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Temps de lecture : 17 minutesChapitre XX
Sur le talus moussu, le groupe attentif ne témoigne aucune lassitude. Yvon cependant consulte sa montre.
— Avez-vous le courage de m’accorder encore une heure ?
— Une, deux, trois, tant que tu voudras, répond Colette avec son entrain habituel.
— Oui, oui, fait écho le reste de la bande.
— Alors, en route, aux grandes allures, pour le presbytère.
Tout le monde à la fois crie :
— Pourquoi ?
— D’abord pour nous dérouiller les jambes. Ensuite, vous comprendrez.
En arrivant à la porte de la cure, surprise ! Bernard et Jean en sortent.
Les deux petits groupes, dont les mouvements n’ont rien de précisément calme, se heurtent presque et s’immobilisent nez à nez, pour se crier mutuellement, avec de grands rires : Que diable faites-vous là ?
Bernard et Jean, qui viennent de terminer la monture d’un arc de triomphe, font demi-tour ; et l’on rentre tous ensemble dans le jardin, où le bon vieux pasteur récite son chapelet fort tranquillement.
— Monsieur le Curé, dit Yvon, nous avons besoin de vous. Depuis deux jours, j’essaye d’expliquer la liturgie de la Messe à la petite jeunesse. Nous voici arrivés au Canon, mais là, voyez-vous, je voudrais vous passer la parole. Vous trouverez mieux que moi les mots qui conviennent, j’en suis sûr.
— Il faudra pourtant t’y mettre le jour où ton Évêque te donnera un poste, mais enfin, passe pour aujourd’hui. Venez tous sous la tonnelle ; il y fait bon.
Comme Bernard et Jean s’y installent, leur vieil ami les interpelle :
— Vous aussi… à votre âge ?
— Qui sait si nous n’en avons pas plus besoin que ces petits ? répond Bernard en regardant Pierrot et Nono, dont les physionomies reflètent deux petites âmes délicieuses.
— Alors, va pour tout l’auditoire. Tu disais, Yvon, que vous aviez étudié les premières parties de la Messe ?
— Oui, jusqu’à la Préface.
— Eh bien ! Jean, toi qui es si excellent enfant de chœur, dis-nous un peu ce que tu penses du dialogue qui précède cette Préface. Je ne t’apprends pas qu’il commence par les derniers mots de la Secrète que le prêtre prononce tout haut : « Dans tous les siècles des siècles… »
— Et nous répondons : « Amen. » Ensuite, c’est un dialogue :
« Que le Seigneur soit avec vous. »
« Et avec votre esprit. »
« Haut les cœurs. »
« Nous les tenons élevés vers le Seigneur. »
— Très bien, mais que signifient ces paroles ?
— Que le moment le plus solennel approche, qu’il faut essayer de penser uniquement aux choses divines qui vont s’accomplir là, tout près de nous, sur l’autel.
— Parfait ! Alors ! le prêtre ajoute : « Rendons grâce à Dieu. »
— Et nous répondons : « Cela est digne et juste. »
— Maintenant l’officiant redit : « Il est digne et juste de rendre grâce en tout temps et en tout lieu au Seigneur Saint, Père Tout-Puissant, Dieu éternel. »
Savez-vous ce que ces mots de louange rappellent tout spécialement ici ? Que Notre-Seigneur, avant d’instituer l’Eucharistie, « rendit grâce » à son Père. Et c’est ainsi que commence la Préface.
Selon la fête, les termes en varient un peu, mais le début et la fin sont toujours identiques. Les sentiments de reconnaissance, de louanges, contenus dans la Préface, passent par Notre-Seigneur, la sainte Vierge, les Apôtres, et finalement s’unissent au concert des Anges au Ciel : Sanctus, Sanctus, Sanctus ; Saint, Saint, Saint est le Seigneur le Dieu des armées.