Étiquette : <span>Blé</span>

Auteur : Pourrat, Henri .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Il y avait une fois Marie et saint Joseph qui tous deux empor­tant l’En­fant avaient dû prendre les che­mins. C’é­tait pour fuir la colère d’Hé­rode, — vive le roi ! — fuir ses sou­dards, lan­cés sur leurs che­vaux, la bri­gade, capi­taine en tête, qui à coups d’é­pée et de dague a mas­sa­cré les inno­cents. La lame au poing, écla­bous­sés de sang, ils courent, cherchent, mènent le train par toute la cam­pagne, — vive le roi, alleluia !

La bonne Dame, au soir, n’en pou­vait plus. Mais au trot, au galop, galop d’en­fer, fai­sant feu sur toutes les pierres, de tous ses fers, — vive le roi ! — a repa­ru cette cava­le­rie. Il a fal­lu repar­tir et cou­rir. La bonne Dame, son bel Enfant entre les bras, — vive le roi, alle­luia ! — cou­rait, cou­rait ; mais c’é­tait dans la plaine, et on la voyait de partout.

Elle cou­rait, cou­rait, cou­rait, tant qu’elle pou­vait, ser­rant contre elle son Jésus, qu’­Hé­rode avait ordon­né d’é­gor­ger. Puis tout à coup, le souffle lui a man­qué. Elle est tom­bée sur la terre, comme morte. Seule­ment, par le vou­loir de Dieu, elle est tom­bée sur une petite sauge.

La sauge qui cache la Vierge et l'Enfant Jésus

« Sauge, sauge, a dit Notre-Dame, sauve Jésus ! »

Ah ! la sauge l’a enten­due. Elle s’est dépê­chée de croître : elle est deve­nue gros buis­son. Les sou­dards, arri­vant là-des­sus, — vive le roi ! — du haut de leurs che­vaux pas­saient les yeux par­tout. Ils accou­raient de-çà, de-là ; ils quê­taient, balan­çant leurs trognes.

Et la menthe, cette rap­por­teuse, leur souf­flait tant qu’elle pouvait

« Sous la brous­saille ! Sous la broussaille ! »

Mais dans le tin­ta­marre de leur cava­le­rie, fers tapant, gour­mettes tin­tant, ils n’ont rien enten­du, par chance ! — vive le roi, alleluia !

Ils sont repar­tis tout capots.

« Menthe, menthe, a dit la bonne Dame, tu es menthe et tu men­ti­ras : tu fleu­ri­ras, pas ne graineras. »

À la sauge, elle a dit :

« Sauge, sauge, que Dieu te sauve ! Tu fleu­ri­ras et tu graineras. »

Aus­si, de la sauge il faut s’ai­der quand on se sent en lan­gueur et quand on se sent en san­té, il ne faut pas l’ou­blier, la sauge ! La sauge, c’est la main de Dieu.

Mais les sou­dards du roi Hérode ont conti­nué de battre la plaine. Ils ont revu la Dame au loin : ils ont pous­sé un grande cla­meur. Bride abat­tue, dans des lueurs de fer, des tour­billons de poudre, ont accou­ru à tra­vers champs.

La bonne Dame avec son bel Enfant a cru se cacher sous un tremble.

Le tremble s’est mis à trem­bler, à tour­ner, à écar­ter sa feuille, les décou­vrant à toute vue.

Par chance, le noi­se­tier était là, qui est si brave. Il a élar­gi sont feuillage il a fait touffe de son mieux.