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Temps de lecture : 9 minutesIl y avait une fois Marie et saint Joseph qui tous deux emportant l’Enfant avaient dû prendre les chemins. C’était pour fuir la colère d’Hérode, — vive le roi ! — fuir ses soudards, lancés sur leurs chevaux, la brigade, capitaine en tête, qui à coups d’épée et de dague a massacré les innocents. La lame au poing, éclaboussés de sang, ils courent, cherchent, mènent le train par toute la campagne, — vive le roi, alleluia !
La bonne Dame, au soir, n’en pouvait plus. Mais au trot, au galop, galop d’enfer, faisant feu sur toutes les pierres, de tous ses fers, — vive le roi ! — a reparu cette cavalerie. Il a fallu repartir et courir. La bonne Dame, son bel Enfant entre les bras, — vive le roi, alleluia ! — courait, courait ; mais c’était dans la plaine, et on la voyait de partout.
Elle courait, courait, courait, tant qu’elle pouvait, serrant contre elle son Jésus, qu’Hérode avait ordonné d’égorger. Puis tout à coup, le souffle lui a manqué. Elle est tombée sur la terre, comme morte. Seulement, par le vouloir de Dieu, elle est tombée sur une petite sauge.
« Sauge, sauge, a dit Notre-Dame, sauve Jésus ! »
Ah ! la sauge l’a entendue. Elle s’est dépêchée de croître : elle est devenue gros buisson. Les soudards, arrivant là-dessus, — vive le roi ! — du haut de leurs chevaux passaient les yeux partout. Ils accouraient de-çà, de-là ; ils quêtaient, balançant leurs trognes.
Et la menthe, cette rapporteuse, leur soufflait tant qu’elle pouvait
« Sous la broussaille ! Sous la broussaille ! »
Mais dans le tintamarre de leur cavalerie, fers tapant, gourmettes tintant, ils n’ont rien entendu, par chance ! — vive le roi, alleluia !
Ils sont repartis tout capots.
« Menthe, menthe, a dit la bonne Dame, tu es menthe et tu mentiras : tu fleuriras, pas ne graineras. »
À la sauge, elle a dit :
« Sauge, sauge, que Dieu te sauve ! Tu fleuriras et tu graineras. »
Aussi, de la sauge il faut s’aider quand on se sent en langueur et quand on se sent en santé, il ne faut pas l’oublier, la sauge ! La sauge, c’est la main de Dieu.
Mais les soudards du roi Hérode ont continué de battre la plaine. Ils ont revu la Dame au loin : ils ont poussé un grande clameur. Bride abattue, dans des lueurs de fer, des tourbillons de poudre, ont accouru à travers champs.
La bonne Dame avec son bel Enfant a cru se cacher sous un tremble.
Le tremble s’est mis à trembler, à tourner, à écarter sa feuille, les découvrant à toute vue.
Par chance, le noisetier était là, qui est si brave. Il a élargi sont feuillage il a fait touffe de son mieux.