CXXV. Pilate abandonne Notre-Seigneur à ses bourreaux.

Auteur : Ségur, Comtesse de | Ouvrage : Évangile d’une grand’mère .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Tout san­glant, tout bri­sé par la dou­leur, le Rédemp­teur du monde fut traî­né devant son juge.

, mar­chant devant lui hors de la salle du Pré­toire, le mon­tra à la foule en disant : « Voi­là l’Homme. »

Lui-même, juge inique, eut peur de sa cruelle fai­blesse. Il crut qu’en mon­trant au peuple ce corps ensan­glan­té, ce visage déchi­ré, ils auraient pitié de lui.

« Voi­là l’Homme ! » dit Pilate.

Oui, voi­là l’Homme, l’Homme saint, l’Homme-Dieu qu’ils ont mécon­nu, outra­gé, tor­tu­ré. Voi­là l’Homme qui veut souf­frir, qui veut mou­rir pour sau­ver ceux qui le mécon­naissent, qui l’ou­tragent, qui le tor­turent ; voi­là l’Homme-Dieu mou­rant, mais qui veut souf­frir encore jus­qu’à ce qu’il ait expié tous les péchés de tous les hommes qu’il appelle ses frères.

Ecce Homo, 1543 par Titian

Et les Juifs n’ont aucune pitié de ses atroces dou­leurs ; ils veulent qu’il souffre encore, ils veulent l’a­vi­lir plus encore par le sup­plice igno­mi­nieux de la croix, et tous rugissent de plus fort en plus fort :

« Cru­ci­fiez-le ! crucifiez-le ! »

Pilate, à ces cris, ras­semble son cou­rage : « Pour­quoi le cru­ci­fie­rai-je, deman­da-t-il, puis­qu’il est inno­cent ? Cru­ci­fie­rai-je votre Roi ?

— Nous n’a­vons pas d’autre Roi que César ! crient les Juifs. Nous ne vou­lons pas que celui-ci règne sur nous ! Il s’est dit Fils de Dieu, et selon notre loi il doit mou­rir ! Si vous le relâ­chez, vous êtes enne­mi de César ! »

À ces paroles, Pilate eut peur et cher­cha à étouf­fer la voix de sa conscience. Il mon­ta donc sur son tri­bu­nal, qui, sui­vant l’u­sage des anciens, était situé en plein air et devant le palais. Il se fit appor­ter de l’eau, et se lavant les mains en pré­sence de la foule :

« Je suis inno­cent, dit-il, du sang de ce juste ! C’est vous qui en répondrez !

— Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » s’é­cria tout d’une voix ce peuple furieux qui avait été jusque-là le peuple de Dieu, et qui, depuis ce jour où il devint assas­sin de son Dieu, fut mau­dit comme Caïn, et condam­né comme lui à errer sur la terre, mépri­sé et haï par toutes les nations et dans tous les siècles.

Jésus de Nazareth, roi des Juifs - Récit pour les petits

Pilate, croyant se puri­fier par là du sang inno­cent de Jésus, le condam­na au sup­plice le plus cruel et le plus infa­mant de l’an­ti­qui­té, le sup­plice de la croix. Il fit écrire en hébreux, en grec et en latin l’ins­crip­tion qui devait être atta­chée selon l’u­sage au haut de la croix du condamné :

Jésus de Naza­reth, Roi des Juifs.

Cette ins­crip­tion fut gra­vée, c’est-à-dire écrite en creu­sant dans le bois, sur une planche de bois de cèdre ; la planche était peinte en blanc et les lettres de l’ins­crip­tion étaient peintes en rouge.

Marie-Thé­rèse. Com­ment savez-vous cela, Grand’mère ?

Grand’­mère. Parce que ce pré­cieux sou­ve­nir de la de Notre-Sei­gneur, se voit encore à Rome, dans la basi­lique de Sainte-Croix, où il fut dépo­sé par l’im­pé­ra­trice Hélène, trois cent et quelques années après la mort de Notre-Seigneur.

Made­leine. Com­ment, on dis­tingue encore les lettres ?

Grand’­mère. Par­fai­te­ment ; la cou­leur est dis­pa­rue depuis long­temps, mais j’ai vu les lettres quand j’ai été à Rome, ain­si qu’un grand mor­ceau de la croix, l’un des clous qui ont per­cé les mains de Notre-Sei­gneur, et quelques épines de la cou­ronne que les Juifs enfon­cèrent dans la tête du Sau­veur. Toutes ces pré­cieuses reliques sont à Rome, dans l’é­glise de Sainte-Croix de Jérusalem.

Quand les Pha­ri­siens et les Princes des Prêtres virent l’ins­crip­tion, ils vou­lurent faire chan­ger les der­nières paroles en disant que Jésus n’é­tait pas Roi des Juifs, mais qu’il s’é­tait seule­ment dit Roi des Juifs.

Pilate mépri­sait les Juifs, et dans ce moment il se sen­tait irri­té contre eux parce qu’ils lui avaient fait com­mettre une mau­vaise action que sa conscience lui repro­chait vive­ment ; il repous­sa leur demande avec colère et répon­dit : « Ce qui est écrit est écrit. »

Jésus fut donc pro­cla­mé Roi des Juifs, c’est-à-dire Roi du vrai peuple de Dieu. Et c’est Pilate, son meur­trier, qui le pro­clame Roi ! C’est au nom de l’Em­pire romain, alors maître de l’u­ni­vers, qu’il le pro­clame ! Et pour que per­sonne ne l’i­gnore, il le fait ins­crire sur la croix dans les trois langues répu­tées sacrées : l’hé­breu, le grec, le latin.

Louis. Pour­quoi les appe­lait-on sacrées ?

Carte de Jérusalem au temps de la Passion de Jésus

Grand’­mère. Parce qu’elles seules ser­vaient pour les prières, les céré­mo­nies du culte et pour écrire les livres saints, que le Saint-Esprit lui-même a ins­pi­rés et qui ren­ferment les écrits de Moïse et des Pro­phètes, les Psaumes, les Évan­giles et les écrits des Apôtres. On appelle tous ces écrits les saintes Écritures.

Il était envi­ron huit heures du matin lorsque Pilate pro­non­ça la sen­tence qui condam­nait Notre-Sei­gneur à mou­rir sur la croix. On se mit à pré­pa­rer cette croix, qui, d’a­près les anciennes tra­di­tions, fut faite d’un bois mystérieux.

Éli­sa­beth. Com­ment, mys­té­rieux ? Puisque vous l’a­vez vue, Grand’­mère, elle existe encore et on peut bien savoir de quel bois elle est.

Grand’­mère. J’ai vu, il est vrai, un grand mor­ceau de la tra­verse, qui est à l’é­glise Sainte-Croix de Jéru­sa­lem, mais per­sonne n’a jamais pu dire de quel bois elle était faite.

Pour don­ner plus d’é­clat au sup­plice de Notre-Sei­gneur, aus­si bien que pour aug­men­ter son abais­se­ment, les Princes des Prêtres vou­lurent qu’on cru­ci­fiât avec lui deux scé­lé­rats qui étaient condam­nés à mort et qui atten­daient leur exé­cu­tion dans les pri­sons de la ville.

Pen­dant les pré­pa­ra­tifs du sup­plice, Notre-Sei­gneur fut aban­don­né aux sol­dats de Pilate, qui le frap­pèrent et l’ou­tra­gèrent plus cruel­le­ment encore qu’a­vant la condam­na­tion. Il ne sor­tit du Pré­toire que pour se rendre au Gol­go­tha ou mon­tagne du .

Une ancienne tra­di­tion dit que c’est sous les rochers du Gol­go­tha qu’A­dam avait été enter­ré ; que ses osse­ments y étaient encore lorsque Notre-Sei­gneur fut cru­ci­fié, que la croix de Jésus fut plan­tée à l’en­droit même où se trou­vait la tête d’A­dam, et que le sang de Notre-Sei­gneur cou­la jusque sur le crâne du pre­mier homme qui fut aus­si le pre­mier pécheur.


CXXVI. Jésus porte sa Croix.

Le che­min que tra­ver­sa le lugubre cor­tège était d’en­vi­ron un kilo­mètre. On l’ap­pe­la et on l’ap­pelle encore, la Voie dou­lou­reuse ; et les chré­tiens qui habitent Jéru­sa­lem et ceux qui vont en pèle­ri­nage peuvent par­cou­rir une par­tie de ce che­min et bai­gner de leurs larmes les pierres sanc­ti­fiées par le sang du Dieu Rédempteur.

Passion - Jésus porte sa Croix au calvaire

On obli­gea Jésus, mal­gré sa fai­blesse exces­sive et les plaies qui cou­vraient son corps, à por­ter lui-même sa croix. Il tom­ba à plu­sieurs reprises sous ce cruel far­deau qui pour­tant lui était cher parce qu’il devait ser­vir à la rédemp­tion des hommes. On voit encore la place où la très sainte Vierge Marie, sa mère, accom­pa­gnée de saint Jean et de sainte Marie-Made­leine, s’é­tait pla­cée pour l’at­tendre et pour le suivre.

Hen­ri. Où avait-elle été jusque-là ?

Grand’­mère. Elle était res­tée au Cénacle avec les saintes femmes depuis la Cène ; les dis­ciples Pierre, Jean et Jacques, allaient et venaient pour lui appor­ter des nou­velles du Sauveur.

Quand elle sut qu’il allait par­tir pour le lieu du sup­plice, le Gol­go­tha, elle alla se pla­cer au com­men­ce­ment du che­min qu’il devait suivre, pour l’ac­com­pa­gner de loin et ne plus le quit­ter jus­qu’à son der­nier soupir.

La tra­di­tion rap­porte aus­si qu’une des pieuses femmes qui se trou­vaient sur le pas­sage de Notre-Sei­gneur se jeta aux pieds de Jésus pour lui pré­sen­ter une bois­son for­ti­fiante et pour essuyer sa sainte face toute cou­verte de sueur, de sang et de cra­chats ; et que le Sau­veur récom­pen­sa son cou­rage et sa foi en impri­mant mira­cu­leu­se­ment les traits de son visage sur le linge qu’elle lui présentait.

Camille. Et qu’a-t-on fait de ce linge précieux ?

Grand’­mère. Il existe encore à Rome, dans la basi­lique de Saint-Pierre ; c’est ce linge qu’on appelle le Saint-Suaire.

Jésus et les deux voleurs arri­vèrent au Gol­go­tha, vers neuf heures du matin, ce qui était pour les Juifs la troi­sième heure du jour.

Éli­sa­beth. Com­ment était-ce pour eux la troi­sième heure, puisque c’é­tait la neu­vième.

Grand’­mère. Parce que les Juifs ne comp­taient pas les heures comme nous, à par­tir de minuit ; ils les comp­taient à par­tir du lever du soleil ; et comme dans cette sai­son, mois d’a­vril, Le soleil se lève à six heures, neuf heures pour nous était trois heures pour eux. C’est à la troi­sième heure que les juifs cru­ci­fièrent Notre-sei­gneur ; les ténèbres cou­vrirent la mon­tagne du cal­vaire depuis la sixième heure, midi pour nous, jus­qu’à la neu­vième heure, trois heures pour nous.

Éli­sa­beth. Je croyais que c’é­tait à midi que Notre-Sei­gneur avait été cru­ci­fié. C’est l’a­go­nie qui com­men­ça à midi.

Grand’­mère. On le dit géné­ra­le­ment, mais d’a­près l’É­van­gile même, et le témoi­gnage d’an­ciens doc­teurs, le cru­ci­fie­ment aurait eu lieu à neuf heures. Saint Marc dit expres­sé­ment : C’é­tait la troi­sième heure (neuf heures du matin) et on le crucifia.

Le Sau­veur serait res­té ain­si six heures en croix. L’œuvre du salut se serait faite en six heures comme l’œuvre de la créa­tion s’é­tait faite en six jours. Le monde lui-même, sui­vant les anciennes tra­di­tions, doit durer six époques que l’on croit être de mille ans chacune.
Coloriage pour les enfants - Ste Veronique essuie la face de Jésus


Navigation dans Évangile d’une grand’mère
« CXXXII. Résur­rec­tion et triomphe du Christ.CXXXIII. Marie-Made­leine au tombeau. »

2 Commentaires

  1. Bėrengère Michel a dit :

    Le Saint Suaire est à Turin et non à St Pierre de Rome. La gd mère confond peut être avec le voile de Véro­nique me semble t il !

    14 avril 2019
    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.