Étiquette : <span>Bergère</span>

Auteur : Pourrat, Henri | Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Conte populaire transcrit par Henri POURRAT

Conte de la bergère muette qui vit une belle dame

IL y avait une fois une qu’on nom­mait Isa­beau. Cœur plus simple ne se serait trou­vé en la chré­tien­té tout entière. Can­dide comme la fleur des champs, la pâquette des ruis­seaux, la petite ané­mone blanche ou le nar­cisse des prés qui a le cœur tout d’or. Encore jeune de jeune jeu­nesse. Mais déjà elle aidait les siens en allant gar­der les bre­bis ; et tout en les gar­dant, elle filait sa que­nouille à l’ombre d’un frêne. Tou­jours riante, tou­jours rayon­nante. Seule­ment, à la grande déso­la­tion de ses père et mère, qui n’a­vaient pas d’autre enfant, elle était muette. 

Ils l’ont ame­née à la ville, à un grand méde­cin — bien que ce ne fût guère la cou­tume pour des gens de cam­pagne. Et ce méde­cin leur a dit qu’au­cun savant au monde ne sau­rait la guérir.

Un jour qu’elle était là sur le pacage, auprès de ses mou­tons, et son chien auprès d’elle, atten­dant venir l’Ange­lus, elle priait sans pou­voir réci­ter, elle repre­nait à part soi une dizaine d’Ave, les mains au creux de sa robe, son mou­choir sur la tête à cause du soleil. 

Tout à coup, vers l’heure de la soupe, elle a eu devant soi une grande lumière. Une dame s’ap­pro­chait d’elle, si belle, si belle… Et puis ce n’é­tait pas tant sa beau­té que cet air de haut lieu, qui ouvrait un pays tout d’in­no­cence et de soleil. 

La ber­gère Isa­beau était tom­bée à deux genoux sur l’herbe, ravie en sa contemplation. 

— Belle ber­gère, belle Isa­beau, lui a dit la dame, il faut que tu me donnes un de tes agnelets. 

| Ouvrage : Les saintes patronnes de France .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Mal­gré la fuite du temps, la pro­vince du garde vivant le sou­ve­nir de l’humble , morte mar­tyre à seize ans pour avoir aimé d’un unique Amour « son Sau­veur Jésus ».

L’his­toire de est courte comme sa vie, mais un par­fum suave fait d’an­gé­lique et de triste poé­sie s’en dégage.

Elle naît vers l’an 860, sous le règne de Charles le Chauve et le gou­ver­ne­ment de Gérard, comte de Bourges. Sa ville natale est Vil­le­mont, non loin de la capi­tale du Ber­ry, ses parents, de simples pay­sans, dont le nom est res­té inconnu.

On sait seule­ment qu’ils cultivent la vigne et sont de fidèles vas­saux du Comte de Bourges. « Pauvres des biens de la terre, disent ses bio­graphes, mais riches des biens du ciel, ils remer­cient Dieu de leur indi­gence et s’es­timent plus heu­reux que les sei­gneurs de la contrée. Dans le pays on les cite comme gens de pro­bi­té et d’honneur ».

Ain­si que , Solange n’est donc pas riche, mais elle n’est pas pauvre non plus puis­qu’elle garde le trou­peau de ses parents. Toute petite encore, elle se rend dans une grande prai­rie plan­tée de beaux arbres, proche de la ferme pater­nelle, et, la gaule à la main, son grand chien à ses côtés, elle mène paître ses bre­bis. Sa dou­ceur est si atti­rante que les bêtes l’en­tourent, l’é­coutent chan­ter des can­tiques à la Sainte Vierge comme si elles comprenaient.

Sous un bos­quet qu’om­bragent des chênes et des ormes, Solange s’est fait une petite cha­pelle où elle prie mieux que par­tout ailleurs. Elle a deman­dé à son père d’y plan­ter une grande croix faite de deux branches d’arbre entre­croi­sées, au pied, elle a grou­pé quelques grosses pierres et c’est là qu’elle passe toutes ses jour­nées, entou­rée de ses bre­bis et d’une troupe d’oi­seaux qui se posent sur sa tête.

Un jour de grosse cha­leur que ses mou­tons dorment et que son chien même est au repos, elle entend une très douce lui dire :

« Veux-tu m’é­pou­ser pour l’é­ter­ni­té, petite Solange ? »

Émue par cette voix qu’elle devine être celle du Christ fait homme l’en­fant répond :

« Je suis toute à vous, Sei­gneur ! pre­nez-moi pour le temps et pour l’éternité ».

Elle s’a­ge­nouille, joint les mains, et les yeux levés en extase vers la vision céleste, elle balbutie :

« Oh ! Sei­gneur Jésus que vous êtes beau ! »

Dès cet ins­tant l’humble ber­gère s’est consa­crée à Dieu… et elle n’a que sept ans, disent ses biographes.

Les années passent, l’en­fant devient ado­les­cente. Sa mère lui a racon­té l’his­toire de Sainte Agnès, la douce vierge de treize ans qui, repous­sant l’hom­mage d’un jeune pra­ti­cien, a pré­fé­ré la mort du à la vie sans Dieu. Cette foi ardente d’A­gnès, cette fidé­li­té dans l’a­mour juré font sur Solange une si pro­fonde impres­sion que la jeune vierge romaine est désor­mais pour elle l’u­nique modèle à imi­ter. Elle joint son nom chaque matin dans ses prières à celui de Jésus et la sup­plie de la sou­te­nir dans la voie qu’elle a choisie.

Reli­gieuse contem­pla­tive en face de la nature, la petite Solange reste des jour­nées entières per­due dans une sorte d’ex­tase. Une sin­gu­lière conscience de ses devoirs de pas­tou­relle se mêle pour­tant à ses pieuses médi­ta­tions. Elle devine quand une bre­bis s’é­gare ; alors, sans quit­ter son atti­tude de prière, elle cherche autour d’elle l’a­ni­mal fugi­tif ; et quand elle l’a aper­çu, il lui suf­fit d’un seul regard pour qu’in­con­ti­nent la bre­bis revienne auprès d’elle.

Solange est d’une grande beau­té (les chro­niques du temps s’ac­cordent pour l’af­fir­mer). D’une taille éle­vée, bien prise, elle a des traits d’une extrême régu­la­ri­té et sur­tout un regard qui fas­cine par son charme souverain.

La belle bergère Sainte Solange, patronne du Berry

Elle entend sou­vent autour d’elle par­ler de cette beau­té que beau­coup lui envient ; mais crai­gnant que des pen­sées d’or­gueil et de vani­té ne soient pour elle un dan­ger, elle fuit sans relâche toutes les occa­sions qui peuvent deve­nir pour elle une rai­son de contris­ter son Sau­veur. Ses bio­graphes pré­tendent même que quand elle lave le linge de la famille dans la petite rivière qui coule au bas de la prai­rie et que l’onde trans­pa­rente du ruis­seau lui ren­voie l’i­mage de ses traits, « elle se hâte d’a­gi­ter l’eau pour bri­ser ce miroir, de crainte que la vani­té ne vint à se glis­ser dans son âme ».

L’hi­ver, quand la neige et les fri­mas retiennent son trou­peau à l’é­table, elle passe de longues jour­nées à l’é­glise au pied du taber­nacle. Là, dans le silence et la soli­tude, elle médite sur les souf­frances de Jésus en croix et chaque jour le désir de ver­ser son sang pour sa gloire devient plus ardent.

Les pauvres qui sont les membres souf­frants de Jésus-Christ ont la plus large part à ses soins et à ses prières. Par une dilec­tion toute par­ti­cu­lière, Dieu lui a accor­dé le don des miracles. À quinze ans à peine, elle gué­rit les malades, délivre du malin esprit les âmes tor­tu­rées et, par sa parole angé­lique, panse plus de bles­sures morales que sa main ne ferme de plaies au nom de Notre-Sei­gneur jésus-Christ. Aus­si, mal­gré le soin qu’elle prend de fuir le regard des hommes, sa cha­ri­té la tra­hit et le rayon­ne­ment de sa sain­te­té s’é­tend au loin.

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 15 minutesCes deux hommes sérieux qui, par un clair matin, marchent sur la voie romaine de à Rouen, qui sont-ils ? À leur man­teau bleu de lin, à leur tunique de même teinte, vous recon­nais­sez des évêques, car cette cou­leur est alors réser­vée aux chefs de l’É­glise chré­tienne. L’un est grand et maigre, noueux comme un vieil arbre : c’est Loup, évêque de Troyes, en Cham­pagne ; l’autre, plus petit, plus mince, plus alerte, est l’é­vêque d’Auxerre, Ger­main (celui que les Pari­siens appellent l’Auxer­rois). Ils ont quit­té la ville avant le jour, dési­reux d’at­teindre pour midi le bourg d’Ar­gen­teuil où l’on vénère une pré­cieuse relique de saint Denis, pre­mier évêque de Paris et glo­rieux . Au lever du soleil ils ont réci­té leurs prières au pied des trois grandes croix qui se dressent sur la butte raide qu’on nomme Mont Valé­rien. Puis ils ont repris le che­min, à tra­vers les belles prai­ries où paissent des trou­peaux nom­breux. C’est le prin­temps, un de ces jolis prin­temps de la région pari­sienne, plein d’air vif, de sou­rires, de chants d’oiseaux.

Pour­tant la dou­ceur exquise de cette mati­née ne semble pas rendre bien gais ces deux pré­lats. De quoi parlent-ils donc qui les inquiète tant ? Il faut avouer qu’en cette année 432 les causes de sou­cis ne manquent pas pour qui­conque sait un peu obser­ver et réflé­chir. Depuis plus de vingt-cinq ans, toute l’Eu­rope Occi­den­tale subit une pénible épreuve : les Grandes Inva­sions ont com­men­cé. Les Ger­mains, dont depuis des siècles les légions romaines main­te­naient les tri­bus en res­pect par delà le Rhin et le Danube, ont réus­si à fran­chir les for­ti­fi­ca­tions, à ouvrir des brèches dans le front des armées et, comme d’é­normes vagues suc­ces­sives, ils ont défer­lé à tra­vers les plus belles pro­vinces de l’Em­pire. Wisi­goths, Ostro­goths, Van­dales, Bur­gondes ; les noms dif­fèrent et même les aspects, mais ce sont tou­jours des conqué­rants, des occu­pants, plus ou moins pillards, plus ou moins vio­lents, qui s’ins­tallent dans toutes les meilleures villes et réqui­si­tionnent tout ce dont ils ont envie. Jus­te­ment, sur la route, en voi­ci une troupe, des Alains sans doute, grands, blonds, aux yeux bleus, par­lant une langue rauque. Mal­heur ! L’Em­pire, le glo­rieux Empire de Rome au pou­voir de ces Barbares !

Mais y a‑t-il encore même un Empire ? Rome, qui a été l’or­gueil du monde, est presque une ville morte ; au lieu d’un mil­lion d’âmes, à peine en compte-t-elle cin­quante mille. À Ravenne, la nou­velle capi­tale, les des­cen­dants indignes des grands Empe­reurs perdent tout leur temps dans la débauche, les intrigues, les révo­lu­tions de palais. Ce sont des chefs ger­ma­niques qui com­mandent les légions romaines ! Et les deux évêques, en évo­quant ces faits dou­loureux, se disent l’un à l’autre que tout cela a été vou­lu par la Pro­vi­dence. L’or­gueilleux Empire des Fils de la Louve, qui a cru pou­voir arrê­ter dans sa marche l’É­van­gile du Christ, qui a tor­tu­ré, mar­ty­ri­sé les saints de Dieu, est en train d’ex­pier ses crimes : la jus­tice du Sei­gneur le veut ainsi.

Tout est-il per­du cepen­dant ? Non. Dans ce monde qui s’é­croule une grande force demeure intacte : celle de l’É­glise. Sous la direc­tion de leurs évêques, et d’a­bord du pre­mier d’entre eux, le Pape, les chré­tiens, extrê­me­ment nom­breux main­te­nant, ont lut­té contre les Bar­bares, s’ap­pliquent à les conver­tir, à les civi­li­ser. Grâce à eux, un monde nou­veau est en train de naître, où Ger­mains et Romains seront récon­ci­liés, unis dans le bap­tême. Ce Ve siècle, vous le voyez, est extrê­me­ment impor­tant, et l’on com­prend que et saint Ger­main, en dis­cu­tant de toutes ces choses, soient graves…

* * *

Comme ils des­cendent une petite côte de la route, — à peu de dis­tance la Seine déroule par­mi les prai­ries son ruban bleu, — une petite fille, qui garde ses mou­tons dans une pâture, les recon­naît à leurs vête­ments et, s’agenouil­lant aus­si­tôt, fait un grand signe de croix. Les deux évêques répondent en fai­sant dans sa direc­tion un geste de béné­diction. Et puis, ils s’arrêtent…

Qu’y a‑t-il donc ? Ce n’est pas la pre­mière fois qu’une pas­tou­relle se pros­terne devant eux et qu’ils la bénissent. Qu’a donc celle-ci de plus que les autres ? Sur le moment, peut-être ni Loup ni Ger­main ne pour­raient-ils le dire. Mais l’un et l’autre sont des Saints. En eux l’Es­prit de Dieu parle et il leur fait com­prendre des choses que les simples hommes ne sau­raient entendre. À l’ins­tant où la petite fille s’est age­nouillée, il s’est pro­duit en eux un élan mys­té­rieux ; ils ont enten­du comme un appel. Au-des­sus de cet enfant, le ciel est-il plus pur, plus lumi­neux ? Ger­main d’Auxerre, le plus leste des deux pré­lats, a sau­té le fos­sé qui borde la route et il s’a­vance vers la petite bergère.

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Maison natale de Jeanne - récit pour la catéchèse des jeunes
Mai­son natale de Jeanne

Jeanne, la « Sainte de la patrie », naquit en la fête de l’É­pi­pha­nie de l’an­née 1412, au petit vil­lage de Dom­re­my, en Lorraine.

Son père, Jacques d’Arc, sa mère Isa­belle Romée, étaient de simples pay­sans, labo­rieux et bons chrétiens.

« J’ai appris de ma mère, mon Pater, mon Ave Maria, et mon Cre­do », disait Jeanne plus tard. « Tout ce que je crois, je l’ai appris de ma mère. »

Jean­nette, comme on l’ap­pe­lait au vil­lage, sem­blait atti­rée vers le bon Dieu. Elle assis­tait avec bon­heur aux caté­chismes de M. le Curé, aux ins­truc­tions et aux cérémonies.

La petite mai­son où Jeanne vint au monde et gran­dit, existe encore, toute proche de l’église.

L’en­fant pro­fi­tait de ce voi­si­nage pour cou­rir à l’é­glise dès que la besogne lui lais­sait un instant.

Sa foi vive lui mon­trait Nôtre-Sei­gneur tou­jours pré­sent dans le taber­nacle. Age­nouillée sur le pavé, devant l’au­tel, elle priait avec une fer­veur extrême.

Que de fois les habi­tants de Dom­re­my la sur­prirent ain­si, les mains jointes, tout absor­bée par sa conver­sa­tion avec le bon Dieu !

Elle assis­tait avec un pro­fond recueille­ment aux messes célé­brées par le curé de la paroisse.

A la tom­bée du jour, la cloche appe­lait les parois­siens pour la prière. Jean­nette s’empressait de cou­rir à l’é­glise. Par­fois cepen­dant, son tra­vail la rete­nait au loin. Dès que le vent lui appor­tait le son de l’Angé­lus, elle s’a­ge­nouillait dans les champs pour prier. Elle aimait entendre les cloches qui sont la de l’é­glise. Or, il paraît qu’au moment de la pre­mière Com­mu­nion de Jean­nette, le son­neur oubliait par­fois son office. L’en­fant le sup­pliait d’être plus exact, et elle lui pro­met­tait en récom­pense les éche­veaux de laine blanche qui venaient de ses brebis.

Dès l’âge de rai­son, Jean­nette se confes­sait sou­vent, tant elle dési­rait puri­fier son âme des moindres taches.

Après sa pre­mière com­mu­nion, elle se confes­sa plus fré­quem­ment encore pour se pré­pa­rer au grand bon­heur de rece­voir Jésus dans son cœur.

Tous ceux qui connais­saient Jean­nette remar­quaient com­bien ten­dre­ment elle aimait la Sainte Vierge.

Dans l’é­glise du vil­lage, on la trou­vait sou­vent age­nouillée devant la sta­tue de Marie. Elle y allu­mait des « chan­delles » comme elle disait, ou bien elle arran­geait en bou­quets les plus jolies fleurs de son jardin.

Quand venait le mois de mai, chaque same­di, Jean­nette toute joyeuse s’en allait en pèle­ri­nage avec ses amies vers les cha­pelles des envi­rons dédiées à la sainte Vierge : de Ber­mont, ou l’er­mi­tage Sainte-Marie, situé sur une col­line qui domine la val­lée de la Meuse.

En che­mi­nant à tra­vers l’herbe fraîche des prés, les enfants cueillaient des fleurs qu’elles dépo­saient aux pieds de la Vierge et de l’En­fant Jésus.

Simple, franche, douce, joyeuse, Jeanne se fai­sait aimer de tout le monde. « Elle n’a­vait pas sa pareille dans la paroisse, disait le curé, jamais je n’en vis une meilleure. »

Les habi­tants conve­naient que c’é­tait la véri­té. Ils admi­raient le cou­rage de la au tra­vail. Tout le long du jour, elle aidait sa mère dans les soins du ménage, accom­pa­gnait son père et ses frères aux champs, gar­dant le trou­peau dans les prai­ries qui entou­raient le village.

Le soir, à la veillée, Jean­nette se met­tait à filer et à coudre. Elle le fai­sait avec tant d’a­dresse que plus tard, elle put dire fiè­re­ment : « Pour coudre et filer, je ne crains pas femme de Rouen ! »

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 14 minutesQuStatue de Sainte Germaine Cousin dite de Pibrace se passe-t-il donc à Pibrac ? Pour­quoi cette ani­ma­tion à laquelle l’humble vil­lage gas­con n’est guère accou­tu­mé ? Pour­quoi ces arcs de fleurs et de feuillages, et ces draps ten­dus aux fenêtres tout de rosés par­se­més ? Regar­dez donc, sur la route de Tou­louse — qui n’est longue, que de trois lieues, — gra­vis­sant la col­line s’a­vance un grand cor­tège, car­rosses, cava­liers et sol­dats. C’est la reine-mère, Cathe­rine de Médi­cis, de noir vêtue, en robe à col­le­rette empe­sée, le jeune roi Hen­ri III tout ruti­lant de pas­se­men­te­rie d’or et le duc de Mont­pen­sier et la petite prin­cesse de Lor­raine et l’on ne sau­rait dire com­bien de cour­ti­sans et de nobles sei­gneurs. Où va donc tout ce beau monde ? Ren­con­trer les chefs des pro­tes­tants, avec qui la Roi est en guerre, et tâcher, une fois de plus, de faire la paix.

On est alors au cœur des . Depuis bien des années la France souffre et saigne de ces luttes fra­tri­cides entre chré­tiens. Le sou­ve­nir des mas­sacres affreux de la Saint-Bar­thé­le­my, depuis plus de dix ans, demeure vif dans les mémoires, comme une plaie. Tout le monde est inquiet du len­de­main. Et puis a‑t-on confiance dans cette reine vio­lente, dans ce jeune prince fri­vole qui ne songe qu’à s’a­mu­ser ? Il n’a même pas d’en­fants ! Et son héri­tier, son cou­sin Hen­ri de Navarre est pro­tes­tant et ne veut pas abju­rer la reli­gion de Cal­vin ; que se pas­­se­ra-t-il s’il devient un jour Hen­ri IV ?

Ils parlent de tout cela, les pay­sans de Pibrac, tout en atten­dant le cor­tège royal. Bien sûr, on accla­me­ra le jeune Roi, la Reine et Mes­sieurs les Sei­gneurs, parce qu’il faut être poli envers des hôtes illustres, qui pas­se­ront tout au long de la grande rue et même qui s’ar­rê­te­ront pour déjeu­ner au châ­teau chez Mes­sire Guy du Faur ; on est très poli en ce temps-là, et quand même, c’est un hon­neur pour le vil­lage que cette visite de la cour, un hon­neur qui le ren­dra illustre ! mais on n’en pen­se­ra pas moins…

Ce qu’ils ne savent pas, les