Ésaü et Jacob

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Histoire Sainte illustrée .

Temps de lec­ture : 10 minutes

IX

Ayant enfi­lé son « bleu », Ber­nard véri­fie avec soin le moteur de l’a­vion. Un peu de graisse ici, un peu d’huile par là, quelques coups de pouce sur les com­mandes, et « ça tourne rond » comme il convient.

Atti­ré par le bruit qui assour­dit son oncle, Bru­no s’est glis­sé fur­ti­ve­ment au han­gar et contemple de tous ses yeux l’Oiseau-Bleu.

Ber­nard monte et des­cend de son échelle, va, vient, sans s’a­per­ce­voir de la pré­sence du petit homme, jus­qu’au moment où, dans un mou­ve­ment de recul, il le heurte brus­que­ment. Alors il gros­sit sa voix pour domi­ner le ron­fle­ment du moteur et lui crie, non sans impatience :

— Que fais-tu là, c’est dan­ge­reux de venir ici sans per­mis­sion. Va-t’en et plus vite que ça !

— Oh ! non. Je bou­ge­rai pas.

— Alors reste en dehors de la porte et laisse-moi travailler.

Bru­no marche à recu­lons vers l’ou­ver­ture et se colle au cham­branle. Pen­dant quelques ins­tants il se tait, puis hasarde :

— Dis, oncle Ber­nard, c’est‑y avec cet oiseau-là que tu es allé en Mésopotamie ?

— Bien sûr que non, c’est avec l’a­vion de mon escadrille.

— C’est‑y un drôle de pays, la Mésopotamie ?

— Pas drôle du tout, de grandes plaines, rien d’ex­tra­or­di­naire, et puis, laisse-moi tranquille !

Mais Bru­no est tenace, cha­cun le sait.

— Pour­quoi qu’on en parle tout le temps dans l’His­toire Sainte ?

— Tiens ! parce que les Hébreux y ont été souvent.

Bernard explique l'histoire de Jacob
— Laisse-moi tranquille !

— Com­bien de fois ?

Ber­nard, grim­pé sur l’es­ca­beau à hau­teur du moteur et fort occu­pé de savantes obser­va­tions, est excé­dé. Il hurle :

— Vas-tu te taire, à la fin ! Com­bien de fois ? est-ce que j’en sais quelque chose ! Abra­ham y a habi­té avec Loth.

Quand son fils fut d’âge à se marier, son ser­vi­teur Élié­zer alla lui cher­cher une femme en Mésopotamie.

— Tu sais le nom de la « dame » ?

Cette fois, Ber­nard, désar­mé, lutte pour ne pas rire :

— Mais oui , la « dame » avait un très joli nom. Elle s’ap­pe­lait .

Un ins­tant de réflexion. Bru­no se demande si ce nom est vrai­ment joli. Oui, déci­dé­ment. Alors il continue :

— Elle était gentille ?

Tant de per­sé­vé­rance mérite tout de même qu’on en tienne compte. Tout en asti­quant son oiseau, Ber­nard consent à raconter :

— Quand Élié­zer est par­ti pour cher­cher une femme pour Isaac, il était bien embar­ras­sé de sa com­mis­sion, car il ne connais­sait per­sonne dans ce pays-là. Aus­si, tout le long de la route, il priait le Sei­gneur de le faire tom­ber juste.

Comme il arri­vait érein­té, voi­là qu’il ren­contre une belle jeune fille des­cen­dant de la ville, pour pui­ser de l’eau à une fon­taine. Élié­zer lui demande à boire et la voi­là qui penche sa cruche sur son bras pour qu’il puisse se désal­té­rer à l’aise. Ensuite, elle dit : « Je vais pui­ser aus­si pour vos cha­meaux. » Ce n’é­tait pas une petite affaire que d’a­breu­ver des cha­meaux, mais il faut croire qu’elle ne crai­gnait pas sa peine ! Élié­zer, voyant qu’elle sem­blait aus­si bonne que belle, la pria de le conduire chez ses parents, et il deman­da leur fille en mariage pour son jeune maître, ni plus ni moins. Mais per­sonne ne vou­lait lais­ser par­tir Rébec­ca. On pleu­rait, elle était tel­le­ment « gen­tille » pour tout le monde !

— Aus­si gen­tille que Tate ?

— Peut-être bien. Elle consen­tit cepen­dant à deve­nir la femme d’I­saac, et ils furent très heu­reux ensemble.

— Ils ont eu beau­coup de petits enfants ?

— Deux jumeaux : et .

— Ça, c’est pas des beaux noms ! Ils étaient sages, ou bien ils étaient mal élevés ?

Ber­nard est tel­le­ment amu­sé, qu’il ne s’im­pa­tiente plus. La conver­sa­tion le réjouit fort et puis ce mar­mot, après tout, cherche à s’ins­truire. Alors Ber­nard fait de son mieux pour être juste dans ses réponses. Du haut de son échelle, il crie :

— Ce que je sais, c’est qu’ils ne se res­sem­blaient pas. Jacob était d’hu­meur tran­quille et aimable, Ésaü, un rude type, n’ai­mait que la chasse et le mouvement.

Bru­no se redresse et affirme, de son air vieux monsieur :

— Il était sportif !

Musée d'Orléans - Ésaü vend son droit d'aînesse contre un plat de lentilles à JacobCette fois, Ber­nard éclate de rire.

— Par­fai­te­ment ! Et tu sais, quand on a fait du sport et qu’on rentre chez soi, on a géné­ra­le­ment une faim de loup. Un jour, Ésaü vou­lut, en arri­vant, man­ger un plat de len­tilles, que Jacob avait pré­pa­ré. Jacob refuse. Ésaü y tient. Il y tient si bien, qu’il vend à son frère son droit d’aî­nesse à condi­tion d’a­voir le plat de lentilles.

— Qu’est-ce que c’est, le droit d’aînesse ?

Cela devient sérieux. Ber­nard arrête son moteur et s’as­sied à cali­four­chon sur l’es­ca­beau pour répondre : Le droit d’aî­nesse, c’est le droit pour le fils aîné d’une famille de suc­cé­der au patriarche son père, comme chef de cette famille. En ce temps-là, et sur­tout depuis les pro­messes faites à Abra­ham, ce rôle de chef était très beau et très important.

— Alors, c’est Jacob qu’est deve­nu chef ?

— Oui. Mais il s’a­git de savoir comment !

Isaac était vieux et aveugle. Il vou­lut bénir son fils aîné avant de mou­rir, ain­si que le fai­saient tous les patriarches. C’é­tait comme leur tes­ta­ment et c’est par cette béné­dic­tion qu’ils confiaient à l’aî­né de leurs enfants la charge de diri­ger la famille après eux.

Jacob, aidé de Rébe­caa, pro­fi­ta de ce que son père était aveugle pour obte­nir sa béné­dic­tion à la place d’Ésaü.

— C’é­tait pas chic, affirme Bruno.

— Non. Il ne devait pas être fier d’a­voir trom­pé son père, mais sans doute se disait-il qu’a­près tout, son frère lui avait déjà ven­du son droit d’aî­nesse, ce qui était par­fai­te­ment vrai.

Mais Ésaü ne l’en­ten­dait pas de cette oreille-là. Furieux, il jeta les hauts cris.

Bru­no, gravement :

— Ça ! je pense bien ! Mais qu’a dit leur papa quand il a su ?

Ber­nard ne s’est jamais tant amusé.

— Leur papa ? N’ou­blie pas, c’est Isaac. Hé bien il a com­pris que le Bon Dieu avait tout per­mis, pour que Jacob, le meilleur au fond de ses deux fils, reçût sa béné­dic­tion. Ésaü eut beau pleu­rer, tem­pê­ter, Isaac n’a rien vou­lu chan­ger à ce qu’il avait fait.

Il a décla­ré qu’É­saii serait indé­pen­dant de son frère, tan­dis que Jacob héri­te­rait des pro­messes qui regar­daient la venue du Sau­veur en ce monde.

Crai­gnant la colère d’É­saii, Jacob a fui encore en Méso­po­ta­mie, chez son oncle Laban.

Au moment de sa fuite, alors qu’il avait bien de la peine, Dieu, par le moyen d’un songe, le consola.

— Un songe, dis, c’est un rêve ?

— Oui, mais un rêve dont le Bon Dieu se ser­vait dans ce temps-là, pour ins­truire les hommes aux­quels il vou­lait faire com­prendre ses volontés.

— Alors, qu’est-ce que Jacob a rêvé ?

— Tan­dis qu’il fuyait devant la colère d’É­saü, triste et las, il s’é­tait cou­ché et endor­mi la tête sur une pierre. Tout à coup, il lui semble voir une échelle posée sur la terre et se dres­sant jus­qu’au ciel. Sur l’é­chelle, des anges mon­taient et descendaient.

— Des anges ! Est-ce qu’ils étaient habillés de lumière ?

Jacob, Laban et Rachel- Nicolas Vleughels— Peut-être. En tous cas, Jacob les contem­plait émer­veillé, tan­dis qu’une voix se fai­sait entendre. Elle disait : « Je te don­ne­rai le pays où tu es, et toutes les nations de la terre seront bénies en toi, et en celui qui sor­ti­ra de toi. »

Tu vois, Bru­no, le Bon Dieu fai­sait à Jacob la même pro­messe qu’à Abra­ham et à Isaac.

Alors Jacob a accep­té l’é­preuve des vingt années pen­dant les­quelles il devait res­ter comme ser­vi­teur chez son oncle Laban.

C’est là qu’il épou­sa , la sœur de sa pre­mière femme, qui s’ap­pe­lait Lia.

Puis le moment vint où il crut pou­voir reve­nir dans son pays. Mais il crai­gnait encore la colère de son frère Ésaü et pen­dant son voyage il priait beaucoup.

Or, voi­là qu’un homme mys­té­rieux lui barre la route, et toute la nuit, Jacob lutte avec lui pour passer.

— Toute la nuit !

— Mais cet homme était en réa­li­té, un ange envoyé de Dieu, et au matin Jacob lui dit : « Je ne vous lais­se­rai point aller, que vous ne m’ayez béni. »

Alors, l’ange lui répond de la part de Dieu : « Tu ne t’ap­pel­le­ras plus Jacob, mais Israël, car tu as com­bat­tu contre Dieu et tu l’as empor­té. » Cela vou­lait dire que la prière de Jacob était exau­cée. Le nom nou­veau que lui don­nait l’ange signi­fiait « fort contre Dieu ».

La prière, vois-tu, Bru­no, a une force que le Bon Dieu bénit. Dans sa bon­té, Il cède à la prière.

— C’est pas comme toi ! Sou­vent on te demande, oncle Ber­nard, mais tu ne veux pas écouter.

Ber­nard a la bouche aux oreilles…

— Je ne suis pas le Bon Dieu, mon vieux Bru­no. Et pour­tant j’ai lais­sé mon moteur en plan et je te raconte des affaires depuis une demi-heure. Écoute la fin :

Après son com­bat avec l’ange, Jacob est demeu­ré boi­teux pour qu’il lui res­tât un signe de cette lutte extra­or­di­naire. Le nom glo­rieux d’Is­raël est pas­sé à tous ses des­cen­dants, qu’on appel­le­ra les Israélites.

Et puis, Jacob est ren­tré dans son pays. Ésaü s’est récon­ci­lié avec lui, il a pu assis­ter à la mort d’I­saac et il est deve­nu le grand chef de famille. Il avait douze enfants.

Bru­no conclut gravement :

— C’est beaucoup…

Puis, se décidant :

— Je crois que main­te­nant je vais aller cher­cher Nicole. Peut-être, tu sais, oncle Ber­nard, elle ne sau­ra pas l’his­toire d’É­saü et de Jacob, alors, moi. je lui dirai.

Coloriage biblique - Combat de Jacob contre l'ange


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