Étiquette : <span>Crêpe</span>

Auteur : Duhamelet, Geneviève | Ouvrage : Chandeleur .

Temps de lec­ture : 15 minutes

V

Le gong du dîner inter­rom­pit l’oncle Pas­cal. Les enfants se pré­ci­pi­tèrent dans la salle à man­ger, sauf Agnès, qui ne put se tenir d’al­ler à la cui­sine sou­le­ver le linge qui recou­vrait la fameuse terrine :

— Vou­lez-vous bien lais­ser la pâte tran­quille, grom­me­la Julie, secrè­te­ment bles­sée peut-être d’a­voir dû abdi­quer devant la fillette. Vous allez lui faire prendre froid.

Mais à l’heure des crêpes, la gron­deuse Julie elle-même dut conve­nir que la pâte était magni­fique, juste assez épaisse, par­fai­te­ment liée et d’un beau jaune d’or.

Tout le monde était réuni dans la cui­sine. Grand’­mère dans son fau­teuil, oncle Pas­cal, papa, maman et les enfants, sauf le petit Phi­lippe qui était déjà cou­ché, et à qui les crêpes étaient, du reste, bien indifférentes.

Agnès récla­mait l’hon­neur de faire la pre­mière , mais Julie, déjà, se pré­ci­pi­tait et grand’­mère, atti­rant la petite fille, lui souf­fla dans l’oreille :

— Laisse donc, c’est la plus dif­fi­cile à réus­sir. La poêle n’est pas encore faite et glisse mal. Et puis, cela fait plai­sir à Julie.

La cui­si­nière mon­trait en effet sa dex­té­ri­té : une noi­sette de sain­doux au creux de la poêle, un rapide mou­ve­ment du poi­gnet qui répand la graisse fon­dante, puis la cuille­rée de pâte, bien éga­le­ment. Quelques ins­tants de patience et, hop ! sans que per­sonne ait sai­si le geste rapide, la crêpe est retour­née en un tourne-main.

Sous les excla­ma­tions et les bra­vos, Julie s’in­cline avec un orgueil modeste. Elle peut main­te­nant aban­don­ner sa place. Elle a rem­por­té son petit triomphe. Même, avec magna­ni­mi­té, elle offre ses conseils à Agnès qui lui succède.

Crêpes pour les enfants
La petite fille s’applique.

La petite fille, les sour­cils fron­cés, les lèvres ser­rées, s’ap­plique autant qu’elle peut. La crêpe saute, mais retombe à demi repliée. La pro­chaine sera mieux.

— À mon tour, sup­plie Gilbert.

Agnès ne pré­tend pas céder sa place.

— Tu gardes, comme on dit, la queue de la poêle, remarque iro­ni­que­ment l’oncle Pascal.

Agnès va se fâcher. Mais un mot de sa mère lui fait lâcher prise :

— Tu sais ce que tu m’as promis.

Elle s’en sou­vient. Elle a pro­mis de se cor­ri­ger de son égoïsme. Connaître ses défauts, c’est en être à moi­tié gué­ri. Aus­si cède-t-elle à son petit frère. Gil­bert est si content d’être arri­vé à ses fins qu’il laisse choir sa crêpe dans les cendres.

Auteur : Duhamelet, Geneviève | Ouvrage : Chandeleur .

Temps de lec­ture : 12 minutes

IV

Après une mati­née aus­si aus­tère, les enfants éprou­vaient le besoin de se détendre, et l’oncle Pas­cal pro­po­sa de les emme­ner en pro­me­nade l’après-midi.

Donc, sitôt après le déjeu­ner, la petite bande se trou­va prête. Le temps était superbe, un peu froid, mais la marche réchauffe, fait rou­gir les joues et briller les yeux.

On gagna rapi­de­ment la cam­pagne. Un vigne­ron plan­tait une vigne nou­velle. Le jeune blé poin­tait entre les sillons bruns. Gil­bert, comme un étour­neau, dit :

— Tiens, du gazon !

Mais ce gazon-là, si Dieu le bénit, devien­dra l’é­pi lourd de grains, et l’oncle Pas­cal recom­man­da aux enfants de mar­cher bien au milieu du sen­tier et de ne pas fou­ler aux pieds l’herbe précieuse.

Quel est cet oiseau qui pro­mène sur les che­mins sa digni­té en habit noir ? C’est un merle. Il ne chante pas encore. L’a­louette non plus, la petite alouette grise, amie du labou­reur, ne monte pas encore vers le ciel en lan­çant son tire­li. Les bonnes gens disent qu’elle ne chan­te­ra que dans trois jours, à la Sainte Agathe (le 5 février), mais elle est là, tapie au creux du sillon, rete­nant dans sa gorge gon­flée le chant qu’elle va chan­ter, comme si elle fai­sait retraite avant de s’envoler.

L’eau vive des prés s’é­chappe en bon­dis­sant des pri­sons de cris­tal où le vieil hiver l’a­vait enfer­mée. La neige fond par places et, par places, demeure aux ravins que la bise du nord a pris pour domaines.

— Oncle Pas­cal, dit Agnès qui a de bons yeux, vois donc là-bas ces mor­ceaux de neige, on dirait une les­sive qui sèche.

Au flanc des coteaux de grands arbres se dressent. La sève recom­mence à cir­cu­ler dans les branches. Sur le sol feu­tré de feuilles mortes, un fris­son va pas­ser. Mille petites herbes inco­lores sont prêtes à sou­le­ver l’en­ve­loppe qui les oppresse, à poin­ter, à ver­dir au pro­chain rayon de soleil. Les cor­beaux, les geais et les pies, tristes oiseaux d’hi­ver, tiennent de rauques conci­lia­bules, mais ils savent bien qu’ils vont être dépos­sé­dés du grand silence syl­vestre dès que les vrais chan­teurs seront reve­nus et, dans leurs obs­cures petites pri­sons, les chry­sa­lides rêvent à leurs ailes.

L’oncle Pas­cal, qui est poète, explique toutes ces choses à ses neveux, et de ses lèvres s’é­chappe une vapeur, car il ne fait déci­dé­ment pas chaud.

— Ren­trons, pro­pose-t-il quand le ciel se déco­lore et que le soleil se cache. Nous fini­rons l’a­près-midi chez moi et nous par­le­rons encore de la , car j’ai bou­qui­né ce matin à votre inten­tion et j’ai des his­toires plein mon sac.

La chambre de l’oncle est un Para­dis ter­restre. Des livres tout le long des murs, de bons cous­sins pour s’as­seoir par terre, un dra­geoir tou­jours rem­pli, et le plus lumi­neux, le plus écla­tant des feux de bois auquel on a la per­mis­sion de tou­cher avec les lourdes pincettes.

Enfants écoutant les histoires du soir

Auteur : Jourdan, Juliette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Mardi-gras

Vous nous ferez goû­ter de vos crêpes, Madame Michou ?

— Oui, oui, Madame Fol­len­fant… Venez ce soir à 8 heures. »

Madame Michou, depuis huit jours, ne parle plus que de ses crêpes. Il n’y en a pas comme elle pour les faire, paraît-il… blondes, fines, par­fu­mées. La recette n’en est pas extra­or­di­naire, puisque, sur ses ins­truc­tions, c’est Jacotte, sa petite fille, qui délaye la farine. Mais le tour de main… par­lez-moi de ce tour de main-là… Madame Michou vous attrape la queue de la poêle, fait cou­ler la pâte comme du lait, et hop ! avant qu’on ait le temps d’ou­vrir la bouche, voi­là la en l’air, puis à nou­veau dans la poêle, dorée, onc­tueuse, légère comme une dentelle…

Les crêpes du mardi gras ou de la Chandeleur

* * *

Aus­si, chaque Mar­di-Gras et chaque dimanche de Mi-Carême sont pour Madame Michou ce que, toutes pro­por­tions gar­dées, fut Aus­ter­litz pour le grand empe­reur Napoléon…

Auteur : Colliaux, Marcelle | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

dentelliere - Jan Vermeer - 1670. Histoire des crêpes du 2 février, la Purification

Rêveuse, Marie-Aude, la petite den­tel­lière, regar­dait sa navette inactive…

« Plus de fil, plus de soie, mur­mu­ra-t-elle ! Je n’au­rai rien à offrir à Notre Dame Marie cette année… »

Ce n’é­tait pour­tant ni le cou­rage, ni l’a­dresse qui man­quaient à Marie-Aude ! Petite den­tel­lière adroite, elle était répu­tée pour la finesse mer­veilleuse de ses den­telles, de ses déli­cates incrus­ta­tions, et les riches dames de la ville se déran­geaient pour venir lui com­man­der leurs fines parures.

Or, cette année-là, Marie-Aude était déso­lée. Dési­reuse d’of­frir un pré­sent à Notre-Dame, comme toutes les dentel­lières du pays avaient cou­tume de le faire en la belle fête de la , elle avait rêvé depuis des mois de tis­ser en fil de soie un nap­pe­ron d’au­tel qui serait le chef-d’œuvre de sa vie !

A l’a­vance, elle avait ima­gi­né d’ac­cor­der harmonieu­sement ses fils en gra­cieux épis, en lis des champs, et de tis­ser fine­ment, si fine­ment en l’hon­neur de la Sainte Vierge, qu’il ne sau­rait y avoir plus déli­cat tra­vail que le sien.

Seule­ment, la vaillante petite Marie-Aude avait dépen­sé jus­qu’à son der­nier sou pour soi­gner sa chère grand-mère malade, dont elle était le seul sou­tien, et il lui était impos­sible d’a­che­ter le moindre fuseau pour Notre-Dame !

* * *

Pen­sive et triste, Marie-Aude écoute le régu­lier tic-tac de l’a­rai­gnée Miette qui tisse, elle, une fine den­telle à la fenêtre et tord son fil en nœuds légers. Marie-Aude aime cette petite arai­gnée beso­gneuse qui tra­vaille en artiste silen­cieu­se­ment et, en connais­seuse, la jeune fille admire ses trames légères toutes emper­lées de la rosée du matin.

« Miette, ma mie, mur­mure-t-elle, tu as bien de la chance ! » Et Miette, l’humble pro­té­gée de Marie-Aude, semble com­pa­tir car, insensiblement,

Auteur : Alençon, M. d’ | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Toute fris­son­nante, mal­gré sa cape de laine noire dans laquelle elle s’en­ve­loppe étroi­te­ment, mère Yvonne se hâte de ren­trer, sur la falaise, à l’a­bri dans sa mai­son. Elle a tenu à se rendre à l’of­fice du matin, en ce jour de la fête des cierges, bien qu’à son lever elle ne se soit pas sen­tie très entrain. Grâce à Dieu, voi­ci le toit fami­lial, bien abri­té du vent par la haie d’é­pines et de genêts. Avant de refer­mer la porte der­rière elle, mère Yvonne jette un regard angois­sé vers la mer qui mou­tonne à l’in­fi­ni, sous le vent aigre et violent.

Pour­quoi a‑t-il vou­lu par­tir cette nuit, son Yann, alors qu’au­cun pêcheur ne ris­que­rait sa voile par ce temps ? Aus­si n’est-ce pas pour le pois­son qu’il s’est embar­qué avec ses mau­vais amis qui gagnent tant d’argent à des besognes louches qu’elle ne peut que soupçonner…

« Lui, fils de pêcheur, mur­mure-t-elle, un contre­ban­dier, est-ce possible ? »

Et cela ne le rend pas heu­reux ; il n’aime plus la mai­son où il paraît si peu, ni sa mère qu’il ne regarde plus en face…

Avec un grand sou­pir de peine et de las­si­tude, mère Yvonne est ren­trée dans sa demeure, a reti­ré sa cape. Soi­gneu­se­ment, elle a pla­cé dans le beau chan­de­lier de cuivre qui orne la che­mi­née le cierge qu’elle a rap­por­té de la béné­dic­tion, puis s’est accrou­pie devant le foyer pour rani­mer le feu, car elle a froid, très froid…

Non, vrai­ment, elle ne se sent pas très bien… Elle ne s’oc­cu­pe­ra même pas de pré­pa­rer quoi que ce soit pour son déjeu­ner ; elle ira se cou­cher tout sim­ple­ment et, fer­mant les yeux, dira son cha­pe­let pour ce fils qui est peut-être en per­di­tion, par amour du gain, sur la mer déchaî­née. Elle s’as­sou­pit, ber­cée par le res­sac des vagues sur les rochers, au pied de la falaise.

***

Toc ! Toc ! Qui frappe ? C’est Rosine, une brave petite qui habite non loin de chez elle.

histoire à télécharger - crêpe de la chandeleur« Eh bien ! quoi, mère Yvonne ? Pas de lumière et la nuit vient ! Je suis accou­rue quand j’ai vu tout noir chez vous. Et déjà