Les Quarante Martyrs
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Il fallait un fameux courage et une grande grâce de Dieu pour attendre de pied ferme l’ours qui doit vous étouffer, la lionne prête à vous dévorer. Il fallut non moins de courage pour subir le martyre si différent, qui consistait à rester couché sur la glace jusqu’à la mort.
Tandis que Constantin le païen converti par la croix et devenu empereur — travaillait en Occident au triomphe de l’Église, Lucinus, qu’il s’était associé, la persécutait en Orient.
Ce prince ordonne que toutes les légions fassent aux dieux des sacrifices publics, cela, sous peine de mort.
À Sébaste, en Arménie, quarante officiers et soldats refusent d’obéir. « Nous sommes chrétiens »
— On verra si vous le serez encore quand vous claquerez des dents ! Qu’on les couche sur l’étang glacé, aux portes de la ville !
Pour les tenter, un bain chaud est entretenu sur la berge. La seule vapeur qui s’en dégage, donne envie de courir s’y jeter…
La prière soutient leur courage. L’un d’eux aurait-il cessé de prier ?… Voici que son courage faiblit… lentement il se traîne sur la glace. Les païens qui entretiennent l’eau chaude l’aident à se hisser dans la baignoire. La différence de température le saisit et il expire presque aussitôt.
Tandis que ceci se passe, une des sentinelles a vu le ciel se peupler d’anges qui tiennent des couronnes au-dessus des trente-neuf soldats restés fidèles. L’ange du transfuge n’a plus personne à couronner. Alors, ne faisant ni une ni deux, le soldat laisse tomber sa chaude cape et, grelottant, mais brave, va se coucher à la place vide : « Je crois en Dieu. Je suis chrétien ! » dit-il.
Au petit jour, les quarante corps sont entassés sur un charriot et jetés au feu… Et, grâce à la sentinelle, c’est bien au nombre de quarante qu’ils furent couronnés dans la gloire…
Saint Sébastien
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Sébastien naquit à Narbonne, d’une famille chrétienne originaire de Milan. Parvenu à l’âge de choisir une carrière, il s’engagea dans l’armée de César. L’armée romaine était fort nombreuse et fort réputée et, pour tout sujet de l’Empire, c’était une gloire d’y servir et de porter les aigles romains de l’Orient à l’Occident, du Finistère à la Palestine, sans oublier l’Afrique du Nord.
Sébastien se distingue par son courage, sa discipline et se voit nommé chef de cohorte prétorienne. L’Empereur Dioclétien l’apprécie, et s’en fait accompagner à Rome, ce qui donne au jeune officier l’occasion de secourir ses amis les chrétiens : il les visite, les ravitaille, les affermit.
C’est ainsi qu’il rencontre deux jeunes hommes, deux frères : Marc et Marcellin arrêtés pour leur foi. Issus d’une des premières familles de Rome, venus au christianisme dès leur jeunesse, ils ont encore leur père et leur mère, tous deux païens. Ces pauvres gens ne peuvent se faire à l’idée de perdre leurs fils, de les voir suppliciés et enlevés à leurs femmes et enfants, car tous deux sont mariés. Alors, ce sont de véritables assauts, des pleurs, supplications… des scènes pitoyables, sans cesse renouvelées. Les jeunes femmes, les enfants, loin d’encourager Marc et Marcellin, les affaiblissent par leur présence, tant il leur semble dur de les quitter. Bref, le courage des deux jeunes gens s’émiette et ils sont près d’apostasier, quand Sébastien vient à leur aide. Il les encourage à tout sacrifier pour Jésus-Christ, qui saura bien veiller sur ceux qu’ils laissent. Sa parole est si chaude, son appel au don total si motivé, que tous ceux qui l’entendent : parents, épouses, greffier de la Préfecture, sont retournés. Les parents demandent à s’instruire des vérités de la foi et à recevoir le baptême ; de même, le greffier Nicostrate et le Préfet Cromace, celui-là même qui a condamné les deux frères au dernier supplice, leur donnant un délai de trente jours pour qu’ils aient le temps d’abjurer leur foi.
De l’affaire, Cromace les relâche et ils rentrent chez eux, quittes à être trahis plus tard par un lâche apostat et martyrisés par ordre du préfet Fabien.
Sébastien a donc donné à Dieu toute cette famille, plus les fonctionnaires impériaux Cromace et Nicostrate, plus Tibuce, fils de l’un et Zoé, fille de l’autre. Quel coup de filet !
Dioclétien finit par apprendre l’active propagande chrétienne que fait à Rome un de ses officiers. Comment ose-t-il, alors que, depuis bientôt trois siècles qu’elle existe, la religion chrétienne est à peine tolérée et souvent proscrite par l’Empereur ?
Dioclétien fait appeler Sébastien, le dégrade, le livre à la justice. Le malheureux, ou plutôt le bienheureux martyr est attaché à un poteau et criblé de flèches.
La nuit suivante, Irène, veuve d’un martyr, vient pour l’ensevelir et s’aperçoit qu’il respire encore. Elle le fait transporter chez elle et le soigne si bien qu’il guérit.
Au lieu de se cacher, comme on le lui conseille, Sébastien se met sur le passage de l’Empereur et lui reproche son injustice envers les chrétiens, ses meilleurs sujets. Il paya cette audace. Battu de verges, il mourut sous les coups, le 20 janvier 284. Son corps fut ensuite jeté dans un cloaque dont on le retira en secret pour le porter aux Catacombes. Au siècle suivant, le pape saint Damase érigea au-dessus de son tombeau une église en son honneur. Cette église est une des sept basiliques principales de Rome. On y voit une des flèches dont Sébastien fut percé et la colonne à laquelle il fut attaché.
Saint Sébastien, vous qui avez été un modèle de soldat chrétien par votre foi, votre zèle et votre charité, priez pour nos soldats !
Saint Maurice
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Une grande concentration de troupes se fait en Suisse. Plusieurs corps d’armée viennent d’arriver d’Orient ; bientôt, ce sera la, guerre : Dioclétien a résolu de réprimer l’insurrection des paysans gaulois, dits Bagaudes. Une forte armée, commandée par le futur empereur Maximilien va être lancée contre les dissidents.
Transportons-nous au village d’Octodorum, aujourd’hui Martigny-en-Valais, là où a lieu le rassemblement.
Les troupes arrivent, arrivent toujours. Laissons passer ces hommes harassés, mais merveilleusement disciplinés. Attendons la vingt-deuxième légion et suivons-là.
Sans s’arrêter, elle traverse Octodorum, franchit les gorges d’Agonne, et, dans la plaine, établit son campement.
Pourquoi la vingt-deuxième légion n’est-elle pas restée avec les autres ?
— Parce que les officiers et les soldats qui la composent sont tous chrétiens. Ils savent qu’au camp se prépare une grande solennité païenne pour rendre les dieux favorables à la campagne qui va s’ouvrir.
— Mais comment la vingt-deuxième légion est-elle devenue chrétienne alors que toutes les autres ne le sont pas ?
— La légion, dont Maurice est le chef, a tenu ses quartiers d’hiver à Thèbes, en Haute-Égypte, d’où son nom de Légion Thébaine ; elle a séjourné aussi à Jérusalem, où elle a été gagnée à la foi par l’évêque Hyménée. Le primicier Maurice, l’instructeur Exupère et un troisième officier chrétien exercent une énorme influence sur leurs hommes. Les actes des martyrs, racontent que, passant par Rome en se rendant en Gaule, la Légion Thébaine s’engagea par serment, entre les mains du Souverain Pontife à refuser obéissance à César, s’il voulait faire agir les chrétiens contre leur conscience. C’était le cas.
Cependant, les préparatifs de la fête se poursuivent.
Au milieu du camp, est une tente plus grande que les autres : celle de Maxime. Un homme « formidable » que ce chef d’armée : rien ne lui échappe et, certes, une légion ne disparaît pas comme une aiguille dans un tas de foin. « Où est-elle ?
— À Agonne.
— Qu’elle vienne, comme les autres, sacrifier à nos dieux !
Refus catégorique.
Maurice fait remarquer à Maxime que, le soumettre ainsi que ses hommes, à une cérémonie idolâtrique est une insulte à leur conscience. Blessé de recevoir pareil affront, l’Empereur prononce contre la légion la peine de décimation, la plus rigoureuse des pénalités militaires. Elle consiste à dégrader publiquement, puis à mettre à mort un soldat sur dix, celui-ci désigné par le sort.
Plusieurs corps de troupes, composés uniquement d’idolâtres, sont chargés de l’exécution. Tout se passe sans aucune résistance de la part des chrétiens. À l’appel de son nom, chacun s’élance hors du rang. Dès que le dernier a été appelé, Maurice remet au lieutenant une lettre dans laquelle il dit leur résolution à tous de rester inébranlablement chrétiens :
« César, écrivait-il, nous sommes tes soldats, mais aussi les serviteurs de Dieu. « Tu nous donnes la solde. « Il nous donne la vie. « Le sang de nos camarades a rejailli sur nous et nous ne les vengeons pas, bien que nous ayons des armes. Maintenant, fais comme il te plaira, mais sache que, s’il faut poursuivre et tuer des chrétiens, nous ne le ferons jamais. »
Ordre est alors donné de procéder à une seconde décimation, puis à une troisième. Cette fois, les soldats demandent tous à y être compris. L’un d’eux s’écrie : « C’est le Christ qui commande ! » Et, jetant bas leur casque et leur cuirasse, tous se livrent au martyre. Le massacre dure jusqu’à la nuit. C’est le 22 septembre 286. Le bourg d’Agonne a pris depuis le nom de Saint-Maurice. Au XVIe siècle, un Ordre militaire a été fondé en l’honneur du chef de la Légion Thébaine.
La légion Thébaine avait encore été surnommée la légion heureuse, à cause de ses succès. Au ciel, elle est « la légion heureuse » pour l’Éternité.
Saint Julien de Brioude
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Julien est d’une des meilleures familles de Vienne, en Dauphiné. Il a un grade dans une légion romaine. Il sait combien il est dangereux pour un militaire d’être chrétien. Mais bah ! quand il a amené au vrai Dieu Féréol, tribun de l’armée impériale (son colonel), Ferréol n’a pas tremblé. Julien s’encourage par cette pensée et par celle surtout que, s’il est martyrisé, Dieu le soutiendra de sa force, Il l’a promis. Julien ne « s’en fait donc pas ». Quand, sous Dioclétien, la persécution commence dans la province où le gouverneur Crispin fait exécuter rigoureusement les décrets impériaux, Julien, sans être aucunement un lâche, se croit autorisé à se cacher à Brioude chez une veuve. Dès qu’il sait qu’on le cherche, plutôt que de mettre cette femme en péril, il se livre. « Prenez-moi ! le monde ne vaut pas la peine qu’on y reste longtemps. Réunissez-moi à mon Dieu. »
On le conduit dans la campagne et on lui tranche la tête. Cet officier-apôtre, qui a donné Ferréol à l’Église (Ferréol aussi fut martyr), ce jeune homme qui aimait la vie et la sacrifia sans hésiter pour la foi et pour sauver une veuve, était très cher à Dieu. Dieu le prouva en exauçant les prières qui lui étaient faites. Les soldats Francs l’aimaient, le vénéraient, comme un des patrons de l’armée : n’était-il pas de chez eux ? leur patron à eux ? On éleva en son honneur plusieurs églises, à Brioude, à Brives, à Clermont, à Paris. Si vous entrez un jour à St-Julien-le-Pauvre à Paris, pensez à y faire une bonne prière pour les soldats Français !
Agnès GOLDIE.

Permis d’imprimer :
Verdun, le 6 avril 1952.
Max. HUARD, Vic. gén.
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