Étiquette : <span>Crèche</span>

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Par une nuit froide de décembre, le mis­tral souffle. Je des­cends de ma chambre et que vois-je ? La crèche illu­mi­née par une douce lumière éma­nant des san­tons. Je me tiens coite et j’at­tends, fixant les yeux sur cette crèche pour­tant fami­lière que je ne recon­nais plus. Qu’a-t-elle chan­gé ? Rien, seule­ment cette lumière. Tiens, on dirait qu’elle trans­forme les per­son­nages. Ils sou­rient et semblent vivants. Je m’en­har­dis à leur par­ler. Voyant l’ange jouf­flu qui bat des ailes, je lui demande :

— « D’où viens-tu petit ange ? »

Petit ange de Noel - santon de la crèche

Mais que se passe-t-il ? Il me répond :

— « Je viens du ciel et j’ai pour nom Bouf­fa­reo. On m’a appe­lé ain­si parce que j’ai de grosses joues à force de souf­fler dans ma trom­pette. Dieu m’a envoyé sur terre pour son­ner de mon ins­tru­ment à la nais­sance de son Fils. Mais je n’ai pas bien chaud avec mes seules ailes pour me couvrir.

— Je peux te don­ner ma polaire. »

L’ange, recou­vert, sou­pi­ra d’aise. Pour me remer­cier, il m’emmène voir la Sainte Vierge. Oh ! Quel émo­tion ! Pen­sez donc, entrer dans la crèche, dis­cu­ter avec un ange, l’ai­der et, pour cou­ron­ner le tout, ren­con­trer Notre-Dame, c’est quelque peu excep­tion­nel. Mais la bonne Dame du ciel me met tout à fait à l’aise :

— « Entre donc ! Tu m’as l’air frigorifiée

— Mais Notre-Dame…

— Je ne suis pas plus Notre-Dame que tu es Esther. Appelle-moi Marie, comme tout le monde.

— Si vous me le deman­dez, je suis bien for­cé de vous obéir.

Marie accueille la fillette à la crèche de Noël

— Pour­quoi me vou­voies-tu ? Suis-je une per­sonne si respectable ?

— Bien sûr puisque tous les catho­liques vous prient.

— Ah ! Je com­prends. Tu est l’é­lue du siècle.

— L’é­lue du siècle ?

— Oui, chaque siècle, une âme pure à le pri­vi­lège d’en­trer dans la crèche pour une nuit. Tu as choi­si la nuit de Noël par chance. Tu ver­ras la nais­sance de mon Fils. Mais puis-je te deman­der un service ?

— Oui, assurément.

— Alors va cher­cher le bœuf et l’âne que requiert la tradition. »

Je pars cher­cher les deux ani­maux et les trouve facilement.

Auteur : Dandurand, Joséphine | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 7 minutes

On est à la Noël. Par­tout dans la cam­pagne, sur la vaste éten­due, les longues routes blanches sont constel­lées. Entre leur bor­dure verte de sapins, — ces bouées fleu­ries, guides du voya­geur dans la plaine immense et nive­lée par l’hiver, — on les voit cou­rir et se croi­ser à tra­vers les champs combles.

Et c’est comme une pro­ces­sion, ce long cor­tège de traî­neaux venant de toutes parts, s’acheminant tous vers l’église du village.

La rosse qui les tire, indif­fé­rente au froid comme à la gra­vi­té de l’heure, trotte sans hâte, d’un pas égal et rythmé.

De ses naseaux l’haleine s’échappe en fumée lumi­neuse ; mais cette res­sem­blance loin­taine avec les cour­siers olym­piens, dont les narines flam­boyantes lancent des éclairs, en est une bien trom­peuse cepen­dant, car, voyez la pauvre bête — par exemple la der­nière là-bas, avec cette lourde charge — les ardeurs guer­rières sont depuis long­temps mortes en sa vieille charpente.

D’un conten­te­ment égal elle porte au mar­ché les poches pleines, ou, comme en ce moment, la famille à la messe de minuit.

Le pauvre che­val n’est pas né du printemps.

Cette demi-dou­zaine de mar­mots qu’il traîne là, et d’autres encore qu’on a lais­sés à la mai­son, s’il ne les a pas vus naître, du moins les a‑t-il tous, cha­cun à son tour, menés à l’église petits infi­dèles, pour les en rame­ner petits chrétiens.

L’histoire de ces vieilles bêtes est celle de leur maître.

Jeune et frin­gant, le bon ani­mal brû­la jadis le pavé pour conduire chez « sa blonde[1] » le père d’aujourd’hui. Et, depuis, ils che­minent ensemble dans la vie, se sup­por­tant réci­pro­que­ment, tra­vaillant côte à côte, indis­pen­sables l’un à l’autre, se retrou­vant tou­jours aux heures solen­nelles, aux moments d’urgence, moments où le plus humble des deux devient par­fois le prin­ci­pal acteur.

Les enfants allant à la Messe de minuit au Quebec

Quand il s’agit, par exemple, de longues courses pres­sées, l’hiver, par les che­mins débor­dés, au milieu de la « pou­dre­rie » que sou­lève l’aquilon ; l’automne, quand le pied s’embourbe et se dégage avec peine dans les sen­tiers boueux, et l’été sur les routes sans ombrage.

Élé­ment obli­gé des joies de la famille, il conduit aujourd’hui « les enfants » à la messe de minuit ; cette fête unique pour les petits et les simples ; fête mys­té­rieuse où ils retrouvent dans la tou­chante et poé­tique allé­go­rie de la Crèche, la repro­duc­tion tan­gible, comme une incar­na­tion des choses vagues et douces, du mer­veilleux qu’ils voient par­fois flot­ter dans les rêves de leur som­meil pai­sible ou dans les fan­tai­sies de leur ima­gi­na­tion naïve.

Les deux plus jeunes de ces six heu­reux, enfouis, émus et recueillis, dans le fond du traî­neau, y viennent pour la pre­mière fois.

  1. [1] Au Que­bec, « une blonde », c’est une fian­cée
| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 4 minutesLa rumeur s’est répan­due aux quatre coins du monde. Et là, je suis intri­gué par mon maître que je trouve de plus en plus agi­té. En fait, il n’y tient plus depuis qu’il a repé­ré cette étoile nou­velle, plus grande et plus brillante que les autres. Et le voi­là tout impa­tient de prendre la route pour, d’abord, rejoindre Mel­chior et Gas­pard. Les mages !

Oui mon maître est mage. Je pour­rais dire aus­si que c’est un grand sage même si dans l’immédiat, je le trouve bizarre. Il me parle d’un nou­veau-né qui est fils de Dieu, qu’il va le rejoindre, gui­dé par l’étoile du ber­ger et qu’il lui offri­ra ce qu’il a de plus pré­cieux : de la myrrhe.

Un nom du pays breton

C’est très confus pour moi tout cela. Là, je l’entends pro­je­ter d’aller jusqu’à l’enfant né… mais sans moi ! Pour­tant, Bal­tha­zar, je ne le lâche jamais, je le suis par­tout, je l’écoute et com­pa­tis quand il faut. Je le dis­trais de mes sauts, je suis tou­jours prêt à être cares­sé, à jouer dès qu’il en a l’humeur, je hoche la tête lorsqu’il me parle, me colle à lui si je le sens attristé.Oui, je peux être aus­si un peu sans gêne et n’en fais par­fois qu’à ma tête, mais je reste d’une fidé­li­té abso­lue depuis qu’il m’a adop­té lors d’un voyage dans le grand Ouest… J’accours dès que mon maître dit mon nom « Dege­mer, Dege­mer ![1] » (encore un nom rame­né de mon pays breton).

De l’or, de l’encens et de la myrrhe

Les rois mages en route suivant l'étoile

Bal­tha­zar renonce à m’emmener sous pré­texte que la route est trop longue pour le chien que je suis ! Mais je veux le voir ce Divin Enfant ! Et puis la nature m’a doté de bien longues et solides pattes, ce n’est pas pour res­ter bête­ment dans mon panier.Un matin, Bal­tha­zar part pour la grande tra­ver­sée du désert jusqu’au pays de Judée. Il ignore alors que je le suis de loin en loin. Je trotte, je n’arrête pas de trot­ter. Les jours pas­sant, la cha­leur, la dure­té des pierres et les sables des dunes rendent le tra­jet dif­fi­cile. Je souffre à en user mes pattes sur ces che­mins rocailleux. Les semaines suc­cèdent aux jour­nées inter­mi­nables et enfin, me voi­là devant la crèche.

  1. [1] bien­ve­nue en bre­ton.
Auteur : Pourrat, Henri .

Temps de lec­ture : 4 minutesI

l y avait une fois… C’é­tait la grande fois, celle du pre­mier Noël. Il y avait une fois les oiseaux, tout le peuple qui vole et chante, l’a­louette, la seule qui chante en volant, et tous les autres.

Ils sont venus à crèche avant les ber­gers et les mages. C’est le coq Chante-Matin qui les a éveillés au pre­mier gris de l’aube.

Diu is nas­cu – u‑u-u !

Dieu est né !… Le bœuf pesam­ment s’est mis sur pied.

Meuh ! meuh ! Hou ! Et où donc ?

La chèvre, tou­jours en fièvre bêlait déjà :

Bé‑é ! À Bé-éth-lé-em !

Et l’âne en bon vou­loir, de secouer ses oreilles et de braire :

I cau ana ! I cau ana !

Conte de Noël - les animaux : le boeuf

Auteur : Mistral, Frédéric | Ouvrage : Mémoires et souvenirs .

Temps de lec­ture : 7 minutes

À la rencontre des Rois. – La crèche.

– C’est demain la fête des Rois Si vous vou­lez les voir arri­ver, allez vite à leur ren­contre, enfants, et por­tez-leur quelques présents.

Voi­là, de notre temps, ce que disaient les mères, la veille du jour des Rois.

Les enfants à la rencontre des rois mages en Provence

Et en avant toute la mar­maille, les enfants du vil­lage ; nous par­tions enthou­siastes à la ren­contre des rois Mages, qui venaient à Maillane, avec leurs pages, leurs cha­meaux et toute leur suite, pour ado­rer l’En­fant Jésus.

– Où allez-vous, enfants ?

– Nous allons au-devant des Rois !

Et ain­si , tous ensemble, mioches ébou­rif­fés et petites blon­di­nettes, avec nos calottes et nos petits sabots, nous filions sur le che­min d’Arles, le cœur tres­saillant de joie, les yeux rem­plis de visions. Et nous por­tions à la main, comme on nous l’a­vait recom­man­dé, des fouaces pour les Rois, des figues sèches pour les pages et du foin pour les chameaux.

Jours crois­sants,
Jours cui­sants.

C’é­tait au com­men­ce­ment de jan­vier et la bise souf­flait : c’est vous dire qu’il fai­sait froid. Le soleil des­cen­dait, tout pâle, vers le Rhône. Les ruis­seaux étaient gla­cés, l’herbe était flé­trie. Des saules dépouillés, les branches rou­geoyaient. Le rouge-gorge et le roi­te­let sau­taient, fré­tillants, de branche en branche, et l’on ne voyait per­sonne aux champs, à part quelque pauvre veuve qui met­tait sur sa tête son tablier rem­pli de souches, ou quelque vieillard en haillons qui cher­chait des escar­gots au pied d’une haie.

– Où allez-vous si tard, petits ?

– Nous allons au-devant des Rois !

Et la tête en arrière, fiers comme Arta­ban, en riant, en chan­tant, en cou­rant à cloche-pied, ou en fai­sant des glis­sades, nous che­mi­nions sur la route crayeuse, balayée par le vent.

Puis le jour bais­sait. Le clo­cher de Maillane dis­pa­rais­sait der­rière les arbres, der­rière les grands cyprès noirs ; et la cam­pagne s’é­ten­dait tout là-bas, vaste et nue. Nous por­tions nos regards aus­si loin que pos­sible, à perte de vue, mais en vain ! Rien ne parais­sait, si ce n’est quelques fagots d’é­pines empor­tés par le vent dans les chaumes. Comme cela a lieu dans les soi­rées d’hi­ver, tout était triste et muet.