Le 16 mars 2020, c'est l'exact centenaire de la canonisation de sainte Jeanne d'Arc. Voici un petit hommage à notre grande sainte nationale !
Lorsque Jeanne d’Arc[1] était encore à Domrémy, elle avait pour voisins de pauvres gens dont le fils unique était infirme. Petit Pierre avait sept ou huit ans de moins que Jeanne.
Le pauvre enfant était bossu et ne marchait qu’avec des béquilles ; ne pouvant se mêler aux jeux des autres garçons, il était rebuté et souvent raillé par eux.
Sa vie eût donc été fort triste sans Jeanne qui l’avait pris en affection ; elle le caressait, le consolait, l’emmenait garder les bêtes avec elle dans les champs ; et lui contait des histoires.
Petit Pierre adorait Jeanne. Quand celle-ci lui apprit qu’elle avait une mission à remplir, qu’elle allait partir pour la bataille contre les Anglais, il pensa mourir de chagrin.
Jeanne le consola de son mieux. « Quand le roi sera sacré à Reims, dit-elle, je reviendrai ! — Oh ! s’écria Petit Pierre, les yeux brillants, j’irai à Reims te chercher ! »
[1] Cette bande dessinée est parue dans la Semaine de Suzette en 1915 ; aussi Jeanne d’Arc n’était pas encore canonisée. C’est pourquoi le scénariste ne la nomme pas « sainte Jeanne d’Arc », mais seulement « Jeanne d’Arc ».↩
— Oh ! papa, je vous en prie, venez avec nous au Palatin. N’allez pas vous replonger dans vos affreuses écritures.
— Le fait est, Jeannot, que j’ai tant travaillé ce matin, qu’un peu d’air me fera du bien. Va donc pour le Palatin…
Il fait chaud, l’atmosphère est lourde après l’orage d’hier. Mais, là-haut, toute fatigue est oubliée. Des ruines, des cyprès, des fleurs ! Le Forum s’étale, aux pieds de la colline, et de tous côtés on a la vue sur Rome.
— C’est ici, mes enfants, que la ville a commencé ; toutes ces ruines sont celles des temples et des palais construits par les empereurs, au fur et à mesure de la gloire et de la puissance grandissante de Rome. Penchez-vous avec moi au bord de cette terrasse, regardez ces curieux vestiges. C’est tout ce qui reste du fameux temple de Jupiter.
— J’en ai acheté des cartes postales, dit Bernard. Je fouille mon portefeuille et je vous les donne. Regardez.
Papa constate :
— Ces ruines sont absolument méconnaissables pour des profanes de notre espèce. Par contre, devant nous, s’étagent, cette fois encore, les monuments chrétiens, preuves matérielles de la vie conquérante de l’Église.
Ceci nous amène, mes enfants, à étudier comment les Papes en sont venus à posséder Rome et un certain nombre de villes et d’États avoisinants. Nous avons vu l’empire romain s’effondrer en Occident. En Orient, des empereurs se succédaient encore, et ils exerçaient un fantôme de pouvoir en Italie, au moyen d’un exarque, sorte de gouverneur, qui résidait à Ravenne. Au VIIIe siècle, leur protection est nulle. En réalité l’empire n’existe plus, tandis qu’au contraire, le Pape est devenu le Chef réel et le défenseur de Rome. Il a de grands domaines, car à ceux que lui ont donnés les empereurs chrétiens, se sont joints les dons considérables, faits au cours des âges, par beaucoup de seigneurs ou de familles nobles et riches. Des fermes, des terres, des forêts, des mines, des villes constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « Patrimoine de Saint Pierre ». Le Pape est devenu un vrai prince temporel ; il administre des domaines immenses que saint Grégoire le Grand se plaisait à appeler le bien des pauvres.
Cependant vers l’an 715, les Orientaux vinrent assiéger Rome. Le Pape Grégoire II appelle alors à son secours Luitprand, roi des Lombards.
— Les Lombards, les Lombards, répète Colette qui réfléchit laborieusement, où donc était leur pays ?
— Regarde là-bas, Colette, vers le Nord. Les plaines de Lombardie sont traversées, tout au sommet de l’Italie, par le Pô ; tu sais assez de géographie pour situer ce fleuve.
— Oui, papa, j’y suis.
— Je reviens donc à Luitprand. Il délivra Rome et plusieurs autres villes, mais refusa de les rendre au Pape. Alors Étienne II, successeur de Grégoire II, appela Pépin le Bref.
Après une guerre sévère et glorieuse, Pépin remit au Pape Étienne les vingt-deux villes qu’il avait reprises aux Lombards. Il en déposa les clefs sur le tombeau de saint Pierre, en y joignant un acte qui en faisait don au Pape et à ses successeurs.
Temps de lecture :16minutesSur l’eau claire de l’Oise, à cris joyeux, quatre vaillants garçons ont poussé un canot. C’est l’automne : le vent frais qui balaie les nuages dans le ciel d’un bleu pâle fait frissonner la surface de la rivière et voltiger les feuilles rousses des grands bois de l’Ile de France. « Holà, ensemble ! Allez, mes compagnons ! » Et les rameurs de frapper en cadence, et le léger esquif de filer au courant.
Ces garçons qui ont tous quatre environ douze ans, à les voir ne croirait-on point de petits paysans ? Comme les fils des fermiers du temps, ils portent chausses de grosse toile, courte robe par dessus et un surcot de drap bourru, le tout passablement sali d’avoir péché les grenouilles dans les vases de la rivière. Pourtant, à les regarder mieux, on observe sur leurs traits une distinction naturelle, une finesse de bonne éducation ; et particulièrement le plus grand, le plus mince, magnifique enfant aux longs cheveux blonds bouclés, aux yeux doux, au profil délicat, à qui ses camarades paraissent obéir sans hésiter. Ne vous y trompez pas. Ce garçonnet n’est autre que Monseigneur Louis, fils aîné de France, qui, dans quelques vingt ou trente ans sans doute, sera roi.
Quelques vingt ou trente ans… Non, la Providence en a autrement décidé. Que sont ces cavaliers ? Ils suivent la rivière en hélant le canot des garçons. Tout pris par leur jeu, ceux-ci, d’abord, n’entendent même pas. « Un, deux ! un, deux ! » Et les rames continuent à battre vigoureusement les eaux paisibles. Enfin ces cris attirent leur attention. « Arrêtez ! On nous appelle ! »
Quand ils abordent, le peloton des cavaliers les attend. D’un coup d’œil, Monseigneur Louis reconnaît le Connétable, le Grand Écuyer, le Chapelain du Palais et de hauts officiers. Qu’y a‑t-il ? Ce n’est point pour abréger leur innocente promenade qu’on a envoyé vers lui tous ces puissants seigneurs. Et tous ont l’air grave, la face soucieuse et inquiète. D’instinct,avant même que le Connétable ait parlé, l’enfant a deviné la douloureuse nouvelle. Il pense à son père, le roi Louis VIII, qui se bat quelque part dans le sud du royaume et a déjà si bravement taillé en pièces l’Anglais. A la guerre, sait-on qui peut être indemne ? « Monseigneur mon père ?» interroge-t-il. Rapide, il a repris sa cotte demi-longue de drap fin, serrée d’une cordelière de soie et d’or, son manteau écarlate doublé de petit-gris qu’il avait posé à terre avant de sauter dans la barque. Rien qu’à la façon dont ces hommes s’inclinent devant lui, il a compris : non pas au combat, mais d’une maladie étrange, d’une fièvre inconnue, —et certains diront peut-être du poison,— le roi Louis VIII est mort en