Étiquette : <span>Religieuse</span>

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 18 minutes

[1]Petite Jeanne n’y com­prend plus rien : dans le jar­din mys­té­rieux, plein d’ombre et de bos­quets, tout, depuis quelque temps devient encore plus mys­té­rieux… Un vieil homme se pro­mène dans les allées, vêtu de la livrée. Il se fait nom­mer Pierre. S’il est domes­tique, pour­quoi ne va-t-il pas plu­tôt frot­ter les par­quets ?… Et puis, ces pay­sans qui vont et viennent panier au bras… puis dis­pa­raissent, à moins que maman ne les fasse entrer sans bruit à la mai­son… maman ne fait plus toi­lette ; elle ne reçoit plus voi­sins et amis comme autre­fois… si Jeanne la ques­tionne, elle se tait… Tout cela aiguise la curio­si­té de la petite fille. Elle veut savoir et elle sau­ra !… Le pré­texte d’une course au papillon lui per­met­tra de prendre cette allée que suit le ser­vi­teur. Elle lui demande : « Vous avez déjà fini votre tra­vail, Pierre ? Qu’est-ce que maman vous a fait faire ? »

Pierre ne répond pas ; il se penche vers la petite fille et la regarde avec une grande bon­té… Un autre jour, Jeanne s’a­per­çoit que les lèvres de Pierre remuent comme s’il priait tout bas… Puis, c’est le comble !… se réveillant, une nuit, la petite Jeanne voit Pierre habille comme mon­sieur le Cure quand il disait la messe… et il dit la messe, en effet, an fond de la chambre d’en­fants, sur une table gar­nie de nappes… Au fait, puis­qu’elle a sept ans, pour­quoi maman, si chré­tienne, si pieuse, ne l’emmène-t-elle plus à l’é­glise ? L’en­fant s’y perd de plus en plus ; elle est entou­rée de mys­tères et de points d’in­ter­ro­ga­tion, comme son lit de rideaux… mais la lumière des chan­delles a tra­ver­sé ceux-ci, tan­dis que son esprit reste dans l’obs­cu­ri­té la plus com­plète. Ce qui la bou­le­verse, c’est d’être trom­pé par sa mère… Pour­quoi maman ne lui dit-elle pas tout sim­ple­ment la véri­té ? Si Pierre est prêtre, pour­quoi ce dégui­se­ment de serviteur ? 

Jeanne finit par se ren­dor­mir Le len­de­main, après sa leçon, elle va jouer au jar­din avec ses petites sœurs Antoi­nette et Clau­dine — Fran­çoise est encore au berceau —.

Un papillon ! Vite, le filet ! Une fois encore, Jeanne se heurte à Pierre… elle en est toute sai­sie… mais Clau­dine la rap­pelle : « Jeanne, Jeanne ! Antoi­nette a pris ma poupée ! »

  1. [1] D’a­près L’a­pôtre du quar­tier Mouf­fe­tard : Sœur Rosa­lie, par Cécile Lhotte et Eli­sa­beth Dupey­rat.
Auteur : Piacentini, René | Ouvrage : Le panier de cerises .

Temps de lec­ture : 13 minutesTu te sou­viens, ma cou­sine, de cette soi­rée d’é­té où tu nous racon­tas les der­niers moments de ta com­pagne ? Je tâche­rai seule­ment de me rap­pe­ler tes paroles et de ne pas te tra­hir en les rapportant.

Aus­si bien est-ce une his­toire bien simple que je vais vous racon­ter et vous racon­ter sim­ple­ment. À quoi bon faire des phrases pour dire des choses qui furent aus­si claires que le jour, aus­si lim­pides que l’air ? La recherche est bonne pour ceux qui fabriquent les âmes des héros et des héroïnes de romans. Les enfants de lumière vivent dans la pure véri­té de Dieu. Il suf­fit de par­ler comme ils ont vécu.

Elle nous était venue bien malade, notre pauvre sœur Marthe ; bien malade, et, du pre­mier coup d’œil, nous nous étions dit : « elle est per­due ». Mais sait-on jamais avec les êtres jeunes ? Il y a en eux de telles réserves, de telles res­sources, de telles envies de vivre aus­si, qu’ils se rac­crochent à l’exis­tence et conti­nuent d’une façon incroyable d’en por­ter les far­deaux et la joie, comme ces arbres atteints par la foudre qui rever­dissent au prin­temps, mal­gré leurs troncs muti­lée. Elle ne se croyait pas tel­le­ment atteinte. Dans son cou­rage et son désir d’être utile, elle par­lait fré­quem­ment de son tra­vail qu’elle allait reprendre, quand sa « bron­chite » serait guérie.

On nous l’a­vait envoyée pour la soi­gner et la gué­rir et certes tout ce qui dépen­dait de nous pour cela, nous l’a­vons fait en conscience et avec le plus grand plaisir.

Il y a des âmes qui appellent la sym­pa­thie, dès l’a­bord. Elle était de celles-là.

Soeur cuisinière qui se dévoue aux autres

Si on avait vou­lu la défi­nir d’un mot et mettre un titre à sa vie, on n’en aurait pas trou­vé de plus juste que celui-ci : une âme simple. Une âme simple qui n’é­tait pour­tant pas une âme naïve. Elle était plus réflé­chie, la plus sérieuse et, en même temps, la plus rieuse et la plus ave­nante des créa­tures. Grande et forte et joyeuse donc, par nature, elle aimait la vie et tout ce que la vie peut don­ner de bon, sans arrière pen­sée, sans scru­pule, dans toute la sim­pli­ci­té d’un esprit droit et d’un cœur chré­tien. Mais, pré­ci­sé­ment, à cause de son cœur chré­tien, elle avait eu le cou­rage de quit­ter, elle aus­si, ses parents si chers et son beau pays de Ven­dée parce que Dieu lui avait par­lé. Dieu lui avait par­lé et elle avait enten­du, com­pris, aimé cette parole de toutes ses forces, de toute la géné­ro­si­té de son cœur de vingt ans. Sim­ple­ment elle s’é­tait don­née à Dieu, comme l’oi­seau chante dans l’air, comme la lumière ou la nuit nous envi­ronnent, comme on vit.

Oh ! la bonne fille ! La voyant si forte d’âme et de corps si robuste, son temps de pro­ba­tion ache­vé, à Paris, elle fut envoyée en pro­vince par ses supé­rieures, dans une grande mai­son qui exige un très nom­breux per­son­nel. Elle fut mise à la cui­sine. Ne croyez pas que tout le monde puisse y être employé. Il faut, à ce ser­vice, une grande résis­tance phy­sique, un dévoue­ment total, un oubli par­fait de soi-même et ce sont là des dons plus rares qu’on ne croit et que tous ne pos­sèdent point. Soit dit sans offen­ser per­sonne, on trouve plus aisé­ment une Supé­rieure qu’une Sœur de cui­sine, à condi­tion tou­te­fois que la dite Sœur de cui­sine soit une vraie sœur Marthe. Plu­sieurs années elle s’y dépen­sa dans un com­plet oubli d’elle-même. Ni son enfance, ni sa jeu­nesse ne l’a­vaient habi­tuée à se tour­ner les pouces. Elle avait vécu la vie saine et labo­rieuse de la cam­pagne ; si elle n’a­vait pas tenu le man­che­ron de la char­rue, elle avait fané bien sûr et mois­son­né aus­si ; rien des tra­vaux du ménage ne lui était étran­ger, si elle avait du rose sur les joues, elle ne le devait qu’à son sang pur et géné­reux. Aus­si, reli­gieuse, elle n’a­vait pas eu d’ap­pren­tis­sage à faire, pour son tra­vail de cui­sine s’entend.

Elle y avait appor­té son entrain joyeux, et, bien­tôt, son habi­tude de l’ef­fort, son habi­le­té natu­relle aus­si bien que sa doci­li­té à se lais­ser « mon­trer », eurent fait d’elle un cor­don bleu émérite.

Hélas ! un soir, la cui­si­nière émé­rite, la sœur Marthe que l’on croyait, et qui était en réa­li­té si forte, si forte, dut s’a­li­ter, avec une très grosse fièvre. Un chaud et froid que, sans savoir com­ment, elle avait pris, l’ar­rê­tait, et pour long­temps, avec une mau­vaise pleu­ré­sie. Le mal céda enfin, mais le doc­teur, pré­voyant une inter­mi­nable conva­les­cence, avait ordon­né non la haute alti­tude que le cœur fati­gué de la malade n’aurait pu sup­por­ter mais l’air très doux et très pur des col­lines du Lot-et-Garonne. C’est ain­si qu’elle nous était venue à Monclar-d’Agenais.

| Ouvrage : Les amis des Saints .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Sainte Walburge

Au sommet d'une colline se dresse un vieux chateau

Au VIIIe siècle vivait une fille de roi qui s’ap­pe­lait Wal­burge, ce qui signi­fie « Gra­cieuse ». Cette prin­cesse per­dit sa mère de bonne heure, et lorsque le roi déci­da de se joindre à ses deux fils, dans leur péle­ri­nage aux Lieux Saints, Wal­burge qui avait alors onze ans, lui dit : 

— Mon père, que ferai-je à la Cour sans vous et mes deux frères ? Lais­sez-moi vous attendre dans un monastère. 

Et le roi l’ac­com­pa­gna jus­qu’à l’ab­baye béné­dic­tine de Winborn. 

L’an­née sui­vante, ayant appris la mort de son père, la prin­cesse réso­lut de demeu­rer dans sa retraite, et quand elle eut dix-huit ans, elle se consa­cra défi­ni­ti­ve­ment à Dieu. 

Les années pas­sèrent ; les pre­miers che­veux blancs appa­rurent mais le voile cachait ces témoi­gnages du temps. Wal­burge vivait heu­reuse et s’ap­prê­tait à ter­mi­ner ses jours à Win­born lorsque l’é­vêque Saint Boni­face, qui était son oncle et l’a­pôtre de l’Al­le­magne, la fit venir, elle et plu­sieurs de ses com­pagnes, pour fon­der un monas­tère de femmes dans son diocèse. 

C’est ain­si que Wal­burge, fille de roi, devint abbesse de Hein­den­heim. Elle avait près de cin­quante ans. 

Peu après, il se pas­sa un fait extra­or­di­naire… Mais chut !… Écou­tez la cloche du soir au monas­tère de Hein­den­heim… huit… neuf… dix… onze coups ! 

Walburge sort du monastère

Enten­dez-vous comme la cam­pagne reten­tit encore de ce bruit d’ai­rain ? Les reli­gieuses ont l’ha­bi­tude ; elles sont depuis peu endor­mies et le son fami­lier ne les gêne guère. L’ab­besse, age­nouillée dans la cha­pelle, pro­longe, selon sa cou­tume, une prière fervente. 

Auteur : Aurac, Georges d’ | Ouvrage : Le Courrier des Croisés .

Temps de lec­ture : 9 minutesLe jour de sa vêture, elle avait reçu le nom de Sœur Saint-Joseph. Avec les années, elle s’é­tait tel­le­ment rata­ti­née qu’on ne l’ap­pe­lait plus que la « petite Sœur » ! Le nom de son grand Patron s’é­tait éva­noui ! Non pas qu’il fût trop long à pro­non­cer, mais parce que l’ex-pres­sion de « petite Sœur » suf­fi­sait lar­ge­ment à la dési­gner. Et puis saint Joseph a l’ha­bi­tude de s’é­clip­ser, quand il a rem­pli son rôle, et de lais­ser seule­ment dans les âmes l’a­mour de la vie cachée.

Toute menue dans son ample habit aux plis innom­brables, la tête empri­son­née dans un voile blanc qui enca­drait son fin visage, la « petite Sœur » était la pro­vi­dence des mar­mots, dans un vil­lage d’Au­vergne où ses supé­rieures l’a­vaient envoyée.

Religieuse enseignant la lecture aux enfants

Dès l’âge de cinq à six ans, les enfants se diri­geaient à petits pas vers le vieux couvent où la petite Sœur les accueillait d’un sou­rire. Ce sou­rire était leur coque­luche ! Les tout-petits le regar­daient béa­te­ment, comme si c’é­tait un sou­rire de para­dis qu’ils se sou­ve­naient d’a­voir vu dans leurs pre­miers rêves. Ils sou­riaient, eux-aus­si, prêts à toutes les sagesses, pour que le sou­rire de la petite Sœur res­tât long­temps en place.

On ne voyait pas les oreilles de la petite Sœur. C’é­tait le seul mys­tère qui ren­dît per­plexes les admi­ra­teurs du sou­rire. L’un d’eux se hasar­da un jour à poser tout haut la ques­tion qui les han­tait tous.

— Dites ! Ma Sœur, vous n’a­vez pas d’o­reilles… Com­ment que vous entendez ? 

— Mes oreilles ? Elles sont là ! dit la petite Sœur en déga­geant son voile. Et elles sont bonnes !

— Et pour­quoi que vous les cachez ? Nous, on les a bien dehors !

— Ah ! Mes enfants, je les cache pour qu’elles res­tent bien petites et qu’elles n’en­tendent que les choses qui en valent la peine… Vous com­pren­drez plus tard. Allons ! Venez autour de moi, vous allez lire.

Et les têtes blondes ou brunes se cour­baient tout autour de la petite Sœur, dont les genoux sup­por­taient le livre aux grandes lettres noires.

Depuis long­temps, la petite Sœur cares­sait un rêve, un rêve si beau qu’elle s’é­ton­nait elle-même de l’a­voir, et qui la sui­vait par­tout ; à la messe, au réfec­toire ; mais c’é­tait sur­tout en classe qu’il la tra­cas­sait, quand son regard errait sur les têtes blondes ou brunes, comme un souffle léger qui passe sur des épis mûris­sants. Elle son­geait alors à la mois­son qui lève au soleil. Et la mois­son lui sug­gé­rait l’i­dée du mois­son­neur qui se penche sur les épis et rentre le soir, joyeux, en por­tant les lourdes gerbes. Ce spec­tacle lui rap­pe­lait, à son tour, la parole de Jésus : « La mois­son est abon­dante ; les ouvriers sont peu nom­breux ; priez le maître de la mois­son qu’il envoie des ouvriers à son champ. »

Et le rêve de la petite Sœur pre­nait corps. Elle en deve­nait toute rou­gis­sante. Elle en per­dait même le fil de la lecture.

Son rêve ! C’é­tait que l’un de ces enfants aux­quels elle appre­nait à lire devînt prêtre et qu’elle y fût pour quelque chose.

— Tu t’es trom­pé, Pierre. C’est B‑A, BA qu’il faut lire ; alors ! recom­mence, mon petit.

Et les bam­bins s’é­ton­naient de sa voix si douce, alors qu’une juste impa­tience poin­tait d’or­di­naire dans ses paroles, aux erreurs de lec­teur. Et ils levaient les yeux sur la petite Sœur, car ils savaient que c’é­tait dans ces moments-là que le plus déli­cieux sou­rire ani­mait son visage.

| Ouvrage : Les amis des Saints .

Temps de lec­ture : 5 minutesLe 21 jan­vier 1793, Louis XVI mou­rait assas­si­né par les révo­lu­tion­naires, guillo­ti­né sur la place de la Concorde, à Paris.

Martyres de la Revolution - Dans les campagnes les tocsins retentissent

Le Roi ! Hélas ! On s’é­tait atten­du à bien des mal­heurs, mais on avait espé­ré sau­ver le Roi ! Hélas ! Le Roi est mort ! Dans les cam­pagnes, les toc­sins reten­tissent comme une seule voix vers le Ciel, et la nou­velle tombe dans les cœurs comme un coup de ton­nerre. Nou­velle épou­van­table de ce crime inouï ! Le monde tout entier reste stu­pé­fait : La France a tué son Roi !

Sei­gneur Jésus, main­te­nant qui aura pitié de la France ? Sei­gneur Jésus, ayez pitié des Fran­çais malheureux !

Dans la petite cha­pelle d’un couvent de cam­pagne, seize reli­gieuses sup­plient Dieu et lui offrent leur vie. Voi­ci quelques mois déjà, Mère Thé­rèse de St Augus­tin, leur prieure, leur avait pro­po­sé de faire cet acte de consé­cra­tion par lequel la com­mu­nau­té s’of­fri­rait en holo­causte pour apai­ser la Colère de Dieu et obte­nir le retour de la paix dans l’Église et la Nation. Toutes avaient accep­té, et depuis, elles renou­ve­laient chaque jour cette offrande de leur vie, cet holo­causte de répa­ra­tion et d’ex­pia­tion. Mais aujourd’­hui le Roi est mort. Alors avec quel cœur, plus implo­rant que jamais, les reli­gieuses offrent-elles cette vie ! Mon Dieu, nous vou­lons comme vous mou­rir mar­tyres pour le salut des âmes !

Sou­ve­nez-vous que nous sommes vos épouses et vos coré­demp­trices ! Pour le Salut de l’Église et de la France, sou­ve­nez-vous que nous vous aimons.

* * *

Le 21 juin 1794, le Comi­té révo­lu­tion­naire et de Salut Public de Com­piègne déci­dait de per­qui­si­tion­ner chez les reli­gieuses. On y trou­va des lettres pieuses, une relique de Ste Thé­rèse d’A­vi­la, un por­trait du Roi Louis XVI, une copie de son tes­ta­ment, des images et un can­tique en l’hon­neur du Sacré-Cœur. Alors le diable exci­ta la haine des révo­lu­tion­naires, toutes les reli­gieuses furent arrê­tées, et écrouées dans une mai­son de la ville. Durant trois semaines envi­ron elles y demeu­rèrent enfer­mées, souf­frant des pri­va­tions de tout genre, en butte à la méchan­ce­té de leurs geô­liers. Le 12 juillet, on les trans­fé­ra à Paris, on les enfer­ma à la Concier­ge­rie. Mais on ne les y gar­da que cinq jours. Le 17 juillet, len­de­main de la Fête de Notre-Dame du Mont Car­mel, on les fit com­pa­raître devant le Tri­bu­nal de la Révolution.