Temps de lecture : 2 minutesIl y avait un riche et un pauvre. Le riche faisait bonne chère ; le pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères que les chiens venaient lécher ; mais le riche ne lui donnait rien à manger. Ce dernier mourut et fut envoyé en enfer. Lazare aussi mourut, et…
Étiquette : <span>Charité</span>
— Quel plaisir ! quel bonheur ! encore une invitation ! Bravo, papa, qui annoncez la bonne nouvelle !
On saute au cou de son papa, on l’embrasse à grands bras comme si on était encore de petits enfants, et, rrring ! Laure et Christiane, les mains dans les mains, font un tour vertigineux. Elles ont quinze ans, elles sont charmantes. Elles aiment un peu le travail et beaucoup le plaisir, et sont expertes en cent ouvrages. Elles n’ont plus leur maman, et ont dû, bien jeunes, apprendre à mener la maison de leur papa, le bon docteur. Celui-ci trouve en elles son plus cher délassement aux rudes journées de dévouement. Leur plaisir est tout son plaisir ; on le sait bien, et les clients amis, qui sont nombreux, ne sauraient donner une fête enfantine sans y convier ses grandes filles.
— Nous comptons bien sur elles, n’est-ce pas, mon cher docteur ?
Et le cher docteur, muni de la bonne invitation, sourit d’avance de la joie qu’il apporte.
Cette fois, cela promet d’être plus amusant que jamais. Mme de Saintey donne une matinée pour le Mardi Gras, on sera costumé, et il y aura un concours de crêpes ; oui, on fera saute, les crêpes. Des prix seront distribués aux plus adroits qui enverront le plus haut la crêpe, la meilleure. Cette perspective provoque un délire de joie. Quinze jours, ce n’est pas trop pour s’entraîner aux crêpes, confectionner les costumes. Le docteur a ouvert son portefeuille :
— Voilà pour faire des merveilles, dit-il. Et dans chaque main il met un billet de cinquante francs, ce qui fait, bien compté, cent francs pour chacune. Puis d’un bon air heureux :
— Alors, tout le monde est content, et celle qui l’est le moins, ce n’est, à coup sûr, pas Marinette.
Qui, Marinette ? Mais cette vaillante enfant dont a déjà parlé papa, qui soigne sa maman malade, veille à la tripotée des petits frères, s’ingénie retenir le père dans le triste logis : elle n’y réussit pas toujours, la pauvrette. C’est une vie bien dure, bien sombre, sans joie jamais.
Papa poursuit : il explique que Mme de Saintely, cherchant une jeune fille pour tenir le vestiaire, il lui a recommandé Marinette dont la maman va mieux. Ce mardi-là, Marinette pourra sortir.
— Je viens de lui annoncer ma petite combinaison, la chère enfant n’en dormira pas de la nuit ! Cette journée lui apparait comme une féérie. Gentiment, elle pense déjà à l’emploi de l’argent qui lui en reviendra.
Le bon docteur, qui est un peu poète, s’enchante et s’émeut ; Laure, qui s’entend toujours très bien avec son papa, partage la douce impression.
— Voyez, conclut-il, elle aura une place bien humble, l’excellente enfant. Or, non seulement elle n’envie personne, mais il lui semble que personne ne sera aussi heureux qu’elle ce jour-là. « Je ne verrai rien d’aussi beau de ma vie ! » déclare-t-elle. Ce sera, on le sent, un gai rayon sur sa misérable jeunesse, ce souvenir.
— Il y a bien un hic, reprend papa. J’aurais voulu à Mariette un vêtement un peu convenable, elle ne possède qu’une pauvre robe et ne peut se rendre ainsi chez Mme de Saintely.
[1]Petite Jeanne n’y comprend plus rien : dans le jardin mystérieux, plein d’ombre et de bosquets, tout, depuis quelque temps devient encore plus mystérieux… Un vieil homme se promène dans les allées, vêtu de la livrée. Il se fait nommer Pierre. S’il est domestique, pourquoi ne va-t-il pas plutôt frotter les parquets ?… Et puis, ces paysans qui vont et viennent panier au bras… puis disparaissent, à moins que maman ne les fasse entrer sans bruit à la maison… maman ne fait plus toilette ; elle ne reçoit plus voisins et amis comme autrefois… si Jeanne la questionne, elle se tait… Tout cela aiguise la curiosité de la petite fille. Elle veut savoir et elle saura !… Le prétexte d’une course au papillon lui permettra de prendre cette allée que suit le serviteur. Elle lui demande : « Vous avez déjà fini votre travail, Pierre ? Qu’est-ce que maman vous a fait faire ? »
Pierre ne répond pas ; il se penche vers la petite fille et la regarde avec une grande bonté… Un autre jour, Jeanne s’aperçoit que les lèvres de Pierre remuent comme s’il priait tout bas… Puis, c’est le comble !… se réveillant, une nuit, la petite Jeanne voit Pierre habille comme monsieur le Cure quand il disait la messe… et il dit la messe, en effet, an fond de la chambre d’enfants, sur une table garnie de nappes… Au fait, puisqu’elle a sept ans, pourquoi maman, si chrétienne, si pieuse, ne l’emmène-t-elle plus à l’église ? L’enfant s’y perd de plus en plus ; elle est entourée de mystères et de points d’interrogation, comme son lit de rideaux… mais la lumière des chandelles a traversé ceux-ci, tandis que son esprit reste dans l’obscurité la plus complète. Ce qui la bouleverse, c’est d’être trompé par sa mère… Pourquoi maman ne lui dit-elle pas tout simplement la vérité ? Si Pierre est prêtre, pourquoi ce déguisement de serviteur ?
Jeanne finit par se rendormir Le lendemain, après sa leçon, elle va jouer au jardin avec ses petites sœurs Antoinette et Claudine — Françoise est encore au berceau —.
Un papillon ! Vite, le filet ! Une fois encore, Jeanne se heurte à Pierre… elle en est toute saisie… mais Claudine la rappelle : « Jeanne, Jeanne ! Antoinette a pris ma poupée ! »

- [1] D’après L’apôtre du quartier Mouffetard : Sœur Rosalie, par Cécile Lhotte et Elisabeth Dupeyrat.↩
DANS un village d’Orient où ils étaient nés et où ils avaient toujours vécu, personne certainement ne connaissait, mieux les étoiles que le petit berger Rhaël et sa sœur Noémie. Ils les avaient si souvent contemplées pendant les belles nuits chaudes, alors qu’ils couchaient en plein air, à côté de leurs troupeaux.
Rhaël et Noémie étaient pauvres et orphelins, mais ils n’étaient pas malheureux, car ils s’aimaient tendrement, et savaient se contenter de leur très humble position.
Ils avaient de petites âmes très poétiques et un vif sentiment du beau et de l’idéal ; c’est pourquoi les étoiles du ciel les attiraient par leur clarté et leur mystère.
Ils les appelaient par leurs noms, savaient l’heure d’après leur position sur l’horizon, et s’en servaient très bien pour se guider.
Aussi, quel ne fut, pas leur étonnement, une nuit, d’en apercevoir une nouvelle qu’ils n’avaient encore jamais vue !
Elle était petite, mais très brillante et paraissait lointaine.
Le lendemain, l’étoile était un peu plus grosse et paraissait plus près, et il en fut de même les nuits suivantes : l’astre grandissait, et se rapprochait visiblement.

Les petits bergers étaient ravis d’étonnement et d’admiration et formaient mille conjectures concernant ce phénomène ; mais ils n’en parlaient à personne ; d’abord, ils vivaient presque toujours dans la solitude, éloignés de toute habitation, et puis ils étaient peu communicatifs, se suffisant parfaitement l’un à l’autre.
Maintenant, l’étoile occupait toutes leurs pensées ; ils, attendaient la nuit avec impatience pour voir. Elle brillait d’un éclat, incomparable, jetant mille feux comme une escarboucle et montant chaque soir un peu plus haut dans le ciel.
Conte
Maître Archimbaud avait au moins cent ans. Il avait été en son temps un rude homme de guerre, et avait fait parler de lui. Mais maintenant, affaibli, épuisé de faiblesse, il gardait le lit depuis longtemps et ne pouvait plus bouger.
Le vieil Archimbaud avait trois fils. Un matin, il appela l’aîné et lui dit :
— Viens ça, mon fils : en tournant et en rêvant dans mon lit — car, cloué sur un lit, on a le temps de compter — je me suis rappelé que, dans une bataille, me trouvant un jour en danger de mort, je promis à Dieu de faire le pèlerinage de Rome… Hélas ! je suis vieux comme les pierres, et je ne puis aller en guerre !… Je voudrais bien que tu ailles à ma place faire ce pèlerinage, car je ne voudrais pas mourir sans accomplir mon vœu.
L’aîné répondit :
— Diantre ! allez-vous vous mettre en tête un pèlerinage à Rome !… Père, mangez, buvez, et tournez dans votre lit tant que vous voudrez… Nous avons bien d’autres affaires.
Le lendemain matin, maître Archimbaud appelle son fils cadet :
— Cadet, lui dit-il, écoute : en rêvassant et en comptant — car cloué sur un lit, on a le temps de rêver — je me suis souvenu que, dans une bataille, me trouvant en danger de mort, je m’engageai envers Dieu à faire le grand pèlerinage de Rome… Hélas ! je suis vieux comme les pierres, et je ne puis aller en guerre ! Je voudrais bien que tu ailles à ma place accomplir ce pèlerinage.
Le cadet répondit :
— Père, dans une quinzaine va venir le beau temps : il faudra sarcler, tailler les vignes, piocher. Notre aîné doit conduire le bétail en montagne ; le plus jeune est un enfant… Qui commandera les ouvriers, si je m’en vais à Rome traîner la jambe sur les chemins ?… Père, mangez, dormez et laissez-nous un peu tranquilles.
Le lendemain matin, le bon maître Archimbaud appela le plus jeune :

— Esprit, mon enfant, approche, dit-il. J’ai promis au bon Dieu de faire un pèlerinage à Rome… Mais je suis vieux comme les pierres, et je ne puis aller en guerre !… Je t’enverrais bien à ma place, cher enfant, mais tu es un peu jeune, tu ne sais pas le chemin, c’est bien loin, mon Dieu ! et, si tu venais à t’égarer…