Dès que le jour parut, Caïphe rassembla une seconde fois les Princes des Prêtres, les Anciens du peuple, les Scribes et les Pharisiens. Ils interrogèrent de nouveau Jésus, qui affirma encore qu’il était le Christ, le Fils de Dieu fait homme, Ils confirmèrent la condamnation à mort ; mais comme le gouverneur romain pouvait seul faire exécuter les condamnations à mort, Jésus fut conduit au palais de Ponce Pilate, qui était gouverneur de Jérusalem au nom de l’Empereur Tibère.
Pilate était un homme faible et égoïste ; il désirait plaire à tout le monde et il ne cherchait pas à être juste dans ses jugements.
Il était environ six heures du matin quand Jésus fut amené à son tribunal. Les Juifs accusèrent Jésus d’une foule de crimes et ils affirmèrent qu’il se disait Roi de Judée, et qu’il méprisait l’autorité de César Tibère.
Pilate interrogea Jésus ; il fut frappé de sa majesté et de sa douceur.
« Es-tu Roi ? lui demanda-t-il.
— Oui ; répondit le Sauveur, tu l’as dit, je suis Roi ; mais mon Royaume n’est pas de ce monde. Si mon Royaume était de ce monde, je serais environné de serviteurs qui prendraient ma défense. Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité.
— Et qu’est-ce que la vérité ? » demanda Pilate. Mais sans attendre une réponse dont, au fond, il se souciait peu, il s’avança vers les Juifs, et leur dit que ne trouvant aucun crime en cet homme, il allait le renvoyer à Hérode, Tétrarque de Galilée.
Armand. Qu’est-ce que c’est, Tétrarque ?
Grand’mère. Un Tétrarque était un Roi d’une petite province. Hérode commandait la province de Galilée, qui était une partie de la Judée ou Palestine. Et comme Pilate venait d’apprendre que Jésus était Galiléen, il voulut se faire ami d’Hérode en lui renvoyant un homme qui était de sa province.
CXXII. Jésus devant Hérode.
Hérode, Tétrarque de Galilée, était un prince cruel, orgueilleux et railleur, c’est-à-dire moqueur.
Il avait entendu parler de Jésus comme d’un faiseur de miracles, et il s’attendait, ainsi que ses courtisans, à lui voir faire des prodiges. Mais le Fils de Dieu ne dit pas une parole en sa présence.
Hérode, mécontent et désappointé, se moqua de lui, le regarda comme un fou, et le fit revêtir d’une robe blanche, ce qui, en Galilée, était le vêtement des fous. Il lui fit mettre dans la main un long roseau en place du sceptre royal que portent les Rois, et il le renvoya à Pilate, accompagné par une populace grossière qui blasphémait, qui l’insultait et le frappait.
CXXIII. Jésus ramené devant Pilate.
Les clameurs de ce peuple excité par les calomnies des Pharisiens et des Princes des Prêtres, attirèrent Pilate, qui interrogea de nouveau Jésus ; mais le Sauveur ne répondit plus rien.
Jacques. Pourquoi ne répondit-il pas ? Il aurait peut-être convaincu Pilate de son innocence.
Grand’mère. Notre-Seigneur voyait le fond du cœur égoïste et lâche de Pilate ; il savait que la peur de l’Empereur et des Juifs l’empêcherait d’être juste. D’ailleurs, quand Pilate lui avait demandé : « Qu’est-ce que la vérité ? » il ne s’était même pas donné la peine d’attendre la réponse du Sauveur.
Notre-Seigneur garda donc le silence, jugeant que toute parole serait inutile.
Pilate, voyant que Jésus ne disait plus rien pour sa défense, était fort embarrassé.
Louis. Il me semble qu’il n’y avait pas de quoi être embarrassé. Il voyait que Jésus était innocent ; il devait le dire aux méchants Juifs, les chasser et protéger le pauvre Jésus contre leur méchanceté.
Grand’mère. Certainement ; c’est ce qu’il aurait fait s’il avait été un homme honnête, courageux et craignant de mal faire ; mais Pilate était lâche, il avait peur de se faire des ennemis et de perdre sa place de Gouverneur de la Judée ; il voulut donc contenter les Juifs, sans pourtant commettre une injustice trop visible à l’égard de Jésus, et il crut avoir trouvé un moyen très-habile.
Il était d’usage qu’aux fêtes de Pâques le Gouverneur romain accordât aux Juifs la grâce d’un condamné à mort. Il y avait dans les prisons de Jérusalem un brigand célèbre, nommé Bar-Abbas, condamné à mort pour ses crimes. Pilate espéra qu’en le proposant au peuple avec Jésus, tout le monde préférerait Jésus, car ce brigand était fort redouté.
Pilate rappela donc au peuple rassemblé autour de son palais, quel était l’usage des fêtes de Pâques, et il leur demanda s’ils voulaient délivrer Bar-Abbas ou Jésus.
Les Pharisiens excitèrent si bien la foule que presque tous crièrent à Pilate :
« Non, pas Jésus, mais Bar-Abbas.
— Et que ferai-je de l’autre ? dit Pilate.
— Qu’il soit crucifié ! » vociférèrent les Juifs.
Ce qui est frappant et ce qui n’a pas été l’effet du hasard, c’est que le nom hébreu de Bar-Abbas, signifie fils de roy. Jésus, Fils de Dieu, sauvait ainsi d’une mort justement méritée, le coupable Bar-Abbas, qui représentait tous les coupables fils d’Adam, tous les fils coupables de notre premier père.
CXXIV. Jésus flagellé.
Pilate hésitait de plus en plus.
« Mais je ne trouve aucun crime en cet homme, » répétait-il aux Pharisiens et aux Juifs.
Et pour toute réponse, tous hurlaient plus fort :
« Crucifiez-le, crucifiez-le ! »
Le lâche Pilate, effrayé de leurs vociférations, crut les apaiser en leur annonçant qu’il allait faire flageller le Seigneur ; il croyait par là satisfaire leur rage et sauver Jésus de la mort.
Il le livra donc aux bourreaux qui le traînèrent dans la cour du Prétoire.
Les soldats romains le dépouillèrent de la robe blanche qu’Hérode lui avait fait mettre par dérision ; ils l’attachèrent à une colonne et le fouettèrent avec une cruauté inouïe.
Sa chair sacrée fut bientôt déchirée par les lanières de cuir armées de pointes de fer dont se servaient les Romains pour ces cruelles exécutions. Et quand sa chair fut en lambeaux, quand ses os furent dépouillés, quand il eut reçu plus de trois mille coups de fouets et que les infâmes bourreaux furent las de frapper, ils délièrent Jésus, l’assirent sur une pierre, jetèrent sur ses épaules sanglantes un manteau de pourpre, enfoncèrent sur sa tête une couronne d’épines dont les pointes lui déchiraient la tête et le front, et lui remirent dans les mains le sceptre de roseau.
« Salut, ô Roi des Juifs ! » disaient-ils en ricanant et en se prosternant devant lui. Et lui arrachant le roseau des mains, ils lui en frappaient la tête, puis ils le souffletaient et le couvraient de crachats.
Voilà, mes chers enfants, une partie des souffrances qu’a voulu endurer Notre-Seigneur pour racheter nos péchés, pour nous sauver du démon. Et nous, ingrats et méchants, nous oublions sa Passion, nous continuons à l’offenser, nous préférons notre plaisir à son amour, et nous nous jetons dans une vie dissipée, commode, agréable, coupable par son inutilité, sans réfléchir que nous nous perdons et que nous rendons les souffrances de Notre-Seigneur inutiles en ce qui nous touche. Notre ingratitude, notre légèreté ont été une des plus grandes peines du Sauveur, car il nous aime et il ne peut nous sauver ; il souffre pour nous des tortures affreuses, et nous repoussons son sacrifice. Prions les uns pour les autres, mes chers enfants, afin que tous nous soyons remplis de reconnaissance et d’amour pour ce bon Sauveur et que nous profitions de ce qu’il a souffert pour nous réunir à lui dans le bonheur éternel.
Soyez le premier à commenter