Quelques Saints Soldats – n°1

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 13 minutes


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Gorde naît et gran­dit à Césa­rée de Cap­pa­doce. Il entre dans l’ar­mée où il fait rapi­de­ment son che­min. De haute taille, de non moins haute valeur mili­taire, il acquiert une grande répu­ta­tion par­mi les troupes. 

Le voi­ci donc bien par­ti pour la gloire, quand Dio­clé­tien ouvre sa per­sé­cu­tion contre les chré­tiens. Leurs mai­sons sont pillées, les fidèles cherchent refuge dans les déserts et les forêts. Ceux qui sont pris sont jetés en prison. 

Pour Gorde, il ne peut être ques­tion de se cacher : il est à son poste. Mais com­ment res­ter sous les ordres de celui qui per­sé­cute ses frères ? Mal­gré son goût pour la vie mili­taire, mal­gré le brillant ave­nir qui s’ouvre devant lui, il démis­sionne : « Je pré­fère, dit-il, vivre au désert avec les bêtes fauves, qu’a­vec ces ido­lâtres. »

Sa démis­sion accep­tée, il quitte l’ar­mée, non sans regret et, comme tant d’autres, s’en­fonce dans le désert. Son inten­tion est de s’y for­ti­fier dans la prière et la péni­tence puis de reve­nir ensuite défendre les chré­tiens et mou­rir avec eux s’il le faut.

Saint Gorde Soldat et martyr
« Je viens te repro­cher ta cruau­té envers les chrétiens… »

Quand il se sent assez « fort de la force de Dieu », il sort de sa cachette et revient à la ville. Il a choi­si pour cela un jour où la popu­la­tion se rue vers le cirque pour une course de chars. 

Très calme, Gorde s’a­vance au milieu de l’a­rène. « Je m’ap­pelle Gor­dius, déclare-t-il très haut. J’ai quit­té l’ar­mée depuis que l’Em­pe­reur est deve­nu per­sé­cu­teur et enne­mi du vrai Dieu. » Et, s’a­dres­sant au Gou­ver­neur : « Je viens te repro­cher ta cruau­té envers les chré­tiens. J’ai choi­si le moment de ces fêtes pour pro­tes­ter à la face du monde contre l’in­jus­tice et la barbarie. » 

Stu­peur, puis tol­lé géné­ral. Fureur du Gou­ver­neur : « Bour­reaux ! des fouets, des che­va­lets, des haches, des croix, des fauves ! Un homme aus­si exé­crable mérite plu­sieurs fois la mort !

— Oui, réplique Gorde ; on me fera tort si on ne me donne pas plu­sieurs fois la mort. » Et il entonne un psaume.

Les bour­reaux s’ap­prêtent et comme ils tardent : « Qu’at­ten­dez-vous ? leur demande le . N’en­viez-vous pas mon bon­heur et ma récompense ? 

— Voyons, quelle folie ! coupe le Gou­ver­neur, volon­tai­re­ment radou­ci. Plus sûres que les récom­penses que tu espères, tu as sous la main les hon­neurs des Césars. Rentre dans l’ar­mée, adore nos dieux ; c’est pour toi la gloire immédiate. 

— Quoi ! pro­teste Gorde, tu penses que ces misé­rables gran­deurs d’i­ci bas : grades, cita­tions, déco­ra­tions, peuvent me déta­cher du ciel ? Voi­là ce qui serait folie ! Rien sur la terre, rien, entends-tu ? ne pour­rait me dédom­ma­ger de la perte de Dieu. » 

Fou de colère, le juge tire son épée et ordonne de pas­ser à l’exécution. 

Gorde est aus­si­tôt conduit au sup­plice, au milieu d’une foule déli­rante. Les païens voci­fèrent ; les membres de sa famille, encore païens, le sup­plient d’a­voir pitié d’eux et de lui. Qu’il ne renonce pas au chris­tia­nisme puis­qu’il y tient, mais qu’il fasse sem­blant.

« Jamais ! ce serait déloyal. Je tiens ma langue de la bon­té de Dieu et je l’emploierais à men­tir, à le renier devant les hommes ? J’aime mieux mou­rir mille fois ! Mon dra­peau, c’est la croix. Un sol­dat tra­hi­rait son dra­peau par crainte de la mort ? Allons-donc ! »

Ce disant, Gorde trace sur sa poi­trine le signe de la croix et, d’un pas alerte, suit les bour­reaux. Il rayonne de joie, il est gai comme au matin d’une pro­mo­tion. Ne va-t-il pas être pro­mu au rang de témoin du Christ ? Ne va-t-il pas prendre place dans la glo­rieuse armée des martyrs ?

Saint Gorde, obte­nez-nous des cœurs vaillants, des âmes vaillantes ! Ne sommes-nous pas aus­si, par notre confir­ma­tion, sol­dats du Christ ?

Romain
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Pour un romain, voi­ci un sol­dat bien nom­mé. Il assiste à l’in­ter­ro­ga­toire du diacre Laurent et les réponses de celui-ci lui font une très grande impres­sion. C’est bien autre chose quand il constate le cou­rage du diacre au milieu des sup­plices ; et c’est enfin le comble, lorsque Laurent se trou­vant demi-mort sous les coups de fouets — fouets armés de pointes de fer — Romain voit un ange essuyer le visage du , étan­cher le sang de ses plaies. Le sol­dat païen en est tout inter­dit. La grâce passe, la lumière se fait ; Romain y cor­res­pond. Il s’ap­proche de Laurent, lui dit ce qu’il voit, lui demande ses prières.

« Romain voit un ange essuyer le visage du martyr »
« Romain voit un ange essuyer le visage du martyr »

Après la tor­ture, Laurent est conduit en pri­son. Romain y entre avec lui, lui demande le bap­tême et sort triom­phant, ne pou­vant conte­nir son bonheur. 

L’Em­pe­reur est aver­ti, Romain est appe­lé au tri­bu­nal : « Je suis chré­tien, s’é­crie-t-il tout vibrant. Je suis chré­tien » et il le répète plu­sieurs fois, dans la joie de le dire. 

Ces paroles irritent Valé­rien qui ordonne de lui enle­ver son titre de sol­dat romain, de l’ac­ca­bler de coups. Sous ces coups, il ne crie que plus fort : « Je suis chré­tien ! »

S’il avait su notre can­tique, il aurait chan­té à coup sûr : « Je suis chré­tien, c’est là ma gloire, mon espé­rance et mon sou­tien ; mon chant d’a­mour et de vic­toire, je suis chré­tien ! Je suis chré­tien ! — Je suis chré­tien, à mon bap­tême, l’eau sainte a cou­lé sur mon front ! »

C’en est trop ! Romain est déca­pi­té le , veille de la mort de saint Laurent ; il est enter­ré sur le che­min de Tibur et, dans la suite, trans­por­té à Luques, dans l’é­glise qui porte son nom.

Hippolyte
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Offi­cier des gardes de Valé­rien, c’est à Hip­po­lyte qu’a été confié le, même Laurent. 

Témoin de l’in­tré­pi­di­té du grand mar­tyr au milieu des tor­tures, lui aus­si a été gagné à la foi et il a reçu le bap­tême avec dix-neuf per­sonnes de sa famille. Dans sa fer­veur, il veut se dénon­cer au tyran, mais Laurent l’en empêche : « Attends ton tour, il ne tar­de­ra pas. » 

Saint Hippolyte est battu de verges
Hip­po­lyte est bat­tu de verges

Trois jours, en effet, après la mort de Laurent, Hip­po­lyte est arrê­té, pour lui avoir don­né la sépul­ture. L’empereur lui dit : « Tu donc magi­cien, comme Laurent dont tu as enter­ré le corps ? 

— Non, pas magi­cien, chrétien… » 

Il est bat­tu de verges, déchi­ré avec des ongles de fer. À l’exemple de Romain, il n’a qu’un mot : « Je suis chré­tien ! » Et il sup­porte tout avec vaillance. « Je souffre pour Jésus » dit-il. Les flat­te­ries, les dou­ceurs, les pro­messes d’a­van­ce­ment ne lui font pas renier sa foi : « Toute ma gloire est d’être sol­dat de Jésus-Christ. Je suis chré­tien. »

Ayant appris la conver­sion de sa famille, l’Em­pe­reur en confisque les biens, et jette tous ses parents aux fers. Cela va-t-il faire céder Hip­po­lyte ? Nul­le­ment. Sa famille se montre digne de lui dans l’é­preuve. Une excel­lente femme du nom de Concorde qui a été la nour­rice et la bonne d’en­fants d’Hip­po­lyte, exhorte les autres à tenir ferme. Elle ne doit pas être toute jeune et expire sous les coups de fouets plom­bés qu’elle s’est atti­rée par son zèle. 

Toute la famille d’Hip­po­lyte est traî­née hors de Rome et les têtes sont tran­chées. Quant à lui, on l’at­tache comme plus tard Bru­ne­haut, à la queue d’un che­val indomp­té qui le met en pièces. Une église fut éle­vée en son hon­neur, non loin de celle de saint Laurent. L’É­glise fête saint Hip­po­lyte le 12 août.

Adrien
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Vous venez de lire l’his­toire de Romain et d’Hip­po­lyte, gar­diens du mar­tyr Laurent. Adrien, lui, était croit-on, char­gé de sur­veiller les séances du tri­bu­nal, avec ses sol­dats. C’est ain­si qu’il se trou­va mêlé à une per­sé­cu­tion contre les chré­tiens. Il ser­vait dans l’ar­mée impé­riale au temps de Maxi­mien-Galère, que s’é­tait asso­cié Dioclétien.

À cette même époque, le saint prêtre Nico­dème ren­dait mille ser­vices aux chré­tiens. Il leur por­tait les sacre­ments dans leurs pri­sons et leurs cachettes, les encou­ra­geait, les ense­ve­lis­sait après la mort. C’est ain­si que ce prêtre, au prix de sa vie, don­na la sépul­ture chré­tienne à une jeune martyre.

Jour­nel­le­ment témoin de la cha­ri­té, de la foi, du cou­rage des chré­tiens, Adrien en était bou­le­ver­sé. Un jour, n’y tenant plus, il cria aux gref­fiers : « Ins­cri­vez-moi sur la liste des accu­sés ! Je suis chré­tien comme eux ; je veux mou­rir avec eux pour le Christ !

— Es-tu fou, Adrien ? C’est toi, l’un des nôtres, qui blas­phème ain­si nos dieux ?

Saint Adrien soldat et martyr
« Ins­cri­vez-moi sur la liste des accu­sés ! Je suis chré­tien comme eux ! »

— Ma folie est d’a­voir ado­ré jus­qu’i­ci des idoles qui méri­taient exé­cra­tion, mais j’en suis reve­nu de cette folie-là » 

Alors, on le jette en prison. 

Il avait épou­sé, voi­ci un an, la jeune Natha­lie. Elle crut mou­rir de dou­leur en appre­nant que son cher Adrien était arrêté. 

Qu’a­vait-il donc fait, lui tou­jours fidèle à son devoir ? Un mot lui explique tout : « Je suis chré­tien ! » Le même mot répond Adrien : « Et moi, je suis chré­tienne… Oui, j’é­tais chré­tienne en secret et je n’ai pas de plus grande joie que de te savoir chré­tien, devras-tu en mou­rir. Qu’im­porte la sépa­ra­tion, nous nous retrou­ve­rons là-haut. Si tu étais demeu­ré dans le paga­nisme, que serait-il adve­nu de toi ? Je n’a­vais qu’un désir, te don­ner à Jésus. Main­te­nant, tu aimes Dieu et je l’en remercie. » 

Adrien et Natha­lie se féli­citent mutuel­le­ment de pos­sé­der le plus grand des tré­sors : la foi, l’es­pé­rance et la charité. 

Cou­ra­geu­se­ment, la jeune femme aide son mari à se pré­pa­rer au sacri­fice. Pen­dant sept jours elle revient ain­si à la pri­son, tou­jours aus­si vaillante et oublieuse d’elle-même. Elle sert les pri­son­niers, net­toie et panse leurs plaies. En échange, elle leur demande à eux, chré­tiens de longue date, de veiller sur le néophyte.

Quand vient le tour d’A­drien de pas­ser au sup­plice, on ne le ménage pas. Natha­lie est là qui le sou­tient de sa prière, de sa pré­sence. Elle ne le quitte pas, qu’il n’ait cueilli la palme glo­rieuse des martyrs.

, inter­cé­dez pour la fer­veur des jeunes ménages chrétiens.

Taragne
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Encore un sol­dat des armées de l’Empire. 

Il a soixante-cinq ans de service. 

Par déli­ca­tesse de conscience, il quitte l’ar­mée, sûr qu’un jour ou l’autre, il serait obli­gé de sacri­fier aux idoles ou de com­battre ses frères chré­tiens. Sous son vête­ment civil, il garde son cœur de sol­dat brave et loyal. 

Main­te­nant, il demeure à Pom­pé­ro­po­lis en Cilicie. 

Un jour, il est appe­lé devant le tri­bu­nal avec deux autres hommes : Probe et Andro­nique, celui-ci est très jeune. 

« Com­ment t’ap­pelles-tu ? demande le gou­ver­neur à Taragne qui est le plus âgé. 

Chré­tien !

— Et toi ? dit-il à Probe. 

Chré­tien !

— Et toi, gamin ? 

Chré­tien ! »

Traî­nés de ville en ville, à la suite du Gou­ver­neur, ils souffrent plu­sieurs inter­ro­ga­toires et supplices. 

Maxime (le Gou­ver­neur) fait atta­cher Taragne sur le chevalet. 

« Je pour­rais, lui dit le mar­tyr, me récla­mer du res­crit de Dio­clé­tien qui défend aux juges de mettre les sol­dats et anciens sol­dats sur le che­va­let, mais je ne veux pas user de mon pri­vi­lège, de crainte que tu ne le prennes pour une lâcheté. 

— Ah ! Ah ! ricane Maxime, tu te flattes d’être embau­mé après ta mort. Qu’on lui déchire le visage !

— En me défi­gu­rant, tu ajoutes une nou­velle beau­té à mon âme ! »

Une petite Afri­caine, moquée pour sa lai­deur (elle avait un can­cer qui lui avait ron­gé la figure), répon­dait aux taquins : « Pour ma lai­deur et pour mon mal bien sup­por­tés et bien offerts, je serai au ciel plus belle que vous tous. » 

Taragne, lui aus­si, sera beau entre tous. Maxime est insa­tiable. Le visage du mar­tyr ne lui fait pas pitié : « Qu’on lui coupe les oreilles ! ordonne-t-il. 

— Mon cœur n’en sera pas moins atten­tif à la parole de Dieu. »

Le Gou­ver­neur fait atta­cher Taragne sur le chevalet

Et les ordres pleuvent, et Taragne tient bon : « Tu me ferais déchi­rer tout le corps avant de venir à bout de me sépa­rer du Christ ! »

Le len­de­main, les trois mar­tyrs, inca­pables de tenir debout, sont por­tés à l’am­phi­théâtre. Un ours appa­raît dans l’a­rène. Affa­mé à des­sein, il semble vou­loir les dévo­rer ; puis, tout à coup, il s’ar­rête, baisse sa grosse tête poi­lue et, aus­si sage qu’un ours en peluche, va se cou­cher aux pieds des mar­tyrs. L’am­phi­théâtre reten­tit de bra­vos. Maxime, furieux, fait tuer l’ours sur l’a­rène. Une lionne rugis­sante est lâchée à son tour. Elle fait trem­bler les spec­ta­teurs et puis, se cloue sur place. Des cris d’ad­mi­ra­tion reten­tissent. Les fauves auraient-ils plus de cœur que les hommes ? ou ne seraient-ils pas tenu en res­pect par le Dieu des chrétiens ? 

La lionne a la vie sauve ; les fauves sont dif­fi­ciles à cap­tu­rer et à dres­ser. Un gla­dia­teur s’a­ven­ture dans la lice et achève les mar­tyrs. Beau­coup de miracles s’o­pé­rèrent sur leurs tombes et leur culte s’é­tend à toute l’Église.

À vous, saint Hip­po­lyte et à vos com­pa­gnons, nous deman­dons la fier­té et le cou­rage de notre foi, la fier­té de notre titre de chré­tiens !

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