Tout sanglant, tout brisé par la douleur, le Rédempteur du monde fut traîné devant son juge.
Pilate, marchant devant lui hors de la salle du Prétoire, le montra à la foule en disant : « Voilà l’Homme. »
Lui-même, juge inique, eut peur de sa cruelle faiblesse. Il crut qu’en montrant au peuple ce corps ensanglanté, ce visage déchiré, ils auraient pitié de lui.
« Voilà l’Homme ! » dit Pilate.
Oui, voilà l’Homme, l’Homme saint, l’Homme-Dieu qu’ils ont méconnu, outragé, torturé. Voilà l’Homme qui veut souffrir, qui veut mourir pour sauver ceux qui le méconnaissent, qui l’outragent, qui le torturent ; voilà l’Homme-Dieu mourant, mais qui veut souffrir encore jusqu’à ce qu’il ait expié tous les péchés de tous les hommes qu’il appelle ses frères.
Et les Juifs n’ont aucune pitié de ses atroces douleurs ; ils veulent qu’il souffre encore, ils veulent l’avilir plus encore par le supplice ignominieux de la croix, et tous rugissent de plus fort en plus fort :
« Crucifiez-le ! crucifiez-le ! »
Pilate, à ces cris, rassemble son courage : « Pourquoi le crucifierai-je, demanda-t-il, puisqu’il est innocent ? Crucifierai-je votre Roi ?
— Nous n’avons pas d’autre Roi que César ! crient les Juifs. Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ! Il s’est dit Fils de Dieu, et selon notre loi il doit mourir ! Si vous le relâchez, vous êtes ennemi de César ! »
À ces paroles, Pilate eut peur et chercha à étouffer la voix de sa conscience. Il monta donc sur son tribunal, qui, suivant l’usage des anciens, était situé en plein air et devant le palais. Il se fit apporter de l’eau, et se lavant les mains en présence de la foule :
« Je suis innocent, dit-il, du sang de ce juste ! C’est vous qui en répondrez !
— Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » s’écria tout d’une voix ce peuple furieux qui avait été jusque-là le peuple de Dieu, et qui, depuis ce jour où il devint assassin de son Dieu, fut maudit comme Caïn, et condamné comme lui à errer sur la terre, méprisé et haï par toutes les nations et dans tous les siècles.
Pilate, croyant se purifier par là du sang innocent de Jésus, le condamna au supplice le plus cruel et le plus infamant de l’antiquité, le supplice de la croix. Il fit écrire en hébreux, en grec et en latin l’inscription qui devait être attachée selon l’usage au haut de la croix du condamné :
Cette inscription fut gravée, c’est-à-dire écrite en creusant dans le bois, sur une planche de bois de cèdre ; la planche était peinte en blanc et les lettres de l’inscription étaient peintes en rouge.
Marie-Thérèse. Comment savez-vous cela, Grand’mère ?
Grand’mère. Parce que ce précieux souvenir de la Passion de Notre-Seigneur, se voit encore à Rome, dans la basilique de Sainte-Croix, où il fut déposé par l’impératrice Hélène, trois cent et quelques années après la mort de Notre-Seigneur.
Madeleine. Comment, on distingue encore les lettres ?
Grand’mère. Parfaitement ; la couleur est disparue depuis longtemps, mais j’ai vu les lettres quand j’ai été à Rome, ainsi qu’un grand morceau de la croix, l’un des clous qui ont percé les mains de Notre-Seigneur, et quelques épines de la couronne que les Juifs enfoncèrent dans la tête du Sauveur. Toutes ces précieuses reliques sont à Rome, dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem.
Quand les Pharisiens et les Princes des Prêtres virent l’inscription, ils voulurent faire changer les dernières paroles en disant que Jésus n’était pas Roi des Juifs, mais qu’il s’était seulement dit Roi des Juifs.
Pilate méprisait les Juifs, et dans ce moment il se sentait irrité contre eux parce qu’ils lui avaient fait commettre une mauvaise action que sa conscience lui reprochait vivement ; il repoussa leur demande avec colère et répondit : « Ce qui est écrit est écrit. »
Jésus fut donc proclamé Roi des Juifs, c’est-à-dire Roi du vrai peuple de Dieu. Et c’est Pilate, son meurtrier, qui le proclame Roi ! C’est au nom de l’Empire romain, alors maître de l’univers, qu’il le proclame ! Et pour que personne ne l’ignore, il le fait inscrire sur la croix dans les trois langues réputées sacrées : l’hébreu, le grec, le latin.
Louis. Pourquoi les appelait-on sacrées ?
Grand’mère. Parce qu’elles seules servaient pour les prières, les cérémonies du culte et pour écrire les livres saints, que le Saint-Esprit lui-même a inspirés et qui renferment les écrits de Moïse et des Prophètes, les Psaumes, les Évangiles et les écrits des Apôtres. On appelle tous ces écrits les saintes Écritures.
Il était environ huit heures du matin lorsque Pilate prononça la sentence qui condamnait Notre-Seigneur à mourir sur la croix. On se mit à préparer cette croix, qui, d’après les anciennes traditions, fut faite d’un bois mystérieux.
Élisabeth. Comment, mystérieux ? Puisque vous l’avez vue, Grand’mère, elle existe encore et on peut bien savoir de quel bois elle est.
Grand’mère. J’ai vu, il est vrai, un grand morceau de la traverse, qui est à l’église Sainte-Croix de Jérusalem, mais personne n’a jamais pu dire de quel bois elle était faite.
Pour donner plus d’éclat au supplice de Notre-Seigneur, aussi bien que pour augmenter son abaissement, les Princes des Prêtres voulurent qu’on crucifiât avec lui deux scélérats qui étaient condamnés à mort et qui attendaient leur exécution dans les prisons de la ville.
Pendant les préparatifs du supplice, Notre-Seigneur fut abandonné aux soldats de Pilate, qui le frappèrent et l’outragèrent plus cruellement encore qu’avant la condamnation. Il ne sortit du Prétoire que pour se rendre au Golgotha ou montagne du Calvaire.
Une ancienne tradition dit que c’est sous les rochers du Golgotha qu’Adam avait été enterré ; que ses ossements y étaient encore lorsque Notre-Seigneur fut crucifié, que la croix de Jésus fut plantée à l’endroit même où se trouvait la tête d’Adam, et que le sang de Notre-Seigneur coula jusque sur le crâne du premier homme qui fut aussi le premier pécheur.
CXXVI. Jésus porte sa Croix.
Le chemin que traversa le lugubre cortège était d’environ un kilomètre. On l’appela et on l’appelle encore, la Voie douloureuse ; et les chrétiens qui habitent Jérusalem et ceux qui vont en pèlerinage peuvent parcourir une partie de ce chemin et baigner de leurs larmes les pierres sanctifiées par le sang du Dieu Rédempteur.
On obligea Jésus, malgré sa faiblesse excessive et les plaies qui couvraient son corps, à porter lui-même sa croix. Il tomba à plusieurs reprises sous ce cruel fardeau qui pourtant lui était cher parce qu’il devait servir à la rédemption des hommes. On voit encore la place où la très sainte Vierge Marie, sa mère, accompagnée de saint Jean et de sainte Marie-Madeleine, s’était placée pour l’attendre et pour le suivre.
Henri. Où avait-elle été jusque-là ?
Grand’mère. Elle était restée au Cénacle avec les saintes femmes depuis la Cène ; les disciples Pierre, Jean et Jacques, allaient et venaient pour lui apporter des nouvelles du Sauveur.
Quand elle sut qu’il allait partir pour le lieu du supplice, le Golgotha, elle alla se placer au commencement du chemin qu’il devait suivre, pour l’accompagner de loin et ne plus le quitter jusqu’à son dernier soupir.
La tradition rapporte aussi qu’une des pieuses femmes qui se trouvaient sur le passage de Notre-Seigneur se jeta aux pieds de Jésus pour lui présenter une boisson fortifiante et pour essuyer sa sainte face toute couverte de sueur, de sang et de crachats ; et que le Sauveur récompensa son courage et sa foi en imprimant miraculeusement les traits de son visage sur le linge qu’elle lui présentait.
Camille. Et qu’a-t-on fait de ce linge précieux ?
Grand’mère. Il existe encore à Rome, dans la basilique de Saint-Pierre ; c’est ce linge qu’on appelle le Saint-Suaire.
Jésus et les deux voleurs arrivèrent au Golgotha, vers neuf heures du matin, ce qui était pour les Juifs la troisième heure du jour.
Élisabeth. Comment était-ce pour eux la troisième heure, puisque c’était la neuvième.
Grand’mère. Parce que les Juifs ne comptaient pas les heures comme nous, à partir de minuit ; ils les comptaient à partir du lever du soleil ; et comme dans cette saison, mois d’avril, Le soleil se lève à six heures, neuf heures pour nous était trois heures pour eux. C’est à la troisième heure que les juifs crucifièrent Notre-seigneur ; les ténèbres couvrirent la montagne du calvaire depuis la sixième heure, midi pour nous, jusqu’à la neuvième heure, trois heures pour nous.
Élisabeth. Je croyais que c’était à midi que Notre-Seigneur avait été crucifié. C’est l’agonie qui commença à midi.
Grand’mère. On le dit généralement, mais d’après l’Évangile même, et le témoignage d’anciens docteurs, le crucifiement aurait eu lieu à neuf heures. Saint Marc dit expressément : C’était la troisième heure (neuf heures du matin) et on le crucifia.
Le Sauveur serait resté ainsi six heures en croix. L’œuvre du salut se serait faite en six heures comme l’œuvre de la création s’était faite en six jours. Le monde lui-même, suivant les anciennes traditions, doit durer six époques que l’on croit être de mille ans chacune.
Le Saint Suaire est à Turin et non à St Pierre de Rome. La gd mère confond peut être avec le voile de Véronique me semble t il !
Oui, le Saint Suaire est à Turin.
Mais là, il s’agit du voile de sainte Véronique et non du suaire dans lequel le Christ a été inhumé.
Et le voile de sainte Véronique est bien à Rome. Lire son histoire ici : https://www.maintenantunehistoire.fr/lapparition-de-la-sainte-face-sur-le-voile-de-sainte-veronique/