La mitraille crépite, les obus pleuvent ; sœur Julie doit crier très fort pour se faire entendre de ses blessés par-dessus le fracas de la bataille. Dans la grande chambre dont les murs tremblent à chaque explosion, elle porte des tisanes, fait une piqûre, redresse un oreiller, écrit une lettre sous la dictée d’un mourant, rassure un fiévreux. Le visage calme sourit dans l’encadrement de la cornette des sœurs de Saint-Charles.
« Bois ça, mon petit, ça te fera du bien. »
Le gars ne saura pas si le cœur de la sœur tremble en dedans : religieuse de Saint-Charles, pour se pencher sur toute souffrance, elle accomplit sa mission sans défaillance. Hier dans le calme, aujourd’hui dans le péril, toujours comme Dieu voudra…
Dans la salle, des hommes discutent :
« Tu parles d’une bagarre, ça « marmite » dur !
— Tout à l’heure on va y passer aussi. »
Mais la sœur intervient, tendre et bourrue :
« Pas tant de discours, vous autres ; vous allez me faire de la température. Et puis ne vous en faites pas mes petits, le Bon Dieu nous protège. »
Ba-a-a-aoum ! ! ! La maison tremble jusqu’en ses fondations, la religieuse se signe et ferme les yeux ; mais, comme la mort ne vient pas, elle les rouvre, juste pour voir le petit Chaumet qui sort sa tête de ses couvertures ; alors, son rire maternel monte en une envolée d’héroïsme, plus haut que le crépitement des mitrailleuses, raillant et rassurant le « petit » à la fois.
« Ce n’est pas pour nous, va, mon gars. »