La veille de Noël, après sa réfection du matin, le vénérable curé de X… était fort perplexe. Cela se voyait à son attitude, les mains croisées sur son estomac un peu rebondi et se frottant les deux pouces, l’un contre l’autre, comme tous ceux qui pensent ou qui digèrent.
La digestion ne devait pourtant pas être difficile. Pensez, deux œufs frais parce qu’il y avait des poules pondeuses dans la cour du presbytère, un reste de poisson connu, le long des grèves bas-normandes, sous le nom de vieille, ni délicat ni appétissant, je vous assure, et un peu de beurre frais, battu par Charline, la vieille servante, avec le lait d’une vache, ni grasse ni maigre, qui paissait dans le clos, au bout du jardin.
Tel était, à peu près, et invariablement, l’ordinaire de M. le curé de X…, le village étant pauvre et par conséquent le casuel presque nul.
Seulement le curé, par une douce habitude, sirotait sa demi-tasse dans laquelle il avait déjà versé son deuxième petit verre. Le cognac, cela soutient quand il fait froid ; et le brave curé était bas-normand, d’un pays tantôt venteux, toujours humide, où personne ne répudie le gloria. Et puis, il n’y a jamais eu de mal à user des bonnes choses ; le tort consiste à en abuser.
C’était une toute modeste cure que celle de X… et si le pasteur était simple, les ouailles n’étaient pas riches, tous marins de père en fils, chavirés par la mer depuis des générations, coulés ici ou là dans une bourrasque, le long de ces côtes de la Hague où le flot n’est jamais tranquille et qui, dans les coups d’équinoxe, se couvrent d’épaves et de débris, sans compter ce qui reste au fond.
Malgré la pauvreté générale, chacun faisait de son mieux et portait au presbytère quelque chose de sa pêche, dans les bons jours, des crabes que Charline faisait cuire, ou des plies, ou bien, quand la mer s’en allait assez loin, de ces belles coquilles à fond de nacre, que l’on nomme des coquilles Saint-Jacques, sans doute parce que le saint s’en fit un ornement lors de son voyage à Compostelle, enfin toute la vermine de la mer que personne ne dédaigne, quand elle est fraîche et toute parfumée.
Donc le curé de X… méditait, non parce qu’il avait devant les yeux le plus vaste des horizons maritimes, avec les îles anglaises au fond, nageant dans l’azur pâle d’une belle journée d’hiver ; ce spectacle ne lui manquait pas souvent ; il était blasé là-dessus et n’y