Saint Gorde
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Gorde naît et grandit à Césarée de Cappadoce. Il entre dans l’armée où il fait rapidement son chemin. De haute taille, de non moins haute valeur militaire, il acquiert une grande réputation parmi les troupes.
Le voici donc bien parti pour la gloire, quand Dioclétien ouvre sa persécution contre les chrétiens. Leurs maisons sont pillées, les fidèles cherchent refuge dans les déserts et les forêts. Ceux qui sont pris sont jetés en prison.
Pour Gorde, il ne peut être question de se cacher : il est à son poste. Mais comment rester sous les ordres de celui qui persécute ses frères ? Malgré son goût pour la vie militaire, malgré le brillant avenir qui s’ouvre devant lui, il démissionne : « Je préfère, dit-il, vivre au désert avec les bêtes fauves, qu’avec ces idolâtres. »
Sa démission acceptée, il quitte l’armée, non sans regret et, comme tant d’autres, s’enfonce dans le désert. Son intention est de s’y fortifier dans la prière et la pénitence puis de revenir ensuite défendre les chrétiens et mourir avec eux s’il le faut.
Quand il se sent assez « fort de la force de Dieu », il sort de sa cachette et revient à la ville. Il a choisi pour cela un jour où la population se rue vers le cirque pour une course de chars.
Très calme, Gorde s’avance au milieu de l’arène. « Je m’appelle Gordius, déclare-t-il très haut. J’ai quitté l’armée depuis que l’Empereur est devenu persécuteur et ennemi du vrai Dieu. » Et, s’adressant au Gouverneur : « Je viens te reprocher ta cruauté envers les chrétiens. J’ai choisi le moment de ces fêtes pour protester à la face du monde contre l’injustice et la barbarie. »
Stupeur, puis tollé général. Fureur du Gouverneur : « Bourreaux ! des fouets, des chevalets, des haches, des croix, des fauves ! Un homme aussi exécrable mérite plusieurs fois la mort !
— Oui, réplique Gorde ; on me fera tort si on ne me donne pas plusieurs fois la mort. » Et il entonne un psaume.
Les bourreaux s’apprêtent et comme ils tardent : « Qu’attendez-vous ? leur demande le soldat. N’enviez-vous pas mon bonheur et ma récompense ?
— Voyons, quelle folie ! coupe le Gouverneur, volontairement radouci. Plus sûres que les récompenses que tu espères, tu as sous la main les honneurs des Césars. Rentre dans l’armée, adore nos dieux ; c’est pour toi la gloire immédiate.
— Quoi ! proteste Gorde, tu penses que ces misérables grandeurs d’ici bas : grades, citations, décorations, peuvent me détacher du ciel ? Voilà ce qui serait folie ! Rien sur la terre, rien, entends-tu ? ne pourrait me dédommager de la perte de Dieu. »
Fou de colère, le juge tire son épée et ordonne de passer à l’exécution.
Gorde est aussitôt conduit au supplice, au milieu d’une foule délirante. Les païens vocifèrent ; les membres de sa famille, encore païens, le supplient d’avoir pitié d’eux et de lui. Qu’il ne renonce pas au christianisme puisqu’il y tient, mais qu’il fasse semblant.
« Jamais ! ce serait déloyal. Je tiens ma langue de la bonté de Dieu et je l’emploierais à mentir, à le renier devant les hommes ? J’aime mieux mourir mille fois ! Mon drapeau, c’est la croix. Un soldat trahirait son drapeau par crainte de la mort ? Allons-donc ! »
Ce disant, Gorde trace sur sa poitrine le signe de la croix et, d’un pas alerte, suit les bourreaux. Il rayonne de joie, il est gai comme au matin d’une promotion. Ne va-t-il pas être promu au rang de témoin du Christ ? Ne va-t-il pas prendre place dans la glorieuse armée des martyrs ?
Saint Gorde, obtenez-nous des cœurs vaillants, des âmes vaillantes ! Ne sommes-nous pas aussi, par notre confirmation, soldats du Christ ?
Romain
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Pour un romain, voici un soldat bien nommé. Il assiste à l’interrogatoire du diacre Laurent et les réponses de celui-ci lui font une très grande impression. C’est bien autre chose quand il constate le courage du diacre au milieu des supplices ; et c’est enfin le comble, lorsque Laurent se trouvant demi-mort sous les coups de fouets — fouets armés de pointes de fer — Romain voit un ange essuyer le visage du martyr, étancher le sang de ses plaies. Le soldat païen en est tout interdit. La grâce passe, la lumière se fait ; Romain y correspond. Il s’approche de Laurent, lui dit ce qu’il voit, lui demande ses prières.