Dans les neiges

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 17 minutes

La neige ! La neige !

Tout joyeux, vous cou­rez à la fenêtre ou au jardin. 

Autre chose est de vivre dans les neiges du Grand Nord, comme le mis­sion­naire qui s’en va si loin évan­gé­li­ser l’.

Le P. Le Roux, un Bre­ton aux yeux bleus et le P. Rou­vière, Lozé­rien aux yeux noirs, tous les deux Oblats de Marie, partent à la recherche des Esqui­maux cam­pés sur la .

La ban­quise… Ima­gi­nez-vous cela ? une mer sans bateaux, sans vagues, immo­bi­li­sée sous la neige. Au loin, du côté de la terre, la falaise aux cavernes habi­tées par les ours blancs ; au large, un chaos de blocs de glace qui se détachent avec un bruit de ton­nerre et s’en vont à la dérive… Quelle idée d’al­ler vivre là ! C’est que, sous la neige, il y a la glace, et sous la glace, l’eau, et dans l’eau, le pois­son et le mam­mi­fère dont l’homme se nour­ri­ra puis­qu’il ne peut culti­ver la terre ni récol­ter les fruits d’arbres inexistants.

Venant de la Notre-Dame d’Es­pé­rance, après plu­sieurs jours de voyage, les deux mis­sion­naires aper­çoivent enfin les cou­poles des mai­sons de neige. Il est temps ! Pères et chiens sont à bout de forces et quel froid ! 52 degrés au-des­sous de zéro ! « Tiens, remarque un des Pères, nous avons été signa­lés ; voi­ci qu’ils sortent de leurs iglous. » 

Un Esqui­mau vient en effet à leur ren­contre et les salue à la mode de son peuple, bras levés, non en signe de red­di­tion, mais de bien­ve­nue. Suivent des incli­nai­sons de tête à droite, à gauche, une incli­na­tion jus­qu’au sol,… et cela recom­mence. On ne peut être plus poli ! Les deux Fran­çais imitent de leur mieux. Une vraie pantomime. 

L’homme se retourne alors vers le groupe qui le suit : « Kra-bou­ma ! clame-t-il, ce sont des Blancs ! » Et il court vers eux, mains ten­dues. Hommes, femmes, vieillards, enfants imitent le geste ; c’est à qui ten­dra ses deux mains gar­nies d’é­paisses moufles de four­rure et tous rient de conten­te­ment. Les Blancs, ils les connaissent un peu pour les ren­con­trer à Fort-Nor­man quand ils vont y échan­ger four­rures et ivoires contre thé, sucre et tabac. 

Le P. Rou­vière n’est point un agent de com­merce et il tient à leur dire, tout clair, le but de sa visite : « Nous sommes venus de très loin (de la France, par delà la mis­sion) pour vous par­ler de Dieu qui a créé les pois­sons, les phoques et les hommes. Son fils Jésus, des­cen­du du ciel sur la terre est mort pour ouvrir le ciel à ceux qui l’au­ront aimé ! » 

Les deux missionnaires aperçoivent enfin les igloos des Esquimaux
Les deux mis­sion­naires aper­çoivent enfin les cou­poles des mai­sons de neige…

Peut-être avez-vous enten­du racon­ter l’his­toire de ces Esqui­maux ou de ces Indiens qui, à sem­blables paroles, ne s’é­ton­nèrent pas : le Créa­teur, ils l’a­vaient devi­né, décou­vert, par la beau­té de sa créa­tion et ils l’a­vaient nom­mé le Grand Esprit. Ceux-ci ne com­prennent pas ; ils se regardent sur­pris, puis, ne sachant que répondre, ils éclatent de rire.

Pour évan­gé­li­ser ces demi-sau­vages, les Oblats comptent sur la Sainte Vierge, ce qu’ils ne pour­ront faire, elle le fera ; et pour mettre leurs futurs parois­siens sous sa pro­tec­tion, le P. Le Roux tire de sa poche un paquet de médailles enfi­lées sur des cor­dons et com­mence la dis­tri­bu­tion. Émer­veillés d’un tel cadeau, tous en veulent et de nou­veau les mains se tendent, la joie éclate ; cette joie est à son comble quand, pour clore la séance, le P. Bou­vière offre, en don de bien­ve­nue, l’o­ri­gnal qu’il a tué en route. De la viande fraîche ! un régal pour ces familles nour­ries de pois­son cru. 

Quelques hommes courent au traî­neau des Pères, pour par­ta­ger la bête, tan­dis qu’un autre du nom de Koha, prend les mis­sion­naires cha­cun par une manche, et les entraîne vers son iglou. C’est lui qui leur offri­ra l’hos­pi­ta­li­té. La Sainte Vierge et saint Joseph ont été moins cha­leu­reu­se­ment reçus à Bethléem.

Tous n’é­taient pas venus au devant des Blancs ! Voi­ci que s’a­vance main­te­nant un homme à la figure cou­tu­rée de bles­sures cica­tri­sées et faites à des­sein, c’est évident. Chien har­gneux, il montre ses crocs : longues dents jaunes et poin­tues ; il voci­fère en rou­lant des yeux formidables. 

« C’est Urlak, le sor­cier, explique Koha. C’est un sor­cier très puis­sant ; il souffle sur les mala­dies et les gué­rit toutes. » 

Le Bre­ton prend une médaille de l’Im­ma­cu­lée et la bran­dit. Aus­si­tôt, le sor­cier pousse un hur­le­ment et détale.

De l’ex­té­rieur, le cam­pe­ment ne pré­sente qu’un cer­tain nombre de cou­poles blanches posées au ras du sol. Près de chaque cou­pole est un traî­neau avec sa traîne for­mée de quelques chiens. Koha, à genoux, détache de son cou­teau à neige un bloc de glace au bas de la cou­pole de son iglou et invite les Pères à entrer, ce qu’ils font en se traî­nant sous le tun­nel ; puis l’ou­ver­ture est refer­mée d’un bloc que le froid soude aus­si­tôt, enle­vant tout pas­sage à l’air libre. Il ne fait pas très clair, peu à peu les yeux s’y font : voi­ci Kah­shum, le grand-père, Nak­ka, la maman, et les trois enfants : Nia­ko, 5 ans, Kina, 6 ans, et Mako, 7. Comme vous, petits blancs, ils ont des jouets : Nia­ko un traî­neau minia­ture, Kina une pou­pée incas­sable à la tête sculp­tée dans un os de renne avec un bout de chif­fon en guise de corps ; Mako est très fier de son petit har­pon d’ivoire.

Pas de mobi­lier, seule­ment une murette circulaire.

L'esquimau accueil le missionnaire dans son igloo
Koha, à genoux, détache de son cou­teau à neige, un bloc de glace

Au milieu du cercle, un tré­pied for­mé de trois os, sup­porte un réci­pient, en os lui aus­si, plein d’huile de phoque dans laquelle trempe la mèche de la lampe. Au-des­sus, la mar­mite dans laquelle fond la neige qui fera le thé.

Il faut bien aimer Dieu pour aller si loin cher­cher les âmes. C’est jus­te­ment la voca­tion des Pères Oblats de Marie Imma­cu­lée, d’al­ler vers les plus loin­taines, les plus aban­don­nées pour répondre plei­ne­ment à l’ap­pel du Christ à ses apôtres : « Allez ensei­gner les nations… bap­ti­sez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et voi­ci que moi je suis avec vous tous les jours jus­qu’à la fin du monde ! » 

Avec vous ; oui, par sa grâce, par sa pré­sence de par­tout ; bien mieux, par sa pré­sence Eucha­ris­tique… il n’est pour le prêtre, que de célé­brer la sainte messe et Jésus est là, cor­po­rel­le­ment pré­sent comme eux sur la ban­quise… Mer­veille de l’a­mour du bon Dieu !

Alors aidé de Koha et de sa famille, ils construisent un iglou tout neuf, un iglou tout blanc, cha­pelle vrai­ment digne de la blanche hos­tie, et de l’Im­ma­cu­lée. S’il sur­vient un rayon de lune à tra­vers la cou­pole de glace trans­lu­cide, tout s’illu­mine et brille comme de l’argent. Dans la joie de son cœur, le P. Rou­vière com­mence à célé­brer et le P. Le Roux lui répond. 

Dès le pre­mier son de clo­chette, l’Es­qui­mau a ten­du l’o­reille. « Qu’est-ce ? » Mais per­sonne n’ose péné­trer dans l’i­glou des Blancs. Seul le sor­cier a cette audace ; non, pas lui seul… une vieille femme le suit, la mère d’Ou­louk­sak, son meilleur ami. Il la voit se cacher entre deux caisses, sans doute vient-elle là pour voler du sucre ou une cou­ver­ture dont l’i­glou du sor­cier béné­fi­cie­ra puis­qu’il le par­tage avec Oulouk­sak et sa famille. Pour lui, il est fas­ci­né par l’or­ne­ment rouge et or du célé­brant, mais la clo­chette tinte de nou­veau pour l’é­lé­va­tion, alors, comme tout à l’heure devant la médaille, il est sai­si d’une panique folle et s’en­fuit en hurlant.

Quand les deux messes ter­mi­nées, les Pères ont tout remis en ordre, la vieille Namat­ka sort de sa cachette : « Père, dit-elle, je viens vous pré­ve­nir qu’on veut vous tuer. 

— Nous tuer ? 

— Oui, le sor­cier, mon fils et un autre, veulent vous tuer pour avoir votre cara­bine, votre sucre, votre hache et votre mar­mite en fer… mais sur­tout l’An­ga­kok (le sor­cier), veut se défaire de vous parce que vous venez par­ler de Jésus aux Esqui­maux. » Et de ses deux mains, elle serre une médaille usée et ter­nie à force d’a­voir été por­tée au cou. 

— Qui t’a don­né cette médaille ? 

— Un Père du pays des herbes près du lac de l’Ours. 

— Ah ! un Père de chez nous !

Et lui pré­sen­tant la croix oblate : 

« Sais-tu qui est représenté ?

Les missionnaires Le Roux et Rouvière chez les Esquimaux
Koha et les deux Oblats retrou­vèrent le corps…

— Jésus !

— Tu es chrétienne ? 

— Non, mais je veux l’être. Père donne-moi le bap­tême car, pour être venue ici, mon fils me tuera. » 

Elle insiste. Les Pères vou­lant d’a­bord l’ins­truire, se contentent pour aujourd’­hui de lui pas­ser au cou la petite croix des néo­phytes ; avec amour, elle la porte à ses lèvres, puis elle retourne vers sa famille.

Namas­ka a un ter­rible fils : Oulouk­sak, le grand har­pon­neur et un cher petit-fils Nuno, gar­çon de 9 à 10 ans, très ami des chiens de son père. N’i­ma­gine-t-il pas, par jeu, de reti­rer de la gueule d’un des chiens un mor­ceau de morse ? L’a­ni­mal furieux se jette à la gorge du gamin ; celui-ci regagne l’i­glou et s’ef­fondre dans les bras de sa mère. Kha­ma porte l’en­fant aux Mis­sion­naires. Le P. Rou­vière après les pre­miers soins, dit à la pauvre femme : « C’est très grave ; ton fils est per­du, je ne puis rien pour lui sur terre, mais je peux lui ouvrir le ciel. Le veux-tu ? 

— Oui, agis pour le mieux. 

— Je vais donc en faire un chré­tien comme nous deux. 

— Je veux bien. » 

Un peu de neige très propre est mise à fondre dans la mar­mite. Nuno est bap­ti­sé, son âme monte droit au paradis. 

Sa grand-mère ne tarde pas à l’y rejoindre. 

Puis­qu’elle n’a volé ni sucre ni cou­ver­ture, c’est donc qu’elle est allée chez les Blancs pour leur dénon­cer le com­plot. Elle en sera châ­tiée ! Son fils l’emmène en traî­neau bien loin sur la ban­quise et l’a­ban­donne mal vêtue sur la neige. En ce lieu per­du, elle fut assis­tée par les anges et sans doute par sa mère céleste qui l’emmenèrent chez le bon Dieu. 

Quand, pas­sant dans ces parages au retour d’une grande ran­don­née à la recherche d’autres cam­pe­ments, Koha et les deux Oblats retrou­vèrent le corps, conser­vé intact par le froid, les deux mains ser­raient encore amou­reu­se­ment la petite croix ; Namas­ka avait, à défaut du bap­tême d’eau, été bap­ti­sée du .

Sachant qu’on veut les tuer, les prêtres, pour­tant, res­tent à leur poste et conti­nuent à prê­cher l’É­van­gile par la parole et par l’exemple. Koha et les siens mettent à s’ins­truire une bonne volon­té évi­dente. À genoux dans l’i­glou, phrase à phrase, ils disent le Notre Père et quand ils se relèvent, c’est pour s’é­crier tous les six avec foi : Jésus ! 

Koha a sur­nom­mé le P. Rou­vière : Kou­lia­vik : celui qui prie, et le P. Le Roux : Ilo­goak : celui qui donne. Ces Pères, ils leur donnent mieux que du sucre et du thé, comme les Blancs du Fort Nor­man ; ils leur donnent Dieu ; comme ils se sentent gran­dis ! Et voi­ci un nou­veau chré­tien : Koha, bap­ti­sé sous le nom de Joseph.

Mais voi­ci qu’on appelle le P. Rou­vière près du grand har­pon­neur, lequel bles­sé au bras a un énorme abcès affreu­se­ment dou­lou­reux et qui lui donne la fièvre. 

Le Père Rouvière soigne le grand harponneur sur la banquise
Le P. Rou­vière soigne le grand har­pon­neur souf­frant d’un énorme abcès

L’o­pé­ra­tion ter­mi­née Oulouk­sak dit au Père : « Urlak m’a dit que tu étais méchant ; moi je dis que tu es bon ! »

Celui-ci va-t-il prendre aus­si le che­min de Dieu ? »

Si Oulouk­sak avait pour ami le brave Koha ! Mais il est, vous le savez, sous l’emprise du sor­cier. Celui-ci décide que, pro­fi­tant de la lune, tout le monde se met­tra dès demain en route pour le Fort Nor­man. En fait, ce départ pré­ci­pi­té est un guet-apens ; Koha le devine : Les enne­mis s’ar­ran­ge­ront pour pla­cer le traî­neau des Pères devant le leur et au moment où les Blancs y pen­se­ront le moins, on leur enfon­ce­ra un poi­gnard dans le dos : « Pères, pre­nez, les devants, sup­plie Koha, fuyez, fuyez. »

En une heure, le char­ge­ment est fait, et sans prendre le temps de dor­mir, les mis­sion­naires partent comme ils sont venus, tous deux seuls dans l’im­men­si­té. Ils couvrent plus de cin­quante kilo­mètres d’une marche rapide. Tour à tour, l’un d’eux, de larges raquettes fixées aux pieds, bat la neige devant le traî­neau, l’autre excite des chiens du fouet et de la voix : « En avant Tat­to­ri­ga ! Plus vite Ikoul­lou ! Du jar­ret, Papi­ki­to­lak, cou­rage Mamargnitak ! » 

« Vent debout », comme dirait le Bre­ton, c’est dur de cou­rir, les chiens n’en peuvent plus. La lune brille sur l’im­men­si­té ; au fond de la baie scin­tillent les ice­bergs : glaces et neiges, bénis­sez le Sei­gneur ! Gens et bêtes stoppent pour se reposer.

Un iglou est pres­te­ment bâti. Les Pères y dînent en devi­sant de leurs grands dési­rs mis­sion­naires et « du pays ». Le jeune P. Le Roux rit de son cos­tume actuel, lui qui, toute son enfance, a por­té le si joli cos­tume bre­ton. Tous le por­taient au petit sémi­naire de Pont-Croix. 

Prières faites, ils vont s’en­dor­mir quand ils entendent au loin du bruit. Leur départ aurait-il été repé­ré ? Seraient-ils pour­sui­vis ? — Jus­te­ment ! En quit­tant le cam­pe­ment, ils ont croi­sé à dis­tance, le grand har­pon­neur qui ren­trait char­gé de pois­son. Ils ne l’ont pas vu, mais lui les a vus : Un traî­neau, deux hommes, quatre chiens se remarquent mieux qu’un homme seul. Aus­si­tôt, il a cou­ru à son iglou, a aler­té l’An­ga­kok. Le temps de nour­rir les chiens, d’at­te­ler ceux-ci, et la pour­suite a com­men­cé. Leur traî­neau n’a eu qu’à glis­ser dans les traces, et leurs chiens sont six contre quatre. 

Sor­tis de l’i­glou, les Pères aper­çoivent le traî­neau qui approche et les trois hommes. « Que Dieu nous ait en sa sainte garde ! » dit le P. Rou­vière. « Mon Dieu, s’il faut paraître devant vous, nous sommes prêts », reprend le P. Le Roux. La nuit se fait opaque ; impos­sible de reprendre la route.

Tou­jours bons, les reli­gieux accueillent les arri­vants, leur offrent à man­ger et à boire… Assis sur la ban­quette cir­cu­laire les cinq hommes res­tent de longues heures, refu­sant le som­meil. Les trois ban­dits guettent le som­meil des Pères pour les assas­si­ner ; les Pères qui s’en méfient se tiennent sur leurs gardes et le P. Rou­vière serre contre lui sa cara­bine. En cas d’at­taque, devra-t-il s’en ser­vir ? Ce serait légi­time défense ; oui, mais il est le mis­sion­naire du Christ. Jésus ne s’est pas défen­du contre la troupe qui l’at­ta­quait, et il a repris Pierre d’a­voir tiré l’é­pée. S’il était en ser­vice com­man­dé, char­gé de défendre la Patrie, ce serait dif­fé­rent… Et la nuit s’é­coule interminable… 

Sou­dain paraît un rayon de lune… le voyage peut se conti­nuer. Les Pères endossent de nou­veau leurs four­rures, attellent leurs chiens : « Nous par­tons avec vous, disent les autres. 

— Eh bien, répond le P. Rou­vière, pas­sez devant. » 

Ils s’exé­cutent mais bien­tôt leur traî­neau s’ar­rête. Urlak se pré­ci­pite vers le chien de tête, le prend dans ses bras. « Ani­mal bles­sé ? demande le reli­gieux Oblat. 

— Oui, il s’est cas­sé la patte, (men­songe !) mais ne vous attar­dez pas, filez devant ! » (Le tour est joué !) 

Les Pères, cepen­dant, gardent espoir. Ils sont main­te­nant en pays connu. Qu’ils arrivent à joindre tel abri en solides ron­dins, ils s’y bar­ri­ca­de­ront et pour­ront, demain, y célé­brer la messe de la Toussaint. 

La pour­suite devient achar­née… les Esqui­maux gagnent du ter­rain et les rattrapent.

Une des­cente ! Cram­pon­né à une longue cour­roie, le P. Le Roux freine de toutes ses forces sans se retour­ner. Une dou­leur ! Un cri, et le mis­sion­naire s’ef­fondre sur la glace. Frap­pé dans le dos puis au cœur, il expire. À ce cri, le P. Rou­vière accourt. De son cou­teau, Oulouk­sak rompt la cour­roie de la cara­bine, appuie sur la gâchette, achève l’O­blat en lui tran­chant la tête d’un coup de hache. 

Alors les trois hommes se sai­sissent des four­rures de leurs vic­times et de leurs sou­tanes blanches macu­lées de sang, ils déva­lisent le traî­neau des Pères et triom­phants, retournent au cam­pe­ment où ils se livrent à une pan­to­mime sacrilège. 

Martyre des pères Missionnaires dans le Grand Nord esquimau
Un cri et le mis­sion­naire s’ef­fondre sur la glace

Koha et les amis fidèles retrouvent les corps auprès des­quels les chiens ont mon­té la garde. Quant aux âmes, elles sont allées tout droit là-haut gran­dir le nombre des saints mar­tyrs : n’ont-ils pas été tués sur­tout parce qu’ « ils venaient par­ler de Jésus aux Esqui­maux » ? Les prêtres de Jésus ont vou­lu faire échec au prêtre du diable et le prêtre du diable s’est ven­gé ! il a tué les corps ; il n’a pas tué les âmes : Marie a reçu avec joie ses Oblats et elle les a pré­sen­tés au Christ avec leurs deux pre­mières conquêtes : la chère vieille Namat­ka, main­te­nant rajeu­nie, et le joyeux petit Nuno. L’Im­ma­cu­lée ne peut qu’ai­mer avec pré­di­lec­tion ses enfants du pays des neiges… et d’autres prêtres, d’autres mis­sion­naires conti­nuent à les lui don­ner. Aidons-les de notre prière : « Jésus, par votre cœur aimant, je vous sup­plie d’embraser du zèle de votre gloire, tous les prêtres du monde, tous les mis­sion­naires, tous ceux qui sont char­gés d’an­non­cer votre divine parole, afin qu’en­flam­més de votre amour, incen­diés d’un saint zèle, ils arrachent les âmes au démon pour les conduire toutes (par le Cœur Imma­cu­lé de Marie) à votre divin Cœur, où elles puissent vous glo­ri­fier sans cesse [1].

Agnès GOLDIE.
d’a­près l’É­pou­vante du Grand Nord,
de Croy­dis — Edi­tion Spes


Per­mis d’imprimer : 

Ver­dun. le 2 février 1953.

Max. HUARD, Vic. gén.


  1. [1] Notre-Sei­gneur à Jose­fa Memen­dez.

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