Résumé. — Faites établir dans le monde la dévotion à mon Cœur immaculé a demandé la Vierge aux trois petits voyants.
6. Troisième apparition (13 juillet 1917).
LES reproches encourus avaient convaincu Lucia qu’elle était victime d’illusion et que le diable la trompait. Par contre, la confiance de Jacinta et de Francisco ne fut jamais ébranlée. Lorsque le 12 juillet Lucia leur dit qu’il valait mieux reconnaître que
« tout était mensonge », leur riposte fut véhémente : — Ne dis pas cela ! Ne vois-tu pas que tu mens et ce mensonge est un péché ?
Elle leur conseilla d’aller seuls à la Cova, mais les petits furent effrayés et Jacinta se mit à pleurer.
Cependant, le matin du 13,
poussée par une force irrésistible, Lucia se rendit elle aussi à la Cova, où quelque cinq mille curieux se trouvaient déjà. La Dame parut à la même heure et de la même manière. Elle recommanda de nouveau la fréquente récitation du chapelet, mais cette fois comme moyen de hâter la fin de la guerre, « Seule, l’inter-
cession de Notre-Dame, dit-elle, peut obtenir cette grâce pour l’humanité. »
Lorsque Lucia lui demanda son nom et un miracle, elle répondit : — Continuez à venir ici le 13 de chaque mois. En octobre, je vous dirai qui je suis, ce que je désire et j’opérerai un miracle étonnant afin que le monde entier puisse vous croire,
La Dame confia aux enfants ce jour-là un secret que Lucia ne fut autorisée à révéler en partie qu’à l’approche de la Seconde Guerre mondiale. — Notre-Seigneur nous montra, dit-elle, une grande mer de feu qui nous parut se trouver sous la terre. Au milieu de ses flammes se trouvaient les démons et les damnés. Ils étaient comme des
fournaises transparentes, flottant dans ce feu et ballottés par les flammes qui émanaient d’eux. Cette vue ne dura qu’un instant, mais sans le secours de notre Mère du ciel, qui dans la première apparition nous avait promis de nous emmener au paradis, je crois que nous serions morts d’horreur.
LUCIA DOS SANTOS, âgée de 9 ans, et ses deux cousins, Francisco et Jacinta Marto, âgés de 8 et 6 ans, compagnons inséparables, se dirigèrent, un jour de printemps 1916, vers la grotte d’une colline voisine. Ils venaient d’y parvenir lorsque Dieu leur envoya son ange. Un seul coup de vent en fut le signe précurseur, et aussitôt, au milieu d’un groupe
de quelques oliviers, les enfants remarquèrent un jeune homme paraissant 15 ans environ, très beau et tout resplendissant.
— Ne craignez point, leur dit-il, je suis l’ange de la paix.
Puis il s’agenouilla et, se prosternant, inclina son visage vers la terre. Les enfants l’imitèrent. L’ange fit, par trois fois, cette prière que les petits répétèrent :
— Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je demande pardon pour ceux qui ne croient pas, n’adorent pas, n’espèrent pas et ne vous aiment pas.
Il ajouta : — Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à votre supplication. Puis il disparut. Les enfants ne dirent mot à personne de cette
visite, et Lucia ne la révéla que bien plus tard. Il revint au milieu de l’été, tandis que les enfants jouaient ensemble près du puits familial.
— Que faites-vous ? leur dit-il.
Et il ajouta : — Priez, priez beaucoup ! Les Cœurs de Jésus et de Marie ont des desseins miséricordieux sur
vous. Offrez continuellement au Très-Haut prières et sacrifices.
— Comment devons-nous faire des sacrifices ? demanda Lucia.
L’ange répondit : — Que toutes vos actions soient un sacrifice et offrez-les en réparation pour les péchés qui offensent Dieu et en supplication pour la conversion des pécheurs. Amenez ainsi la paix sur votre
pays. Je suis son ange gardien, l’ange du Portugal. Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances qui vous sont envoyées par le Seigneur.
Ainsi prit fin cette seconde visite céleste. À partir de ce moment, les enfants acceptèrent avec docilité les mortifications que Dieu leur envoyait chaque jour.
Jacinte, la plus jeune des trois voyants de Fatima, était une jolie enfant, brune, les traits réguliers, avec des yeux vifs et profonds. Intelligente et fine, son bon cœur, son caractère tendre et doux la rendaient aimable à tous.
Onzième enfant de la famille Marto, ses grandes sœurs et ses frères la choyaient à l’envi. Parfois, Olimpia, la mère, grondait ses aînés parce qu’ils gâtaient trop la petite. Mais au fond, les succès de sa benjamine flattaient et réjouissaient son cœur.
Cette fervente chrétienne avait toujours hâte de voir grandir ses enfants pour leur enseigner les prières et les premières vérités de la religion. Jacinte et son frère François, de deux ans plus âgé, apprirent de leur maman à aimer Jésus et Marie.
De temps en temps, la mère réunissait autour d’elle tous ses enfants pour une sorte de catéchisme familial. Le foyer d’Olimpia était profondément religieux, comme celui de sa belle-sœur, Maria-Rosa, mariée à Antonio dos Santos.
Deux maisons basses et modestes, situées à quelques minutes du bourg de Fatima, abritaient ces familles nombreuses. À côté du logis, la bergerie, l’aire, puis le jardin où le puits creusé dans le roc se cachait sous l’ombre épaisse des figuiers.
La maison de Jacinte.
Dans chaque demeure, sur la muraille blanchie à la chaux, le crucifix s’entourait d’images pieuses devant lesquelles, chaque soir, parents et enfants s’agenouillaient pour la prière.
En cette contrée montagneuse du Portugal, la population restait simple, chrétienne, laborieuse. Le travail était dur pour cultiver la vigne et le blé dans les étroites bandes de terre enclavées dans les rochers. Les troupeaux qui broutaient le long des collines constituaient la richesse du pays. Pour les garder, beaucoup d’enfants manquaient l’école et ne savaient ni lire, ni écrire.
Cette vie monotone n’était coupée que par le repos du dimanche, vrai jour du Seigneur. Tous venaient à la messe, même les habitants des hameaux les plus écartés.
Fatima, loin des villes, avec des chemins rocailleux, impraticables, restait comme un îlot préservé au milieu du Portugal, sur lequel passait une terrible vague d’impiété et d’anarchie.
Cette nation, jadis très prospère, alors ruinée, déchirée par les haines, le communisme, les persécutions religieuses, semblait courir à l’abîme.
Certes, nul ne se doutait que des montagnes obscures de Fatima, viendrait, au Portugal, un message de paix et de résurrection !
Les bergers
Jacinte et son frère François ne jouent qu’avec leur cousine Lucie dos Santos, élevée comme eux par une maman qui veille sur la pureté de son âme et place avant tout la franchise, la probité, les vertus chrétiennes. Lucie, née en 1907, est l’aînée de ses cousins.
Temps de lecture : 16minutesDing-Dong… Deux petits moines, — des moinillons, — disent leur Angelus, leur bénédicité ; puis, tandis que les Pères prennent leur repas au réfectoire, ils déballent leurs petites provisions au pied d’une belle statue de Notre-Dame. Demi-pensionnaires au Couvent des Frères Prêcheurs (Dominicains), ils arrivent tôt, servent la messe, puis reçoivent les leçons du Père Bernard et l’aident dans son office de sacristain. Le soir seulement ils dévalent la colline pour rentrer chez eux, au village d’Alfange.
Cette histoire se passe au Portugal, au XIIIe siècle. Voilà cent ans, ce pays était encore aux mains des Maures, venus d’Afrique, et qu’ils avaient conquis cinq siècles plus tôt. Vers le XIe siècle, Alphonse VI, roi de Castille, reprit partiellement ce territoire et donna ce qui était compris entre le Minho et le Douro à Henri de Bourgogne, lequel prit le nom de Comte de Porto ou de Portugal. Le fils d’Henri, Alphonse-Henriquez, gagna sur les Maures une victoire décisive. Pour des Français, il est intéressant de savoir que la reprise de Lisbonne, en 1147, a été due en très grande partie à l’aide apportée à Alphonse Henriquez par une flotte de Croisés francs qui s’en allaient en Terre Sainte pour la deuxième croisade. Il y avait parmi eux des Charentais, des Bretons, des Normands, et aussi des Anglais, des Rhénans, des Flamands, tout le littoral Nord-Ouest de la chrétienté. Dans cette victoire contre les Maures, les chrétiens furent aidés très spécialement par saint Michel. On dit qu’il parut dans le ciel une aile et une main indiquant les points où la petite armée devait porter l’effort, à la suite de quoi l’Ordre Militaire de l’aile de Saint Michel fut créé pour les Chevaliers qui s’étaient signalés au combat ; il continua à se recruter parmi les plus valeureux.
Nos moinillons étaient fils d’un de ces chevaliers, lequel, très fervent, avait résolu de les donner à Dieu dès l’enfance. Bien sûr, ils ne s’engageront par vœux que plus tard, si telle était leur vocation, mais déjà ils portent le costume dominicain : robe blanche et manteau noir ; leurs cheveux sont taillés en couronne autour d’une tête rasée. Cela ne les empêche pas d’être de braves enfants joyeux. Ils aiment cette vie monastique et sans doute, seraient-ils toujours restés au couvent, s’il ne leur était arrivé une étrange et belle aventure.
Quant à leur maître, le Père Bernard, il est originaire de Morlaàs, à 12 kilomètres de Pau, donc, Béarnais. Ses parents, qui, contrairement au Chevalier d’Alfange, n’avaient nul envie d’en faire un moine, l’avait fiancé très jeune, alors que lui voulait être Dominicain. Un beau jour, il s’enfuit, non dans quelque couvent de France ; ses parents l’y retrouveraient ; non au nord de l’Espagne ; la barrière des Pyrénées n’est pas infranchissable ; mais au lointain Portugal, dans le couvent de Santarem, fondé par un des premiers compagnons de saint Dominique, Suero Gomez.
« Ils reviennent d’eux-même dire ensemble des dizaines »
Santarem… Reconnaissez-vous ce nom ? vous qui avez lu l’histoire des trois bergers de Fatima… Santarem, ville principale du district ou département du même nom, dont Fatima dépend. Notre-Dame du Rosaire n’est pas encore venue à la Cova, mais elle est déjà aimée, et combien ! particulièrement chez les Pères de Santarem. En vrai Dominicain, Père Bernard conduit souvent ses élèves à la chapelle de Notre-Dame du Rosaire. Les Ave montent en guirlandes, en bouquets… Les petits y prennent tellement goût que, souvent, ils reviennent d’eux-mêmes dire ensemble « des dizaines ». L’Espagne, le Portugal, ont une dévotion immense à la Sainte Vierge depuis que saint Jacques a évangélisé cette terre. Marie, (Notre-Dame del Pilar — du pilier), est vraiment le pilier de la foi catholique. Au Portugal, cette dévotion s’est encore fortifiée par le fait que les rois du Portugal, depuis le tout premier, ont choisi la mère de Dieu pour mère de la dynastie et de la nation. Le peuple portugais n’a pas oublié ce contrat, malgré tant de révolutions, et la Sainte Vierge pas davantage ; elle l’a prouvé !
Bref, nos moinillons, imprégnés d’esprit chrétien, catholique et dominicain, nos moinillons, vrais Portugais, vont à Marie de toute leur âme. Trop loin d’Alfange pour y courir déjeuner près de leur mère, avec leurs petits frères et sœurs, ils vont quand même déjeuner en famille, avec leur mère du ciel et leur frère Jésus. A nous, l’idée ne viendrait pas de déjeuner dans une chapelle ; ceci encore est espagnol et portugais.
En l’année 1917, le Portugal traversait une triste période. Dirigé par un gouvernement qui persécutait la religion, ce pays, divisé, ruiné, envahi par le communisme, semblait aller à sa perte.
En même temps, les armées portugaises participaient à la grande guerre, et, dans plus d’un foyer, on pleurait les soldats tombés bien loin, là-bas, sur une terre étrangère.
Un éclair, brusquement, frappe leurs yeux.
À cette époque, le village de Fatima restait encore à peu près inconnu. Situé à une centaine de kilomètres de Lisbonne, ses modestes maisons se dressaient sur les pentes de la montagne d’Aire, dans une contrée particulièrement aride et rocailleuse. Pourtant, cette région gardait le souvenir d’une éclatante victoire, remportée en 1385, par le roi Jean 1er de Portugal, avec une poignée de braves. Le roi, en reconnaissance, fit construire à cet endroit un beau couvent en l’honneur de Notre-Dame de la Victoire. Il en confia la garde aux Dominicains. Ceux-ci répandirent autour d’eux la dévotion du saint rosaire. L’usage s’en était si bien conservé à travers les siècles que, dans cette partie du pays, beaucoup de familles récitaient encore fidèlement le chapelet. Les petits enfants eux-mêmes, élevés dans cette habitude, aimaient à le dire.
* * *
Par une belle journée du printemps de 1917, trois bergers de Fatima gardaient leurs moutons dans un champ nommé la Cova da Iria, qui appartenait aux parents de l’un d’eux.