Étiquette : <span>Vocation</span>

Auteur : Marion, François | Ouvrage : Marchands de courage .

Temps de lec­ture : 5 minutes

(Champagne, 1855.)

C’est le soir. La maman vient de cou­cher Mimi, cinq ans. Gas­ton, qui en a sept, se débrouille seul. Elle embrasse les deux petits, tire leurs rideaux (vers 1850 tous les lits sont à rideaux) et sort rejoindre son mari.

Un bon magis­trat, M. Dous­sot, très esti­mé dans la ville d’É­per­nay. Un bon dis­ciple de aus­si : « Pas de reli­gion pour mes enfants. À vingt ans, ils choi­si­ront. Jean-Jacques l’a dit. »

(Mais à vingt ans, quand on a « choi­si » pour vous depuis vingt ans… où irait-on cher­cher la vérité ?)

Sa femme n’a pas fait d’ob­jec­tion. Si son mari est vol­tai­rien elle est, elle, très scep­tique. Si bien que les deux petits n’ont jamais fait ni vu faire aucune . Tout de même, Gas­ton est entré une fois pour un mariage à l’é­glise Notre-Dame ; les mol­lets du suisse et le ton­nerre des orgues l’ont vive­ment impressionné. 

Le juge Dous­sot lève les yeux de des­sus sa gazette. Gas­ton a‑t-il bien tra­vaillé à sa pre­mière leçon ? Son maître était-il content ?

— Très content.

— Ces Frères sont d’ex­cel­lents gram­mai­riens. Je l’ai tou­jours dit.

Et là-des­sus le juge se replonge dans le « Moni­teur ». Chose curieuse et pas logique : il estime gran­de­ment les Frères des Écoles chré­tiennes. Il a invi­té l’un d’eux, ce jour-là, à don­ner des leçons à son fils.

Oui, mais…

Un Frère des Écoles chré­tiennes ne fait pas la classe sans faire la prière, Mon­sieur le Juge. Il ne sau­rait la faire sans par­ler de Dieu. Pas plus qu’un pois­son dans l’eau ne peut s’empêcher de nager…

C’est pour­quoi là-haut, vous ne l’en­ten­dez pas Gas­ton court pieds nus vers le lit de sa petite sœur, entr’ouvre les rideaux, appelle tout bas :

— Mimi, dors-tu ?

— Non, pas encore.

— Mimi, tu ne sais pas ? Eh bien ! il y a un bon Dieu.

— Ah ! — Qu’est-ce que c’est ?

Le frère aîné répète les choses éton­nantes qu’il a apprises le matin. Dans le ciel il y a un Père qui nous aime et qui est Dieu. Il a fait le monde et tout, et nous aus­si. Il nous attend pour nous rendre heu­reux avec lui…

Les cinq ans de Mimi sont déjà pru­dents. La petite fille s’en­dort, n’ou­blie rien, et garde pour elle ce qu’elle a appris.

Le len­de­main, même appel.

— Mimi, dors-tu ?

Auteur : Baeteman, R. P. J. | Ouvrage : Tout l'Évangile en images .

Temps de lec­ture : 2 minutesUne des plus douces images, dans les­quelles le Sau­veur a vou­lu se peindre, est celle du Bon Pas­teur. Il connaît aus­si ses bre­bis, ses bre­bis le connaissent. Alors qu’un mer­ce­naire s’en­fuit à l’ar­ri­vée du dan­ger, le Bon Pas­teur défend ses bre­bis contre le loup et va jus­qu’à mou­rir pour elles.…

| Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 18 minutes

— Quel plai­sir ! quel bon­heur ! encore une invi­ta­tion ! Bra­vo, papa, qui annon­cez la bonne nouvelle !

On saute au cou de son papa, on l’embrasse à grands bras comme si on était encore de petits enfants, et, rrring ! Laure et Chris­tiane, les mains dans les mains, font un tour ver­ti­gi­neux. Elles ont quinze ans, elles sont char­mantes. Elles aiment un peu le tra­vail et beau­coup le plai­sir, et sont expertes en cent ouvrages. Elles n’ont plus leur maman, et ont dû, bien jeunes, apprendre à mener la mai­son de leur papa, le bon doc­teur. Celui-ci trouve en elles son plus cher délas­se­ment aux rudes jour­nées de dévoue­ment. Leur plai­sir est tout son plai­sir ; on le sait bien, et les clients amis, qui sont nom­breux, ne sau­raient don­ner une fête enfan­tine sans y convier ses grandes filles.

— Nous comp­tons bien sur elles, n’est-ce pas, mon cher docteur ? 

Et le cher doc­teur, muni de la bonne invi­ta­tion, sou­rit d’a­vance de la joie qu’il apporte. 

Cette fois, cela pro­met d’être plus amu­sant que jamais. Mme de Sain­tey donne une mati­née pour le , on sera cos­tu­mé, et il y aura un concours de crêpes ; oui, on fera saute, les crêpes. Des prix seront dis­tri­bués aux plus adroits qui enver­ront le plus haut la , la meilleure. Cette pers­pec­tive pro­voque un délire de joie. Quinze jours, ce n’est pas trop pour s’en­traî­ner aux crêpes, confec­tion­ner les cos­tumes. Le doc­teur a ouvert son portefeuille : 

— Voi­là pour faire des mer­veilles, dit-il. Et dans chaque main il met un billet de cin­quante francs, ce qui fait, bien comp­té, cent francs pour cha­cune. Puis d’un bon air heureux : 

— Alors, tout le monde est content, et celle qui l’est le moins, ce n’est, à coup sûr, pas Marinette. 

Qui, Mari­nette ? Mais cette vaillante enfant dont a déjà par­lé papa, qui soigne sa maman malade, veille à la tri­po­tée des petits frères, s’in­gé­nie rete­nir le père dans le triste logis : elle n’y réus­sit pas tou­jours, la pau­vrette. C’est une vie bien dure, bien sombre, sans joie jamais. 

Papa pour­suit : il explique que Mme de Sain­te­ly, cher­chant une jeune fille pour tenir le ves­tiaire, il lui a recom­man­dé Mari­nette dont la maman va mieux. Ce mar­di-là, Mari­nette pour­ra sortir.

— Je viens de lui annon­cer ma petite com­bi­nai­son, la chère enfant n’en dor­mi­ra pas de la nuit ! Cette jour­née lui appa­rait comme une féé­rie. Gen­ti­ment, elle pense déjà à l’emploi de l’argent qui lui en reviendra. 

Le bon doc­teur, qui est un peu poète, s’en­chante et s’é­meut ; Laure, qui s’en­tend tou­jours très bien avec son papa, par­tage la douce impression. 

— Voyez, conclut-il, elle aura une place bien humble, l’ex­cel­lente enfant. Or, non seule­ment elle n’en­vie per­sonne, mais il lui semble que per­sonne ne sera aus­si heu­reux qu’elle ce jour-là. « Je ne ver­rai rien d’aus­si beau de ma vie ! » déclare-t-elle. Ce sera, on le sent, un gai rayon sur sa misé­rable jeu­nesse, ce souvenir. 

— Il y a bien un hic, reprend papa. J’au­rais vou­lu à Mariette un vête­ment un peu conve­nable, elle ne pos­sède qu’une pauvre robe et ne peut se rendre ain­si chez Mme de Saintely. 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Un matin d’oc­tobre, en 1815, papa réveille ses petits en pleurant. 

— Venez vite dire adieu à votre  ! dit-il. 

Zoé s’ar­rête sur le seuil, toute inter­dite. Maman ne bouge pas, on dirait qu’elle dort ! De grands cierges solen­nels l’en­tourent, ses mains jointes tiennent un cha­pe­let, elle semble sou­rire au milieu des fleurs que l’on apporte par brassées. 

Puis elle s’en va, lais­sant un grand vide dans le cœur de ceux qui l’aiment. Zoé souffre, mais garde le silence. Il y a tant de cha­grin tout autour, les yeux rou­gis de papa lui font tel­le­ment mal, qu’elle n’ose se plaindre. Les voi­sines hochent la tête : « Elle est trop petite pour comprendre ». 

Un jour la ser­vante entre sans bruit, ayant sur le seuil quit­té ses sabots, et s’ar­rête pétrifiée.

La sage Zoé est en train d’es­ca­la­der le buf­fet ! Pour voler des frian­dises ? Nen­ni ! La voi­ci qui se hausse sur les pointes des pieds pour mieux étreindre la sta­tue de la Sainte Vierge. La tête blot­tie contre son coeur, d’une voix gon­flée de larmes, elle murmure :

« C’est vous, main­te­nant, qui serez ma Mère » !

La ser­vante se retire dou­ce­ment, émue jus­qu’aux larmes. 

Ah, si tous les orphe­lins savaient qu’ils ont au ciel la plus tendre des mamans ! 

Zoé le sait. À par­tir de ce jour les liens qui l’u­nissent à la Sainte Vierge deviennent plus étroits. Naï­ve­ment, elle lui conte ses joies, ses peines et dépose à ses pieds des gerbes de cha­pe­lets. Car elle prie comme elle res­pire, tout simplement. 

Catherine prend la statue de la Vierge Marie et dit : C'est vous, maintenant, qui serez ma Mère

Son ins­truc­tion laisse plus à dési­rer. L’é­cole des filles est à trois kilo­mètres de la mai­son, trop loin pour ses petites jambes. Après la mort de Mme Labou­ré, sa tante Mar­gue­rite l’emmène chez elle, mais n’a guère le temps de lui don­ner des leçons. Lors­qu’à douze ans Zoé retour­ne­ra à Fain pour sa pre­mière com­mu­nion, elle ne sau­ra guère lire ni écrire. Toute sa vie, elle fera des fautes d’orthographe… 

Auteur : Aurac, Georges d’ | Ouvrage : Le Courrier des Croisés .

Temps de lec­ture : 9 minutesLe jour de sa vêture, elle avait reçu le nom de Sœur Saint-Joseph. Avec les années, elle s’é­tait tel­le­ment rata­ti­née qu’on ne l’ap­pe­lait plus que la « petite Sœur » ! Le nom de son grand Patron s’é­tait éva­noui ! Non pas qu’il fût trop long à pro­non­cer, mais parce que l’ex-pres­sion de « petite Sœur » suf­fi­sait lar­ge­ment à la dési­gner. Et puis a l’ha­bi­tude de s’é­clip­ser, quand il a rem­pli son rôle, et de lais­ser seule­ment dans les âmes l’a­mour de la vie cachée.

Toute menue dans son ample habit aux plis innom­brables, la tête empri­son­née dans un voile blanc qui enca­drait son fin visage, la « petite Sœur » était la pro­vi­dence des mar­mots, dans un vil­lage d’Au­vergne où ses supé­rieures l’a­vaient envoyée.

Religieuse enseignant la lecture aux enfants

Dès l’âge de cinq à six ans, les enfants se diri­geaient à petits pas vers le vieux couvent où la petite Sœur les accueillait d’un sou­rire. Ce sou­rire était leur coque­luche ! Les tout-petits le regar­daient béa­te­ment, comme si c’é­tait un sou­rire de para­dis qu’ils se sou­ve­naient d’a­voir vu dans leurs pre­miers rêves. Ils sou­riaient, eux-aus­si, prêts à toutes les sagesses, pour que le sou­rire de la petite Sœur res­tât long­temps en place.

On ne voyait pas les oreilles de la petite Sœur. C’é­tait le seul mys­tère qui ren­dît per­plexes les admi­ra­teurs du sou­rire. L’un d’eux se hasar­da un jour à poser tout haut la ques­tion qui les han­tait tous.

— Dites ! Ma Sœur, vous n’a­vez pas d’o­reilles… Com­ment que vous entendez ? 

— Mes oreilles ? Elles sont là ! dit la petite Sœur en déga­geant son voile. Et elles sont bonnes !

— Et pour­quoi que vous les cachez ? Nous, on les a bien dehors !

— Ah ! Mes enfants, je les cache pour qu’elles res­tent bien petites et qu’elles n’en­tendent que les choses qui en valent la peine… Vous com­pren­drez plus tard. Allons ! Venez autour de moi, vous allez lire.

Et les têtes blondes ou brunes se cour­baient tout autour de la petite Sœur, dont les genoux sup­por­taient le livre aux grandes lettres noires.

Depuis long­temps, la petite Sœur cares­sait un rêve, un rêve si beau qu’elle s’é­ton­nait elle-même de l’a­voir, et qui la sui­vait par­tout ; à la messe, au réfec­toire ; mais c’é­tait sur­tout en classe qu’il la tra­cas­sait, quand son regard errait sur les têtes blondes ou brunes, comme un souffle léger qui passe sur des épis mûris­sants. Elle son­geait alors à la mois­son qui lève au soleil. Et la mois­son lui sug­gé­rait l’i­dée du mois­son­neur qui se penche sur les épis et rentre le soir, joyeux, en por­tant les lourdes gerbes. Ce spec­tacle lui rap­pe­lait, à son tour, la parole de Jésus : « La mois­son est abon­dante ; les ouvriers sont peu nom­breux ; priez le maître de la mois­son qu’il envoie des ouvriers à son champ. »

Et le rêve de la petite Sœur pre­nait corps. Elle en deve­nait toute rou­gis­sante. Elle en per­dait même le fil de la lecture.

Son rêve ! C’é­tait que l’un de ces enfants aux­quels elle appre­nait à lire devînt prêtre et qu’elle y fût pour quelque chose.

— Tu t’es trom­pé, Pierre. C’est B‑A, BA qu’il faut lire ; alors ! recom­mence, mon petit.

Et les bam­bins s’é­ton­naient de sa voix si douce, alors qu’une juste impa­tience poin­tait d’or­di­naire dans ses paroles, aux erreurs de lec­teur. Et ils levaient les yeux sur la petite Sœur, car ils savaient que c’é­tait dans ces moments-là que le plus déli­cieux sou­rire ani­mait son visage.