Étiquette : <span>Baptême</span>

Auteur : Baeteman, R. P. J. | Ouvrage : Tout l'Évangile en images .

Temps de lec­ture : 2 minutesJoseph était mort entre les bras de Jésus et de Marie. Jésus avait trente ans. Le moment était venu de prê­cher son Évan­gile. Mais aupa­ra­vant, il vou­lut rece­voir le bap­tême des mains de saint Jean-Bap­­tiste, dans le Jour­dain. Il n’a­vait pas besoin de rece­voir ce bap­tême de péni­tence, lui qui…

| Ouvrage : La revue des saints .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Précurseur du Messie

Fête le 24 juin

Un jour que Jésus-Christ prê­chait aux mul­ti­tudes, il dit en par­lant de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agi­té par le vent (c’est-à-dire un homme faible, sans carac­tère, qui tourne à tous vents d’opinions) ? Mais encore qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mol­le­ment ? Vous savez que c’est dans les palais des rois qu’on trouve ceux qui portent des riches habits et qui vivent dans les plai­sirs. Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un pro­phète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un pro­phète. Car c’est de lui qu’il a été écrit : Voi­ci que j’envoie mon ange devant ta face, afin qu’il pré­pare ton che­min devant toi. En véri­té, je vous le dis, entre les fils des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Bap­tiste. » [1]

Quel éloge ! Et dans quelle bouche ! Celle du Fils de Dieu !

Saint Jean-Bap­tiste occupe dans l’histoire de l’humanité une place unique et incom­pa­rable, il est un trait d’union entre les deux mondes, il résume en lui tout l’Ancien Tes­ta­ment et pré­pare le Nou­veau. Mon­trant le Mes­sie pro­mis déjà pré­sent au milieu de son peuple, il ferme la suc­ces­sion des pro­phètes et il ouvre la mis­sion des apôtres.

Par un pri­vi­lège unique entre les pro­phètes, il a eu l’honneur d’être lui-même pro­phé­ti­sé, plus de sept siècles avant sa nais­sance, par Isaïe et Malachie.

Les parents de saint Jean-Baptiste.

Il y avait en Israël deux familles nobles entre toutes : la famille royale de David, d’où devait naître le Mes­sie, et la famille sacer­do­tale d’Aaron, dont le sacer­doce figu­rait, annon­çait et pré­pa­rait le vrai et unique sacer­doce de Jésus-Christ. Marie, Mère de Jésus, était de la race de David ; Zacha­rie et son épouse Eli­sa­beth, parents du saint Pré­cur­seur, étaient de la race d’Aaron. En outre, Eli­sa­beth, fille d’une sœur de sainte Anne, mère de Marie, se trou­vait être la cou­sine ger­maine de la Très Sainte Vierge. Elle était tou­te­fois beau­coup plus âgée que Marie. Eli­sa­beth et Zacha­rie avaient une autre noblesse, noblesse excel­lente et per­son­nelle, celle de la sain­te­té : « Tous deux étaient justes devant Dieu, dit l’évangéliste saint Luc, mar­chant sans reproche dans tous les com­man­de­ments et les ordon­nances du Seigneur. »

Mais, tris­tesse immense pour les deux époux, « ils n’avaient point de fils », et humai­ne­ment ne pou­vaient plus en espé­rer, ce qui était consi­dé­ré comme un opprobre et une malé­dic­tion chez les Hébreux. Dieu le per­met­tait ain­si pour éprou­ver et per­fec­tion­ner leur ver­tu et aus­si parce que saint Jean-Bap­tiste, comme Isaac, Sam­son, Samuel, comme Marie enfin, la Vierge bénie entre toutes les créa­tures, devait être le fruit de la grâce et de la prière, plus encore que de la nature.

Apparition de l’archange Gabriel.

Les des­cen­dants d’Aaron avaient été divi­sés par David en classes ou familles qui se suc­cé­daient à tour de rôle pour exer­cer leur minis­tère dans le Temple de Jéru­sa­lem. Zacha­rie appar­te­nait à la classe d’Abia, c’était la hui­tième. Le Temple était un vaste édi­fice, pas, comme le sont nos cathé­drales, un édi­fice impor­tant n’offrant qu’un seul lieu de réunion. Qu’on ima­gine d’abord une vaste place ou espla­nade, entou­rée d’une enceinte et flan­quée de construc­tions diverses. Entrez sur cette espla­nade, vous êtes dans une vaste cour, c’est le par­vis des Gen­tils, où tout le monde peut entrer. Une sorte de balus­trade et une double ran­gée de colonnes séparent cette pre­mière cour d’une seconde, le par­vis des Juifs, où les Hébreux seuls peuvent péné­trer ; ce par­vis est sépa­ré lui-même d’un troi­sième, le par­vis des Lévites ou des Prêtres, où l’on immole les vic­times et au milieu duquel se dresse le sanc­tuaire ou temple pro­pre­ment dit. Ce der­nier édi­fice est très éle­vé et on y arrive par de nom­breuses marches ; il est divi­sé en deux par­ties, le Saint et le Saint des saints. Le grand-prêtre seul, une fois l’an, peut entrer dans le Saint des saints. Dans le Saint on voit, entre autres, l’autel des par­fums, petite table en bois de sétim, cou­verte de lames d’or.

Chaque matin à neuf heures et chaque soir à trois heures, l’un des prêtres de semaine, dési­gné par le sort, entrait dans le Saint et fai­sait brû­ler une poi­gnée d’encens sur l’autel des par­fums ; puis il sor­tait, et du haut des degrés du sanc­tuaire il bénis­sait le peuple réuni dans les par­vis : « Que le Sei­gneur, disait-il en croi­sant les mains, te bénisse et te conserve ; que le Sei­gneur te découvre son visage et ait pitié de toi ; que le Sei­gneur tourne vers toi son visage et te donne la paix. » Triple invo­ca­tion qui s’adressait mys­té­rieu­se­ment à la Sainte Tri­ni­té, en faveur de son peuple choisi.

Or, raconte l’évangéliste, lorsque Zacha­rie rem­plis­sait devant Dieu les fonc­tions du sacer­doce, selon le rang de sa classe, il arri­va qu’il lui échut par le sort, sui­vant la cou­tume obser­vée entre les prêtres, d’entrer dans le temple du Sei­gneur pour y offrir l’encens. Et toute la mul­ti­tude était dehors priant, à l’heure de l’encens. Et un ange lui appa­rut, debout à droite de l’autel des par­fums. À cette vue, Zacha­rie se trou­bla et fut sai­si de crainte. Mais l’ange lui dit :

— Ne crai­gnez point, Zacha­rie, parce que votre prière a été exau­cée, et Eli­sa­beth votre épouse vous don­ne­ra un fils que vous nom­me­rez Jean (nom qui veut dire grâce de Dieu). Il sera pour vous un sujet de joie et de ravis­se­ment, et à sa nais­sance beau­coup se réjoui­ront. Car il sera grand devant le Sei­gneur ; il ne boi­ra point de vin ni d’aucune liqueur enivrante, il sera rem­pli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère. Il conver­ti­ra un grand nombre d’enfants d’Israël au Sei­gneur leur Dieu ; il mar­che­ra devant sa face dans l’esprit et la ver­tu d’Elie, afin qu’il unisse les cœurs des pères à ceux des fils (c’est-à-dire apprenne aux Juifs d’alors à imi­ter la foi de leurs pères les patriarches anciens), qu’il ramène les déso­béis­sants à la pru­dence des justes, pour pré­pa­rer au Sei­gneur un peuple parfait.

— À quoi recon­naî­trai-je la véri­té de ce que vous me dites ? répon­dit Zacha­rie, car je suis vieux et ma femme est avan­cée en âge.

Alors l’ange répon­dit avec majesté :

— Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu, et j’ai été envoyé pour vous par­ler et vous annon­cer cette heu­reuse nou­velle. Et voi­ci que vous serez muet et ne pour­rez par­ler parce que vous n’avez pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps.

Cepen­dant le peuple atten­dait Zacha­rie et s’étonnait qu’il demeu­rât si long­temps dans le Temple.

Enfin il sor­tit pour don­ner la béné­dic­tion accou­tu­mée, mais « il ne pou­vait par­ler et ils com­prirent qu’il avait eu une vision dans le Temple. Quant à lui, il leur fai­sait des signes, et il res­ta muet.

« Quand les jours de son minis­tère furent accom­plis, Zacha­rie revint à la mai­son », triste, dit saint Pau­lin, deman­dant par­don à Dieu dans le secret de son cœur. Sa mai­son était à Aïn-Karim, petite ville située à deux lieues de Jéru­sa­lem, sur un pla­teau incli­né, au bas d’une mon­tagne, et au-des­sus d’une riante val­lée. Bien­tôt Eli­sa­beth eut la cer­ti­tude de don­ner le jour à un enfant.

La Visitation.

Six mois après, l’ange Gabriel appa­rais­sait à l’humble et incom­pa­rable Vierge de Naza­reth, il annon­çait à Marie sa mater­ni­té vir­gi­nale et divine, et ajou­tait en témoi­gnage de ses paroles : « Voi­là qu’Elisabeth, votre cou­sine, a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse, et c’est le sixième mois de celle qui était appe­lée sté­rile, parce que rien n’est impos­sible à Dieu. » Ain­si, Jean sem­blait déjà rem­plir son rôle de pré­cur­seur ; mais cette âme d’élite gémis­sait encore cap­tive sous les ruines du péché ori­gi­nel : une ins­pi­ra­tion inté­rieure apprend à Marie que la visite de la Mère de Dieu sera le salut de Jean, non moins que la joie d’Elisabeth.

Marie se lève donc et se met en route. Quatre ou cinq jours de marche séparent Naza­reth des mon­tagnes de Judée où demeure sa cou­sine, mais la cha­ri­té semble lui don­ner des ailes ; elle voyage rapi­de­ment, dit l’évangéliste, afin de saluer Eli­sa­beth. La Mère de Dieu pré­vient la mère de Jean ; Jésus pré­vient son pré­cur­seur ; Jésus parle par la bouche de Marie, et sa voix péné­trant jusqu’à l’âme du fils d’Elisabeth, celui-ci se réveille à la vie de la grâce, il a recon­nu son Sau­veur, il tres­saille dans le sein de sa mère. L’Esprit-Saint, qui illu­mine lame du fils, rejaillis­sant sur la mère, Eli­sa­beth s’écrie d’une grande voix (comme si elle par­lait au nom de tous les siècles à venir) : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient ce bon­heur que la Mère de mon Sei­gneur vienne me visi­ter ? Vous êtes heu­reuse, vous qui avez cru que les choses qui vous ont été dites de la part du Sei­gneur s’accompliraient. »

Mais Marie, repous­sant la louange qui s’adresse à elle pour repor­ter à Dieu toute gloire, s’écrie : « Mon âme glo­ri­fie le Sei­gneur », et elle fait entendre, pour la pre­mière fois en ce lieu soli­taire, les sublimes accents du Mag­ni­fi­cat, répé­té depuis par tous les siècles, en sou­ve­nir d’elle. Si cette pre­mière ren­contre fut si mer­veilleuse pour l’âme du Pré­cur­seur, com­bien de grâces durent accom­pa­gner le séjour de Marie auprès d’Elisabeth pen­dant envi­ron trois mois ?

Naissance de saint Jean-Baptiste.

Quand le temps fut arri­vé, Eli­sa­beth mit au monde un fils ; les parents et les voi­sins, qui esti­maient la ver­tueuse mère, apprirent avec joie la misé­ri­corde dont le Sei­gneur avait usé envers elle. Le hui­tième jour, on vint, sui­vant l’usage, cir­con­cire l’enfant, et ils lui don­naient le nom de Zacha­rie por­té par son père.

— Il n’en sera pas ain­si, dit Eli­sa­beth, mais il s’appellera Jean.

  1. [1] Saint Mat­thieu, XI, 7 – 11.
| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 18 minutes
Saint Polyeucte

’ÉTAIT en l’an­née 250. Decius régnait dans Rome, et les légions vic­to­rieuses cam­paient jus­qu’à la mer Noire. Des gou­ver­neurs romains fai­saient res­pec­ter dans toutes les colo­nies les lois de l’empire et sévis­saient avec rigueur contre les moindres ten­ta­tives de trouble.

Félix, issu d’une ancienne et noble famille romaine, avait été nom­mé au gou­ver­ne­ment de l’Ar­mé­nie. C’é­tait un homme assez habile et qui avait su, par sou­plesse plu­tôt que par talent, se faire bien voir des grands de l’empire. Ne pas déplaire aux puis­sants était sa constante pré­oc­cu­pa­tion, ain­si que le soin de sa for­tune. Une seule chose, tou­te­fois, balan­çait cette pen­sée inté­res­sée dans son cœur, c’é­tait sa ten­dresse pour sa fille, Pau­line. Mais il faut ajou­ter que cette ten­dresse n’au­rait pas été assez forte pour le faire renon­cer à un pro­fit sérieux. 

Et il venait de prou­ver cette inéga­li­té de ses sen­ti­ments un peu avant son départ pour l’Arménie. 

Le mariage de Pauline

En effet, le visage et les ver­tus ado­rables de Pau­line avaient ins­pi­ré un pro­fond amour à un che­va­lier romain, un des plus braves offi­ciers de Decius. Ce che­va­lier se nom­mait Sévère. Il avait l’es­time géné­rale pour la bra­voure et la géné­ro­si­té de son carac­tère, et toutes les jeunes filles romaines rêvaient de ce beau guer­rier. Pau­line avait fait comme ses com­pagnes, et bien­tôt le res­pec­tueux atta­che­ment qu’elle sen­tait pour elle dans l’âme de Sévère lui avait mis au cœur, en retour, une vive tendresse. 

Mais Sévère avait peu de for­tune. Aus­si quand il hasar­da sa demande auprès du père de Pau­line, reçut-il un refus très sec. Félix ne vou­lait pas pour gendre de cet offi­cier d’un cer­tain renom sans doute, mais sans guère d’autre bien que son cou­rage. Et pour décou­ra­ger tout à fait Sévère dans ses espé­rances, il deman­da et obtint le gou­ver­ne­ment d’Ar­mé­nie. Il se flat­tait de trou­ver dans cette riche colo­nie un par­ti brillant pour sa fille. Et en effet, à peine arri­vée à Méli­tène, la belle Pau­line se vit recher­chée par Poly­eucte, un des chefs de la noblesse armé­nienne et dont la for­tune était consi­dé­rable. Celui-ci deman­da la jeune fille en mariage. Félix vit sur­tout dans cette union la pos­si­bi­li­té d’as­seoir plus soli­de­ment sa propre situa­tion en Armé­nie, et il accor­da sa fille à Poly­eucte. Entre temps, la nou­velle de la mort de Sévère était par­ve­nue jus­qu’à Méli­tène, et Pau­line, secrè­te­ment, avait gémi sur cette fin de ses pre­miers rêves. Puis, comme le devoir par­lait tou­jours dans son cœur plus haut que la pas­sion, elle s’é­tait effor­cée de ne plus pen­ser qu’à l’é­poux que venait de lui choi­sir son père, de ne plus ché­rir que lui. 

Or, Poly­eucte était un homme de si haute ver­tu et d’un cœur si aimable que ce fut chose facile pour Pau­line que d’a­voir envers lui les sen­ti­ments qu’il méri­tait ; et, en ce jour de jan­vier où sous le ciel si doux de l’Ar­mé­nie, sur ses pentes ver­dies d’o­li­viers, éclo­saient les corolles nei­geuses des nar­cisses, dans une des gale­ries du palais du gou­ver­neur, Pau­line, appuyée au bras de son époux, cher­chait à rete­nir celui-ci auprès d’elle. 

— Ne sor­tez pas, lui disait-elle, non, pas aujourd’­hui. J’ai fait un rêve si hor­rible que j’en suis pas res­tée toute trou­blée. Je vous ai vu mort. Quelle dou­leur ! Ne sor­tez pas.

Poly­eucte plai­san­ta la jeune femme sur sa croyance aux songes, « diva­ga­tions sans fon­de­ment de l’es­prit », selon lui ; mais Pau­line ne sou­riait pas et res­tait crain­tive, tout entière aux sombres images qui avaient han­té sa nuit. 

À ce moment, un sei­gneur armé­nien, ami de Poly­eucte, appa­rut dans la gale­rie. Il fron­ça le sour­cil en voyant avec quelle ardeur Pau­line sup­pliait Poly­eucte de renon­cer à sor­tir et com­bien Poly­eucte parais­sait fai­ble­ment se défendre contre cette douce tyran­nie. Pro­fi­tant d’un ins­tant où Pau­line s’é­tait éloi­gnée pour don­ner quelque ordre, il en fit la remarque à son ami. 

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 11 minutes

VI

À la grille le doc­teur trou­va sa fille. Elle avait mis son manteau. 

— Petit papa, emmène-moi ! 

— Com­ment ? Ne sor­tez-vous pas avec maman ? 

— Nous allons aux vêpres, mais dans une heure seulement. 

Le père mit sa main sur l’é­paule de sa fille. Il n’a­jou­ta rien d’autre et ils s’en allèrent ensemble. 

Que c’é­tait long de mon­ter au cinquième ! 

Mme Lebrun ouvrit la porte. 

— Je laisse, Madame, la petite sous votre garde. Il vaut mieux ne pas trop fati­guer le malade. 

La porte de la chambre se fer­ma der­rière papa. 

Mme Lebrun tâcha de diver­tir Jeanne comme elle put, mais la petite fille ne s’in­té­res­sait qu’à un seul sujet. 

— Par­lez-moi, Madame, de Michel… 

— Petit encore, com­men­ça Mme Lebrun, et son visage sou­cieux se déri­da, il était déjà très bon. Je me rap­pelle que lui si déli­cat, tou­jours si pré­ve­nant, choi­sis­sait depuis quelque temps le plus gros mor­ceau de pain dans le panier lorsque nous étions à table. Il le choi­sis­sait et le pre­nait le premier. 

— Pour­quoi ne le manges-tu pas ? lui disais-je en voyant que le pain n’é­tait pas touché. 

La réponse du petit était tou­jours la même. 

— Tout à l’heure, maman. 

…Aus­si­tôt qu’il avait man­gé il m’ai­dait à ran­ger la table, puis cou­rait à l’école. 

Un beau jour, me dou­tant de quelque chose, je jetai un coup d’œil par la fenêtre après son départ. 

Michel mar­chait gen­ti­ment sous son tablier noir, la ser­viette sous le bras. À sa ren­contre venait un autre gar­çon pau­vre­ment vêtu. Ils se croi­sèrent. Michel sor­tit son pain et le don­na à l’autre. 

Ce fut vite fait et sans paroles, comme si c’é­tait une habi­tude prise… 

Mme Lebrun ajou­ta avec un soupir : 

— Mal­gré tout, je fus obli­gée de le gron­der le soir. 

L’en­trée du doc­teur inter­rom­pit la conver­sa­tion. Son visage était cou­vert d’un nuage. Il tra­ver­sa la pièce et fit signe à Mme Lebrun de le suivre à la cuisine. 

La cui­sine était petite et pro­prette ; à la fenêtre un serin jouait dans sa cage. Tout était bien ran­gé et en sécurité. 

Le doc­teur allait parler. 

Mme Lebrun res­sen­tit une inquié­tude : qu’al­lait-il dire ?

— Ayez du cou­rage, Madame. 

Mme Lebrun sou­riait comme si elle allait plu­tôt pleurer. 

— Vous serez cou­ra­geuse, n’est-ce pas ? L’é­tat est bien grave. 

D’une main Mme Lebrun cou­vrit sa bouche pour rete­nir sa voix. 

Le doc­teur don­na encore très dou­ce­ment des explications. 

Jeanne, dans la pièce voi­sine, n’en­ten­dait qu’un murmure…

Les anges rendent hommage à Dieu au paradis
| Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes« Alors vrai, tu crois que ce pour­rait être bientôt ? »

Le jeune ser­gent a fait de la tête un signe affir­ma­tif, et, fou de joie, un éclair dans ses yeux noirs, Has­san s’est enfui en cou­rant pour ne pas être en retard en classe.

Il y a plu­sieurs semaines que le ser­gent Gaillard est arri­vé à Bey­routh, impa­tient de mettre sa jeune ardeur au ser­vice du pays. Mais, mal­gré tous ses dési­rs, il lui a fal­lu accep­ter ce poste trop tran­quille où il ronge son frein en rêvant de gloire et de combats.

Petite histoire chrétienne - Baptême de sangTout près, heu­reu­se­ment, il y a le col­lège des Frères, l’im­mense col­lège des Frères dont les petits gars lui rap­pellent ceux du groupe Cœurs Vaillants où il aimait à ser­vir avant la guerre.

Et c’est d’un regard plein de fier­té que le ser­gent suit Has­san, le petit indi­gène qui depuis de longs mois attend avec fer­veur le moment où il pour­ra rece­voir le bap­tême, et qui, pour méri­ter cette grâce, a pro­mis de faire « quelque chose de grand, qui coûte, pour le Bon Dieu ».

Une semaine a pas­sé et brus­que­ment tout a chan­gé. Depuis deux jours la guerre fait rage dans le Liban Sud. Les armées ramas­sées en Pales­tine ont fran­chi la fron­tière et s’a­vancent en trois colonnes sur Bey­routh et sur Damas. Dès les pre­mières heures, le ser­gent Gaillard a quit­té son poste habi­tuel. Il a pris posi­tion aux portes de la ville, avec la mis­sion d’empêcher l’a­vance des blin­dés légers sur la route qui longe la mer. Il a à sa dis­po­si­tion un groupe de mitrailleuses et déjà ses hommes sont aux empla­ce­ments de com­bat der­rière les chi­canes et les bar­ri­cades éle­vées rapidement.