Saint Benoît, né en l’an 480 à Nursia (ville de la Sabine au nord de l’Italie, aux pieds des Apennins), mort au Mont Cassin (sud de Rome) le 21 mars 543, fondateur de l’Ordre des Bénédictins.
Saint Benoît naquit à Nursia, d’une noble famille austère et guerrière. Quand il naquit, l’Empire Romain était en pleine décadence, la société dissolue, un monde s’écroulait ; partout régnaient la corruption, le désespoir et la mort. L’Église elle-même était ébranlée ; les schismes la divisaient, l’Institut monastique, après la magnifique floraison de saints qu’il avait donnée au monde était en pleine dégradation, l’hérésie d’Arius triomphait, se servant des barbares pour persécuter l’Église. Et voici que l’illustre race des Aniciens donne un rejeton qui va reconquérir l’Occident au Christ par ses légions pacifiques, n’ayant d’autres armes que la prière et l’exemple.
On donna à l’enfant, à son baptême, le nom de Benoît : Benedictus le « biendit » ou « béni ». Alors qu’il était encore très jeune, Dieu se révéla à lui comme l’Unique Réalité dans un monde où tout se disloquait. À quatorze ans, il s’arracha ainsi à sa famille et s’enfuit. À chaque grand tournant de l’Histoire, lorsque le désordre est devenu intolérable, une soif d’absolu saisit d’innombrables âmes et les pousse au désert.
Le renoncement le plus sensible pour lui fut d’abandonner sa vieille nourrice, dont l’affection l’avait entouré dès son berceau. Mais elle le suivra aussi loin que cela lui sera possible. Et voici le jeune homme fuyant pour chercher dans le massif des Apennins un refuge loin de la corruption. Et il le trouvera enfin. L’Anio avait creusé là une gorge profonde séparant la Sabine du pays autrefois habité par les Eques et les Merniques. Le lieu était constitué d’un bassin où la rivière s’élargissait entre d’énormes parois de rochers, et, de cascade en cascade, tombait dans un lieu appelé Subiaco (du latin sublaquem) formant un lac où se trouvaient encore les ruines d’une villa que Néron, séduit par la beauté du site, y avait fait construire. En chemin, Benoît avait d’ailleurs rencontré un solitaire, nommé Romain, à qui il avait confié ses aspirations ; le moine lui avait donné un cilice et un habit en peaux de bêtes et promit de lui donner le pain quotidien nécessaire à sa subsistance.
Benoît établit sa demeure dans une de ces sombres et étroites cavernes. Il y demeura trois ans, se livrant à la contemplation et luttant contre les tentations qui venaient l’assaillir dans sa retraite. Des souvenirs profanes le harcelaient encore et pour se vaincre, il n’hésitera pas à se rouler dans les ronces et les épines. Depuis, il fut à jamais vainqueur de ses sens ; maître de ses passions, il était désormais capable d’établir une école où l’on apprendrait à servir le Seigneur.
En effet, peu à peu, des hommes viendront à lui ; sa parole touche les cœurs et bientôt des disciples, parmi lesquels se côtoient Goths et Romains, laïcs et clercs, avides de perfection, affluent. Il établit alors douze monastères, peuplés chacun de douze moines. Et voici l’Ordre Bénédictin fondé, avec les inévitables épreuves du début.
Benoît donnera à ses moines une règle de vie qui sera la première écrite en Occident et pour l’Occident. Jusque-là, les moines vivaient sous l’inspiration de règles importées de l’Orient (celle de saint Basile par exemple) et des traditions des Pères du Désert, recueillies par Cassien. L’expérience acquise de saint Benoît dans la direction des moines lui dictera une règle plus souple, plus sage, plus conforme aux possibilités de la nature humaine, témoin, le souci qu’il exprime dans le Prologue de sa règle : « J’espère que rien n’y sera trop rigoureux ni trop lourd ». Toutefois, rien n’est laissé aux caprices de la nature ; sa faiblesse trouvera sa force dans la grâce de Dieu.
Mais ce ne sera pas à Subiaco que le monastère définitif sera fondé. Trahi par de faux frères, en butte à des vexations extérieures, Benoît, entouré de ses disciples les plus fidèles, descendra au sud de Rome, au Mont Cassin, où sera construite « L’Arche Sainte ». Il avait vécu trente-cinq ans à Subiaco et ce ne fut pas sans un serrement de cœur qu’il dut quitter ces lieux où tant de grâces lui avaient été données. C’était maintenant sur un mont abrupt, dominant les plaines environnantes et sur une cime prédestinée que sera fondé le berceau de l’Ordre Bénédictin.
Saint Benoît, a‑t-on dit avec raison, a apporté au Christ toutes les vertus de l’Antique Rome. Il a en lui la gravité du législateur et ce génie d’organisation qui firent des Romains des constructeurs d’Empire ; mais le cœur du patriarche des moines se révèle à nous dans de multiples épisodes de sa vie compatissante aux plus humbles peines des hommes.
En voici quelques exemples : un pauvre Goth peu doué, se présenta à saint Benoît pour entrer dans l’Ordre monastique. L’homme de Dieu l’accueillit avec bonté et le reçut comme frère. Pour accomplir le travail de défrichement qu’on lui avait donné à faire, on lui remit un instrument, le falcastrum, ressemblant à une faux afin de préparer un endroit envahi de ronces pour y faire un jardin potager. Or, l’emplacement était à côté du lac de Subiaco et le brave frère mit tout son zèle dans sa tâche. Mais… Malheur ! Sa force était telle que le fer de l’instrument se détacha du manche et fut projeté dans l’eau qui, à cet endroit, était si profonde qu’on ne pouvait espérer récupérer l’outil perdu. Le pauvre Goth, bouleversé, court chez le moine Maur (un des disciples les plus aimés de saint Benoît). Il lui raconte son malheur en pleurant ; Maur va en rendre compte à son abbé, Benoît. Ce dernier, connaissant la bonne volonté du frère, vient au bord du lac. « Donne-moi le manche de l’outil » dit-il au Goth tout tremblant. Il le plonge alors dans l’eau, et, miracle ! Voici que le fer remonte vers le manche et s’y adapte de lui-même. Saint Benoît tend l’instrument au frère en lui disant : « Travaille maintenant et cesse d’être triste ».
Une autre fois (toujours à Subiaco) on envoie le petit Placide qui avait été confié à saint Benoît par son père, seigneur du territoire de Subiaco, afin qu’il puise de l’eau dans le lac. Mais voici que le poids de la cruche entraîne l’enfant et il tombe dans l’eau… il était perdu. Benoît voyant le drame appelle Maur afin de sauver Placide, qu’il aimait tendrement. Maur ne raisonne pas sur l’impossibilité du sauvetage et il court au secours du petit et se met à marcher… sur les eaux ! Quand il revint sur la terre ferme, l’enfant dans ses bras, Benoît est là, plein de joie, pour les recevoir. Une discussion amicale s’élève alors entre l’abbé et son moine : « C’est à votre prière d’intervention, Père, que le miracle s’est accompli ». « Non, mon fils, c’est parce que vous avez obéi à ce qui semblait impossible à la nature que Dieu est intervenu ». Mais alors s’élève la voix du petit Placide : « Moi, quand j’ai été tiré de l’eau, j’ai bien aperçu au-dessus de ma tête la mélote[1] de mon Abbé et je vis bien que c’était lui qui me sauvait ».
Enfin, émouvant entre tous, est le récit si sobre et pourtant si plein d’émotions, de la dernière entrevue entre saint Benoît et sa sœur bien-aimée Scholastique. Celle-ci avait suivi son frère dans la voie de la perfection et elle avait fondé sous la houlette de son frère un monastère de vierges consacrées près du Mont Cassin. Or, chaque année, Benoît lui rendait visite. La journée se passait dans les louanges de Dieu et la prière puis, vers le soir, ils prenaient ensemble leur réfection. Scholastique attendait le retour de cette visite annuelle avec joie car son frère l’instruisait dans « les voies du divin amour ».
Sentant sa fin proche lors donc de la dernière visite, quand l’obscurité vint, Scholastique dit à son frère : « Je vous prie de ne pas me quitter cette nuit, afin que nous puissions parler jusqu’au matin des joies de la vie céleste ». « Que dites-vous là, ma sœur ? Je ne puis aucunement rester hors du monastère ».
Or, raconte saint Grégoire, premier biographe du saint, et dont nous tenons ces détails, le ciel était d’une pureté absolue, sans aucun nuage, Scholastique ne répondit pas à son frère, mais posa sur la table ses mains entrelacées et elle adressa à Dieu une ardente prière. Au moment même où elle releva la tête, un orage d’une violence inouïe éclata, accompagné d’un tel déluge de pluie que Benoît et ses frères qui l’avaient suivi ne purent se hasarder dehors. L’orage ne relâchant pas de sa violence, l’homme de Dieu comprit qu’il ne pouvait retourner à son monastère : plein de tristesse, il se plaignit à sa sœur : « Que le Dieu Tout-puissant vous pardonne, ma Sœur, qu’avez-vous fait là ? »
Elle lui répondit : « Je vous ai prié et vous n’avez pas voulu m’écouter ; alors j’ai prié mon Seigneur et il m’a exaucée… maintenant, sortez si vous le pouvez, laissez-moi, retournez au monastère ». Benoît, ne pouvant quitter l’abri, se rendit alors aux requêtes de sa sœur et ils veillèrent ensemble toute la nuit, se rassasiant des paroles de vie spirituelle qu’ils s’adressaient.
Trois jours plus tard, Scholastique mourait et son frère vit son âme s’envoler au ciel sous la forme d’une blanche colombe. Il fit placer le corps de sa sœur dans le tombeau qu’il s’était préparé « afin, écrit saint Grégoire, que ceux qui n’avaient toujours eu qu’une âme en Dieu n’eussent aussi pour leur corps qu’une même sépulture ». Touchant épisode aussi que celui de l’affection du patriarche des moines pour un oiseau… Lors de son séjour à Subiaco, il avait apprivoisé un corbeau qui, à chaque repas, venait chercher sa nourriture de la main même du saint.
Saint Benoît se révèle à nous dans toute sa majesté, lors d’une vision qu’il raconta à ses disciples… il aimait à prier, dit-il, dans le silence nocturne devant l’immense firmament ; debout à sa fenêtre, tout absorbé dans son oraison, il vit tout d’un coup une lumière emportant en clarté celle du jour. Et, dans ce rayonnement, le monde tout entier paraissait devant ses yeux « comme s’il avait été recueilli en une seule irradiation lumineuse ». Saint Grégoire expliquant cette vision du Bienheureux Benoît écrit : « Le ciel et la terre n’ont donc pas été rétrécis (pour que Benoît les vît) mais l’âme du voyant fut élargie de sorte que surelevée en Dieu elle put contempler sans difficulté tout ce qui était inférieur à Dieu ».
Lorsque la dernière heure viendra pour Benoît, ce sera debout, dans l’oratoire, soutenu par ses frères qu’il rendra son âme à ce Dieu qu’il avait si fidèlement servi.
Et on pourra dire du patriarche des moines comme d’Abraham, le père des croyants, que sa descendance sera plus nombreuse que les sables de la mer. Les moines missionnaires, envoyés dans toute l’Europe ont modelé l’Occident chrétien. « Notre civilisation a été marquée par les Bénédictins des premiers siècles. Ils ont mis l’accent sur la gratuité du service divin, sur l’amour désintéressé, et je crois que c’est cela qui sauvera le monde. »
Patricia Douglas Viscomte.
- [1] Manteau ou cape en peau de brebis que les moines portaient à cette époque.↩
MERCI DE TOUT COEUR POUR CES ÉCRITS QUI ME BÉNIE.
QUE DIEU VOUS BÉNISSE ET VOUS CHÉRISSE,
FRATERNELLEMENT DANS LE SEIGNEUR,
SYLVIE DE ( CHARLEVOIX,QUÉBEC ‚CANADA)
Je suis bien heureux si ces récits vous plaisent.
L’univers québécois est aussi plein de belles histoires.
J’en profite pour saluer tous les lecteurs francophones du monde entier.
Le raconteur
Merci pour cette histoire. C’est vraiment touchant de voir TOUT ce que DIEU fait quand on s’abandonne à LUI.
C’est effectivement l’un des grands messages de la vie des saints, l’abandon à la divine volonté.
La semaine sainte est le moment pour méditer cette belle vérité.
Super. Formidable, tous ces ecrits qui alimente notre être, j’aime suivre ces ecrits, merci à toi ,
Merci de votre enthousiasme.