Abraham, sentant sa mort prochaine, envoie en Mésopotamie son serviteur Eliézerpour trouver une épouse à son filsIsaac.
Eliézer arrive aux portes de Haran avec de nombreux présents, fait plier les genoux à ses dix chameaux près d’un puits.
À ce moment, il adresse à Dieu cette prière : « Que la jeune fille à laquelle je dirai : donnez-moi à boire, et qui en donnera aussi à mes chameaux, soit l’épouse de mon maître ».
Une belle jeune fille de la famille d’Abraham, Rébecca, vient puiser de l’eau, en offre à Eliézer et à ses chameaux et devient l’épouse d’Isaac.
Toutes les espérances d’Abrahamreposaient sur son fils Isaac, lorsqu’une nuit, pour éprouver sa foi, le Seigneur demanda à l’heureux père, de lui sacrifier son fils chéri. Fidèle jusqu’à l’héroïsme, le vieux patriarche emmena le jeune homme au lieu désigné. Après trois jours de marche, il laissa en arrière les deux serviteurs et l’âne et s’avança seul avec Isaac vers la montagne du sacrifice. Isaac se laissa lier sur le bûcher et offrir au Seigneur.
Au moment où Abraham allait frapper son fils, un ange arrêta son bras. Se retournant, il aperçut un bélier embarrassé par ses cornes dans un buisson ; il le prit et l’offrit à la place d” Isaac. — « Puisque vous m’avez obéi, dit le Seigneur, toutes les nations de la terre seront bénies par Celui qui sortira de vous ».
Le Seigneur dit à Abraham (descendant de Noé) : « Sortez de votre pays et venez en la terre que je vous montrerai : je vous bénirai et tous les peuples de la terre seront bénis en vous. Je ferai croître votre race à l’infini et vous rendrai le chef des nations, des rois sortiront de vous ».
Un jour qu’Abraham était assis à l’entrée de sa tente, il vit venir à lui trois jeunes hommes. Il se prosterna devant eux, les priant de ne pas passer sa Maison. Sara, sa femme fit cuire trois pains sous la cendre pendant que lui allait choisir un chevreau très tendre. Il le fit cuire et leur servit avec du beurre et du lait. En s’en allant, ils prédirent à Sara qu’elle aurait un fils, Isaac.
Ayant enfilé son « bleu », Bernard vérifie avec soin le moteur de l’avion. Un peu de graisse ici, un peu d’huile par là, quelques coups de pouce sur les commandes, et « ça tourne rond » comme il convient.
Attiré par le bruit qui assourdit son oncle, Bruno s’est glissé furtivement au hangar et contemple de tous ses yeux l’Oiseau-Bleu.
Bernard monte et descend de son échelle, va, vient, sans s’apercevoir de la présence du petit homme, jusqu’au moment où, dans un mouvement de recul, il le heurte brusquement. Alors il grossit sa voix pour dominer le ronflement du moteur et lui crie, non sans impatience :
— Que fais-tu là, c’est dangereux de venir ici sans permission. Va-t’en et plus vite que ça !
— Oh ! non. Je bougerai pas.
— Alors reste en dehors de la porte et laisse-moi travailler.
Bruno marche à reculons vers l’ouverture et se colle au chambranle. Pendant quelques instants il se tait, puis hasarde :
— Dis, oncle Bernard, c’est‑y avec cet oiseau-là que tu es allé en Mésopotamie ?
— Bien sûr que non, c’est avec l’avion de mon escadrille.
— C’est‑y un drôle de pays, la Mésopotamie ?
— Pas drôle du tout, de grandes plaines, rien d’extraordinaire, et puis, laisse-moi tranquille !
Mais Bruno est tenace, chacun le sait.
— Pourquoi qu’on en parle tout le temps dans l’Histoire Sainte ?
— Tiens ! parce que les Hébreux y ont été souvent.
— Combien de fois ?
Bernard, grimpé sur l’escabeau à hauteur du moteur et fort occupé de savantes observations, est excédé. Il hurle :
— Vas-tu te taire, à la fin ! Combien de fois ? est-ce que j’en sais quelque chose ! Abraham y a habité avec Loth.
Quand son fils Isaac fut d’âge à se marier, son serviteur Éliézer alla lui chercher une femme en Mésopotamie.
— Tu sais le nom de la « dame » ?
Cette fois, Bernard, désarmé, lutte pour ne pas rire :
— Mais oui , la « dame » avait un très joli nom. Elle s’appelait Rébecca.
Un instant de réflexion. Bruno se demande si ce nom est vraiment joli. Oui, décidément. Alors il continue :
— Elle était gentille ?
Tant de persévérance mérite tout de même qu’on en tienne compte. Tout en astiquant son oiseau, Bernard consent à raconter :
— Quand Éliézer est parti pour chercher une femme pour Isaac, il était bien embarrassé de sa commission, car il ne connaissait personne dans ce pays-là. Aussi, tout le long de la route, il priait le Seigneur de le faire tomber juste.
Mais, juste à cet instant, le chat de Marianick débouche à nouveau dans le jardin. La vanité de M. Bruno n’y tient pas ; il appelle Nicole et une véritable partie de cache-cache s’engage entre le chaton et ses deux amis.
Nicole saute comme un cabri par-dessus les plates-bandes. Bruno se poste gravement aux passages prévus, en vain. Le chat, souple et rapide, passe entre leurs jambes, et ce sont des cris, des rires qui gagnent les aînés. Pierre est entré dans la course et Colette ne peut s’empêcher de prendre part au jeu, en encourageant les petits ; elle rit aux larmes quand Bruno, fauché par le chaton, tombe assis sur un tas de terreau, qui s’effondre avec lui.
Alors, spontanée comme toujours, Colette se retourne vers sa mère :
— Oh ! les enfants, maman ! Qu’est-ce qu’on ferait dans une maison sans enfants ?
— Je n’y mettrais pas souvent les pieds, dit Bernard en allumant une cigarette. Quel tombeau !
— Et moi je n’imagine pas la vie sans eux, ajoute sa tante. Quand j’ai cru perdre Jean, à Jérusalem, il me semblait que j’allais en mourir. Heureusement que Dieu donne des grâces d’état aux parents, quand leurs enfants sont en danger, sans cela les pauvres mamans deviendraient folles…
Bernard, tout en écoutant, semble suivre avec intérêt la fumée de sa cigarette, et demeure silencieux. Étonnée, maman lui demande :
— À quoi penses-tu ?
— Je me pose une question sans trouver la réponse. Comment expliquerons-nous aux petits, quand il faudra achever de leur raconter la vie d’Abraham, que Dieu ait pu demander à un père de lui sacrifier son fils unique ?
— II y a là, en effet, à leur faire comprendre deux choses bien hautes, aussi belles l’une que l’autre et qu’il ne faut pas séparer. Même à leur âge on peut les leur dire. Il y a d’abord celle-ci : Que Dieu, Créateur de tout, peut aussi disposer de tout. Il est le maître de la vie et de la mort et Il a le droit de nous demander ce qu’Il veut.
Et puis, voici la seconde chose : Dieu ne demande rien, si ce n’est comme un Père infiniment bon, même quand cela paraît le plus dur. Abraham le savait bien. Il n’a pas douté du cœur de son Dieu, il n’a pas douté de ses promesses. Il ne comprenait pas, bien sûr, comment la réalisation de ces promesses pouvait s’accorder avec le sacrifice que Dieu lui demandait, mais il croyait quand même, et sa confiance n’est pas moins admirable que sa soumission.
Pourtant, il y a quelque chose de plus beau encore : C’est la Sainte Vierge, au pied de la Croix, offrant Jésus, son Fils Unique, pour notre salut. Sa soumission est incomparable, comme sa confiance.
Elle aussi croit tout ce qui a été promis. Elle croit, malgré sa douleur inexprimable, que son Fils ressuscitera.
Après cela, il n’est pas étonnant que le Bon Dieu, lorsqu’Il veut accorder de grandes faveurs, demande aux âmes de passer avant par le sacrifice. Et même pour nous, pauvres gens qui nous sentons si faibles en face de la souffrance, tu sais, Bernard, à quel point la foi intrépide et la confiance sans borne peuvent nous donner, à l’heure voulue, le courage héroïque.
Bernard, qui n’a pas cessé de regarder silencieusement évoluer la fumée de sa cigarette, répond seulement :
— Oui, je le sais.
Mais en même temps une petite voix toute proche demande :
— Qu’est-ce que c’est, un courage héroïque ?
Nicole est là, rouge de sueur, se tamponnant le front avec un mouchoir minuscule de couleur indécise ; Pierre et Bruno en font autant, un peu derrière elle, tandis qu’on aperçoit Marianick rentrant à la cuisine, son chat dans les bras.
Maman attire à elle la petite fille.
— Veux-tu un exemple d’héroïsme ? Il est tout trouvé, ma chérie. Assieds-toi là, sur le pliant, et demande à Colette d’achever l’histoire d’Abraham, dont nous parlions à l’instant.
Dédaignant le pliant, Nicole s’installe d’office sur les genoux de Colette, en disant avec une moue irrésistible :
— S’il vous plaît, ma petite Tate ! Je ne sais pas ce que vous avez raconté pendant qu’on jouait, mais vous avez des drôles de figures. Pourtant elle est amusante l’histoire. Tu sais bien ? Abraham attendait la naissance du petit garçon de Sara. Alors il est né ?
— Oui, il est né. Tu t’imagines facilement de quel amour fut entouré cet enfant pour lequel Dieu avait promis tant de belles choses.