Sur les traces de saint François de Sales

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au Cœur des Grandes Alpes. Dauphiné et Savoie .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Sur les traces de saint François

L’an de grâce 1566… Quel mou­ve­ment dans la petite ville d’, pai­sible à l’or­di­naire, entre ses mon­tagnes et son bijou de lac, à l’ombre de ses clo­chers… La foule s’en­tasse à la Porte de Bœuf.

Voi­là le cor­tège atten­du ! Le duc Jean de Savoie et sa femme, Anne d’Este, visitent leur bonne ville. 

Sui­vons le cor­tège à Notre-Dame de Liesse. Le duc et la duchesse vont s’a­ge­nouiller devant la pré­cieuse relique que Cham­bé­ry a prê­tée pour ce grand jour : le Saint-Suaire.

Au milieu de la foule, une jeune femme, à genoux, prie avec fer­veur. Les anges ont recueilli sa prière : Mon Dieu, don­nez-moi un fils, je vous le consa­cre­rai.

Cette toute jeune femme, c’est Madame de Sales, la maman de celui qui fut le saint Évêque de , le saint au suave sou­rire.

…Jour après jour, l’an­née a pas­sé… Dans le châ­teau de Sales, un fils est né et ce fut une grande joie. Un vrai petit ange, tout blond et rose, si sage, si mignon que c’en est plaisir.

Le jeune François de Sales

…Le petit ange blond a gran­di. Voyez-le en pro­me­nade avec sa bonne nour­rice Pétra­mande. De quels yeux sup­pliants il la regarde : Il vou­drait quelque frian­dise pour le petit pauvre qui tend la main. 

Avec quel joli sou­rire, Fran­çois fait l’aumône ! 

Mais notre gar­çon semble d’hu­meur guer­rière aujourd’hui. 

Est-ce bien lui, une petite épée au poing, qui court par tout le pou­lailler en criant aux poules effrayées : Sus, sus aux héré­tiques !

Les héré­tiques, ce sont des chré­tiens que de mau­vais ber­gers ont entraî­nés hors du trou­peau de l’É­glise. Le brave petit homme ! Il vient d’ap­prendre que Genève, la grande ville voi­sine, vient de chas­ser ses prêtres, bri­ser ses cru­ci­fix… Et il aime déjà beau­coup le Sei­gneur, que sa mère lui apprend à prier, ce Dieu qui fait pous­ser le blé et les fleurs, notre Père qui est aux Cieux. 

Le jeune François de Sales : Sus, sus aux hérétiques ! sur les poules.

Les jours, les mois passent et les années tombent dans le cœur de Dieu, comme ces pétales de mar­gue­rite qu’on effeuille.

Saint François de Sale, le doux collégien

Le saint au doux sourire

Elles sont bien curieuses, les rues d’An­ne­cy, bor­dées d’ar­cades, comme cette rue Sainte-Claire, qui était autre­fois telle que vous la voyez aujourd’­hui, encom­brée de boutiques. 

Midi. On étouffe dans la petite ville, res­ser­rée entre ses rem­parts. D’où vient tout ce bruit ? Il couvre la son­ne­rie des ange­lus qui tombent de tous les clo­chers à la fois, c’est la sor­tie du col­lège. Les éco­liers s’emparent de la rue à grand tapage. Ils tiennent à la main leurs lourds cha­peaux ; plu­sieurs même ont débou­ton­né leur veste. Quel est ce joli gar­çon, blond, aux yeux gris-bleu plein de dou­ceur ? Comme son habit est soi­gné et bien bou­ton­né ! L’é­pée au côté, il marche, sérieux et grave. 

Saint François de Sale et son professeur

Ren­sei­gnons-nous auprès de ce véné­rable prêtre qui va, lisant son bréviaire. 

— C’est M. Fran­çois, le fils de M. de Sales, dont le châ­teau est tout près d’i­ci. Un si bel enfant ! si bénin (doux). Ce sera plus tard un grand per­son­nage, ou je me trompe fort. Ses cama­rades sont en admi­ra­tion devant lui. Je les entends dire par­fois : Soyons sages, voi­là le saint ! Et cela, sans malice, je vous assure. 

« On me conta hier qu’un sien cou­sin avait méri­té le fouet, oui, Mes­sieurs, le fouet. Le pau­vret se lamen­tait fort. Fran­çois, tout bel­le­ment, sort de son banc et demande d’être bat­tu à la place du cou­pable. On refuse, il réclame tant et si bien que le maître impa­tien­té lui donne le fouet ! Est-ce joli ?… »

…Le soleil se couche dans le ciel rouge où se des­sinent en noir les clo­chers. Voyez à la fenêtre de ce vieil hôtel. Une dame âgée, la tête pen­chée, écoute… Assis près d’elle, ses boucles blondes tou­chant les pages, un jeune gar­çon lit, de sa douce voix chan­tante, « la Vie des Saints », c’est Fran­çois. Les enfants jouent et crient au dehors, comme ce soir, les bour­geois des­cendent vers le lac… 

HUBERT. — Quel est ce clo­cher qui s’é­lève plus haut que les autres ? 

— C’est le clo­cher de la Visi­ta­tion, sur le coteau. Mon­tons jusque là-haut, c’est une belle promenade. 

Cette église inache­vée a été éle­vée en l’hon­neur de saint Fran­çois. De chaque côté du chœur, voyez ces deux châsses. Ici, c’est l’i­mage du doux saint de Genève.

HENRI. — Il est habillé comme Monseigneur.

— Il fut, en effet, évêque d’An­ne­cy, un évêque aimé de tous, ché­ri des enfants qui cou­raient der­rière lui dans la rue. Il était si bon ! 

Là, c’est l’i­mage de . C’é­tait une pieuse dame qui, aidée de saint Fran­çois, grou­pa plu­sieurs dames pieuses comme elle, pour vivre ensemble dans la prière. Ce fut le pre­mier couvent de la Visi­ta­tion ins­tal­lé dans une humble mai­son au bord du lac.

Ici, dans ce monas­tère, les reli­gieuses conti­nuent la vie de prière de sainte Jeanne, loin des bruits de la ville, tout près des reliques du doux saint François. 

Redes­cen­dons vers le lac. 

Le Lac d'Annecy, au milieu des montagnes

Le beau lac bleu entre les monts tran­quilles. Comme elles sont trans­pa­rentes, ces eaux cou­leur de ciel ! Que d’i­mages ravis­santes elles reflètent dans leur miroir ! Les mon­tagnes mauves s’y des­sinent en trem­blants contours ; un nuage rose y fris­sonne en ombre légère ; les cygnes y mirent leur blan­cheur de neige. 

Le cœur de la Savoie est toute dou­ceur, comme le sou­rire du grand saint dont elle est fière.

Dans les pas de l’Apôtre

Monseigneur de Sales sur les routes de son diocèse pour convertir les Calvinistes

Nous sor­tons d’Anne­cy par la route qui va vers Genève. Savez-vous que, sur cette même route, un matin de sep­tembre, Fran­çois de Sales et son cou­sin Louis s’en allaient à che­val, émus et pleins d’ar­deur. Ils par­taient à la conquête des âmes. 

À mesure qu’il avance sur la route, une grande souf­france serre le cœur du doux apôtre. Ces clo­chers qu’il aper­çoit, dans des nids de ver­dure, il sait qu’ils sont muets. La cloche ne sonne plus les messes. Les chré­tiens suivent les mau­vais ber­gers… Au bord du lac, voi­ci Tho­non qui a sui­vi l’exemple de Genève, chas­sant ses prêtres, bri­sant ses cru­ci­fix… Et Fran­çois pleure… 

Com­ment aller vers les âmes ? Chaque jour, il se rend à Tho­non, sans crainte du dan­ger. Il prêche : à peine une dou­zaine de per­sonnes viennent l’en­tendre. Il se fait doux et bon pour gagner les cœurs, mais les cœurs sont durs. 

L’hi­ver est venu. Le soir, Fran­çois rentre tran­si ; ses pauvres pieds, meur­tris d’en­ge­lures, saignent. Sur la neige, il y a comme des fleurs rouges sur ses pas. Fran­çois prie et souffre…

Une nuit, il tra­verse un bois où hurlent les loups. Il monte dans un arbre, s’at­tache avec sa cein­ture, et prie la bonne Vierge. Au matin, des pay­sans le découvrent à moi­tié gelé et, pris de pitié, le réchauffent près de leur feu. 

Et voi­ci qu’on com­mence à aimer cet apôtre plein de bon­té. Des chré­tiens quittent les mau­vais ber­gers et Fran­çois se réjouit dans son cœur. Il regarde la plaine où la mois­son mûrit et il songe qu’il va offrir au Sei­gneur une belle mois­son d’âmes. 

L’ai­mable plaine dans le cadre des mon­tagnes, qui s’en vient dou­ce­ment bai­gner ses pieds dans le lac. Un bou­quet de ver­dure : châ­tai­gniers, poi­riers, noyers, ceri­siers. Sur le coteau, une tou­relle de châ­teau pointe ça et là à tra­vers le feuillage. Sur les pentes, les vignes grimpent et s’en­lacent curieu­se­ment autour des troncs d’arbres morts. Pay­sage de dou­ceur. Joie de vivre.

Savoie, entre lac et montagne

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