Saint Jean-Baptiste de La Salle

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Le 30 avril 1651, tout était à la joie dans l’une des plus belles demeures de Reims : l’hô­tel de la Cloche. On fêtait la nais­sance du pre­mier enfant de Louis de La Salle, magis­trat fort riche et consi­dé­ré, et de sa femme, Nicole Moët de Brouillet. 

Le même jour, l’en­fant por­té à l’é­glise y rece­vait, avec le saint bap­tême, le nom de Jean-Baptiste. 

Tan­dis que M. de La Salle remer­ciait Dieu de lui don­ner un fils, Mme de La Salle consa­crait l’en­fant à la Sainte Vierge et la sup­pliait de l’ai­der à l’é­le­ver saintement. 

Le petit Jean-Bap­tiste gran­dit donc, enve­lop­pé de ten­dresse, de soins extrêmes et de bons exemples. Sa mère lui apprit ses prières, le condui­sait très sou­vent à l’é­glise où il se tenait sage et atten­tif aux cérémonies. 

La mai­son de famille s’emplissait de vie ; à la suite de Jean-Bap­tiste, de nom­breux frères et sœurs vinrent la peu­pler, car le bon Dieu accor­da 10 enfants à Mme de La Salle. 

Jean-Bap­tiste pre­nait volon­tiers sa part du mou­ve­ment et de là gaie­té du logis. C’é­tait un enfant char­mant, intel­li­gent, doux, aimable et aimé de tous.

La grand-mère de Jean-Baptiste de La Salle lisant des vies de saints à l'enfant.
« Bonne Maman, lisez-moi-la Vie des Saints ! »

Mais déjà on sen­tait que les choses du bon Dieu l’at­ti­raient plus que tout le reste. 

Sou­vent, on don­nait des fêtes à l’hô­tel de la Cloche. La paren­té se réunis­sait autour d’une longue table bien gar­nie et bien ser­vie. Un soir où il y avait grande récep­tion, le petit Jean-Bap­tiste sem­blait triste au milieu de la brillante socié­té. Sans bruit, comme une sou­ris, il se glis­sa hors des salons, grim­pa jus­qu’à la chambre de sa grand-mère : « S’il vous plaît, bonne maman, sup­plia-t-il, lisez-moi la Vie des Saints ! » La grand-mère prit un gros livre qu’elle posa sur ses genoux, et, len­te­ment, com­men­ça les belles his­toires que son petit-fils écou­tait avi­de­ment. Les récits l’in­té­res­saient beau­coup plus que la musique et les gâteaux du salon ! 

Ce que Jean-Bap­tiste sou­hai­tait aus­si ardem­ment, c’é­tait de deve­nir enfant de chœur. Quelle joie, le jour où sa mère le condui­sit chez le curé de la paroisse, le priant d’ac­cep­ter son petit gar­çon comme ser­vant de messe ! Dès lors, Jean-Bap­tiste mit le plus grand empres­se­ment à se rendre à l’é­glise chaque matin. Ceux qui le voyaient prier, grave et recueilli au pied de l’au­tel, pen­saient : « Cet enfant doit voir le bon Dieu, il n’est pas comme les autres ! » 

En effet, Dieu regar­dait Jean-Bap­tiste avec amour et lui fai­sait com­prendre au fond du cœur qu’il l’ap­pe­lait à son ser­vice… Vers l’âge de 12 ans, après avoir bien prié la Très Sainte Vierge de l’ai­der, timi­de­ment, res­pec­tueu­se­ment, il fit part à ses parents de son grand désir d’être prêtre, et leur deman­da la per­mis­sion de suivre sa vocation. 

Sa mère si pieuse joi­gnit les mains en disant : « Mer­ci mon Dieu. » Pour M. de La Salle, qui comp­tait sur son fils aîné pour lui suc­cé­der dans sa charge, le sacri­fice fut plus grand, mais il s’in­cli­na : « Mon enfant, dit-il, vous êtes à Dieu avant d’être à moi, deve­nez un bon prêtre ! » 

Jean-Bap­tiste étu­diait alors à Reims, au col­lège des « Bons-Enfants ». Il redou­bla d’ap­pli­ca­tion dans ses classes. On le regar­dait comme le meilleur et le plus pieux des écoliers. 

Plus tard, afin de se mieux pré­pa­rer encore au sacer­doce, il obtint de ses parents la per­mis­sion d’al­ler à Paris, au Sémi­naire Saint-Sul­pice. Humble, fervent, tra­vailleur, il se mon­tra vite le modèle des séminaristes. 

Durant son séjour à Saint-Sul­pice, il entra dans une asso­cia­tion de prières pour obte­nir de Dieu des maîtres chré­tiens pour l’en­fance abandonnée. 

Cette ques­tion le pré­oc­cu­pait déjà. 

Jean-Bap­tiste n’é­tait pas à Paris depuis une année, quand il eut la grande dou­leur d’ap­prendre la mort de sa mère et, quelques mois après, celle de son père… Ter­rible épreuve pour ce jeune homme qui ché­ris­sait ses parents ! Le cœur meur­tri, il quit­ta le Sémi­naire pour reve­nir à Reims. Deve­nu chef de famille, il lui fal­lait prendre soin de ses frères et de ses sœurs. 

Bien des gens cher­chèrent alors à le détour­ner de sa voca­tion. Mais il résis­ta énergiquement. 

Tout en s’oc­cu­pant ten­dre­ment de ses frères, en veillant sur l’é­du­ca­tion de ses sieurs, sur leurs inté­rêts à tous, il conti­nuait ses études pour se pré­pa­rer au sacerdoce. 

Jean-Bap­tiste de La Salle attei­gnait 27 ans, quand il fut ordon­né prêtre dans la cathé­drale de Reims, le Same­di Saint 9 avril 1678. Le len­de­main, dans la cathé­drale éga­le­ment, à l’au­tel de la Sainte Vierge, il célé­brait sa pre­mière messe, entou­ré de ses frères et sœurs. Le rayon­ne­ment de son visage, sa fer­veur extrême frap­pèrent les assis­tants. On eut dit qu’il voyait Notre-Sei­gneur sur l’autel. 

Une fois prêtre, Jean-Bap­tiste par­ta­gea son temps entre la prière, les offices de la cathé­drale dont il était cha­noine, ses devoirs de famille, l’é­tude, le soin des pauvres qu’il aimait et ser­vait avec une déli­cate charité. 

Ceux qui le regar­daient prier, ou qui le voyaient pas­ser modeste, recueilli, dans les rues de Reims, admi­raient sa sainteté. 

L’humble prêtre, au fond de son cœur, sup­pliait le Sei­gneur de dai­gner l’employer comme un outil, docile. Dieu allait bien­tôt lui mon­trer ce qu’il atten­dait de lui.

Les écoles chrétiennes

, par­mi les œuvres nom­breuses aux­quelles il se dévouait, fut ame­né à s’oc­cu­per des Sœurs du « Saint Enfant Jésus » qui diri­geaient les écoles de petites filles, et à sou­hai­ter une œuvre sem­blable pour les gar­çons. Certes, il exis­tait des écoles parois­siales, mais en trop petit nombre, et mal diri­gées. Les enfants, en foule, res­taient aban­don­nés, igno­rants, traî­nant par les rues où ils se bat­taient, fai­saient mille sot­tises et appre­naient à deve­nir de mau­vais sujets. C’é­tait pitoyable ! Le saint prêtre por­tait une vive com­pas­sion à ces pauvres petits, mais il ne se dou­tait guère que Dieu l’a­vait choi­si pour venir à leur secours !

Bien­tôt, cepen­dant, la Pro­vi­dence l’a­me­na à fon­der une pre­mière école gra­tuite pour les gar­çons. Elle s’ou­vrit en 1679, sur la paroisse Saint-Mau­rice. Les parents y envoyèrent leurs enfants avec empres­se­ment. D’autres paroisses voyant les bons résul­tats deman­dèrent aus­si des écoles. 

Mais, pour ouvrir des classes nom­breuses et bien conduites, il fal­lait de bons maîtres. Plu­sieurs jeunes gens se pro­po­sèrent pour cette tâche à l’ab­bé de La Salle. Ils étaient pleins de bonne volon­té, mais trop pauvres pour conti­nuer leurs études et mal pré­pa­rés à cette grande mis­sion. Le saint prêtre com­prit très vite qu’il devait d’a­bord for­mer ces maîtres à l’é­du­ca­tion de la jeu­nesse. Il com­men­ça par les réunir et les loger chez lui, mal­gré le mécon­ten­te­ment de sa famille. Puis, leur nombre crois­sant, il se déci­da de les ins­tal­ler dans une mai­son où ils seraient chez eux. 

C’é­tait le com­men­ce­ment d’une grande œuvre. Jean-Bap­tiste de La Salle quit­ta sa belle demeure pour par­ta­ger la vie de ces jeunes gens, s’oc­cu­per entiè­re­ment d’eux, se faire leur ins­ti­tu­teur et leur père. 

On pous­sa de beaux cris dans la ville ! Cri­tiques, épreuves de tous genres tom­bèrent sur le pauvre prêtre. Mais rien ne le détour­nait de ce qu’il savait être la volon­té de Dieu. Il pen­sait aux enfants aban­don­nés et vou­lait leur pré­pa­rer des apôtres, c’est-à-dire des édu­ca­teurs capables de leur don­ner non seule­ment une ins­truc­tion aus­si bonne que pos­sible, mais une vraie for­ma­tion chré­tienne qui les mît sur 1a route du ciel. 

Aus­si deman­dait-il aux maîtres un dévoue­ment héroïque, un déta­che­ment de tous les biens de ce monde pour ne comp­ter que sur la Providence.

Saint Jean-Baptiste de La Salle distribuant sa fortune aux pauvres
Il dis­tri­buait lui-même vivres, vêtements.

Au début, tout alla bien, puis une vio­lente ten­ta­tion pas­sa sur ces jeunes gens. Ils furent pris de décou­ra­ge­ment, d’in­quié­tudes pour l’a­ve­nir : « C’est facile à M. de La Salle de nous prê­cher la confiance en Dieu, lui qui est riche disaient-ils. Pour nous autres qui sommes pauvres, si l’œuvre ne réus­sit pas, nous n’au­rons ni pain, ni état ! » 

Le Saint écou­ta leurs mur­mures avec bon­té et convint hum­ble­ment qu’ils avaient rai­son… Il réflé­chit, pria beau­coup, deman­da conseil, et prit la réso­lu­tion de vendre tous ses biens pour les don­ner aux pauvres. 

On était alors en l’an­née 1684. Les récoltes ayant man­qué, une ter­rible famine déso­lait la Cham­pagne. À Reims, des troupes de mal­heu­reux par­cou­raient les rues, dégue­nillés, sans abri, mou­rant de faim et de froid. 

Chaque jour, saint Jean-Bap­tiste de La Salle, après avoir don­né du pain à tous les enfants des écoles et secou­ru les pauvres cachés, dis­tri­buait lui-même vivres, argent, vête­ments, à tous ces misé­rables. Il les accueillait dans sa mai­son, leur par­lait avec un tendre res­pect comme s’il eût ser­vi Notre-Sei­gneur en personne. 

Il don­na, don­na ain­si jus­qu’au jour où ayant ache­vé de dis­tri­buer tout ce qu’il pos­sé­dait, il fut deve­nu pauvre lui-même. 

« Main­te­nant, dit-il aux jeunes maîtres, nous for­mons une vraie famille. » 

Dans la mai­son, il choi­sit pour lui la plus misé­rable chambre, la nour­ri­ture la plus gros­sière, le vête­ment le plus usé et le plus rapiécé.

À par­tir de ce moment, il déci­da que les jeunes maîtres sui­vraient un règle­ment et pren­draient le nom de Frères des Écoles Chré­tiennes.

Puis il revê­tit, ain­si que ses com­pa­gnons, l’ha­bit que les Frères portent encore actuel­le­ment, et qui était celui des pauvres gens de ce temps, la sou­tane en plus. Quand on vit sor­tir sous ce cos­tume Jean-Bap­tiste de La Salle et les Frères, c’est alors qu’on se moqua d’eux ! Dans les rues on leur jetait de la boue et des pierres. Raille­ries et insultes pleu­vaient sur le pauvre saint. 

Mais loin de s’en plaindre, il en remer­ciait Dieu. Si le démon se mon­trait ain­si furieux, c’est qu’il pré­voyait le bien immense que les ins­ti­tu­teurs chré­tiens allaient faire aux enfants à tra­vers le monde. 

Quand les dif­fi­cul­tés sem­blaient insur­mon­tables, Jean-Bap­tiste de La Salle se livrait à de dures péni­tences : il jeû­nait, cou­chait sur le pavé de sa chambre. Puis il cher­chait le secours et la force dans 1a prière.

Chaque semaine, il pas­sait une nuit tout entière en prières près du tom­beau de saint Rémi, le grand apôtre de la Gaule. Le sacris­tain l’en­fer­mait le soir dans l’é­glise et 1’y retrou­vait le len­de­main matin, age­nouillé sur les dalles froides. 

Mais sur­tout, c’é­tait vers la Très Sainte Vierge qu’il se tour­nait avec la confiance d’un fils.

Le prêtre au chapelet

C’est ain­si, que l’on dési­gnait Jean-Bap­tiste de La Salle, parce que dans les rues, le long des che­mins, il ne ces­sait d’é­gre­ner son rosaire. On le voyait pas­ser, humble, pieux, un petit cha­pe­let d’é­tain entre les doigts. 

« Le cha­pe­let, disait-il, est le bré­viaire des Frères. » 

Tou­jours il avait ten­dre­ment aimé la Très Sainte Vierge. Enfant, il ornait ses autels, jeune homme, il lui confiait sa vocation. 

À l’o­ri­gine des écoles, il condui­sit un jour les pre­miers Frères en pèle­ri­nage à N.-D. de Liesse, et là, il consa­cra l’œuvre nais­sante à la Très Sainte Vierge, la sup­pliant, d’en être la protectrice. 

La fête de l’Im­ma­cu­lée Concep­tion se célé­brait très solen­nel­le­ment dans les mai­sons des Frères et l’on y renou­ve­lait la Consé­cra­tion à Marie. 

Deux ou trois élèves récitaient constamment le chapelet
Deux ou trois élèves réci­taient constam­ment le chapelet

Les maîtres ins­pi­raient aux élèves une vive dévo­tion envers leur Mère du ciel. Dans des classes, son image, ornée de fleurs et sou­vent de lumières, sem­blait pré­si­der au tra­vail. Mais sur­tout, en chaque école, deux ou trois élèves dési­gnés à tour de rôle réci­taient conti­nuel­le­ment le cha­pe­let devant la, sta­tue de Marie. Ils se relayaient tous les quarts d’heure. Cela s’ap­pe­lait « l’in­ter­ces­sion per­pé­tuelle », car ce cha­pe­let dit tout au long des classes atti­rait des béné­dic­tions de Marie sur les enfants.

Le Saint des enfants

À tra­vers des dif­fi­cul­tés incroyables, les écoles chré­tiennes se multipliaient. 

En 1688, Jean-Bap­tiste de La Salle pre­nait le che­min de Paris pour de nou­velles fondations. 

Dans la capi­tale, il éta­blit plu­sieurs écoles qui devinrent rapi­de­ment très flo­ris­santes. Mais, pour­sui­vi par des jalou­sies et des méchan­ce­tés de tous genres, il dut se reti­rer à Rouen. Là, il ins­tal­la de nou­velles écoles et le Novi­ciat des Frères. 

Ensuite, ce furent les villes de Chartres, Calais, Mar­seille, etc… qui récla­mèrent des écoles chré­tiennes. Par­tout, on deman­dait des Frères. Les enfants par cen­taines emplis­saient leurs classes, Jean-Bap­tiste de La Salle avait dû renou­ve­ler com­plè­te­ment les méthodes d’ins­truc­tion, bien rebu­tantes alors. 

Son ensei­gne­ment clair, pré­cis, vivant, ren­dait la lec­ture, l’é­cri­ture, le cal­cul, faciles aux enfants. Chaque jour, les Frères expli­quaient le caté­chisme d’une façon intéressante. 

Les parents remar­quaient que les enfants des Écoles chré­tiennes étaient plus polis, mieux éle­vés que les autres, et se tenaient par­fai­te­ment aux offices. Jean-Bap­tiste de La Salle fon­da éga­le­ment des écoles pro­fes­sion­nelles, des écoles du dimanche pour les jeunes ouvriers, et même des écoles pour des enfants indis­ci­pli­nés qu’il trans­for­mait par sa douce influence. Il fon­da des Écoles Nor­males et fut : « l’Ins­ti­tu­teur des instituteurs ». 

Cha­cune de ces fon­da­tions s’a­che­tait par de cruelles épreuves. 

Mais le Saint était prêt à tout endu­rer pour pro­cu­rer le bien de ses chers enfants. I1 les aimait tant et dési­rait tel­le­ment les conduire à Notre-Sei­gneur ! Son cœur d’a­pôtre aurait vou­lu étendre les bien­faits de l’é­du­ca­tion chré­tienne aux enfants du monde entier. Comme son divin Maître, il aurait pu répé­ter « Lais­sez venir à moi les petits enfants ! » 

C’est à Rouen, le Ven­dre­di Saint 1719, que Jean-Bap­tiste de La Salle mou­rut saintement. 

Après sa mort, son œuvre conti­nua de s’é­tendre à tra­vers la France, l’Eu­rope, les colo­nies, et même les “cinq par­ties du monde.

Les écoles chrétiennes se multipliaient
Les écoles chré­tiennes se multipliaient

Actuel­le­ment, les Frères des Écoles chré­tiennes enseignent dans 64 pays et comptent dans leurs écoles près d’un demi-mil­lion d’é­lèves. L’humble prêtre qui durant sa vie n’a­vait ces­sé de s’a­bais­ser, de se dépouiller, fut éle­vé bien haut dans la gloire. Le 24 mai 1909, le Pape Léon XIII le pla­çait au rang des Saints.

Il n’y a peut-être pas de Saint à qui les enfants doivent plus de recon­nais­sance, et qui dans le ciel, soit mieux dis­po­sé à veiller sur eux !

J. M.

Nihil obstat : 
Verdun, le 15 août 1949.
MAX. HUARD, vic. gén.

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