Noé. Le Déluge et la Tour de Babel.

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Histoire Sainte illustrée .

Temps de lec­ture : 12 minutes

IV

Ce fut au tour de Nicole d’être éveillée, quelques jours plus tard, par un drôle de bruit.

Elle s’as­sied sur son lit, écoute et crie à Bru­no qui doit dor­mir encore dans la chambre à côté :

— Entends-tu ?

Une petite voix calme répond :

— C’est Tate qui s’envole.

— Qui s’en­vole ! En moins d’une seconde, Nicole est à la fenêtre, juste à temps pour aper­ce­voir l’a­vion, qui dis­pa­raît der­rière un léger nuage, dans la lumière du matin.

Mais pour­quoi Colette serait-elle par­tie ? Qu’est-ce que Bru­no peut en savoir ? Nicole s’ha­bille en trois minutes, quitte à se laver un autre jour, et se pré­ci­pite aux nou­velles chez maman.

Maman confirme sa décep­tion, tan­dis que Pierre arrive, triom­phant, don­ner tous les détails du départ. Son père, ren­tré depuis deux jours, avait mis l’ap­pa­reil tout à fait au point. Rien n’empêchait donc Colette de faire une pre­mière excur­sion. Elle ne serait d’ailleurs pas longue. Tout le monde ren­tre­rait pour midi et Gene­viève, Jacques et les enfants étaient invi­tés à déjeu­ner, pour écou­ter le récit de ce voyage aérien.

Quand l’oi­seau se posa au ter­rain d’at­ter­ris­sage, les deux petits avaient le tor­ti­co­lis à force d’a­voir guet­té son appa­ri­tion dans le ciel bleu.

À table, on ne s’en­ten­dait pas, tout le monde par­lant à la fois, y com­pris les enfants, tel­le­ment exci­tés, que les parents sou­riants renon­çaient à les faire taire.

— Alors, c’é­tait beau ?

— Dis, Tate, de si haut, tu voyais rien ?

— Pas grand’­chose. En des­cen­dant pour atter­rir, mon pauvre Bru­no, tu me parais­sais gros comme une mouche.

— Et tu y es allée, pour­suit Nicole, au pays d’A­dam et Ève ?

— Pas encore cette fois-ci. C’eût été trop loin. Sais-tu qu’il y a à peu près mille kilo­mètres entre Bey­routh et le mont Ararat.

— Le mont Ara­rat ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Je te l’ex­pli­que­rai ; mais, pour l’a­mour du ciel, laisse-nous déjeuner.

La der­nière bou­chée n’é­tait pas ava­lée, que Nicole et Bru­no se pen­daient au bras de leur tante, pour l’en­traî­ner sur la ter­rasse, afin d’ob­te­nir tous ren­sei­gne­ments utiles sur cette mon­tagne inconnue.

— Vous êtes ter­ribles, dit Colette en riant. Je ne pen­sais pas avoir des élèves si dési­reux d’ap­prendre leurs leçons.

— Ce ne sont pas des leçons, Tate, ce sont des explications !

— Bon, soit. Cepen­dant, mon petit Bru­no, le mont Ara­rat n’a aucun inté­rêt actuel­le­ment. Il rap­pelle sim­ple­ment un des grands évé­ne­ments de l’His­toire Sainte.

— Lequel ?

— Tu n’é­tais pas là l’autre jour, quand je racon­tais à ta sœur com­ment les hommes des­cen­dants de Caïn et de Seth étaient deve­nus mau­vais. Pour­tant, pour les gou­ver­ner, Dieu leur avait don­né de grands chefs de famille, qu’on nom­mait les patriarches. Ils rem­plis­saient les fonc­tions de prêtres, de juges. Dieu ne dédai­gnait pas de leur par­ler et de les ins­truire, afin qu’ils con-servent les véri­tés révé­lées et qu’ils les trans­mettent fidè­le­ment à leurs descendants.

Bru­no, les yeux ronds : Des véri­tés ré-vé-lées ?

Adam travaille et sa famille

— Eh bien ! oui. Des véri­tés que le Bon Dieu avait fait savoir aux hommes et qui ne devaient plus jamais être oubliées. Dix patriarches, plus par­ti­cu­liè­re­ment connus et ain­si char­gés par Dieu de conser­ver la vraie Foi, se suc­cé­dèrent alors.

À ces pre­miers âges du monde, les hommes avaient une san­té très robuste et vivaient fort long­temps. Ain­si Adam arri­va à 930 ans, Seth à 912. Puis on cite Enos, Caï­man, Mala­léel, Jared, Hénoch. Après lui, , qui vécut jus­qu’à 969 ans, enfin Lamech et .

Nicole fait la moue :

— Quels noms impossibles !

— Por­tés pour­tant, je t’as­sure, par de bien grands per­son­nages, car il ne faut pas s’i­ma­gi­ner que la vie des patriarches d’a­lors était sau­vage. On croit qu’une pre­mière ville fut bâtie par Caïn.

Dans les plaines et la cam­pagne, les patriarches avaient des tentes très vastes, sous les­quelles vivaient leurs familles et leurs ser­vi­teurs. Ces tentes étaient plus vastes peut-être, mais sans doute à peu près sem­blables à celles que vous voyez si sou­vent dans la cam­pagne autour de Bey­routh. Déjà Jubal avait inven­té des ins­tru­ments de musique. Tubal­caïn for­geait le fer. Seth avait ima­gi­né l’é­cri­ture et Noé­ma décou­vert l’art de filer et de tis­ser les étoffes dont on s’ha­billait dans ce temps-là.

Les hommes auraient donc pu vivre heu­reux sous le regard de Dieu en obser­vant sa loi, si les des­cen­dants de Caïn ne les avaient entraî­nés dans toutes sortes de péchés. Si bien qu’ils devinrent tel­le­ment méchants, que Dieu réso­lut de les exterminer.

— J’ai devi­né, inter­rompt Nicole. Tu vas racon­ter le , Tate.

— Qui donc a méri­té d’y échapper ?

— Noé et toute sa famille.

— Et pour­quoi cette exception ?

— C’est que Noé est res­té bon, fidèle au Bon Dieu.

Noé construit l'Arche

— Cette fidé­li­té l’a sau­vé. Tu sais com­ment Dieu lui a ordon­né de construire un grand bâti­ment en bois, sorte de bateau pri­mi­tif, pou­vant flot­ter sur l’eau, et dont Il lui don­na Lui-même les plans. Il fal­lut du temps à Noé pour réa­li­ser cette œuvre, et, tout en y tra­vaillant, il aver­tis­sait les hommes de se conver­tir, s’ils vou­laient échap­per au châ­ti­ment ; mais ils n’é­cou­taient rien.

Quand la construc­tion fut ter­mi­née, Noé reçut l’ordre de se réfu­gier dans cette arche avec sa famille et d’y faire éga­le­ment entrer les ani­maux qui lui étaient connus.

— Alors la pluie s’est mise à tom­ber, Tate, et cela n’a plus ces­sé pen­dant qua­rante jours et qua­rante nuits.

— Oh ! dit Bru­no, tout le temps de la pluie ! Alors on mar­chait dedans comme après les orages, quand le bas­sin déborde dans le jar­din ! Où est-ce qu’on met­tait les pieds, alors ?

— L’eau mon­ta, mon petit, bien plus haut que tu ne peux l’i­ma­gi­ner. Les hommes en eurent bien­tôt non seule­ment au-des­sus des pieds, mais au-des­sus de la tête, et tous furent noyés, en puni­tion de leurs péchés, sauf Noé et sa famille, parce que le bateau flot­tait sur l’eau et donc mon­tait avec elle. C’est ain­si que l’arche vint dépas­ser les som­mets du mont Ara­rat, dont je vous par­lais en déjeunant.

Cette mon­tagne est en Armé­nie, au nord-ouest d’i­ci, tout près de la Perse, pas très loin de la mer Caspienne.

— Alors Noé est des­cen­du sur la montagne ?

Noé dans son arche lache une colombe

— Pas si vite ! Pen­dant des semaines Noé n’a­per­çut pas l’ombre de terre, mais seule­ment cette ter­rible éten­due d’eau. Un jour, un des cor­beaux réfu­giés dans l’arche fût lâché et ne revint pas. La colombe, lâchée ensuite, revint, car elle n’a­vait pas trou­vé où se poser ; une seconde fois, elle revint encore, mais tenant dans son bec un petit bout d’o­li­vier. Les arbres repa­rais­saient donc à la sur­face de la terre.

Plu­sieurs semaines pas­sèrent, puis Dieu lui-même ordon­na à Noé de sor­tir de l’arche et d’en ouvrir les portes aux ani­maux, qui se répan­dirent de nou­veau sur la terre. Ain­si sau­vé par la bon­té de Dieu, est-ce que Noé ne devait pas le remercier ?

Nicole réflé­chit :

— Je crois qu’il l’a fait, mais je n’en suis pas sûre.

— Si, Noé offrit à Dieu un sacri­fice de recon­nais­sance, et le Sei­gneur en échange lui fit entendre une pro­messe magni­fique : « Je fais aujourd’­hui alliance avec toi et avec tes des­cen­dants… Il n’y aura plus jamais de déluge, » et, comme signe de cette pro­messe, Dieu fit paraître dans le ciel un arc-en-ciel.

— Pour­tant, Tate, on disait l’autre jour qu’il y avait eu en Chine de grosses pluies, une grande inon­da­tion, et des mil­liers de pauvres noyés.

— C’est vrai ; mais cette inon­da­tion n’é­tait pas comme celle du déluge, dont les eaux, songe donc un peu, dépas­saient la hau­teur du mont Ara­rat. Et puis Dieu avait annon­cé d’a­vance cette ter­rible inon­da­tion. Il avait pré­ve­nu que ce serait un châ­ti­ment, et tous les hommes qui vivaient alors périrent dans les eaux, sauf ceux que Dieu vou­lut sau­ver dans l’arche.

Noé offre un sacrifice - Dieu fait un arc en ciel

Aus­si l’É­glise com­pare-t-elle cette arche, faite en bois rési­neux et solide à la Croix de bois sur laquelle, Jésus, plus tard, devait sau­ver le monde coupable.

Quand Noé, pour remer­cier Dieu de son salut, lui offrit un sacri­fice, nous avons vu que Dieu lui pro­mit que le déluge ne se renou­vel­le­rait pas. Les pauvres hommes méri­te­raient encore dans l’a­ve­nir, par leurs péchés, bien d’autres puni­tions ; mais leur Sau­veur serait Notre-Sei­gneur, qui les lave­rait de leurs fautes, non plus en les exter­mi­nant dans l’eau, mais en les puri­fiant dans son Sang. Comprends-tu ?

— Oh ! oui. Mais après, dis encore, Tate, quand Noé et sa famille se sont réins­tal­lés sur la terre, qu’est-ce qu’ils sont donc devenus ?

— Noé était entré dans l’arche avec toute sa famille, qui fut sau­vée avec lui. Nous connais­sons trois de ses fils : , et . Se ressemblaient-ils ?

— Je ne sais plus, Tate, j’ai oublié, et ce n’est pas Bru­no qui me le dira.

Bru­no, de fait, est muet comme une carpe.

Noé ivre, Sem Cham et Japhet

— Déjà, mes enfants, en ce temps-là, Noé avait culti­vé des champs et plan­té de la vigne, mais il ne connais­sait pas les effets du vin. Il igno­rait que le vin enivre, quand on en boit beau­coup. Si bien qu’un jour il en prit trop, sans se dou­ter des consé­quences, et s’en­dor­mit, parce qu’il était ivre. Son fils Cham s’en aper­çut et se moqua de lui.

— Oh ! disent en chœur les deux petits : c’é­tait mal !

— Je pense bien que c’é­tait mal, et Cham va payer chè­re­ment sa faute. Après lui, Sem et Japhet, pas­sant près de leur père, s’a­per­çurent aus­si de son état, et res­pec­tueu­se­ment le cou­vrirent de leur manteau.

Quand Noé s’é­veilla, il apprit la conduite dif­fé­rente de ses fils et il mau­dit Cham et sa race, tan­dis qu’il bénit Sem et Japhet, appe­lant sur eux et sur leurs enfants les grâces pro­mises par le Bon Dieu.

Bru­no est fort inté­res­sé. Il demande :

— Et après ?

— Ils se sont dis­per­sés à tra­vers le monde. Cham et ses enfants sont allés peu­pler une par­tie de l’A­frique, Japhet eut pour des­cen­dants les peuples de l’Inde et de l’Eu­rope et Sem fut le père des peuples qui habitent ici, dans l’A­ra­bie. Jamais vous ne sau­riez ima­gi­ner ce que ces hommes vou­lurent inven­ter avant de quit­ter la plaine de Sen­naar, où ils habi­taient, à quelques cen­taines de kilo­mètres de Bey­routh, vers l’ouest.

— Raconte vite.

— Ces hommes étaient orgueilleux. Ils vou­laient, avant de se répandre dans des contrées plus éloi­gnées, lais­ser un monu­ment qui les rap­pel­le­rait au monde pen­dant des siècles, et ils eurent l’i­dée de construire une tour qui mon­te­rait jus­qu’au ciel !

— Jus­qu’aux étoiles ?

— Je ne sais pas s’ils espé­raient atteindre les étoiles, mais en tous cas, l’or­gueil seul les gui­dait. Ils ne tra­vaillaient ni pour Dieu, ni pour les hommes, ni même pour la science, mais tout sim­ple­ment pour leur propre gloire.

Pieter Bruegel - La Tour de Babel

— Oh ! dit Nicole, si Ber­nard était là, il dirait qu’ils vou­laient faire de « l’épate » !

— Le fait est que ça peint assez bien l’é­tat d’es­prit des enfants de Sem. Mais écou­tez la fin. Le Bon Dieu déteste les orgueilleux. Alors il a brouillé les manières de par­ler des ouvriers. Ils se ser­vaient de lan­gages dif­fé­rents et ne se com­pre­naient plus.

Bru­no trouve cela très amusant.

— Quand l’un deman­dait du sable, peut-être que l’autre appor­tait de la chaux ?

— C’est pos­sible. En tous cas, cette confu­sion des langues les obli­gea tous à renon­cer à leur pro­jet. On appe­la leur fameuse tour la , parce que Babel veut dire : « confu­sion, » et on n’en par­la plus.


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