La Maison de Dieu

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : À la découverte de la liturgie avec Bernard et Colette .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Chapitre VIII

Ce matin, le vent d’ouest court en secouant les branches à tra­vers le petit bois. De temps en temps, une rafale fait pas­ser dans l’air sa longue plainte triste, mais les gar­çons s’en moquent bien. Ils sont par­tis, gais comme pin­sons, gau­ler les der­nières châ­taignes, lais­sant leurs sœurs à la maison.

Colette confère avec Bernadette.
 — Veux-tu que nous allions, nous deux, cher­cher Nono ? Nous le condui­rions à l’é­glise, pour lui apprendre ce qu’est la Mai­son du Bon Dieu.

— Mais il fait un temps de chien !

— Et après ! Mets ta cape d’in­fir­mière, et moi, mon man­teau et mon capu­chon ; seule­ment, gare si le vent les gonfle, nous serons enle­vées comme des aéroplanes !

De fait, c’est une tem­pête qu’af­frontent les deux sœurs.

Quand, ayant cueilli Nono en che­min, elles pénètrent dans la vieille église, il faut leur effort com­bi­né pour refer­mer la grande porte contre la pous­sée du vent. On entend les mugis­se­ments de la rafale frap­per le long des murs, comme les vagues sur les rochers, les jours de grande marée.

Aus­si, à peine entré, Nono murmure :
 — On est bien ici. Il fait bon !

Se pen­chant vers l’en­fant, Ber­na­dette répond :
 — On se sent en sécu­ri­té contre la tem­pête, n’est-ce pas, mon petit ? Je vou­drais que tu com­prennes aus­si com­bien notre âme, bien plus encore que notre corps, est ici à l’a­bri du dan­ger. Quand l’en­fant demeure chez son père, qu’il le sent là, tout proche, il n’a peur de rien. Or nous sommes à l’église, dans la mai­son de notre Père.

— Oui, insiste Colette, le Bon Dieu est par­tout, mais ici, Il nous attend pour que nous puis­sions lui par­ler tout à notre aise. Tu com­prends, Nono, devant le Bon Dieu, il faut se tenir très bien, et, si on a quelque chose à se dire, on le fait tout bas, mais ça n’empêche pas d’ex­pli­quer bien respectueusement.
Tu vas d’a­bord mettre ton doigt dans le et faire le signe de la Croix.

La fri­mousse atten­tive se lève ; les yeux disent : Pourquoi ?

Colette a lu la ques­tion. Elle répond :
 — Parce que le signe de la Croix, accom­pa­gné du regret de nos fautes et fait pieu­se­ment avec l’eau bénite, efface nos péchés véniels. Main­te­nant, met­tons-nous à genoux pour ado­rer Notre-Sei­gneur, qui est là.

Nono obéit sans com­prendre. Il n’est pas loquace. Ses yeux seuls conti­nuent leur inter­ro­ga­tion muette. Alors, très dou­ce­ment, Ber­na­dette lui fait regar­der l’é­glise et sa construc­tion en forme de croix. Elle dit ce que sont la , le , le , le sanc­tuaire.

* * *

Entre les pous­sées du vent qui conti­nue ses rafales, les nuages s’é­cartent ; quelques rayées de lumière éclairent par moments les vieux vitraux. Les rouges, les bleus, les ors, des­sinent alors les images des saints, les scènes de l’É­van­gile, ce qui émer­veille l’enfant.

Colette en pro­fite pour lui expliquer.

— Les saints sont les grands amis du Bon Dieu. C’est pour cela qu’on met dans sa mai­son leurs images et leurs sta­tues, comme nous met­tons chez nous les pho­tos des gens que nous aimons bien.
Le regard de Nono suit avec une atten­tion volon­taire les indi­ca­tions de Colette, puis il se pose sur l’.

De son doigt menu, l’en­fant désigne la porte du et dit très bas :
 — Ici, der­rière le petit rideau, qu’est-ce qu’il y a ?

— Oh ! explique-lui bien, Ber­na­dette. J’ai peur de mal dire.

Alors Ber­na­dette attire Nono contre elle et, len­te­ment, lui révèle la pré­sence réelle de Jésus Notre-Sei­gneur, là au Taber­nacle.

Elle lui raconte com­ment cette petite mai­son, où Notre-Sei­gneur vit par amour pour nous, est gar­nie à l’in­té­rieur de soie blanche, par res­pect pour sa divine pré­sence, com­ment le petit rideau s’ap­pelle un et désigne l’au­tel où réside le Saint Sacre­ment, de même que la petite lampe qui brûle jour et nuit devant le taber­nacle. Cette petite lampe, c’est un sym­bole de l’a­mour conti­nuel dont nous devons entou­rer l’Eucharistie.

Liturgie pour le catéchisme : Veilleuse qui indique la Présence réelleLes pour­quoi de Nono se suc­cèdent. Il faut lui dire que l’autel est une table de pierre et qu’il en contient au centre une seconde, plus petite et car­ré, nom­mée pierre sacrée. C’est sur cette pierre, « consa­crée », en effet, par l’é­vêque, et dans laquelle sont enfer­mées des reliques des mar­tyrs ou des saints, que se pose­ront le calice et la Sainte Hos­tie pen­dant la Messe. Ber­na­dette n’a­joute pas, de crainte d’embrouiller l’en­fant, qu’il y a des cas où l’é­vêque, consa­crant l’au­tel tout entier, dépose les reliques dans une par­tie appe­lée sépulcre.

Colette, de temps en temps, met son mot.
 — Tu com­prends, Nono, sur l’au­tel, on dit la Messe : C’est le sacri­fice du Corps et du Sang de Jésus, le même que celui de la Croix ; alors l’au­tel, c’est la table du Sacri­fice. C’est pour le rap­pe­ler qu’au-des­sus, regarde, il y a tou­jours un crucifix.

L’en­fant fait de réels efforts pour sai­sir. Il devine com­bien tout cela est beau, et son âme ne demande qu’à com­prendre, mais ce sont choses tota­le­ment incon­nues pour lui.

Son doigt, main­te­nant, désigne les cierges :
 — Ça, dit Colette, c’est tout simple. Ce sont des bou­gies, faites en cire pure, qu’on allume au moment des offices : deux, quatre, six, sui­vant les solennités.

Ber­na­dette complète :
 — Elles doivent nous faire pen­ser à la lumière que Jésus est venu appor­ter au monde, cette lumière que tu sens mon­ter dans ton âme, mon petit, depuis que tu com­mences à connaître et à aimer le Bon Dieu. Je vou­drais tant que tu puisses sai­sir com­bien cette Mai­son de notre Père est la nôtre, à nous ses enfants. Toute notre vie se déroule à son ombre.

L'autel, c'est la table du Sacrifice.Tu vois, en bas, à gauche, le bap­tis­tère : c’est là que tu seras bap­ti­sé, là que tout chré­tien reçoit la vie sur­na­tu­relle qui nous rend enfants de Dieu. Un peu plus haut, dans le tran­sept, c’est le confes­sion­nal, où nos péchés nous sont par­don­nés. Là, la Sainte Table. Nous y fai­sons notre pre­mière Com­mu­nion, nous y reve­nons très sou­vent rece­voir Notre-Sei­gneur, et le Pain du Ciel nour­rit, for­ti­fie notre âme pour les luttes de la vie. C’est encore près de la Sainte Table que l’é­vêque nous fait sol­dat et défen­seur du Christ, par le sacre­ment de Confirmation.

— Et puis, dit Colette, si on se marie, on vient encore ici à l’é­glise pour que le prêtre bénisse le mariage.

Cette pen­sée fait sou­rire Nono. Il se sent vrai­ment loin d’un pareil évé­ne­ment. En revanche, il demande à quoi sert la .

— M. le Curé y monte pour par­ler à tous ceux qui sont dans l’é­glise, des choses du Bon Dieu et leur apprendre la vérité.

— Et ça ? dit Nono en dési­gnant l’.

— Ça, c’est pour faire une belle musique pen­dant les offices, une musique qui fait pen­ser au chant des anges du Ciel et nous aide à glo­ri­fier le Bon Dieu.

— Je vou­drais l’entendre.

— Mais bien sûr, tu l’en­ten­dras dès dimanche pro­chain, à la grand’messe.
Et puis, mon petit, un jour vien­dra où nous mour­rons. On appor­te­ra notre corps à l’é­glise une der­nière fois ; le prêtre béni­ra notre cer­cueil et réci­te­ra pour nous d’ad­mi­rables prières.
Ain­si donc, tu vois, notre vie chré­tienne com­mence, se déroule et se ter­mine dans la Mai­son de Dieu.

En sor­tant, Nono tient ser­rée la main de sa grande amie. Il ne dit rien, mais, au seuil de la rou­lotte, il lève un visage concen­tré où se lit un immense désir, puis, hachant les mots :

— Dites ? Vous revien­drez ? Je veux tout savoir !

Ber­na­dette met un bai­ser très doux sur le front pâlot, en répondant :
 — Sois tran­quille, oui, je revien­drai, et souvent.

Tant de bonne volon­té a ému les deux sœurs. Colette s’in­quiète des dif­fi­cul­tés que ren­con­tre­ra l’ins­truc­tion de leur petit ami. Ber­na­dette répond :

— Il faut évi­ter de lui dire ce qui n’est pas actuel­le­ment de pre­mière néces­si­té. Tu penses bien qu’à pro­pos de l’é­glise je n’au­rais pas été lui en don­ner la définition.

— Quelle définition ?

— Mais celles que tu connais aus­si bien que moi : « Les églises sont des édi­fices construits pour le culte et à l’u­sage de tous les fidèles ;… elles sont consa­crées par l’é­vêque ou au moins bénites solen­nel­le­ment par un prêtre que l’é­vêque a délé­gué pour cette bénédiction. »

— Oh ! Nono est intel­li­gent. Tu aurais très bien pu lui citer cela.

— En tout cas, je ne pou­vais pas lui ensei­gner que cer­taines d’entre elles sont pri­vi­lé­giées, qu’on y gagne des indul­gences spé­ciales ; que les « basi­liques » tiennent un rang à part à cause de leur digni­té ou de leurs pri­vi­lèges. Te sou­viens-tu qu’il y a à Rome quatre basi­liques majeures : Saint-Jean de Latran, Saint-Pierre du Vati­can, Saint-Paul Hors-les-Murs et Sainte-Marie Majeure ?

— Je sais aus­si, ne t’en déplaise, qu’il existe des basi­liques mineures. Papa nous avait dit qu’elles pos­sé­daient quelques pri­vi­lèges de moins que les autres.

— Oui, nous avons en France : la du Sacré-Cœur de Mont­martre, celle de Four­vière à Lyon et com­bien d’autres.
Et puis il y a les églises métro­po­li­taines et les cathé­drales, où les arche­vêques et les évêques ont leurs sièges.

— Oh ! les cathé­drales ! Elles sont si belles ! Nous en ferons voir les images à Nono, avant de lui en don­ner les détails, voi­là tout.

— Et les col­lé­giales qui, en dehors des cathé­drales, ont un cler­gé consti­tué en cha­pitre, et les églises parois­siales ?

— Oh ! ça, écoute, tu aurais bien pu le dire à Nono. Il sait que M. le curé est le curé de la Paroisse et donc que son église est paroissiale.

— Tant que tu vou­dras, mais je ne me vois pas ajou­tant qu’il y a aus­si les cha­pelles de secours, pour sup­pléer en cas de besoin à l’in­suf­fi­sance de l’é­glise parois­siale, et les ora­toires ou cha­pelles, à l’u­sage, soit de tous les fidèles, soit des congré­ga­tions reli­gieuses, soit, par per­mis­sion spé­ciale, de tel ou tel particulier.

Colette sou­pire :
 — Ce n’est déci­dé­ment pas facile d’être pro­fes­seur. Jamais nous ne pour­rons tout apprendre à Nono.

— Parce que tu veux tout lui dire à la fois. Tu ver­ras comme il s’in­té­res­se­ra mer­veilleu­se­ment aux choses reli­gieuses, petit à petit.

Colette allait répondre, quand des Hou… Hou… répé­tés se font entendre. On devine à tra­vers champs une course effré­née, bien­tôt sui­vie d’un bond for­mi­dable. Ber­nard et Jean ont fran­chi la haie comme des che­vreuils, débouchent sur la route et, sans en deman­der la per­mis­sion, entraînent leurs deux sœurs à une allure folle vers la maison.


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