Le sacrifice d’Abraham

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Histoire Sainte illustrée .

Temps de lec­ture : 10 minutes

VII

Mais, juste à cet ins­tant, le chat de Maria­nick débouche à nou­veau dans le jar­din. La vani­té de M. Bru­no n’y tient pas ; il appelle Nicole et une véri­table par­tie de cache-cache s’en­gage entre le cha­ton et ses deux amis.

Nicole saute comme un cabri par-des­sus les plates-bandes. Bru­no se poste gra­ve­ment aux pas­sages pré­vus, en vain. Le chat, souple et rapide, passe entre leurs jambes, et ce sont des cris, des rires qui gagnent les aînés. Pierre est entré dans la course et Colette ne peut s’empêcher de prendre part au jeu, en encou­ra­geant les petits ; elle rit aux larmes quand Bru­no, fau­ché par le cha­ton, tombe assis sur un tas de ter­reau, qui s’ef­fondre avec lui.

Alors, spon­ta­née comme tou­jours, Colette se retourne vers sa mère :

— Oh ! les enfants, maman ! Qu’est-ce qu’on ferait dans une mai­son sans enfants ?

— Je n’y met­trais pas sou­vent les pieds, dit Ber­nard en allu­mant une ciga­rette. Quel tombeau !

— Et moi je n’i­ma­gine pas la vie sans eux, ajoute sa tante. Quand j’ai cru perdre Jean, à Jéru­sa­lem, il me sem­blait que j’al­lais en mou­rir. Heu­reu­se­ment que Dieu donne des grâces d’é­tat aux parents, quand leurs enfants sont en dan­ger, sans cela les pauvres mamans devien­draient folles…

Ber­nard, tout en écou­tant, semble suivre avec inté­rêt la fumée de sa ciga­rette, et demeure silen­cieux. Éton­née, maman lui demande :

— À quoi penses-tu ?

— Je me pose une ques­tion sans trou­ver la réponse. Com­ment expli­que­rons-nous aux petits, quand il fau­dra ache­ver de leur racon­ter la vie d’, que Dieu ait pu deman­der à un père de lui sacri­fier son fils unique ?

— II y a là, en effet, à leur faire com­prendre deux choses bien hautes, aus­si belles l’une que l’autre et qu’il ne faut pas sépa­rer. Même à leur âge on peut les leur dire. Il y a d’a­bord celle-ci : Que Dieu, Créa­teur de tout, peut aus­si dis­po­ser de tout. Il est le maître de la vie et de la mort et Il a le droit de nous deman­der ce qu’Il veut.

Et puis, voi­ci la seconde chose : Dieu ne demande rien, si ce n’est comme un Père infi­ni­ment bon, même quand cela paraît le plus dur. Abra­ham le savait bien. Il n’a pas dou­té du cœur de son Dieu, il n’a pas dou­té de ses pro­messes. Il ne com­pre­nait pas, bien sûr, com­ment la réa­li­sa­tion de ces pro­messes pou­vait s’ac­cor­der avec le que Dieu lui deman­dait, mais il croyait quand même, et sa confiance n’est pas moins admi­rable que sa soumission.

Pour­tant, il y a quelque chose de plus beau encore : C’est la Sainte Vierge, au pied de la Croix, offrant Jésus, son Fils Unique, pour notre salut. Sa sou­mis­sion est incom­pa­rable, comme sa confiance.

Elle aus­si croit tout ce qui a été pro­mis. Elle croit, mal­gré sa dou­leur inex­pri­mable, que son Fils ressuscitera.

Après cela, il n’est pas éton­nant que le Bon Dieu, lors­qu’Il veut accor­der de grandes faveurs, demande aux âmes de pas­ser avant par le sacri­fice. Et même pour nous, pauvres gens qui nous sen­tons si faibles en face de la souf­france, tu sais, Ber­nard, à quel point la foi intré­pide et la confiance sans borne peuvent nous don­ner, à l’heure vou­lue, le cou­rage héroïque.

Ber­nard, qui n’a pas ces­sé de regar­der silen­cieu­se­ment évo­luer la fumée de sa ciga­rette, répond seulement :

— Oui, je le sais.

Mais en même temps une petite voix toute proche demande :

— Qu’est-ce que c’est, un cou­rage héroïque ?

Nicole est là, rouge de sueur, se tam­pon­nant le front avec un mou­choir minus­cule de cou­leur indé­cise ; Pierre et Bru­no en font autant, un peu der­rière elle, tan­dis qu’on aper­çoit Maria­nick ren­trant à la cui­sine, son chat dans les bras.

Maman attire à elle la petite fille.

— Veux-tu un exemple d’hé­roïsme ? Il est tout trou­vé, ma ché­rie. Assieds-toi là, sur le pliant, et demande à Colette d’a­che­ver l’his­toire d’A­bra­ham, dont nous par­lions à l’instant.

Dédai­gnant le pliant, Nicole s’ins­talle d’of­fice sur les genoux de Colette, en disant avec une moue irrésistible :

— S’il vous plaît, ma petite Tate ! Je ne sais pas ce que vous avez racon­té pen­dant qu’on jouait, mais vous avez des drôles de figures. Pour­tant elle est amu­sante l’his­toire. Tu sais bien ? Abra­ham atten­dait la nais­sance du petit gar­çon de Sara. Alors il est né ?

— Oui, il est né. Tu t’i­ma­gines faci­le­ment de quel amour fut entou­ré cet enfant pour lequel Dieu avait pro­mis tant de belles choses.

Le petit Ismaël avait failli mou­rir de soif dans le désert.

Agar et Ismaël étaient par­tis. La mère et l’en­fant, en tra­ver­sant le désert, avaient failli mou­rir de soif. Mais Dieu les avait sau­vés et ils s’é­taient fixés au loin. Le petit  res­tait, lui. Il gran­dit. Déjà il accom­pa­gnait son père lorsque celui-ci offrait des sacri­fices au Bon Dieu.

Or, voi­là qu’un jour, Dieu appelle Abra­ham. Il répond : « Me voici. »

« — Prends ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, et offre-le moi en holo­causte, sur l’une des mon­tagnes que je t’indiquerai. »

— Oh ! Tate, cela ne veut pas dire que c’est son petit gar­çon qu’A­bra­ham doit faire mourir ?

— Si, par­fai­te­ment. Et c’est cet ordre, vois-tu, comme nous le disait maman tout à l’heure, qui prouve bien que le Bon Dieu, notre Créa­teur, a le droit de nous deman­der tout ce qu’Il veut. Mais aus­si tu vas voir comme Il est bon, même quand Il demande des choses très dures.

Nicole pro­mène un regard inter­ro­ga­teur autour d’elle :

— C’est pour cela que vous aviez des figures qui rient pas. Mais Abra­ham n’a pas eu le cou­rage. C’est impossible !

— Si, Abra­ham a eu le cou­rage. Il a sel­lé un âne, pris avec lui deux de ses ser­vi­teurs et le bois dont il avait besoin pour son sacri­fice. Quand il est arri­vé en vue de la mon­tagne dési­gnée par le Bon Dieu, il a mis le bois sur le dos d’I­saac et il est mon­té seul avec lui sur la montagne.

Isaac disait : « Mon père, je vois bien le bois et le glaive pour le sacri­fice, mais je ne vois pas la victime. »

« Dieu y pour­voi­ra, » répon­dait Abraham.

Mais, quand Isaac vit que son père le pre­nait dans ses bras pour l’é­tendre lui-même sur le bûcher, il com­prit, et il se lais­sa faire, parce que, lui aus­si, quoique n’é­tant encore qu’un enfant, aimait la volon­té de Dieu plus que sa propre vie.

C’est cela être héroïque.

— Alors, on l’a tué, le pauvre petit Isaac !

Et Nicole a deux larmes au bord de ses grands cils bruns.

Isaac por­tant sur son dos le bois du sacrifice

— Non, dit Pierre, qui écoute depuis un moment. Non, le Bon Dieu avait seule­ment vou­lu voir si Abra­ham l’ai­mait vraiment.

— Mais alors, qu’est-ce qui est arri­vé, Tate ?

— Au moment où Abra­ham levait le bras pour immo­ler son fils, un ange du ciel lui cria : « Arrête ! Dieu sait main­te­nant que tu ne lui as pas refu­sé ton fils unique. Ne touche pas à l’en­fant, ne lui fais aucun mal. »

Le sacrifice d'AbrahamAbra­ham aper­çut en même temps un bélier tout proche, dans un buis­son. Il le prit et l’of­frit à Dieu à la place d’I­saac. Et c’est alors que le Bon Dieu fit de nou­veau entendre sa voix, mais pour rendre plus magni­fiques que jamais les pro­messes faites à Abraham.

« Parce que tu ne m’as pas refu­sé ton fils unique, je mul­ti­plie­rai tes des­cen­dants comme les étoiles du ciel et comme le sable de la mer ; toutes les nations seront bénies en Celui qui sor­ti­ra de ta race. »

— Com­prends-tu, Nicole ?

Nicole pousse un immense sou­pir de soulagement :

— Je com­prends que le Bon Dieu a vou­lu récom­pen­ser Abra­ham, mais après, je ne sais pas bien.

Maman pose son ouvrage sur ses genoux et dit :

— C’est moi qui vais finir l’ex­pli­ca­tion, ma ché­rie. Est-ce que je ne vous ai pas dit qu’il y avait des figures dans l’His­toire Sainte ? En voi­ci une, et une belle, celle de ce petit Isaac. Vous n’a­vez pas devi­né qui il repré­sente ? Cet enfant sacri­fié par son père, qui porte sur ses épaules le bois du sacri­fice, cela ne vous rap­pelle rien ?

— Si, si ! Ne dis rien, Pierre, je sais, crie Nicole, qui a une peur bleue d’être devancée.

Le petit Isaac, c’est l’i­mage de Jésus, qui a por­té sa croix. Seule­ment Jésus est vrai­ment mort Lui, tan­dis qu’I­saac a été sauvé.

— Oui, Jésus a gar­dé pour Lui et pour sa sainte Mère le sacri­fice com­plet, abso­lu ; mais remar­quez par ailleurs les res­sem­blances entre Isaac et Notre-Seigneur.

Tous deux reçoivent le bois du sacri­fice, tous deux montent sur un lieu éle­vé. Des savants croient même qu’A­bra­ham, sur l’ordre de Dieu, condui­sit son fils sur la col­line où fut construit plus tard le Temple de Jéru­sa­lem, non loin du Calvaire.

Enfin, les béné­dic­tions de Dieu com­blèrent le peuple hébreu après le sacri­fice d’A­bra­ham et tous les peuples furent sau­vés après le sacri­fice de Jésus.

Ber­nard écrase dans un petit pla­teau la cendre de sa ciga­rette et déclare :

— Déci­dé­ment, vous en avez une veine, les petits, qu’on vous apprenne votre His­toire Sainte en vous l’ex­pli­quant comme ça !

Coloriage pourle caté - Abraham sacrifie Isaac - Titien


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