Temps de lecture : 2minutesJoseph était mort entre les bras de Jésus et de Marie. Jésus avait trente ans. Le moment était venu de prêcher son Évangile. Mais auparavant, il voulut recevoir le baptême des mains de saint Jean-Baptiste, dans le Jourdain. Il n’avait pas besoin de recevoir ce baptême de pénitence, lui qui…
Un jour que Jésus-Christ prêchait aux multitudes, il dit en parlant de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent (c’est-à-dire un homme faible, sans caractère, qui tourne à tous vents d’opinions) ? Mais encore qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mollement ? Vous savez que c’est dans les palais des rois qu’on trouve ceux qui portent des riches habits et qui vivent dans les plaisirs. Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. Car c’est de lui qu’il a été écrit : Voici que j’envoie mon ange devant ta face, afin qu’il prépare ton chemin devant toi. En vérité, je vous le dis, entre les fils des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. » [1]
Quel éloge ! Et dans quelle bouche ! Celle du Fils de Dieu !
Saint Jean-Baptiste occupe dans l’histoire de l’humanité une place unique et incomparable, il est un trait d’union entre les deux mondes, il résume en lui tout l’Ancien Testament et prépare le Nouveau. Montrant le Messie promis déjà présent au milieu de son peuple, il ferme la succession des prophètes et il ouvre la mission des apôtres.
Par un privilège unique entre les prophètes, il a eu l’honneur d’être lui-même prophétisé, plus de sept siècles avant sa naissance, par Isaïe et Malachie.
Les parents de saint Jean-Baptiste.
Il y avait en Israël deux familles nobles entre toutes : la famille royale de David, d’où devait naître le Messie, et la famille sacerdotale d’Aaron, dont le sacerdoce figurait, annonçait et préparait le vrai et unique sacerdoce de Jésus-Christ. Marie, Mère de Jésus, était de la race de David ; Zacharie et son épouse Elisabeth, parents du saint Précurseur, étaient de la race d’Aaron. En outre, Elisabeth, fille d’une sœur de sainte Anne, mère de Marie, se trouvait être la cousine germaine de la Très Sainte Vierge. Elle était toutefois beaucoup plus âgée que Marie. Elisabeth et Zacharie avaient une autre noblesse, noblesse excellente et personnelle, celle de la sainteté : « Tous deux étaient justes devant Dieu, dit l’évangéliste saint Luc, marchant sans reproche dans tous les commandements et les ordonnances du Seigneur. »
Mais, tristesse immense pour les deux époux, « ils n’avaient point de fils », et humainement ne pouvaient plus en espérer, ce qui était considéré comme un opprobre et une malédiction chez les Hébreux. Dieu le permettait ainsi pour éprouver et perfectionner leur vertu et aussi parce que saint Jean-Baptiste, comme Isaac, Samson, Samuel, comme Marie enfin, la Vierge bénie entre toutes les créatures, devait être le fruit de la grâce et de la prière, plus encore que de la nature.
Apparition de l’archange Gabriel.
Les descendants d’Aaron avaient été divisés par David en classes ou familles qui se succédaient à tour de rôle pour exercer leur ministère dans le Temple de Jérusalem. Zacharie appartenait à la classe d’Abia, c’était la huitième. Le Temple était un vaste édifice, pas, comme le sont nos cathédrales, un édifice important n’offrant qu’un seul lieu de réunion. Qu’on imagine d’abord une vaste place ou esplanade, entourée d’une enceinte et flanquée de constructions diverses. Entrez sur cette esplanade, vous êtes dans une vaste cour, c’est le parvis des Gentils, où tout le monde peut entrer. Une sorte de balustrade et une double rangée de colonnes séparent cette première cour d’une seconde, le parvis des Juifs, où les Hébreux seuls peuvent pénétrer ; ce parvis est séparé lui-même d’un troisième, le parvis des Lévites ou des Prêtres, où l’on immole les victimes et au milieu duquel se dresse le sanctuaire ou temple proprement dit. Ce dernier édifice est très élevé et on y arrive par de nombreuses marches ; il est divisé en deux parties, le Saint et le Saint des saints. Le grand-prêtre seul, une fois l’an, peut entrer dans le Saint des saints. Dans le Saint on voit, entre autres, l’autel des parfums, petite table en bois de sétim, couverte de lames d’or.
Chaque matin à neuf heures et chaque soir à trois heures, l’un des prêtres de semaine, désigné par le sort, entrait dans le Saint et faisait brûler une poignée d’encens sur l’autel des parfums ; puis il sortait, et du haut des degrés du sanctuaire il bénissait le peuple réuni dans les parvis : « Que le Seigneur, disait-il en croisant les mains, te bénisse et te conserve ; que le Seigneur te découvre son visage et ait pitié de toi ; que le Seigneur tourne vers toi son visage et te donne la paix. » Triple invocation qui s’adressait mystérieusement à la Sainte Trinité, en faveur de son peuple choisi.
Or, raconte l’évangéliste, lorsque Zacharie remplissait devant Dieu les fonctions du sacerdoce, selon le rang de sa classe, il arriva qu’il lui échut par le sort, suivant la coutume observée entre les prêtres, d’entrer dans le temple du Seigneur pour y offrir l’encens. Et toute la multitude était dehors priant, à l’heure de l’encens. Et un ange lui apparut, debout à droite de l’autel des parfums. À cette vue, Zacharie se troubla et fut saisi de crainte. Mais l’ange lui dit :
— Ne craignez point, Zacharie, parce que votre prière a été exaucée, et Elisabeth votre épouse vous donnera un fils que vous nommerez Jean (nom qui veut dire grâce de Dieu). Il sera pour vous un sujet de joie et de ravissement, et à sa naissance beaucoup se réjouiront. Car il sera grand devant le Seigneur ; il ne boira point de vin ni d’aucune liqueur enivrante, il sera rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère. Il convertira un grand nombre d’enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il marchera devant sa face dans l’esprit et la vertu d’Elie, afin qu’il unisse les cœurs des pères à ceux des fils (c’est-à-dire apprenne aux Juifs d’alors à imiter la foi de leurs pères les patriarches anciens), qu’il ramène les désobéissants à la prudence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait.
— À quoi reconnaîtrai-je la vérité de ce que vous me dites ? répondit Zacharie, car je suis vieux et ma femme est avancée en âge.
Alors l’ange répondit avec majesté :
— Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu, et j’ai été envoyé pour vous parler et vous annoncer cette heureuse nouvelle. Et voici que vous serez muet et ne pourrez parler parce que vous n’avez pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps.
Cependant le peuple attendait Zacharie et s’étonnait qu’il demeurât si longtemps dans le Temple.
Enfin il sortit pour donner la bénédiction accoutumée, mais « il ne pouvait parler et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le Temple. Quant à lui, il leur faisait des signes, et il resta muet.
« Quand les jours de son ministère furent accomplis, Zacharie revint à la maison », triste, dit saint Paulin, demandant pardon à Dieu dans le secret de son cœur. Sa maison était à Aïn-Karim, petite ville située à deux lieues de Jérusalem, sur un plateau incliné, au bas d’une montagne, et au-dessus d’une riante vallée. Bientôt Elisabeth eut la certitude de donner le jour à un enfant.
La Visitation.
Six mois après, l’ange Gabriel apparaissait à l’humble et incomparable Vierge de Nazareth, il annonçait à Marie sa maternité virginale et divine, et ajoutait en témoignage de ses paroles : « Voilà qu’Elisabeth, votre cousine, a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse, et c’est le sixième mois de celle qui était appelée stérile, parce que rien n’est impossible à Dieu. » Ainsi, Jean semblait déjà remplir son rôle de précurseur ; mais cette âme d’élite gémissait encore captive sous les ruines du péché originel : une inspiration intérieure apprend à Marie que la visite de la Mère de Dieu sera le salut de Jean, non moins que la joie d’Elisabeth.
Marie se lève donc et se met en route. Quatre ou cinq jours de marche séparent Nazareth des montagnes de Judée où demeure sa cousine, mais la charité semble lui donner des ailes ; elle voyage rapidement, dit l’évangéliste, afin de saluer Elisabeth. La Mère de Dieu prévient la mère de Jean ; Jésus prévient son précurseur ; Jésus parle par la bouche de Marie, et sa voix pénétrant jusqu’à l’âme du fils d’Elisabeth, celui-ci se réveille à la vie de la grâce, il a reconnu son Sauveur, il tressaille dans le sein de sa mère. L’Esprit-Saint, qui illumine lame du fils, rejaillissant sur la mère, Elisabeth s’écrie d’une grande voix (comme si elle parlait au nom de tous les siècles à venir) : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne me visiter ? Vous êtes heureuse, vous qui avez cru que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s’accompliraient. »
Mais Marie, repoussant la louange qui s’adresse à elle pour reporter à Dieu toute gloire, s’écrie : « Mon âme glorifie le Seigneur », et elle fait entendre, pour la première fois en ce lieu solitaire, les sublimes accents du Magnificat, répété depuis par tous les siècles, en souvenir d’elle. Si cette première rencontre fut si merveilleuse pour l’âme du Précurseur, combien de grâces durent accompagner le séjour de Marie auprès d’Elisabeth pendant environ trois mois ?
Naissance de saint Jean-Baptiste.
Quand le temps fut arrivé, Elisabeth mit au monde un fils ; les parents et les voisins, qui estimaient la vertueuse mère, apprirent avec joie la miséricorde dont le Seigneur avait usé envers elle. Le huitième jour, on vint, suivant l’usage, circoncire l’enfant, et ils lui donnaient le nom de Zacharie porté par son père.
— Il n’en sera pas ainsi, dit Elisabeth, mais il s’appellera Jean.
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’ÉTAIT en l’année 250. Decius régnait dans Rome, et les légions victorieuses campaient jusqu’à la mer Noire. Des gouverneurs romains faisaient respecter dans toutes les colonies les lois de l’empire et sévissaient avec rigueur contre les moindres tentatives de trouble.
Félix, issu d’une ancienne et noble famille romaine, avait été nommé au gouvernement de l’Arménie. C’était un homme assez habile et qui avait su, par souplesse plutôt que par talent, se faire bien voir des grands de l’empire. Ne pas déplaire aux puissants était sa constante préoccupation, ainsi que le soin de sa fortune. Une seule chose, toutefois, balançait cette pensée intéressée dans son cœur, c’était sa tendresse pour sa fille, Pauline. Mais il faut ajouter que cette tendresse n’aurait pas été assez forte pour le faire renoncer à un profit sérieux.
Et il venait de prouver cette inégalité de ses sentiments un peu avant son départ pour l’Arménie.
Le mariage de Pauline
En effet, le visage et les vertus adorables de Pauline avaient inspiré un profond amour à un chevalier romain, un des plus braves officiers de Decius. Ce chevalier se nommait Sévère. Il avait l’estime générale pour la bravoure et la générosité de son caractère, et toutes les jeunes filles romaines rêvaient de ce beau guerrier. Pauline avait fait comme ses compagnes, et bientôt le respectueux attachement qu’elle sentait pour elle dans l’âme de Sévère lui avait mis au cœur, en retour, une vive tendresse.
Mais Sévère avait peu de fortune. Aussi quand il hasarda sa demande auprès du père de Pauline, reçut-il un refus très sec. Félix ne voulait pas pour gendre de cet officier d’un certain renom sans doute, mais sans guère d’autre bien que son courage. Et pour décourager tout à fait Sévère dans ses espérances, il demanda et obtint le gouvernement d’Arménie. Il se flattait de trouver dans cette riche colonie un parti brillant pour sa fille. Et en effet, à peine arrivée à Mélitène, la belle Pauline se vit recherchée par Polyeucte, un des chefs de la noblesse arménienne et dont la fortune était considérable. Celui-ci demanda la jeune fille en mariage. Félix vit surtout dans cette union la possibilité d’asseoir plus solidement sa propre situation en Arménie, et il accorda sa fille à Polyeucte. Entre temps, la nouvelle de la mort de Sévère était parvenue jusqu’à Mélitène, et Pauline, secrètement, avait gémi sur cette fin de ses premiers rêves. Puis, comme le devoir parlait toujours dans son cœur plus haut que la passion, elle s’était efforcée de ne plus penser qu’à l’époux que venait de lui choisir son père, de ne plus chérir que lui.
Or, Polyeucte était un homme de si haute vertu et d’un cœur si aimable que ce fut chose facile pour Pauline que d’avoir envers lui les sentiments qu’il méritait ; et, en ce jour de janvier où sous le ciel si doux de l’Arménie, sur ses pentes verdies d’oliviers, éclosaient les corolles neigeuses des narcisses, dans une des galeries du palais du gouverneur, Pauline, appuyée au bras de son époux, cherchait à retenir celui-ci auprès d’elle.
— Ne sortez pas, lui disait-elle, non, pas aujourd’hui. J’ai fait un rêve si horrible que j’en suis pas restée toute troublée. Je vous ai vu mort. Quelle douleur ! Ne sortez pas.
Polyeucte plaisanta la jeune femme sur sa croyance aux songes, « divagations sans fondement de l’esprit », selon lui ; mais Pauline ne souriait pas et restait craintive, tout entière aux sombres images qui avaient hanté sa nuit.
À ce moment, un seigneur arménien, ami de Polyeucte, apparut dans la galerie. Il fronça le sourcil en voyant avec quelle ardeur Pauline suppliait Polyeucte de renoncer à sortir et combien Polyeucte paraissait faiblement se défendre contre cette douce tyrannie. Profitant d’un instant où Pauline s’était éloignée pour donner quelque ordre, il en fit la remarque à son ami.
À la grille le docteur trouva sa fille. Elle avait mis son manteau.
— Petit papa, emmène-moi !
— Comment ? Ne sortez-vous pas avec maman ?
— Nous allons aux vêpres, mais dans une heure seulement.
Le père mit sa main sur l’épaule de sa fille. Il n’ajouta rien d’autre et ils s’en allèrent ensemble.
Que c’était long de monter au cinquième !
Mme Lebrun ouvrit la porte.
— Je laisse, Madame, la petite sous votre garde. Il vaut mieux ne pas trop fatiguer le malade.
La porte de la chambre se ferma derrière papa.
Mme Lebrun tâcha de divertir Jeanne comme elle put, mais la petite fille ne s’intéressait qu’à un seul sujet.
— Parlez-moi, Madame, de Michel…
— Petit encore, commença Mme Lebrun, et son visage soucieux se dérida, il était déjà très bon. Je me rappelle que lui si délicat, toujours si prévenant, choisissait depuis quelque temps le plus gros morceau de pain dans le panier lorsque nous étions à table. Il le choisissait et le prenait le premier.
— Pourquoi ne le manges-tu pas ? lui disais-je en voyant que le pain n’était pas touché.
La réponse du petit était toujours la même.
— Tout à l’heure, maman.
…Aussitôt qu’il avait mangé il m’aidait à ranger la table, puis courait à l’école.
Un beau jour, me doutant de quelque chose, je jetai un coup d’œil par la fenêtre après son départ.
Michel marchait gentiment sous son tablier noir, la serviette sous le bras. À sa rencontre venait un autre garçon pauvrement vêtu. Ils se croisèrent. Michel sortit son pain et le donna à l’autre.
Ce fut vite fait et sans paroles, comme si c’était une habitude prise…
Mme Lebrun ajouta avec un soupir :
— Malgré tout, je fus obligée de le gronder le soir.
L’entrée du docteur interrompit la conversation. Son visage était couvert d’un nuage. Il traversa la pièce et fit signe à Mme Lebrun de le suivre à la cuisine.
La cuisine était petite et proprette ; à la fenêtre un serin jouait dans sa cage. Tout était bien rangé et en sécurité.
Le docteur allait parler.
Mme Lebrun ressentit une inquiétude : qu’allait-il dire ?
— Ayez du courage, Madame.
Mme Lebrun souriait comme si elle allait plutôt pleurer.
— Vous serez courageuse, n’est-ce pas ? L’état est bien grave.
D’une main Mme Lebrun couvrit sa bouche pour retenir sa voix.
Le docteur donna encore très doucement des explications.
Jeanne, dans la pièce voisine, n’entendait qu’un murmure…
Temps de lecture : 6minutes« Alors vrai, tu crois que ce pourrait être bientôt ? »
Le jeune sergent a fait de la tête un signe affirmatif, et, fou de joie, un éclair dans ses yeux noirs, Hassan s’est enfui en courant pour ne pas être en retard en classe.
Il y a plusieurs semaines que le sergent Gaillard est arrivé à Beyrouth, impatient de mettre sa jeune ardeur au service du pays. Mais, malgré tous ses désirs, il lui a fallu accepter ce poste trop tranquille où il ronge son frein en rêvant de gloire et de combats.
Tout près, heureusement, il y a le collège des Frères, l’immense collège des Frères dont les petits gars lui rappellent ceux du groupe Cœurs Vaillants où il aimait à servir avant la guerre.
Et c’est d’un regard plein de fierté que le sergent suit Hassan, le petit indigène qui depuis de longs mois attend avec ferveur le moment où il pourra recevoir le baptême, et qui, pour mériter cette grâce, a promis de faire « quelque chose de grand, qui coûte, pour le Bon Dieu ».
Une semaine a passé et brusquement tout a changé. Depuis deux jours la guerre fait rage dans le Liban Sud. Les armées ramassées en Palestine ont franchi la frontière et s’avancent en trois colonnes sur Beyrouth et sur Damas. Dès les premières heures, le sergent Gaillard a quitté son poste habituel. Il a pris position aux portes de la ville, avec la mission d’empêcher l’avance des blindés légers sur la route qui longe la mer. Il a à sa disposition un groupe de mitrailleuses et déjà ses hommes sont aux emplacements de combat derrière les chicanes et les barricades élevées rapidement.