Le Père — Aujourd’hui, mes enfants, notre explication de la messe se déroulera dans l’église. J’en ai besoin pour vous montrer quelque chose… qui est indispensable pour dire la messe. Savez-vous quoi ?
Françoise — C’est l’église !
Jacques — Pas du tout, voyons. En sortie de patrouille, nous avons souvent la messe en forêt ou en montagne.
Le Père — Dans l’église de pierres il y a un objet qui est en pierre aussi — et qui est absolument indispensable pour célébrer la messe, même en plein air. Voyons, je vous ai dit quelque chose qui peut vous aider à trouver… Regardez autour de vous.
Françoise — La lampe du Saint-Sacrement.
Jacques — Que tu es bête ! Pour qu’il y ait le Saint-Sacrement, il faut qu’il y ait eu une messe avant. Et à la messe en plein air, il n’y a pas le Saint-Sacrement.
Le Père — Quelque chose qui représente Jésus-Christ.
Jacques — Encore ! Le prêtre représente Jésus-Christ, les fidèles représentent Jésus-Christ — enfin, son Corps — le pain et le vin représentent Jésus-Christ…
Le Père — Ils font même beaucoup plus que le représenter : ils le rendent présent. Jésus est présent là où étaient auparavant le pain et le vin… Vous ne trouvez pas ?
Françoise — Je donne ma langue au chat.
Le Père — Eh bien, c’est l’autel.
Jacques — Mon Père, ça n’est pas possible. Vous avez dit que c’était en pierre : voilà l’autel de la Sainte Vierge qui est en bois. Et comment un autel pourrait-il représenter Jésus-Christ ?
Qu’est-ce qu’un autel ?
Le Père — Qu’est-ce que c’est, pour toi, qu’un autel ?
Jacques — Euh…, c’est difficile à dire. C’est une espèce de meuble, comme un buffet ou un bahut, sur lequel on met tout ce qu’il faut pour dire la messe : le missel, le calice…
Françoise — … des nappes, des vases de fleurs, des chandeliers…
Jacques — le livre des annonces, les lunettes de Monsieur le Curé…
Le Père — Eh oui, on y trouve tout cela — et dans cette liste plusieurs choses qui ne devraient pas y être, sinon un moment. — Mais revenons à la pierre. Je dis bien que tout autel est en pierre. Il est vrai que l’autel de la Sainte Vierge a l’air d’être en bois.
Françoise — Il ressemble tout à fait à une commode que grand-mère a dans son salon.
Le Père — C’est le même style : un très beau Louis XV. Mais écarte ce vase de fleurs — qui ne devrait pas être à cet endroit, Françoise, la table de l’autel n’est pas une étagère —, lève les nappes. Qu’est-ce que tu vois ?
La pierre
Françoise — Oh ! une pierre carrée, encastrée dans le bois.
Le Père — C’est elle qui est le véritable autel, ce qu’on appelle un autel portatif, ou une pierre d’autel. Le bâti, le support, est en bois, mais le véritable autel est en pierre. Parce que « la pierre, c’est le Christ ».
Jacques — Qu’est-ce que cela veut dire ?
Le Père — Saint Paul, et aussi saint Pierre, comparent souvent l’Église à un édifice, à une construction. Ses pierres, des pierres vivantes, ce sont les chrétiens. Mais la pierre principale, la pierre d’angle, « pierre choisie et précieuse » c’est le Christ. Jésus lui-même s’est appliqué une vieille prophétie disant : « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. » C’est-à-dire qu’après avoir été rejeté par son peuple et mis à mort, Jésus est devenu le chef d’un peuple nouveau.
Relevons maintenant les nappes du maître-autel.
Françoise — Le dessus est tout entier en pierre.
Jacques — Et on y voit, comme sur la petite pierre, cinq croix gravées.
Le Père — Elles nous rappellent les cinq plaies creusées dans le corps du Christ par les clous et la lance. Si vous assistez un jour à la belle cérémonie de la consécration d’un autel, vous verrez l’évêque faire sur ces croix des onctions avec le saint chrême, l’huile qui sert à consacrer les prêtres et les rois. Et lorsque tu apprendras le grec — qui est la langue de l’évangile — tu sauras que chrême se dit chrisma, et que ce qui a reçu l’onction du chrême se dit christos, dont nous avons fait « Christ ». Quand l’évêque ordonne de nouveaux sous-diacres, il leur dit : « Vous serez désormais au service de l’autel, qui est le Christ. »
Jacques — C’est pour cela que vous l’embrassez quand vous y montez, au début de la messe, et aussi à la fin avant de donner la bénédiction ?
Françoise — Moi, je croyais que le prêtre baisait l’autel à cause des reliques des saints !
Les reliques
Jacques — Quelles reliques ?
Le Père — Regarde, dans la petite pierre d’autel comme dans la grande, ce petit carré : c’est le couvercle du sépulcre, une cavité où, en consacrant l’autel, l’évêque a enfermé des reliques de martyrs. Sans doute, le plus souvent, lorsque le prêtre baise l’autel, c’est à l’endroit du sépulcre. Mais, en réalité, ce qu’il baise c’est l’autel consacré, parce qu’il représente le Christ.
Jacques — Et pourquoi y met-on des reliques de martyrs ?
Le Père — Vous souvenez-vous de ce que nous avons dit il y a quelques jours ? Depuis que Jésus est mort tout seul sur la croix, il n’est plus seul quand on accomplit son sacrifice. Au sacrifice de Jésus se joint le sacrifice de tous ses disciples, de tous ceux qui ont « pris leur croix à sa suite », comme il l’a demandé. Et ceux qui ont le mieux suivi Jésus dans son sacrifice, ce sont les martyrs.
Françoise — L’autel, c’est un tombeau.
Le Père — On le dit quelquefois, mais ce n’est pas juste. L’autel contient un tombeau de martyrs. En outre, il a parfois la forme d’un tombeau. Mais Jésus-Christ n’est plus un mort : il est ressuscité. La messe n’est pas l’enterrement du Christ, elle est la fête de son sacrifice.
Jacques — Mais un sacrifice, c’est triste. Se sacrifier, c’est mourir. On dit que les soldats ont fait le sacrifice de leur vie.
Françoise — Et je fais un petit sacrifice quand je me prive de quelque chose de bon.
Le Père — Ce sont là des sens dérivés du mot sacrifice. Mais un sacrifice, ce n’est pas cela.
Jacques — Qu’est-ce que c’est alors ?
Le Père — Nous allons le découvrir peu à peu. Réfléchissons davantage à ce qu’est l’autel, et nous comprendrons mieux comment la messe est un sacrifice.
La table
Cet autel, à quoi sert-il principalement ?
Jacques — On pose dessus le pain et le vin.
Le Père — C’est donc une table, la table d’un repas ; on y met l’assiette : la patène, et le verre : le calice.
Françoise — Et puis il y a des nappes, comme sur la table d’un banquet.
Le Père — C’est là que le prêtre consomme le pain et le vin consacrés.
Jacques — Mais la « sainte table », c’est la table de communion ?
Le Père — En réalité, c’est l’autel, dont l’appui de communion — qui doit lui aussi porter une nappe — est une dépendance et un prolongement. Peut-on dire que la messe est un repas ordinaire ?
Jacques — Oh ! non. On y mange le pain consacré, qui n’est pas du pain ordinaire.
Le Père — C’est bien pour cela que l’autel doit être en pierre : il ne doit pas ressembler à une table de cuisine ou de salle à manger. C’est une table majestueuse. Et regardez la garniture de cette table.
Françoise — Le crucifix, et les cierges.
Le sacrifice
Le Père — Le crucifix nous dit que cette table est la table d’un sacrifice le sacrifice de la croix. Et les cierges nous rappellent encore que Jésus crucifié jadis est aujourd’hui Jésus ressuscité, la lumière du monde. Voilà bien des différences avec une table ordinaire !
Il y en a encore une autre. Est-ce que, dans votre salle à manger, la table est posée sur une estrade ?
Françoise — Oh non. Tandis que celle-ci, on y monte par trois… non, cinq marches.
Le Père — C’est pour montrer que l’autel nous rapproche de Dieu, que nous nous imaginons, tout naturellement, comme au-dessus de nous. L’autel, voyez-vous, c’est le point de rencontre entre le ciel et la terre, entre l’homme et Dieu.
Jacques — Comme Jésus-Christ, qui est à la fois homme et Dieu.
La messe : sacrifice et repas
Le Père — La messe est un sacrifice parce qu’elle nous fait rencontrer Dieu à l’autel ; parce qu’elle nous fait manger du pain et boire à un calice qui contiennent réellement le sacrifice du Christ au Calvaire.
Quand on dit que la messe est un repas, il faut toujours ajouter que c’est la reproduction du repas de la Cène. D’ailleurs « Cène » veut dire repas. Et le repas de la Cène était un sacrifice puisque Jésus y a offert son corps et son sang, et qu’il est sorti du Cénacle — la salle à manger — pour aller au-devant de sa passion.
Françoise — Tout cela est bien difficile.
Le Père — Parce que nous essayons de l’expliquer avec des raisonnements et des mots. Mais ce sont des choses dont n’importe quel bon chrétien vit tout simplement. Celui qui participe avec foi à la messe, qui s’approche de l’autel où l’on rencontre Dieu, où nos simples offrandes de pain et de vin deviennent le sacrifice de Jésus-Christ ; celui qui suit les actions du prêtre et les ratifie en disant Amen ; celui qui communie en s’offrant à Dieu de tout son cœur, celui-là sait bien, sans avoir besoin de l’expliquer, que la messe est un sacrifice.
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