Le Père Middlelon, au catéchisme, avait parlé avec douceur et insistance de la miséricorde de Dieu. 1l avait tout d’abord dit quelques mots sur la nécessité de la contrition puis il avait posé des questions aux élèves afin de s’assure qu’ils avaient bien compris sa pensée.
« Harry Quip, commença-t-il, répondez-moi. Supposez mon ami, que vous êtes un grand pécheur : depuis que vous avez l’âge de raison, vous avez commis péché mortel sur péché mortel. Toutes vos fautes souillent encore votre âme, toutes vos confessions ont été mauvaises, et vous apprenez subitement que vous allez mourir, ici même, dans cette classe. Faut-il désespérer ?
— Non, Père, répondit Harry. Je demanderais à la Saint Vierge, notre Mère bénie, de m’obtenir la grâce de faire un bon acte de contrition, et je me confesserais, m’abandonnant dans les bras de la miséricorde de Dieu.
— Mais voici, Carmody, continua le professeur, vous n’avez jamais fait une seule bonne action, et d’un autre côté, vous avez sur la conscience tous les péchés que tous les enfants du monde ont commis. Que feriez-vous dans ce cas, si l’on vous disait qu’il faut mourir de suite ?
— Je me confierais dans les mérites infinis du Précieux Sang.
— Joseph, voici un cas plus grave : votre conscience est salie de tous les péchés dont j’ai parlé, et vous êtes seul, sans compagnons, livré à vos faibles forces, au milieu de, l’océan ; aucun prêtre près de vous pour vous absoudre, aucun ami pour prier pour vous. Que faire ?
Joseph répondit avec une élévation suggérée sans le vouloir par les paroles mêmes de son professeur :
— J’essaierais avec la grâce de Dieu de faire un acte de contrition parfaite ; alors, je m’enfoncerais dans les vagues comme dans les bras de Dieu : Dieu est partout !
— Voilà une belle réponse. Mais, Reynolds, supposez que Dieu, en punition de tous vos péchés, vous afflige d’une hideuse maladie. Supposez alors que vos amis s’éloignent de vous avec horreur, que vos relations vous rejettent parmi les bêtes ; supposez que vous êtes mourant de dénuement et de faim, et, au moment de votre mort, vous demandez un prêtre pour entendre votre confession, mais celui-ci, épouvanté par votre état repoussant, s’enfuit au loin, criant que Dieu vous a déjà damné ! Seriez-vous désespéré
— Non, répondit Reynolds, avec la grâce de Dieu, même dans ce cas, je ne désespérerais pas.
— Le cas est encore plus embarrassant, Daly. Pendant que, objet d’horreur, vous êtes mourant, délaissé par ce prêtre indigne, une foule de démons se précipite sur vous, hurlant que votre âme est à eux, et qu’ils viennent l’emporter. Vous livreriez-vous au désespoir ?
L’enfant hésitait :
— Je… je ne pense pas, répondit-il enfin.
— Très bien. Mais le cas peut être pire encore, Playfair… En résistant à cette foule de démons vous appelez à votre aide les anges de Dieu et ses saints, et ils répondent tous, d’une seule voix, qu’il est trop tard. Que faire alors ?
— Je ne les croirais pas, Père ! dit Tom : la parole de Dieu est plus pour moi que la parole des anges et des saints.
— Mais supposez, Summers, que la Sainte Vierge elle-même vous assure qu’il est trop tard.
— Alors, Père, j’abandonnerais tout.
— Vous désespéreriez ? pourquoi ?
— Parce que Marie est une trop bonne mère pour nous tromper.
— Pas mal ! mais ne pourrait-on donner une réponse différente ?
1l y eut une longue pause.
— Je ne crois pas que la Sainte Vierge puisse dire telle chose, Père Middleton, dit Tom Playfair. Vous nous avez dit souvent qu’elle est la meilleure sauvegarde des pécheurs : elle serait la dernière des créatures à les abandonner.
— Allons jusqu’aux extrêmes : supposons un instant ce cas impossible, Tom. Seriez-vous désespéré ?
— Non, Père !
— Pourquoi ?
Tom ne répondait pas.
— Pensez-vous que notre bonne Mère nous tromperait ?
Tom gardait toujours le silence.
— Seriez-vous désespéré, Percy Wynn, si Marie elle-même venait nous dire qu’il est trop tard ?
— Non, Père, elle voudrait seulement dire qu’il est trop tard si je néglige de faire un acte de contrition parfaite, car nous savons par la sainte parole de Dieu qu’aussi longtemps que nous vivons, il ne faut pas désespérer, et Il a promis la vie éternelle et sa sainte grâce à tous ceux qui espèrent en Lui, et l’aiment.
— Mes enfants, vos réponses sont belles, car elles sont si vraies. Laissez-moi ajouter deux citations de ce grand écrivain catholique, le Père Faber. « Au jour du jugement, dit-il, j’aime mieux être jugé par Dieu que par ma mère. »
À un autre endroit, il dit en parlant des pécheurs moribonds : « Dieu est infiniment miséricordieux pour chaque âme… Quant à ceux qui seront perdus, je crois fermement que notre Père céleste les avait regardés avec des yeux d’amour, dans l’obscurité de leur vie, et que c’est de leur volonté délibérée qu’ils n’ont pas voulu de Lui. Telle est, mes enfants, l’infinie miséricorde et l’infinie tendresse de Dieu. »
Et le père Middleton avait alors baissé la tête et s’était couvert la figure de ses mains… Et tous les élèves de la classe avaient baissé les yeux. Un silence calme comme la paix du ciel avait régné sur eux tous, pendant que chacun, considérant en soi-même sa propre misère, restait face à face avec la plus miséricordieuse vérité que Dieu ait fait connaître à l’homme.
PercyWynn, par Francis Finn.— Desclée et Cie.
Soyez le premier à commenter