Rébecca, femme d’Isaac mit au monde deux fils jumeaux : Esaü, qui était roux et tout velu, et Jacob, ainsi nommé parce qu’il tenait de sa main le pied de son frère. Esaü devint un habile chasseur. Jacob, homme simple, demeurait à la maison. Un jour, Jacob ayant fait cuire de quoi manger, Esaü revint des champs fort fatigué et dit à son frère : « Donnez-moi de ces mets roux ». Jacob répondit « Vendez-moi votre droit d’aînesse ». Esaü accepta et, ayant pris du vin et le plat de lentilles, mangea et but, puis s’en alla, se mettant peu en peine d’avoir vendu son droit d’aînesse.
Isaac, devenu vieux et presque aveugle, envoie Esaü à la chasse pour lui rapporter le gibier qu’il aime. Pendant ce temps, Rébecca commande à Jacob, qu’elle préfère à son frère, d’aller au troupeau et de lui rapporter deux des meilleurs chevreaux. Elle prépare à Isaac un plat comme il l’aime, recouvre les mains et le cou de Jacob de la peau du chevreau pour qu’il paraisse à Isaac poilu comme Esaü et ainsi Jacob reçoit la bénédiction de son père.
Ayant enfilé son « bleu », Bernard vérifie avec soin le moteur de l’avion. Un peu de graisse ici, un peu d’huile par là, quelques coups de pouce sur les commandes, et « ça tourne rond » comme il convient.
Attiré par le bruit qui assourdit son oncle, Bruno s’est glissé furtivement au hangar et contemple de tous ses yeux l’Oiseau-Bleu.
Bernard monte et descend de son échelle, va, vient, sans s’apercevoir de la présence du petit homme, jusqu’au moment où, dans un mouvement de recul, il le heurte brusquement. Alors il grossit sa voix pour dominer le ronflement du moteur et lui crie, non sans impatience :
— Que fais-tu là, c’est dangereux de venir ici sans permission. Va-t’en et plus vite que ça !
— Oh ! non. Je bougerai pas.
— Alors reste en dehors de la porte et laisse-moi travailler.
Bruno marche à reculons vers l’ouverture et se colle au chambranle. Pendant quelques instants il se tait, puis hasarde :
— Dis, oncle Bernard, c’est‑y avec cet oiseau-là que tu es allé en Mésopotamie ?
— Bien sûr que non, c’est avec l’avion de mon escadrille.
— C’est‑y un drôle de pays, la Mésopotamie ?
— Pas drôle du tout, de grandes plaines, rien d’extraordinaire, et puis, laisse-moi tranquille !
Mais Bruno est tenace, chacun le sait.
— Pourquoi qu’on en parle tout le temps dans l’Histoire Sainte ?
— Tiens ! parce que les Hébreux y ont été souvent.
— Combien de fois ?
Bernard, grimpé sur l’escabeau à hauteur du moteur et fort occupé de savantes observations, est excédé. Il hurle :
— Vas-tu te taire, à la fin ! Combien de fois ? est-ce que j’en sais quelque chose ! Abraham y a habité avec Loth.
Quand son fils Isaac fut d’âge à se marier, son serviteur Éliézer alla lui chercher une femme en Mésopotamie.
— Tu sais le nom de la « dame » ?
Cette fois, Bernard, désarmé, lutte pour ne pas rire :
— Mais oui , la « dame » avait un très joli nom. Elle s’appelait Rébecca.
Un instant de réflexion. Bruno se demande si ce nom est vraiment joli. Oui, décidément. Alors il continue :
— Elle était gentille ?
Tant de persévérance mérite tout de même qu’on en tienne compte. Tout en astiquant son oiseau, Bernard consent à raconter :
— Quand Éliézer est parti pour chercher une femme pour Isaac, il était bien embarrassé de sa commission, car il ne connaissait personne dans ce pays-là. Aussi, tout le long de la route, il priait le Seigneur de le faire tomber juste.