Catégorie : <span>Goldie, Agnès</span>

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 17 minutes

La neige ! La neige !

Tout joyeux, vous cou­rez à la fenêtre ou au jardin. 

Autre chose est de vivre dans les neiges du Grand Nord, comme le mis­sion­naire qui s’en va si loin évan­gé­li­ser l’.

Le P. Le Roux, un Bre­ton aux yeux bleus et le P. Rou­vière, Lozé­rien aux yeux noirs, tous les deux Oblats de Marie, partent à la recherche des Esqui­maux cam­pés sur la .

La ban­quise… Ima­gi­nez-vous cela ? une mer sans bateaux, sans vagues, immo­bi­li­sée sous la neige. Au loin, du côté de la terre, la falaise aux cavernes habi­tées par les ours blancs ; au large, un chaos de blocs de glace qui se détachent avec un bruit de ton­nerre et s’en vont à la dérive… Quelle idée d’al­ler vivre là ! C’est que, sous la neige, il y a la glace, et sous la glace, l’eau, et dans l’eau, le pois­son et le mam­mi­fère dont l’homme se nour­ri­ra puis­qu’il ne peut culti­ver la terre ni récol­ter les fruits d’arbres inexistants.

Venant de la Notre-Dame d’Es­pé­rance, après plu­sieurs jours de voyage, les deux mis­sion­naires aper­çoivent enfin les cou­poles des mai­sons de neige. Il est temps ! Pères et chiens sont à bout de forces et quel froid ! 52 degrés au-des­sous de zéro ! « Tiens, remarque un des Pères, nous avons été signa­lés ; voi­ci qu’ils sortent de leurs iglous. » 

Un Esqui­mau vient en effet à leur ren­contre et les salue à la mode de son peuple, bras levés, non en signe de red­di­tion, mais de bien­ve­nue. Suivent des incli­nai­sons de tête à droite, à gauche, une incli­na­tion jus­qu’au sol,… et cela recom­mence. On ne peut être plus poli ! Les deux Fran­çais imitent de leur mieux. Une vraie pantomime. 

L’homme se retourne alors vers le groupe qui le suit : « Kra-bou­ma ! clame-t-il, ce sont des Blancs ! » Et il court vers eux, mains ten­dues. Hommes, femmes, vieillards, enfants imitent le geste ; c’est à qui ten­dra ses deux mains gar­nies d’é­paisses moufles de four­rure et tous rient de conten­te­ment. Les Blancs, ils les connaissent un peu pour les ren­con­trer à Fort-Nor­man quand ils vont y échan­ger four­rures et ivoires contre thé, sucre et tabac. 

Le P. Rou­vière n’est point un agent de com­merce et il tient à leur dire, tout clair, le but de sa visite : « Nous sommes venus de très loin (de la France, par delà la mis­sion) pour vous par­ler de Dieu qui a créé les pois­sons, les phoques et les hommes. Son fils Jésus, des­cen­du du ciel sur la terre est mort pour ouvrir le ciel à ceux qui l’au­ront aimé ! » 

Les deux missionnaires aperçoivent enfin les igloos des Esquimaux
Les deux mis­sion­naires aper­çoivent enfin les cou­poles des mai­sons de neige…

Peut-être avez-vous enten­du racon­ter l’his­toire de ces Esqui­maux ou de ces Indiens qui, à sem­blables paroles, ne s’é­ton­nèrent pas : le Créa­teur, ils l’a­vaient devi­né, décou­vert, par la beau­té de sa créa­tion et ils l’a­vaient nom­mé le Grand Esprit. Ceux-ci ne com­prennent pas ; ils se regardent sur­pris, puis, ne sachant que répondre, ils éclatent de rire.

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 16 minutes

Dans le pays d’U­na­mio, entre les terres rive­raines de l’O­céan Indien, alors sujettes du Sul­tan de Zan­zi­bar, vivait au siècle der­nier la petite Suéma. 

Il est beau le pays de Sué­ma : immenses plaines cou­vertes d’arbres frui­tiers, tra­ver­sées par de jolis ruis­seaux. Les indi­gènes y récoltent magnoc, ignames, patates, maïs et presque tous les légumes d’Europe. 

Au delà des plaines, d’im­menses forêts rem­plies de tigres, d’hyènes, de pan­thères, de lions, dont les rugis­se­ments, réper­cu­tés par les échos, semblent la nuit des rou­le­ments de ton­nerre. Là, paissent d’in­nom­brables élé­phants dont les défenses four­nissent un bel ivoire, prin­ci­pale res­source et richesse du pays.

Les Afri­cains de cette région vivent en grande par­tie de la .

« Père, puis-je aller chas­ser avec toi ? » a deman­dé sou­vent la petite Suéma. 

— Non. Quand tu seras plus grande ! » 

Aujourd’­hui, le père a répon­du : « viens ! »

La pre­mière opé­ra­tion consiste à creu­ser, dans divers endroits de la forêt, des fosses pro­fondes que l’on recouvre de bran­chages et de hautes herbes. Ce tra­vail ter­mi­né, hommes, femmes et enfants se réunissent pour la bat­tue. Comme Sué­ma se sent en sécu­ri­té entre son père, sa et ses sœurs, mal­gré ses sept ans, elle se montre très brave. 

Arri­vée à la lisière du bois, la troupe des chas­seurs forme la chaîne, puis, au signal don­né, s’en­fonce dans la forêt, res­ser­rant son cercle à mesure qu’elle marche et pous­sant des cris aigus afin d’é­pou­van­ter et de délo­ger le gibier. Quelques hommes char­gés d’arcs et de sagaies pré­cèdent la bande ; d’autres, dis­per­sés, veillent autour des trappes et pour­chassent les ani­maux qui, par ins­tinct ou par adresse évitent les pièges en sau­tant par dessus. 

Ne soup­çon­nant aucun dan­ger, Sué­ma sau­tille joyeu­se­ment entre sa mère et ses sœurs ; elle s’a­muse tant qu’elle se croit à une par­tie de plai­sir. Heu­reux et fier de sa fille, le père marche en avant, tenant une flèche toute prête sur la corde de son arc.

Les chas­seurs se rap­prochent de la ligne des trappes ; ils n’en sont plus sépa­rés que par un bos­quet touf­fu quand sort de ce bos­quet un rugis­se­ment si rauque, si pro­lon­gé, que tous en res­tent pétri­fiés. Le sang se fige dans les veines ; un silence de mort rem­place les cris de la bat­tue, mais lais­sons Sué­ma nous racon­ter elle-même la suite : « Tan­dis que les échos répé­taient ce rugis­se­ment du , j’a­per­çus ce ter­rible ani­mal qui, les yeux flam­boyants, la cri­nière héris­sée, bat­tait la terre de sa longue queue. Il approche… sa marche un peu oblique le conduit direc­te­ment vers nous… Il passe à côté de mon père puis s’ar­rête, prêt à bon­dir sur mes sœurs et sur moi. À ce moment même, il rugit d’une façon ter­rible. Mon père com­prend qu’il n’y a pas un moment à perdre ; il s’é­lance et attaque l’a­ni­mal ; ses flèches et ses sagaies tou­jours si sûres, manquent cette fois leur but. Alors, le cou­teau de chasse à la main, il se jette sur le lion et, avec ses bras cris­pés, sai­sit la cri­nière de l’animal. 

« La frayeur m’a tel­le­ment gla­cée que je ne vois plus ce qui se passe ; c’est à peine si j’a­per­çois, dans un tour­billon de sang, une masse rouge qui roule à terre et dis­pa­raît dans la forêt. » Le lion, furieux, bles­sé, a empor­té le père de la petite Suéma. 

La bat­tue cesse ; la forêt devient soli­taire ; seuls les san­glots de la veuve et de ses filles inter­rompent le silence. La nuit les trouve au même endroit et les rugis­se­ments de l’hyène rap­pellent à la pauvre mère son der­nier-né, res­té à la maison. 

Ce soir-là, pour la pre­mière fois, la case fut sans feu, triste et silen­cieuse. « Oh ! ajou­tait Sué­ma, comme on souffre quand on ne connaît pas Dieu et qu’on ne sait pas le prier ! » 

Les parents de Sué­ma n’a­vaient pas reçu comme nous les lumières de la foi ; mais fidèles à la loi natu­relle, ins­crite par Dieu en tout homme, ils fai­saient sim­ple­ment leur devoir. Comme la jeune Afri­caine par­lait avec bon­heur des jours de son enfance ! des bon­tés de son père, des soins dont l’en­tou­rait sa mère, de l’af­fec­tion mutuelle qui les unis­sait tous : « J’en­ten­dais dire aux enfants des voi­sins : « Voi­là l’heu­reuse Sué­ma qui mange tous les jours de la viande et du sel ! » J’é­tais fière de ces paroles parce qu’elles fai­saient l’é­loge de mon père. »

« On disait aus­si quel­que­fois, en me voyant pas­ser : « Voi­là Sué­ma la propre, aux che­veux bien tres­sés. J’é­tais contente de ces paroles qui étaient l’é­loge de ma mère. » Mais reve­nons aux tristes jours qui sui­virent la mort du chef de famille. 

Quelques hommes armés d'arcs et de sagaies
Quelques hommes armés d’arcs et de sagaies

Main­te­nant Sué­ma a autre chose à faire que de rire et de chan­ter en gar­dant les bre­bis avec les enfants de son âge ; elle cultive la terre avec ses aînées. Hélas, sur les récoltes s’a­bat un nuage de sau­te­relles ; ces insectes dévorent les plantes jus­qu’à la racine et les arbres jus­qu’à l’é­corce. Ceux qui ont des réserves de sel ramassent des sau­te­relles et les mettent au saloir. Chez Sué­ma, impos­sible ! Le père est mort sans avoir dit où il pre­nait les plantes dont il extra­yait ce sel si pré­cieux parce que si rare en ce pays. Ces plantes existent-elles encore ? Les sau­te­relles ont tout dévoré ! 

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

(D’après le R. P. Bessières, S. J.)

Sienne-.

Un joyeux son de cloche : Ding-Dong !… C’est le bap­tême d’An­na-Maria Gian­net­ti, née le 29 mai 1769.

Ajaccio-Corse.

Ding-Dong !… C’est le bap­tême de Bona­parte, né comme Anna de parents Tos­cans, le 15 août 1769. 

Qui se dou­te­rait que le petit sera Empe­reur et que l’autre, son aînée de deux mois, aura un rôle à jouer près de lui ?

Pie­tro Gian­net­ti, phar­ma­cien à Sienne, est tout content d’être grand-père ; il s’in­té­resse à cette gamine qui, dès qu’elle peut trot­ter, « joue par­mi les oli­viers et les cyprès, les espa­liers de vignes et de roses qui couvrent le haut pla­teau aux rem­parts rouges. » 

Le grand-père meurt. Son fils, qui a fait ses études de phar­ma­cie, le rem­place, et bien­tôt se ruine. Où cacher sa misère ? Louis décide de gagner Rome. Annette, six ans, fera le voyage à pied, empor­tant sa charge de hardes… Ils arrivent au quar­tier popu­laire des Monts. Pen­dant huit ans, ils y ren­con­tre­ront sou­vent le fran­çais Benoît Labre, un jeune qui s’est fait pèle­rin et pauvre volon­taire, pour expier le luxe de son temps. On l’a­per­çoit en prière aux pieds de la Vierge mira­cu­leuse de Notre-Dame des Monts. À trente-cinq ans, il meurt ; la d’An­nette aide à la der­nière toi­lette, tan­dis que les enfants crient à tra­vers les rues : « E morio il san­to : Le saint est mort ! »

En arri­vant à Rome, les Gian­net­ti ont dû cher­cher du tra­vail. Lui­gi a fini par accep­ter de faire des ménages. La petite va à l’é­cole des Sœurs de la Via Gra­zio­sa ; une épi­dé­mie fait licen­cier les classes, et après deux ans seule­ment d’é­tude, la fillette entre en appren­tis­sage chez deux bonnes demoi­selles. Elle dévide la soie, apprend à tailler et à coudre, ce qui, un jour, lui sera bien utile dans sa nom­breuse famille. Le soir, de retour au logis de la rue de la Vierge, Annette lave le linge, pré­pare la polen­ta. Tout n’est pas rose à la mai­son ! Le père, qui regrette Sienne et sa phar­ma­cie, s’ai­grit tous les jours un peu plus et décharge sa mau­vaise humeur sur sa fille. Il va jus­qu’à la maltraiter. 

Maria San­ta, la maman, est au contraire fière de son Annette qu’elle appelle un peu trop sou­vent : « ma toute belle ». 

Belle, elle l’é­tait en effet, l’é­co­lière au fichu rouge, et elle l’est encore plus de qua­torze à seize ans. 

Et Napo­léon, lui, que devient-il ? — Il est à l’é­cole mili­taire de Brienne. Il n’a pas quinze ans que, d’un ton sans réplique, il réclame de l’argent à son père : « Mon­sieur, … je suis las d’af­fi­cher l’in­di­gence… Et quoi, mon­sieur, votre fils sera conti­nuel­le­ment le plas­tron de quelques nobles pal­to­quets…? Non mon père ; non ! Si la for­tune se refuse abso­lu­ment à l’a­mé­lio­ra­tion de mon sort, arra­chez-moi de Brienne ; don­nez-moi, s’il le faut, un état méca­nique. »

C’est la mère qui répond. Elle a de trop grandes ambi­tions pour son fils pour en faire un simple méca­no !
Ajac­cio — 2 juin 1784 — « Si je reçois jamais une pareille épître de vous, je ne m’oc­cupe plus de Napo­léon ! Où avez-vous appris, jeune homme, qu’un fils s’a­dres­sât à son père comme vous l’a­vez fait ?… Vous deviez être convain­cu qu’une impos­si­bi­li­té abso­lue de venir à votre secours était la seule cause de notre silence. » 

Les deux familles ne sont pas riches, mais Annette, mieux que Napo­léon, accepte sa pau­vre­té ; elle ne serait tout de même pas fâchée de se mettre « à gagner ». Son père est main­te­nant en ser­vice au palais Mut­ti. La Seno­ra Ser­ra, sa patronne, cherche une jeune femme de chambre. Annette, qui a seize ans, quitte l’ou­vroir et va avec sa mère s’ins­tal­ler dans deux pièces du palais. 

Hâtée d’a­voir une jolie sou­brette, Maria Ser­ra, qui n’a elle-même que trente ans, ne tarit pas d’é­loges sur sa petite ser­vante. Les parents, comme Per­rette, écha­faudent mille châ­teaux en Espagne. Leur Annette, comme une Cen­drillon, a pas­sé de la ruelle obs­cure aux gale­ries pleines de musique et de lumière. Ne lais­se­ra-t-elle pas sa pan­toufle à quelque prince char­mant ? à quelque riche gar­çon qui ren­dra son lustre à la famille ? — Mais non ! Annette a les goûts simples. Une seule chose la pré­oc­cupe : fon­der un foyer chré­tien. Jus­te­ment, elle a sou­vent l’oc­ca­sion de ren­con­trer un employé du palais Chi­gi, Domé­ni­co Tal­gi, un peu fruste, disons même assez rustre, gros­sier même, dif­fi­cile de carac­tère, mais droit, hon­nête, fon­ciè­re­ment bon. Annette a vingt ans quand le mariage se célèbre le 7 jan­vier 1790. Tous com­mu­nient, puis il y a dîner, chants et danses.

Pie­tro Gian­net­ti est tout content d’être grand-père…

Napo­léon fait aus­si son che­min. Le voi­ci lieu­te­nant d’ar­tille­rie à seize ans, géné­ral à vingt-quatre, com­man­dant en chef de l’ar­mée d’I­ta­lie à vingt-six, pre­mier Consul à trente, Empe­reur à trente-cinq, dis­tri­buant cou­ronnes et prin­ci­pau­tés à neuf de ses frères, beaux frères et parents …

Après son mariage, Anna va vivre au palais Chi­gi, actuel minis­tère des affaires étran­gères… immense palais aux trois cents fenêtres, gar­nies aux étages infé­rieurs d’é­paisses grilles de fer. À l’in­té­rieur, enfi­lades de larges cou­loirs, d’es­ca­liers de marbre, de salons… Tout au fond, sur la ruelle de la Glis­sière, deux pièces d’ha­bi­ta­tion pour le ménage. 

Le dimanche, joie de sor­tir ensemble ! Pour faire plai­sir à son mari, Anna-Maria fait toi­lette : robe de soie rouge, que lui a offerte son Domé­ni­co, pen­dants d’o­reilles et col­liers de perles qui s’a­joutent au col­lier corail et or, don­né par Maria Ser­ra. Est-ce trop pour une Ita­lienne jolie, joyeuse, por­tée à rire, à chan­ter, à se dis­traire ? Ce qui ne l’empêche pas d’être très fidèle à sa messe du dimanche et sou­vent à la messe en semaine ; très fidèle au cha­pe­let qu’à genoux elle dit chaque soir avec Doménico. 

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 12 minutesCette his­toire com­mence qua­rante-sept ans après l’ar­ri­vée de au . L’a­pôtre des Indes n’y a pas­sé que deux ans et cela lui a suf­fi pour fon­der une Église flo­ris­sante. Vers 1595, on y compte 300.000 chré­tiens ; ce n’est pas pour plaire à l’Em­pe­reur, très fana­tique de ses idoles. Ordre est don­né aux mis­sion­naires de quit­ter le pays.

Voyez ce que dit l’É­van­gile du ber­ger qui s’en­fuit devant le loup, et du Bon Pas­teur qui donne sa vie pour ses bre­bis. Bref ! Tous les mis­sion­naires res­tent à leur poste. Qu’ar­rive-t-il ? — Neuf d’entre eux sont arrê­tés ; des Fran­cis­cains, des Jésuites, dont un prêtre japonais.

Quinze chré­tiens sont arrê­tés aus­si. Par­mi eux, trois enfants de chœur : Louis, 11 ans, Antoine, 14, Tho­mas, 15. Les pri­son­niers sont ame­nés sur la grande place de Miya­do ; d’un coup de cou­teau, on leur coupe le bout de l’o­reille ; le sang coule sur leurs joues, sur leur cou et sur leurs vête­ments : les voi­ci mar­qués comme vous avez pu voir les ani­maux des­ti­nés à l’abattoir.

La foule s’a­pi­toie devant les trois enfants, et aus­si les bour­reaux : « Voyons Vous n’al­lez pas vous faire tuer ! Renon­cez à votre Dieu Nous vous relâ­che­rons aussitôt »

Les trois gar­çons, pour toute réponse, chantent à tue-tête le Notre Père.

Bra­vo !

Main­te­nant, voi­là tous les déte­nus sur des cha­riots. On les pro­mène à tra­vers la ville, puis dans toutes les cités du sud, comme pour dire aux chré­tiens : « Voyez ce qui vous attend ! »

Les enfants chantent toujours !

« Toi du moins, dit le bour­reau à Louis, le plus jeune, va-t-en ! Tu es trop petit ! Nous ne vou­lons pas de toi ; » mais Louis reste.

Bien sûr, il pour­rait par­tir sans renier son Dieu, puisque, cette fois, la liber­té lui est offerte sans condi­tion, mais il se doute que les païens diront ensuite bien haut qu’il a renié sa foi. Et puis, quel scan­dale pour les chré­tiens qui pour­raient s’y trom­per ! Lui, un rené­gat ?… Trois fois non !!! Il pré­fère res­ter avec ses camarades.

Main­te­nant, c’est au trio que l’on pro­pose la liber­té. La nuit, leurs liens sont des­ser­rés ; la porte de leur pri­son reste ouverte, Dehors, c’est la vie sauve, le pain… et les trois gar­çons ne bougent pas. Ils mour­ront plu­tôt que de lais­ser croire aux païens et aux chré­tiens qu’ils ont tra­hi le Christ ! Quels cœurs vaillants n’est-ce pas !

La pro­me­nade à tra­vers le sud conti­nue. Il fait froid, il pleut… rien à man­ger… Défense aux chré­tiens mas­sés sur le par­cours, d’of­frir aux condam­nés quoi que ce soit. Imi­tant Véro­nique au che­min de la croix, quelques intré­pides brisent le cor­don des sol­dats et donnent aux mal­heu­reux des vête­ments, des vivres. Deux sont pris. Désor­mais, ils seront vingt-six au lieu de vingt-quatre, sur les charrettes.

Coloriage petits martyrs japonais embrassant la croix
Il court d’un trait vers elle, tombe à genoux et l’embrasse
Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 18 minutesUn vieil ermite priait dans sa cabane, quand entra un petit gar­çon. Gêné d’a­voir déran­gé le vieillard dans sa prière, l’en­fant lui ten­dit une cor­beille de fruits et par­tit en cou­rant, non sans lui avoir trans­mis les salu­ta­tions de sa .

« Hé, petit ! pour­quoi pars-tu si vite ? Com­ment t’appelles-tu ?

— Joao (Jean en français).

— Et com­ment s’ap­pelle ta maman ?

— Thé­ré­sa.

— Où habitez-vous ?

— Dans la rue Verte, vous savez, la bou­tique de fruits… c’est à nous.

— Ah ! Oui, fit l’er­mite, subi­te­ment pen­sif… » Il demeu­ra silen­cieux quelques ins­tants et reprit : « Tu as huit ans main­te­nant, n’est-ce pas ?… Quand tu es né, le 1495, toutes les cloches de l’é­glise Notre-Dame se sont mises à son­ner. Au même moment, une lumière s’est mon­trée au-des­sus de votre mai­son, à la rue Verte… Oui, petit, fais bien tout ce que le bon Dieu deman­de­ra de toi, car Il te réserve de grandes choses.

— Maman le dit aus­si, M. l’Er­mite ; elle vous demande de prier pour nous. À bien­tôt, Père ! Je vous appor­te­rai encore des fruits un autre jour !

— À bien­tôt petit ! Et n’ou­blie jamais ce que je t’ai dit ! »

Joao des­cend gaî­ment de l’er­mi­tage. Un moment il s’ar­rête sur le pont de bois qui enjambe la rivière Can­ha et s’in­té­resse aux navires en papier que quelques gamins lancent sur l’eau : Chan­ceux petits bateaux qui vont jus­qu’au grand Tage et peut-être ensuite jus­qu’aux Indes ! « Moi aus­si, j’i­rai aux Indes sur un bateau plus grand et j’en revien­drai avec un grand baril plein d’or comme Manel le rémouleur. »

Joao arrive chez lui juste à temps pour aider son père à déchar­ger son mulet des lourds paniers d’o­lives qu’il trans­por­tait. Ce fai­sant, il raconte son entre­vue avec l’er­mite et ses pro­jets d’avenir :

« J’i­rai loin, loin… L’oncle Alfon­so m’a dit un jour que toi aus­si, tu vou­lais par­tir loin, loin, avec Vas­co de Gama.

— Ça se peut, Joao, mais en atten­dant je suis tou­jours là à trans­por­ter fruits et olives.

Vamos que a sopa ma mesa ! (la soupe est ser­vie !) cria la mère. Allons, vite ! »

Le repas fut inter­rom­pu par l’en­trée d’un grand jeune homme vêtu de noir, qui deman­dait l’hos­pi­ta­li­té. Une nou­velle assiette fut mise sur la table et l’é­tran­ger s’empressa de faire hon­neur à la soupe au lard et au bon vin rouge de Montemor-o-Novo.

Histoire pour les enfants scouts de saint Jean de Dieu
Il s’ar­rête sur le pont de bois

Ce soir-là, Joao se cou­cha tard. Lon­gue­ment l’é­tran­ger avait par­lé du long voyage qu’il avait fait ; du par­cours plus long encore qu’il lui res­tait à faire pour gagner Sala­manque en Espagne. Il avait décrit les belles églises du pays, les hôpi­taux. Quel mirage pour le petit rêveur de Por­tu­gais. Une cin­quan­taine d’an­nées plus tard, la petite Thé­rèse d’A­vi­la par­ti­ra avec son frère Rodrigue pour le pays des Maures, dans l’es­poir d’y subir le mar­tyre ; le petit Jean Ciu­dad décide de suivre l’é­tran­ger pour voir les églises de Madrid. Ensuite, il revien­dra à la mai­son ! Plus ten­dre­ment que de cou­tume, il embrasse sa mère avant de se cou­cher, et de grand matin il rejoint l’in­con­nu sur la route.

Rude voyage ! L’homme et l’en­fant couchent sur la dure, mangent rare­ment à leur faim. À chaque étape, ils tâchent de gagner quelques cen­ta­vos. Ain­si font les rou­tiers, chan­tant leurs bal­lades en s’ac­com­pa­gnant sur la guitare.

Ils marchent long­temps, long­temps… Ils passent la fron­tière espa­gnole et arrivent à la petite ville d’O­ro­pe­sa. Joao ne peut aller plus loin. Ses soixante lieues de marche (249 kilo­mètres) l’ont épui­sé. Il est si las, si las, qu’il en a oublié jus­qu’au nom de sa petite ville. Un chef de ber­gers le recueille, tan­dis que l’é­tran­ger pour­suit sa route…