III. Le pain et le vin

Auteur : Roguet, A.-M., O.P. | Ouvrage : Jacques et Françoise découvrent la messe .

Temps de lec­ture : 13 minutes

La messe est une action

Le Père — Nous avons vu que la messe a deux per­son­nages indis­pen­sables, le prêtre et le peuple des bap­ti­sés. Mais est-ce que cela suf­fit pour célé­brer la messe ?

Jacques — Oh non ! Il faut un mis­sel, des cierges, une sonnette…

Fran­çoise — Des nappes, un ciboire, la clé du tabernacle…

Le Père — Ne nous per­dons pas dans les détails. Ce prêtre, qu’est-ce qu’il va faire ? Par­ler ? Et les fidèles, écou­ter et répondre ? La messe est donc un dis­cours, une conversation ?

Jacques — Pas seule­ment. A la messe on fait quelque chose.

Fran­çoise — Jésus a dit à la Cène : « Faites ceci en mémoire de moi » !

Le Père — Et qu’est-ce qu’il avait fait ?

Jacques — Il avait pris du et du .

Le Père — Voi­là ce qui est impor­tant ! Et pour­quoi Jésus a‑t-il pris du pain et du vin ?

Explication de l'Eucharistie aux jeunes - Le pain et le vin, offert à la messeJacques — Pour les don­ner à ses dis­ciples, en disant : « Pre­nez et man­gez, pre­nez et buvez… »

Fran­çoise — Attends ! Attends ! Il a dit aus­si : « Ceci est mon Corps. Ceci est mon Sang. » Parce qu’il a vou­lu que nous man­gions son corps et que nous buvions son sang.

Le Père — C’est cela : avant la com­mu­nion, et en vue de la com­mu­nion, il y a la . Et pour­quoi Jésus nous donne-t-il son corps à man­ger et son sang à boire sous les appa­rences du pain et du vin ?

Fran­çoise — Parce que nous ne pour­rions pas man­ger son corps et boire son sang comme ça, direc­te­ment. On n’o­se­rait pas… et puis ça lui ferait mal !

Jacques — On n’est pas des anthro

… anthro­po­phages.

récit de la messe pour les enfants - Jesus et la multiplication des pains

Le sens du pain et du vin

Le Père — C’est une rai­son impor­tante. Il y en a d’autres. Est-ce que Jésus, avant de célé­brer la pre­mière messe, d’ins­ti­tuer l’eu­cha­ris­tie, n’y avait pas pré­pa­ré un peu ses Apôtres par des miracles ?

Fran­çoise — Ah oui ! la mul­ti­pli­ca­tion des pains.

Jacques — Et le chan­ge­ment de l’eau en vin, aux noces de Cana.

Le Père — Un peu comme l’eau fut chan­gée en vin à Cana, le vin de la messe sera chan­gé au sang de Jésus. Mais ces deux miracles sur du pain et du vin nous apprennent sur­tout deux choses au sujet de la messe et de la com­mu­nion. La pre­mière, c’est que Jésus est une source de vie inépui­sable. On peut man­ger son corps et boire son sang, il y en a tou­jours. C’est comme le pain et le vin, même sans mul­ti­pli­ca­tion mira­cu­leuse : tout le monde en mange, tous les jours, à chaque repas. Un autre ensei­gne­ment, c’est qu’on ne donne pas en com­mu­nion des frian­dises, des nour­ri­tures qu’on prend rare­ment, aux grandes fêtes…

Fran­çoise — Comme la langouste.

Jacques — Ou les œufs à la neige.

Le Père — Le pain et le vin, pour les pays médi­ter­ra­néens comme le pays de Jésus, c’est la nour­ri­ture quo­ti­dienne. Le pain et le vin — ou le repas — ont aus­si une autre signi­fi­ca­tion, qui est sou­li­gnée par un geste très impor­tant accom­pli par Jésus à la mul­ti­pli­ca­tion des pains, puis à la Cène, et aus­si le soir de sa résur­rec­tion, lors­qu’il s’est arrê­té pour sou­per dans un vil­lage appe­lé Emmaüs.

Fran­çoise, réci­tant — « Ils le recon­nurent à la frac­tion du pain. »

La fraction du pain

Le Père — Bra­vo. Dans un repas, on ne se contente pas de man­ger à part, égoïs­te­ment, comme si on était seul. On par­tage le même pain, les mêmes plats. On parle les uns avec les autres. C’est ain­si qu’à la messe on ne se contente pas de rece­voir Jésus pour soi tout seul (comme une per­sonne malade qui, au début du dîner, prend un médi­ca­ment pour elle toute seule) : on reçoit Jésus tous ensemble, à la même table, après le prêtre, qui rompt et qui dis­tri­bue le Corps du Christ à ceux qui veulent deve­nir de plus en plus unis à Jésus et entre eux, en ne fai­sant qu’un seul Corps.

Mais, à la messe, c’est bien avant la com­mu­nion qu’on s’oc­cupe du pain et du vin.

L'eucharistie - Offrande du pain et du vin - coloriage de l'offertoireJacques — Ça com­mence à l’, quand le prêtre enlève le voile du calice et élève le pain sur la petite assiette d’or…

Fran­çoise — On ne dit pas une assiette d’or. On dit une .

Le Père — Et d’où vient-il, ce pain ?

Fran­çoise — De la sacris­tie, où on le garde dans des boîtes envoyées par des religieuses.

Le sens de l’offertoire

Le Père — Sans doute. Et c’est un peu dom­mage. Dans les pre­miers siècles du chris­tia­nisme, les fidèles appor­taient du pain de chez eux. Ils mon­taient en pro­ces­sion vers l’au­tel, au chant d’un psaume dont le mis­sel garde une trace avec son « antienne d’of­fer­toire » qu’on appelle aus­si quel­que­fois « chant d’of­frande ». Ils s’ar­rê­taient à une bar­rière, qui déli­mi­tait le sanc­tuaire où les laïcs ne pou­vaient pas péné­trer, et là ils remet­taient leur pain à des aco­lytes qui les por­taient ensuite sur l’autel.

Jacques — Ça fai­sait du tra­vail pour les enfants de chœur.

Le Père — Peut-être. Mais on com­pre­nait mieux que la messe est l’of­frande d’un pain quo­ti­dien, appor­té par tous et non pas seule­ment par le prêtre. Aujourd’­hui, il ne nous reste plus de cette pro­ces­sion des fidèles appor­tant leurs dons pour le sacri­fice qu’une céré­mo­nie sou­vent mal com­prise et qui est…

Fran­çoise — Le pain bénit…

Le Père — C’est vrai. Je n’y pen­sais pas. Mais la béné­dic­tion du pain ne se fait plus guère qu’à la cam­pagne, comme ici, et seule­ment à la grand-messe. Je vou­lais par­ler d’une céré­mo­nie sans doute moins poé­tique, qui se fait tou­jours à la messe du dimanche, et qui est… la .

Jacques — La quête est une cérémonie ?

Le Père — On devrait la faire comme une céré­mo­nie : elle est le don des fidèles pour les frais du sacri­fice, l’en­tre­tien du cler­gé et la nour­ri­ture des pauvres.

Fran­çoise — Mon Père, il y a quelque chose que je ne com­prends pas. Pour­quoi est-ce que tout le monde reste assis pen­dant l’offertoire ?

Le Père — Parce qu’on ne peut pas res­ter tou­jours debout. Et puis parce que l’of­fer­toire n’est qu’une pré­pa­ra­tion de la véri­table offrande : celle-ci se fera quand le pain et le vin seront deve­nus le corps et le sang de Jésus.

La consécration

Jacques — C’est ça qui est le plus dif­fi­cile à com­prendre. Le prêtre pro­nonce quelques mots, et crac ! il n’y a plus ni pain ni vin, bien que tout soit res­té pareil. Il y a le corps et le sang de Jésus.

Le Père — Oui, c’est dif­fi­cile à com­prendre si on n’a pas la foi. Mais il ne faut pas en par­ler comme d’un tour de pres­ti­di­gi­ta­tion. Tu viens de dire « le prêtre pro­nonce quelques mots ». Est-ce bien exact ?

Jacques — Dame. C’est le prêtre qui pro­nonce les paroles : « Ceci est mon Corps ».

Le Père — Oui, mais nous avons appris, dès le début, que le prêtre repré­sente Jésus. Regarde de près ton mis­sel au moment de la consé­cra­tion. Le prêtre raconte ce qui s’est fait à la Cène et, au fur et à mesure, il fait lui-même les gestes que le récit attri­bue à Jésus : il prend le pain dans ses mains, lève les yeux au ciel, bénit. Si bien que, lors­qu’il dit : « Ceci est mon Corps », on com­prend que c’est Jésus qui le dit, par la bouche du prêtre, sur l’hos­tie que le prêtre tient entre ses doigts. Or Jésus est tout-puis­sant. Sa parole a créé le monde. Et quand il dit : « Ceci est mon Corps » nous y croyons, tout sim­ple­ment. C’est cela, la foi : croire Jésus sur parole.

Coloriage pour les mômes - Consécration de l'hostie

Le sens du calice

Fran­çoise — Il y a encore quelque chose que je ne com­prends pas. Puisque Jésus est là quand le prêtre a dit (ou plu­tôt quand Jésus a dit par la bouche du prêtre) : « Ceci est mon Corps », est-ce que ça ne suf­fit pas ? Pour­quoi ajou­ter : « Ceci est mon Sang » ? Le sang fait par­tie du corps.

Le Père — Voi­là une ques­tion très inté­res­sante, et qui nous intro­duit à ce qu’il y a de plus impor­tant dans le mys­tère de la messe. Remarque que le prêtre ne dit pas : « Ceci est mon Sang. » Il dit : « Ceci est le calice de mon Sang… »

Fran­çoise — Pourquoi ?

Le Père — D’a­bord parce que pour gar­der du sang, comme n’im­porte quel liquide, il faut un réci­pient. C’est le calice — ou la coupe : les deux mots sont syno­nymes. Dans un repas, on pose le pain sur la table, et il y reste ; mais on verse le vin dans un verre ou une coupe. Ensuite, si tu vois du sang, qu’est-ce que ça signifie ?

Jacques — Il peut y avoir eu un crime…

Fran­çoise — Ou une bles­sure, comme quand je me pique en cou­sant. Ou une opération…

Le Père — Le sang à lui tout seul ne signi­fie rien. La coupe signi­fie que le sang est des­ti­né à être bu, et aus­si qu’on peut le par­ta­ger, quand on fait cir­cu­ler la coupe entre les convives, comme Jésus à la Cène ; et enfin, la coupe signi­fie qu’on peut offrir le sang en éle­vant la coupe. Alors on com­prend que le sang n’est pas pro­duit par un crime ou par un acci­dent, mais qu’il sert à une offrande et à un sacri­fice. D’ailleurs la coupe signi­fie le sacri­fice. C’est ce que Jésus dira peu de temps après la Cène. Vous voyez ce que je veux dire ?…

Fran­çoise — Ah oui ! Au jar­din des Oli­viers. Jésus a prié en disant « Père, que ce calice passe loin de moi. Mais que ta volon­té se fasse, et non la mienne. »

Le Père — Très bien. Le « calice de mon Sang » signi­fie donc la pas­sion de Jésus, c’est-à-dire sa souf­france, accep­tée par amour, comme le sang est conte­nu dans le calice. Et, alors que la consé­cra­tion du pain se fait en cinq mots — « Car ceci est mon Corps » — la consé­cra­tion du calice est beau­coup plus déve­lop­pée : « Car ceci est le calice de mon Sang… »

Jacques — « qui sera répan­du pour vous et pour un grand nombre en vue de la rémis­sion des péchés. »

Le Père — Alors que la consé­cra­tion du pain sem­blait affir­mer seule­ment la pré­sence de Jésus sur l’au­tel, la consé­cra­tion du calice explique clai­re­ment qu’une action s’ac­com­plit : l’ac­tion rédemp­trice de Jésus-Christ, qui sauve tous les hommes par le sacri­fice du Calvaire.

figure eucharistique - L'agneau offert en sacrifice par Abel

L’offrande du Christ au Père

Le Père — Voi­là donc, sur l’au­tel, le pain et le vin deve­nus le corps immo­lé et le sang répan­du de Jésus-Christ. Qu’est-ce qu’on va en faire ?

Jacques — On va les don­ner aux communiants.

Fran­çoise — Oui, mais pas tout de suite. Il y a encore beau­coup de prières.

Le Père — Et ces prières ont toutes pour but d’of­frir le sacri­fice du Christ à son Père. Aus­si­tôt après la consé­cra­tion, le prêtre dit : « Nous, vos ser­vi­teurs (les prêtres) et tout le peuple saint (des bap­ti­sés), nous offrons à votre glo­rieuse majes­té cette hos­tie toute pure… » Puis il demande à Dieu d’ac­cep­ter ce sacri­fice comme il a accep­té jadis ceux d’A­bel, d’A­bra­ham et Mel­chi­sé­dech. Enfin, il demande que ce sacri­fice soit trans­por­té sur l’au­tel du ciel, devant la face de Dieu, ce qui est une autre manière de dire qu’il l’offre.

Elévation de l'Hosite Jacques — Alors, c’est à ce moment-là que se fait la grande offrande…

Le Père — Et c’est pour­quoi les fidèles ne doivent pas s’as­seoir comme s’ils n’a­vaient rien à faire qu’à attendre la communion.

Fran­çoise — Mon Père, vous n’a­vez pas par­lé de l’é­lé­va­tion, qui est pour­tant quelque chose de très important.

Le Père — Pas autant qu’on le croit. On ne fait l’é­lé­va­tion, après chaque consé­cra­tion, que pour per­mettre aux fidèles d’a­do­rer aus­si­tôt, en les regar­dant, le pain et le calice consa­crés. Celle qu’on appelle — mal­heu­reu­se­ment — la « petite » élé­va­tion, est beau­coup plus impor­tante. Elle ter­mine la grande Prière de la messe par une offrande solen­nelle, que tous les fidèles doivent approu­ver et rati­fier par leur Amen. C’est alors que se fait la grande offrande du pain et du vin, ou plu­tôt de Jésus-Christ immo­lé et glo­rieux. Et en disant Amen, nous disons que cette offrande est bien la nôtre, et que nous nous offrons nous-mêmes avec elle.


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