Conte populaire transcrit par Henri POURRAT
IL y avait une fois une bergère qu’on nommait Isabeau. Cœur plus simple ne se serait trouvé en la chrétienté tout entière. Candide comme la fleur des champs, la pâquette des ruisseaux, la petite anémone blanche ou le narcisse des prés qui a le cœur tout d’or. Encore jeune de jeune jeunesse. Mais déjà elle aidait les siens en allant garder les brebis ; et tout en les gardant, elle filait sa quenouille à l’ombre d’un frêne. Toujours riante, toujours rayonnante. Seulement, à la grande désolation de ses père et mère, qui n’avaient pas d’autre enfant, elle était muette.
Ils l’ont amenée à la ville, à un grand médecin — bien que ce ne fût guère la coutume pour des gens de campagne. Et ce médecin leur a dit qu’aucun savant au monde ne saurait la guérir.
Un jour qu’elle était là sur le pacage, auprès de ses moutons, et son chien auprès d’elle, attendant venir l’Angelus, elle priait sans pouvoir réciter, elle reprenait à part soi une dizaine d’Ave, les mains au creux de sa robe, son mouchoir sur la tête à cause du soleil.
Tout à coup, vers l’heure de la soupe, elle a eu devant soi une grande lumière. Une dame s’approchait d’elle, si belle, si belle… Et puis ce n’était pas tant sa beauté que cet air de haut lieu, qui ouvrait un pays tout d’innocence et de soleil.
La bergère Isabeau était tombée à deux genoux sur l’herbe, ravie en sa contemplation.
— Belle bergère, belle Isabeau, lui a dit la dame, il faut que tu me donnes un de tes agnelets.