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Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls | Auteur : Daniel-Rops

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Sur l’eau claire de l’Oise, à cris joyeux, quatre vaillants gar­çons ont pous­sé un canot. C’est l’au­tomne : le vent frais qui balaie les nuages dans le ciel d’un bleu pâle fait fris­son­ner la sur­face de la rivière et vol­ti­ger les feuilles rousses des grands bois de l’Ile de France. « Holà, ensemble ! Allez, mes com­pa­gnons ! » Et les rameurs de frap­per en cadence, et le léger esquif de filer au courant.

Histoire Saint Louis enfant et ses camarades de jeux

Ces gar­çons qui ont tous quatre envi­ron douze ans, à les voir ne croi­rait-on point de petits pay­sans ? Comme les fils des fer­miers du temps, ils portent chausses de grosse toile, courte robe par des­sus et un sur­cot de drap bour­ru, le tout pas­sa­ble­ment sali d’a­voir péché les gre­nouilles dans les vases de la rivière. Pour­tant, à les regar­der mieux, on observe sur leurs traits une dis­tinc­tion natu­relle, une finesse de bonne édu­ca­tion ; et par­ti­cu­liè­re­ment le plus grand, le plus mince, magni­fique enfant aux longs che­veux blonds bou­clés, aux yeux doux, au pro­fil déli­cat, à qui ses cama­rades paraissent obéir sans hési­ter. Ne vous y trom­pez pas. Ce gar­çon­net n’est autre que Mon­sei­gneur Louis, fils aîné de France, qui, dans quelques vingt ou trente ans sans doute, sera roi.

Quelques vingt ou trente ans… Non, la Pro­vi­dence en a autre­ment déci­dé. Que sont ces cava­liers ? Ils suivent la rivière en hélant le canot des gar­çons. Tout pris par leur jeu, ceux-ci, d’a­bord, n’en­tendent même pas. « Un, deux ! un, deux ! » Et les rames conti­nuent à battre vigou­reu­se­ment les eaux pai­sibles. Enfin ces cris attirent leur atten­tion. « Arrê­tez ! On nous appelle ! »

Quand ils abordent, le pelo­ton des cava­liers les attend. D’un coup d’œil, Mon­sei­gneur Louis recon­naît le Conné­table, le Grand Écuyer, le Cha­pe­lain du Palais et de hauts offi­ciers. Qu’y a‑t-il ? Ce n’est point pour abré­ger leur inno­cente pro­me­nade qu’on a envoyé vers lui tous ces puis­sants sei­gneurs. Et tous ont l’air grave, la face sou­cieuse et inquiète. D’instinct,avant même que le Conné­table ait par­lé, l’en­fant a devi­né la dou­lou­reuse nou­velle. Il pense à son père, le roi Louis VIII, qui se bat quelque part dans le sud du royaume et a déjà si bra­ve­ment taillé en pièces l’An­glais. A la guerre, sait-on qui peut être indemne ? « Mon­sei­gneur mon père ?» inter­roge-t-il. Rapide, il a repris sa cotte demi-longue de drap fin, ser­rée d’une cor­de­lière de soie et d’or, son man­teau écar­late dou­blé de petit-gris qu’il avait posé à terre avant de sau­ter dans la barque. Rien qu’à la façon dont ces hommes s’in­clinent devant lui, il a com­pris : non pas au com­bat, mais d’une mala­die étrange, d’une fièvre incon­nue, —et cer­tains diront peut-être du poi­son,— le roi Louis VIII est mort en tra­ver­sant l’Au­vergne à l’âge de trente-six ans. On est à l’au­tomne 1226 ; un nou­veau règne va commencer.

Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants | Auteur : Goldie, Agnès

Yves Nicolazic

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Sainte Anne, ô bonne mère, 
Toi que nous implorons,
Entends notre prière,
Et bénis tes Bretons !

Tel était à Rome, le chant de ral­lie­ment de toute la Bre­tagne, pen­dant le pèle­ri­nage bre­ton de l’An­née Sainte.

Ce ne sont pas les Bre­tons qui ont choi­si Anne pour patronne ; c’est Dieu lui-même qui a don­né à Sainte Anne la Bre­tagne, et sainte Anne aux Bre­tons. Belle et curieuse histoire.

Il y a fort long­temps, s’é­le­vait au vil­lage de Ker-Anna, (dans l’ac­tuel Mor­bi­han), une cha­pelle dédiée à l’aïeule de Jésus. De cette cha­pelle, détruite vers l’an 700, il ne res­ta dans les siècles sui­vants qu’un sou­ve­nir de plus en plus vague ; des ves­tiges de plus en plus rares, au champ du Bocenno.

Une nuit de l’an­née 1623, Yves Nico­la­zic, culti­va­teur au vil­lage de Ker-Anna est éveillé par une clar­té qui rem­plit sa chambre. Au milieu de cette grande lumière, il voit une chan­delle allumée.

Six semaines plus tard, même chose ; cette fois au Bocenno.

Sainte Anne d'Auray raconté aux enfants - La chandelle de cire marche à côté de lui
La chan­delle de cire marche à côté de lui

Sou­vent encore, Nico­la­zic trouve sa chambre illu­mi­née par le mys­té­rieux cierge : le plus fort est que, lors­qu’il rentre à la ferme à la nuit tom­bée, « la chan­delle de cire « marche à côté de lui pour éclai­rer son che­min. Plus besoin de lan­terne ! Et, chose curieuse, si le vent balaie la lande, et incline les genêts, la flamme de la chan­delle ne vacille même pas.

Nico­la­zic s’in­quiète. S’il avait bu, rien à cela d’é­trange ; cha­cun sait que le cidre, ça donne des idées… Un brave homme n’a-t-il pas assu­ré avoir ren­con­tré sur sa route une marée de ser­pents. Un peu plus loin, une troupe d’é­lé­phants… en Bre­tagne ! Et que sais-je encore !… Mais Nico­la­zic ne buvait pas ; nul ne l’a­vait vu titu­ber au long des mai­sons et dans les che­mins creux. Chré­tien exem­plaire, il jouis­sait de l’es­time de tous. S’il aper­ce­vait des lumières à la mai­son, aux champs, il n’a­vait pour tant rien d’un illu­mi­né. Alors, que signi­fiait tout cela ?

Si encore il ne fai­sait que voir ; mais il entend : deux fois en cinq semaines, à l’en­droit de l’an­cienne cha­pelle, il a été char­mé par des chants angé­liques accom­pa­gnés d’une musique agréable et d’une intense clar­té qui éclai­rait jus­qu’au vil­lage, à cent mètres de là.

Ouvrage : Le plus beau cadeau | Auteur : Diethelm, P. Walther

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La vie était tou­jours très gaie dans la famille Dumas. Cela ne peut être autre­ment dans une mai­son où habitent quatre enfants, tous en bonne san­té. Léon, qui était en cin­quième classe, aimait à sif­fler, ou à crier. Suzette, fillette de dix ans, sau­tait et chan­tait toute la jour­née. Et les deux autres, les petits, un frère de deux ans et une sœur de cinq semaines, fai­saient du bruit aus­si, à leur façon.

* * *

Histoire pour le KT : Ignacio Pinazo - Petite fille lisant

Un jour tout se trou­va calme dans la mai­son, bien que, per­sonne ne man­quât. Y avait-il quel­qu’un de malade ? Pas pré­ci­sé­ment, mais depuis quelques jours déjà, Léon était de mau­vaise humeur ; il avait mal aux dents. Depuis hier, il avait une joue enflée, et son humeur allait de mal en pis. On aurait su dire ce qui le tour­men­tait le plus : ses dents, ou ce que sa maman avait ordon­né : aller chez le den­tiste. Ah ! on n’aime pas y aller, chez le dentiste !

Mais Suzette, pour­quoi était-elle pen­chée sur son livre, toute silen­cieuse ? Il y avait sûre­ment quelque chose qui n’al­lait pas. Elle n’é­tait pas à son affaire. Dis­traite, elle regar­dait tou­jours la même page, sans pour­tant la lire. Était-ce com­pas­sion envers son frère ? — Avait-elle mal, elle aussi ?

Oui, Suzette avait mal ; pas aux dents. Suzette avait mal dans son cœur, qui bat­tait fort et drô­le­ment, sur­tout le soir, quand elle ne pou­vait pas dor­mir. Suzette avait peur de la confession.

Ouvrage : Et maintenant une histoire II | Auteur : Des Brosses, Jean

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Catéchisme : récit de menuiserie pour la fête de Saint Joseph

Il pleu­vait depuis bien­tôt trois jours, mais cela n’empêchait point Tho­mas, Jacques et Mathieu, les trois appren­tis du sieur Bille, maître ébé­niste en la com­mune d’Au­teuil-en-Pari­sis, d’a­voir la joie au cœur. La fête de l’illustre cor­po­ra­tion des Arti­sans Char­pen­tiers-Menui­siers-Ébé­nistes était proche. On la célé­bre­rait le len­de­main avec tout l’é­clat accou­tu­mé. Pour les trois jeunes gar­çons qui, depuis trois ans, œuvraient en appren­tis­sage sous la direc­tion de Maître Bille, cette jour­née était d’im­por­tance. Ils allaient pré­sen­ter à Mes­sieurs les Syn­dics de la Cor­po­ra­tion leurs « chefs‑d’œuvre ». Une accep­ta­tion ou un refus, et nos trois appren­tis se voyaient accé­der à la digni­té de « com­pa­gnons », ou bien ils demeu­raient encore, au moins pour une année, d’humbles appren­tis sans gages ni renom.

Pour l’heure, Tho­mas, Jac­quot et Mathieu s’ap­pli­quaient avec entrain, sous l’œil de Maître Bille, à orner la bou­tique de toutes sortes de guir­landes fleu­ries et de jolies verdures.

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coiffeuse louis xv poudreuse

Enfin, sur le coup de cinq heures, tout fut bien asti­qué, ser­ré et ordon­né. Au dehors, la pluie tom­bait tou­jours. On était à la mi-mars, et le prin­temps, en cette année 1784, sem­blait déci­dé­ment vou­loir se faire désirer.

C’é­tait alors la tra­di­tion que chaque appren­ti avant de deve­nir com­pa­gnon, puis plus tard chaque com­pa­gnon avant de deve­nir patron, pré­sente à la cor­po­ra­tion à laquelle il appar­te­nait un modèle de tra­vail exé­cu­té exclu­si­ve­ment par lui et qu’on appe­lait « le chef‑d’œuvre »

« Eh bien ! vite, s’ex­cla­ma Maître Bille, mon­trez-moi main­te­nant les mer­veilles que vous avez conçues, mes petits, et qui, je n’en veux point dou­ter, feront l’hon­neur de ma devan­ture. »
Fort ému, cha­cun des appren­tis dépo­sa devant son patron la boîte ver­nis­sée conte­nant son chef‑d’œuvre. Tho­mas, le pre­mier, ouvrit la sienne. Il en sor­tit une ravis­sante petite table coif­feuse à deux corps de mar­que­te­rie à la rose, pou­vant conte­nir en ses innom­brables petites cases tant de par­fums et de coli­fi­chets… de quoi faire pâmer d’aise la plus enra­gée coquette,

« Voi­là qui est fort joli et bien condi­tion­né, approu­va sin­cè­re­ment Maître Bille. Ajou­te­rais-je que tu as grandement

Ouvrage : Autres textes | Auteur : Lemaître, Jules

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L'imagier - Titre et Christ

C’était un beau couvent bâti sur un haut pla­teau. Au-des­sus la mon­tagne cou­verte de sapins. Les toits poin­tus et les tou­relles de la sainte mai­son se décou­paient sur ce fond sombre. Au-des­sous une large val­lée, des vignes, des champs de blé, des prai­ries bor­dées de peu­pliers, et un vil­lage le long d’une molle rivière.

Les moines de ce couvent étaient à la fois de bons ser­vi­teurs de Dieu, de grands savants et d’excellents labou­reurs. Le jour, leurs robes blanches appa­rais­saient çà et là dans la cam­pagne, pen­chées sur les tra­vaux de la terre ; et, le soir, on les voyait pas­ser de pilier en pilier, sous les arceaux du large cloître, avec un mur­mure de conver­sa­tions ou de prières.

Il y avait par­mi eux un jeune reli­gieux, du nom de frère Nor­bert, qui était un très bon ima­gier. Dans le bois ou dans la pierre, ou bien avec l’argile qu’il pei­gnait de vives cou­leurs, il savait façon­ner de si belles sta­tues de Jésus, de Marie et des saints, que les prêtres et les per­sonnes pieuses venaient les voir de très loin et les ache­taient très cher, pour en faire l’ornement de leurs églises ou de leurs oratoires.

Frère Nor­bert était fort pieux. Il avait sur­tout pour la sainte Vierge une dévo­tion extra­or­di­naire ; et sou­vent il res­tait des heures devant l’autel de l’Immaculée, immo­bile et pros­ter­né sous son capu­chon, les plis de sa robe épan­dus der­rière lui sur les dalles.

Frère Nor­bert était par­fois rêveur. Le soir sur­tout, en regar­dant, du haut de la ter­rasse, le soleil s’éteindre à l’horizon, il deve­nait inquiet et triste. Il aurait vou­lu s’en aller loin, voir d’autres coins du monde que celui où il vivait.

Le prieur lui disait alors :

— Que pou­vez-vous voir ailleurs que vous ne voyiez où vous êtes ! Voi­là le ciel, la terre, les élé­ments : or, c’est d’eux que tout est fait… Quand vous ver­riez toutes les choses à la fois, que serait-ce qu’une

vision vaine [1] ?

  1. [1] Imi­ta­tion de Jésus-Christ, I, 21.