aus­si méchants que le roi Hérode, envoyèrent une armée pour empê­cher qu’on place là-haut la sta­tue du Christ-Roi. Et le 30 juin 1928, une déto­na­tion for­mi­dable se réper­cu­ta dans les mon­tagnes et les val­lées : le Monu­ment au Christ-Roi volait en éclats.

Et on ferme les églises, on exile les moines, on chasse les prêtres. On veut détruire la reli­gion au Mexique. Quelques prêtres sont res­tés, ils se cachent. Ils admi­nistrent les Sacre­ments dans des lieux inconnus. 

Le Père Miguel Pro, Jésuite, est de ceux-là. Le voici. 

(Le rideau se tire lentement.)

PREMIÈRE SCÈNE

M. LE CURÉ conti­nue

La scène repré­sente un côté d’é­glise, un autel, un confes­sion­nal. Le Père Pro vient de confes­ser une cen­taine de per­sonnes venues en grand mys­tère, quelques-unes de très loin. Il est tard, main­te­nant, l’é­glise s’est vidée.

(M. le Curé s’est rassi.) 

LE PÈRE PRO (c’est Mar­cel. Il a son cos­tume de tous les jours, mais il n’a pas son visage ordi­naire, si gai. Il est triste de l’ab­sence d’An­dré et puis il s’est mis vrai­ment dans ce rôle avec tout son cœur et toute sa foi. Il sort len­te­ment la tête du confessionnal.)

C’est fini, il n’y a plus per­sonne. Tant mieux, je n’en puis plus. Je confesse depuis ce matin. Quelles cour­ba­tures ! Tiens ! j’ai fait des pro­grès, je suis four­bu mais debout. Quand je pense qu’­hier je me suis éva­noui comme une femme, on a dû me sor­tir du confes­sion­nal, me faire res­pi­rer des sels ! C’est hon­teux ! (Il va vers le Tabernacle.)

Après-demain, Sei­gneur, vous quit­te­rez votre mai­son. On Vous chasse, Vous, le Maître, le Roi ! Les cloches se tai­ront, le Mexique doit être vidé de Dieu. Ils sont fous !… Mais nous, nous allons entrer dans le déso­lant abîme de la per­sé­cu­tion. Peu importe ! 

« Je consens à n’a­voir nul bon­heur sur la terre. 

Mais don­nez-moi, Sei­gneur, des âmes à sau­ver ! Des âmes à sau­ver, Vous m’en don­ne­rez. J’i­rai les cher­cher par­tout, à tra­vers les ronces, pieds nus sur le roc tran­chant. Je me donne tout entier. Votre amour, mon Dieu, Vous seul, je suis votre Victime. » 

(Il va sor­tir de l’é­glise et hésite.) 

Je crois que je ferai bien d’at­tendre encore un peu avant de tra­ver­ser les rues. En atten­dant, je vais dor­mir dans un coin. (Il s’ins­talle.)

(Un silence. La porte de l’é­glise s’ouvre avec précautions.) 

HUMBERTO PRO (c’est Maxime qui tient le rôle, un gen­til gar­çon­net d’un hameau)

(À voix basse)

Miguel ! Miguel ! êtes-vous là ? (Pas de réponse.) Mon Dieu, pour­vu que je n’ar­rive pas trop tard. Des poli­ciers le guettent par­tout. Où est-il ? C’est sombre. (Il appelle plus fort.)

Miguel ! Miguel ! 

LE P. PRO, (mal réveillé, se dresse)

Voi­là ! Voi­là ! Est-ce pour un mourant ?

Auteur : Robitaillie, Henriette | Ouvrage : Revue Bernadette 3 *** ILLUSTRATION *** Iessel, Manon.

Auteur : Lacoste | Ouvrage : La revue des saints .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Prince des apôtres et premier Pape (+ 67) 

Fête le 29 juin.

Le pre­mier Pape, saint Pierre, était un pauvre pêcheur juif, né à Beth­saï­da, sur les bords du lac de Géné­sa­reth, et éta­bli à Caphar­naüm, chez la mère de sa femme. Sans for­tune, sans ins­truc­tion, ce fils de pay­san gali­léen gagnait sa vie de son modeste métier. C’est tout ce qu’on sait de lui avant son appel à l’apostolat.

Vocation à l’apostolat.

La pre­mière ren­contre de Simon-Pierre avec le divin Maître eut lieu sur les bords du Jour­dain, où Jean le pré­cur­seur baptisait.

Son frère, André, ser­vit d’intermédiaire. Il dit à Simon : « Nous avons trou­vé le Mes­sie. » Et il ame­na son frère à Jésus. Le Maître, arrê­tant son regard sur Simon, lui dit : « Tu es Simon, fils de Jonas, tu seras appe­lé Céphas » (c’est-à-dire Pierre). Par ce chan­ge­ment de nom Jésus prend en quelque sorte pos­ses­sion de ce nou­veau dis­ciple et le fait l’un des siens. Pierre et André s’attachèrent à Jésus. Mais la voca­tion défi­ni­tive pré­cise, nomi­na­tive, n’aura lieu que plus tard à Caphar­naüm, après le miracle par lequel Jésus gué­rit la belle-mère de saint Pierre d’une grosse fièvre.

Pierre et André net­toyaient et rac­com­mo­daient leurs filets sur les rives du lac, pen­dant que le Sau­veur prê­chait à la foule qui le pres­sait de toute part. Il mon­ta sur la barque de Pierre et lui deman­da de s’éloigner un peu du rivage ; puis, s’asseyant, il adres­sa plus com­mo­dé­ment la parole à cette mul­ti­tude. Après quoi il dit à Pierre : « Avance au large et jetez vos filets pour la pêche. »

C’est ce qu’ils avaient fait toute la nuit, sans rien prendre. Pierre le fait remar­quer à Jésus, mais il ajou­ta : « Sur votre parole, je jet­te­rai le filet. » Cette fois la pêche fut si abon­dante que les filets se rom­paient. Pierre et André durent héler une autre barque que mon­taient Jacques et Jean avec leur père Zébé­dée, et les deux barques revinrent char­gées de pois­sons. Ce miracle les rem­plit de stu­peur. Pierre effrayé dit au Maître : « Éloi­gnez-vous de moi, Sei­gneur, car je suis un homme pécheur. » Non seule­ment Notre-Sei­gneur ne se sépa­ra pas d’eux, mais il dit à Pierre : « Ne crains pas, ce seront désor­mais des hommes que tu pren­dras. » Puis il dit à tous les quatre : « Sui­vez-moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Alors ils quit­tèrent tout et le suivirent.

Saint Pierre marche sur les eaux. – Le pain de vie.

Le soir du jour où le Sau­veur avait mul­ti­plié les pains pour ras­sa­sier la foule, les douze apôtres prirent sans lui la voie de mer pour pas­ser de l’autre côté.

Mais voi­là qu’un vent violent s’élève et met la barque en péril. Vers 3 heures du matin, comme ils ramaient péni­ble­ment, un homme leur appa­rut mar­chant sur les flots. Bou­le­ver­sés, ils dirent : « C’est un fan­tôme », et pous­saient des cris d’effroi. Mais Jésus, car c’était lui, leur adres­sa la parole : « Ras­su­rez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur. — Sei­gneur, si c’est vous, répon­dit Pierre, ordon­nez-moi de venir à vous sur les eaux. — Viens », lui dit Jésus.

Pierre s’élance vers son Maître, mais le vent redouble, Pierre tremble et s’enfonce. Il s’écrie : « Sei­gneur, sau­vez-moi ! » Aus­si­tôt Jésus lui tend la main, le sai­sit et lui dit : « Homme de peu de foi, pour­quoi as-tu dou­té ? » Puis Jésus monte dans la barque et le vent cesse instantanément.

Quand Jésus annon­ça aux dis­ciples qu’il leur don­ne­rait sa chair à man­ger et son sang à boire, la plu­part dirent : « C’est inac­cep­table ». Et ils se reti­rèrent. Jésus ne res­ta qu’avec les Douze. Il leur dit : « Et vous, vou­lez-vous aus­si vous reti­rer ? — Sei­gneur, répond aus­si­tôt Pierre, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éter­nelle. Nous avons cru et nous savons que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu. » Ses pen­sées étaient, évi­dem­ment, d’un autre ordre que celles de la foule ; elles ne lui venaient pas de la terre, mais du ciel. De là, son pro­fond amour pour le divin Maître, et les pré­ro­ga­tives dont il va être investi.