Étiquette : <span>Prince</span>

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 16 minutes

Sur l’eau claire de l’Oise, à cris joyeux, quatre vaillants gar­çons ont pous­sé un canot. C’est l’au­tomne : le vent frais qui balaie les nuages dans le ciel d’un bleu pâle fait fris­son­ner la sur­face de la rivière et vol­ti­ger les feuilles rousses des grands bois de l’Ile de France. « Holà, ensemble ! Allez, mes com­pa­gnons ! » Et les rameurs de frap­per en cadence, et le léger esquif de filer au courant.

Histoire Saint Louis enfant et ses camarades de jeuxCes gar­çons qui ont tous quatre envi­ron douze ans, à les voir ne croi­rait-on point de petits pay­sans ? Comme les fils des fer­miers du temps, ils portent chausses de grosse toile, courte robe par des­sus et un sur­cot de drap bour­ru, le tout pas­sa­ble­ment sali d’a­voir péché les gre­nouilles dans les vases de la rivière. Pour­tant, à les regar­der mieux, on observe sur leurs traits une dis­tinc­tion natu­relle, une finesse de bonne édu­ca­tion ; et par­ti­cu­liè­re­ment le plus grand, le plus mince, magni­fique enfant aux longs che­veux blonds bou­clés, aux yeux doux, au pro­fil déli­cat, à qui ses cama­rades paraissent obéir sans hési­ter. Ne vous y trom­pez pas. Ce gar­çon­net n’est autre que Mon­sei­gneur Louis, fils aîné de France, qui, dans quelques vingt ou trente ans sans doute, sera .

Quelques vingt ou trente ans… Non, la Pro­vi­dence en a autre­ment déci­dé. Que sont ces cava­liers ? Ils suivent la rivière en hélant le canot des gar­çons. Tout pris par leur jeu, ceux-ci, d’a­bord, n’en­tendent même pas. « Un, deux ! un, deux ! » Et les rames conti­nuent à battre vigou­reu­se­ment les eaux pai­sibles. Enfin ces cris attirent leur atten­tion. « Arrê­tez ! On nous appelle ! »

Quand ils abordent, le pelo­ton des cava­liers les attend. D’un coup d’œil, Mon­sei­gneur Louis recon­naît le Conné­table, le Grand Écuyer, le Cha­pe­lain du Palais et de hauts offi­ciers. Qu’y a‑t-il ? Ce n’est point pour abré­ger leur inno­cente pro­me­nade qu’on a envoyé vers lui tous ces puis­sants sei­gneurs. Et tous ont l’air grave, la face sou­cieuse et inquiète. D’instinct,avant même que le Conné­table ait par­lé, l’en­fant a devi­né la dou­lou­reuse nou­velle. Il pense à son père, le roi Louis VIII, qui se bat quelque part dans le sud du royaume et a déjà si bra­ve­ment taillé en pièces l’An­glais. A la guerre, sait-on qui peut être indemne ? « Mon­sei­gneur mon père ?» inter­roge-t-il. Rapide, il a repris sa cotte demi-longue de drap fin, ser­rée d’une cor­de­lière de soie et d’or, son man­teau écar­late dou­blé de petit-gris qu’il avait posé à terre avant de sau­ter dans la barque. Rien qu’à la façon dont ces hommes s’in­clinent devant lui, il a com­pris : non pas au com­bat, mais d’une mala­die étrange, d’une fièvre incon­nue, —et cer­tains diront peut-être du poi­son,— le roi Louis VIII est mort en 

Auteur : Tanou | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 10 minutes

La cour du d’A­ra­gon était en grande liesse, car on fêtait aujourd’­hui le quin­zième anni­ver­saire du fils du roi : le Josiano.

Couleurs des princes d'Aragon - toison d'orC’é­tait un grand gar­çon, mince et souple, dont la dou­ceur n’ex­cluait ni la vaillance ni l’a­dresse. Ain­si, le jour même, en plu­sieurs jeux et com­bats, il avait fait triom­pher l’é­ten­dard d’A­ra­gon à raies rouges sur fond or. Main­te­nant, dans la lice, c’é­tait une somp­tueuse caval­cade de sei­gneurs aux che­vaux super­be­ment caparaçonnés.

Mais sou­dain, fen­dant la foule, un cava­lier arri­va au triple galop, sau­ta à terre et, tout hale­tant encore de sa course, s’a­ge­nouilla aux pieds du roi en lui ten­dant un message.

Ce der­nier fron­ça les sour­cils en pre­nant connais­sance de la lettre, puis, se levant, il fit un geste ; immé­dia­te­ment la fête s’in­ter­rom­pit. Alors, dans le silence angois­sé qui pla­na sou­dain, le roi prit la parole :

« Mes amis, une bien triste nou­velle vient de m’être man­dée : il nous faut inter­rompre toutes réjouis­sances. Voi­ci l’af­faire : Astorg de Peyre, notre vas­sal, qui vit au sein des mon­tagnes du Gévau­dan, s’est révol­té contre nous. Il a levé une armée sur ses terres et, fran­chis­sant rivières et mon­tagnes, s’en est allé atta­quer la cita­delle de Grèzes où réside le vaillant Hugues, qui gou­verne en mon nom. Ce der­nier, voyant le dan­ger, m’a dépê­ché ce mes­sa­ger, mais des semaines se sont écou­lées pour que me par­vienne l’ap­pel du fidèle Hugues. Qu’en est-il à pré­sent de la cita­delle de Grèzes ? »

Un mur­mure pas­sa sur la foule conster­née, et le roi se tour­na vers le prince Josiano.

« Mon fils, les affaires du royaume me retiennent ici, mais tu es d’âge à guer­royer : demain, au petit jour, tu par­ti­ras à la tête de nos che­va­liers et de nos archers pour déli­vrer Hugues et la cita­delle de Grèzes. »

Devant cette preuve de confiance, le visage du prince s’illumina.

« Je vous remer­cie, mon père.

— Va, conti­nua le roi, dès ce soir, il faut faire tes adieux à ta mère. »

Lorsque Josia­no entra chez sa mère, celle-ci, déjà pré­ve­nue de la dan­ge­reuse mis­sion confiée à son fils, était en larmes ; mais devant le jeune homme, cou­ra­geu­se­ment, elle refou­la ses pleurs.

« Adieu, mon fils, dit-elle en met­tant sa main sur les boucles brunes du gar­çon. Et n’ou­blie pas, chaque jour, de prier afin qu’elle te protège. »

* * *

Le len­de­main, dès l’aube, la colonne se mit en marche, accla­mée par la foule accou­rue sur le pas­sage des cavaliers.