Temps de lecture : 2minutesAyant appris que sa cousine sainte Élisabeth allait être maman, Marie, après un long voyage, arrive chez elle, pour la voir, l’aider et lui donner ses soins. Quand les deux mères se rencontrent, saint Jean sentant venir vers lui le Messie que Marie portait en elle, exalta de joie dans…
Un jour que Jésus-Christ prêchait aux multitudes, il dit en parlant de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent (c’est-à-dire un homme faible, sans caractère, qui tourne à tous vents d’opinions) ? Mais encore qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mollement ? Vous savez que c’est dans les palais des rois qu’on trouve ceux qui portent des riches habits et qui vivent dans les plaisirs. Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. Car c’est de lui qu’il a été écrit : Voici que j’envoie mon ange devant ta face, afin qu’il prépare ton chemin devant toi. En vérité, je vous le dis, entre les fils des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. » [1]
Quel éloge ! Et dans quelle bouche ! Celle du Fils de Dieu !
Saint Jean-Baptiste occupe dans l’histoire de l’humanité une place unique et incomparable, il est un trait d’union entre les deux mondes, il résume en lui tout l’Ancien Testament et prépare le Nouveau. Montrant le Messie promis déjà présent au milieu de son peuple, il ferme la succession des prophètes et il ouvre la mission des apôtres.
Par un privilège unique entre les prophètes, il a eu l’honneur d’être lui-même prophétisé, plus de sept siècles avant sa naissance, par Isaïe et Malachie.
Les parents de saint Jean-Baptiste.
Il y avait en Israël deux familles nobles entre toutes : la famille royale de David, d’où devait naître le Messie, et la famille sacerdotale d’Aaron, dont le sacerdoce figurait, annonçait et préparait le vrai et unique sacerdoce de Jésus-Christ. Marie, Mère de Jésus, était de la race de David ; Zacharie et son épouse Elisabeth, parents du saint Précurseur, étaient de la race d’Aaron. En outre, Elisabeth, fille d’une sœur de sainte Anne, mère de Marie, se trouvait être la cousine germaine de la Très Sainte Vierge. Elle était toutefois beaucoup plus âgée que Marie. Elisabeth et Zacharie avaient une autre noblesse, noblesse excellente et personnelle, celle de la sainteté : « Tous deux étaient justes devant Dieu, dit l’évangéliste saint Luc, marchant sans reproche dans tous les commandements et les ordonnances du Seigneur. »
Mais, tristesse immense pour les deux époux, « ils n’avaient point de fils », et humainement ne pouvaient plus en espérer, ce qui était considéré comme un opprobre et une malédiction chez les Hébreux. Dieu le permettait ainsi pour éprouver et perfectionner leur vertu et aussi parce que saint Jean-Baptiste, comme Isaac, Samson, Samuel, comme Marie enfin, la Vierge bénie entre toutes les créatures, devait être le fruit de la grâce et de la prière, plus encore que de la nature.
Apparition de l’archange Gabriel.
Les descendants d’Aaron avaient été divisés par David en classes ou familles qui se succédaient à tour de rôle pour exercer leur ministère dans le Temple de Jérusalem. Zacharie appartenait à la classe d’Abia, c’était la huitième. Le Temple était un vaste édifice, pas, comme le sont nos cathédrales, un édifice important n’offrant qu’un seul lieu de réunion. Qu’on imagine d’abord une vaste place ou esplanade, entourée d’une enceinte et flanquée de constructions diverses. Entrez sur cette esplanade, vous êtes dans une vaste cour, c’est le parvis des Gentils, où tout le monde peut entrer. Une sorte de balustrade et une double rangée de colonnes séparent cette première cour d’une seconde, le parvis des Juifs, où les Hébreux seuls peuvent pénétrer ; ce parvis est séparé lui-même d’un troisième, le parvis des Lévites ou des Prêtres, où l’on immole les victimes et au milieu duquel se dresse le sanctuaire ou temple proprement dit. Ce dernier édifice est très élevé et on y arrive par de nombreuses marches ; il est divisé en deux parties, le Saint et le Saint des saints. Le grand-prêtre seul, une fois l’an, peut entrer dans le Saint des saints. Dans le Saint on voit, entre autres, l’autel des parfums, petite table en bois de sétim, couverte de lames d’or.
Chaque matin à neuf heures et chaque soir à trois heures, l’un des prêtres de semaine, désigné par le sort, entrait dans le Saint et faisait brûler une poignée d’encens sur l’autel des parfums ; puis il sortait, et du haut des degrés du sanctuaire il bénissait le peuple réuni dans les parvis : « Que le Seigneur, disait-il en croisant les mains, te bénisse et te conserve ; que le Seigneur te découvre son visage et ait pitié de toi ; que le Seigneur tourne vers toi son visage et te donne la paix. » Triple invocation qui s’adressait mystérieusement à la Sainte Trinité, en faveur de son peuple choisi.
Or, raconte l’évangéliste, lorsque Zacharie remplissait devant Dieu les fonctions du sacerdoce, selon le rang de sa classe, il arriva qu’il lui échut par le sort, suivant la coutume observée entre les prêtres, d’entrer dans le temple du Seigneur pour y offrir l’encens. Et toute la multitude était dehors priant, à l’heure de l’encens. Et un ange lui apparut, debout à droite de l’autel des parfums. À cette vue, Zacharie se troubla et fut saisi de crainte. Mais l’ange lui dit :
— Ne craignez point, Zacharie, parce que votre prière a été exaucée, et Elisabeth votre épouse vous donnera un fils que vous nommerez Jean (nom qui veut dire grâce de Dieu). Il sera pour vous un sujet de joie et de ravissement, et à sa naissance beaucoup se réjouiront. Car il sera grand devant le Seigneur ; il ne boira point de vin ni d’aucune liqueur enivrante, il sera rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère. Il convertira un grand nombre d’enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il marchera devant sa face dans l’esprit et la vertu d’Elie, afin qu’il unisse les cœurs des pères à ceux des fils (c’est-à-dire apprenne aux Juifs d’alors à imiter la foi de leurs pères les patriarches anciens), qu’il ramène les désobéissants à la prudence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait.
— À quoi reconnaîtrai-je la vérité de ce que vous me dites ? répondit Zacharie, car je suis vieux et ma femme est avancée en âge.
Alors l’ange répondit avec majesté :
— Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu, et j’ai été envoyé pour vous parler et vous annoncer cette heureuse nouvelle. Et voici que vous serez muet et ne pourrez parler parce que vous n’avez pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps.
Cependant le peuple attendait Zacharie et s’étonnait qu’il demeurât si longtemps dans le Temple.
Enfin il sortit pour donner la bénédiction accoutumée, mais « il ne pouvait parler et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le Temple. Quant à lui, il leur faisait des signes, et il resta muet.
« Quand les jours de son ministère furent accomplis, Zacharie revint à la maison », triste, dit saint Paulin, demandant pardon à Dieu dans le secret de son cœur. Sa maison était à Aïn-Karim, petite ville située à deux lieues de Jérusalem, sur un plateau incliné, au bas d’une montagne, et au-dessus d’une riante vallée. Bientôt Elisabeth eut la certitude de donner le jour à un enfant.
Six mois après, l’ange Gabriel apparaissait à l’humble et incomparable Vierge de Nazareth, il annonçait à Marie sa maternité virginale et divine, et ajoutait en témoignage de ses paroles : « Voilà qu’Elisabeth, votre cousine, a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse, et c’est le sixième mois de celle qui était appelée stérile, parce que rien n’est impossible à Dieu. » Ainsi, Jean semblait déjà remplir son rôle de précurseur ; mais cette âme d’élite gémissait encore captive sous les ruines du péché originel : une inspiration intérieure apprend à Marie que la visite de la Mère de Dieu sera le salut de Jean, non moins que la joie d’Elisabeth.
Marie se lève donc et se met en route. Quatre ou cinq jours de marche séparent Nazareth des montagnes de Judée où demeure sa cousine, mais la charité semble lui donner des ailes ; elle voyage rapidement, dit l’évangéliste, afin de saluer Elisabeth. La Mère de Dieu prévient la mère de Jean ; Jésus prévient son précurseur ; Jésus parle par la bouche de Marie, et sa voix pénétrant jusqu’à l’âme du fils d’Elisabeth, celui-ci se réveille à la vie de la grâce, il a reconnu son Sauveur, il tressaille dans le sein de sa mère. L’Esprit-Saint, qui illumine lame du fils, rejaillissant sur la mère, Elisabeth s’écrie d’une grande voix (comme si elle parlait au nom de tous les siècles à venir) : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne me visiter ? Vous êtes heureuse, vous qui avez cru que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s’accompliraient. »
Mais Marie, repoussant la louange qui s’adresse à elle pour reporter à Dieu toute gloire, s’écrie : « Mon âme glorifie le Seigneur », et elle fait entendre, pour la première fois en ce lieu solitaire, les sublimes accents du Magnificat, répété depuis par tous les siècles, en souvenir d’elle. Si cette première rencontre fut si merveilleuse pour l’âme du Précurseur, combien de grâces durent accompagner le séjour de Marie auprès d’Elisabeth pendant environ trois mois ?
Naissance de saint Jean-Baptiste.
Quand le temps fut arrivé, Elisabeth mit au monde un fils ; les parents et les voisins, qui estimaient la vertueuse mère, apprirent avec joie la miséricorde dont le Seigneur avait usé envers elle. Le huitième jour, on vint, suivant l’usage, circoncire l’enfant, et ils lui donnaient le nom de Zacharie porté par son père.
— Il n’en sera pas ainsi, dit Elisabeth, mais il s’appellera Jean.
PRÈS ses fiançailles, Marie quitta Jérusalem pour préparer à Nazareth la maison qu’elle occuperait avec Joseph, lorsqu’elle serait mariée.
Ne vous imaginez pas une belle maison ! En Orient, les demeures ne sont pas très jolies. Gros blocs carrés, percés de petites fenêtres afin que le soleil ne pénètre pas (le soleil est très chaud dans ce pays), elles ressemblent à un jeu de cubes qu’on aurait dispersés dans le jardin.
L’intérieur en est fort pauvre aussi. On y trouve juste le strict nécessaire pour faire la cuisine et pour le sommeil.
Comme Marie avait beaucoup de goût, elle avait disposé ses humbles objets avec tant d’art que sa maison était vraiment très avenante.
Un soir de mars, près du feu de bois allumé pour couper l’humidité, Marie, ayant fini son ménage, s’était assise pour lire la Bible. Les langues rouges et jaunes des flammes léchaient les bûches noires et grises, et Marie, le livre ouvert sur les genoux, songeait doucement à ce Messie promis à travers toute l’Histoire Sainte et attendu avec quelle impatience !
Il y a bien longtemps, le Bon Dieu avait annoncé qu’Il reviendrait sur la terre pour pardonner et réparer le péché d’Adam et d’Ève, lorsque les hommes seraient prêts à Le recevoir. Jusque-là, Il n’avait pas encore trouvé une âme assez pure pour devenir sa maman, assez fidèle pour n’aimer que Lui, assez forte pour accepter sa souffrance. Marie aurait tant aimé être choisie comme maman du Bon Dieu, mais elle se trouvait si humble, si petite, si pauvre qu’elle n’osait espérer un pareil honneur. Alors, elle pria de tout son cœur pour que les hommes, cessant d’offenser le Bon Dieu, Lui permissent de réaliser son grand dessein.
Le feu de bois s’éteignait doucement. Les grandes flammes n’étaient plus dans l’âtre sombre qu’une poignée d’étoiles palpitantes. Et Marie se demandait ce qu’elle pourrait bien faire pour hâter la venue du Messie.
Soudain le feu siffla — on eût dit une corde de violoncelle qui, seule, eût chanté — et voici que les braises endormies, doucement, se réveillent. L’une après l’autre, les flammes se dressent de leur lit de pourpre, elles s’étirent, se courbent, se balancent ; elles retombent mollement encore sur leur couche. La chanson se fait plus impérieuse ; alors, soudain dressées, elles montent à l’assaut de l’âtre en une flambée magnifique, chassant l’ombre dans les coins les plus reculés de la pièce et inondant de lumière et de chaleur Marie étonnée d’un tel réveil.
Une araignée, qui au bout de son fil faisait une petite sieste avant la chasse de la nuit, crut le matin déjà arrivé et remonta bien vite se cacher au plafond, maudissant sa paresse et ce long somme qui la mettait à la diète. Le canari s’ébroua dans sa cage entr’ouverte et, comme un oiseau d’or, vint se poser sur la cheminée, près d’un gros bouquet d’ancolies dont les corolles, mordues par la lumière, posaient à chaque feuille une petite auréole tremblante.
Marie, de ses yeux limpides, regarda l’oiseau, les fleurs, la lumière et, tout à coup, eut l’impression qu’il y avait quelqu’un derrière elle.
Brusquement, elle se retourna sur son bas tabouret et découvrit un ange si beau, si majestueux qu’elle tomba à genoux, lâchant son livre pour mieux joindre les mains. À ses pieds, son ombre se recroquevilla et, le plus doucement qu’il put, le canari regagna sa cage, sans faire le moindre bruit.