Étiquette : <span>Ecce Homo</span>

Auteur : Ségur, Comtesse de | Ouvrage : Évangile d’une grand’mère .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Tout san­glant, tout bri­sé par la dou­leur, le Rédemp­teur du monde fut traî­né devant son juge.

Pilate, mar­chant devant lui hors de la salle du Pré­toire, le mon­tra à la foule en disant : « Voi­là l’Homme. »

Lui-même, juge inique, eut peur de sa cruelle fai­blesse. Il crut qu’en mon­trant au peuple ce corps ensan­glan­té, ce visage déchi­ré, ils auraient pitié de lui.

« Voi­là l’Homme ! » dit Pilate.

Oui, voi­là l’Homme, l’Homme saint, l’Homme-Dieu qu’ils ont mécon­nu, outra­gé, tor­tu­ré. Voi­là l’Homme qui veut souf­frir, qui veut mou­rir pour sau­ver ceux qui le mécon­naissent, qui l’outragent, qui le tor­turent ; voi­là l’Homme-Dieu mou­rant, mais qui veut souf­frir encore jusqu’à ce qu’il ait expié tous les péchés de tous les hommes qu’il appelle ses frères.

Ecce Homo, 1543 par Titian

Et les Juifs n’ont aucune pitié de ses atroces dou­leurs ; ils veulent qu’il souffre encore, ils veulent l’avilir plus encore par le sup­plice igno­mi­nieux de la croix, et tous rugissent de plus fort en plus fort :

« Cru­ci­fiez-le ! crucifiez-le ! »

Pilate, à ces cris, ras­semble son cou­rage : « Pour­quoi le cru­ci­fie­rai-je, deman­da-t-il, puisqu’il est inno­cent ? Cru­ci­fie­rai-je votre Roi ?

— Nous n’avons pas d’autre Roi que César ! crient les Juifs. Nous ne vou­lons pas que celui-ci règne sur nous ! Il s’est dit Fils de Dieu, et selon notre loi il doit mou­rir ! Si vous le relâ­chez, vous êtes enne­mi de César ! »

À ces paroles, Pilate eut peur et cher­cha à étouf­fer la voix de sa conscience. Il mon­ta donc sur son tri­bu­nal, qui, sui­vant l’usage des anciens, était situé en plein air et devant le palais. Il se fit appor­ter de l’eau, et se lavant les mains en pré­sence de la foule :