C’était le plus beau rameau, celui de la petite Vivette, un rameau chargé de jouets et de bonbons, suivant la coutume du pays. Et Vivette, bien qu’elle le trouvât lourd à porter, en était très fière, Elle faisait « sa glorieuse », comme disait son père, et se réjouissait fort à l’idée de l’effet qu’elle produirait tout à l’heure à l’église…
…lors de la bénédiction des rameaux. Mais voilà que le bon ange gardien de Vivette, qui se tenait tout près d’elle, fut très peiné par ce sentiment d’orgueil. Il essaya bien de souffler à la petite fille que ce n’était vraiment pas joli d’aller voir le Bon Dieu en pensant seulement à éclabousser ses compagnes de sa richesse.
Et maintenant, cédons-lui la parole, en corrigeant simplement les fautes d’orthographe… qui fourmillent.
« Vient la fête de Saint Vincent. La veille, notre bonne Mère Marthe nous fit une instruction sur la dévotion à la Sainte Vierge, ce qui m’a donné un si grand désir de la voir que je me suis couchée avec cette pensée… Enfin, je me suis endormie.
« À onze heures et demi du soir, je m’entends appelée par mon nom : « Ma sœur Labouré ! Ma sœur Labouré » M’éveillant, je regardai du côté d’où venait la voix qui était du côté du passage. Je tire le rideau : je vois un enfant habillé de blanc, âgé à peu près de quatre à cinq ans, qui me dit : « Venez à la Chapelle, la Sainte Vierge vous attend » ! Aussitôt la pensée me vient : « Mais on va m’entendre » ! Cet enfant me répond : « Soyez tranquille, il est onze heures et demi, tout le monde dort bien, venez, je vous attends » !
« Je me suis dépêchée de m’habiller et je me suis dirigée du côté de cet enfant qui était resté debout, sans avancer plus loin que la tête de mon lit. Il m’a suivie ou plutôt je l’ai suivi, toujours sur ma gauche, partout où il passait. Les lumières étaient allumées partout où nous passions, ce qui m’étonnait beaucoup ; je fus bien plus surprise lorsque je suis entrée à la chapelle. La porte s’est ouverte à peine l’enfant l’avait touchée du bout du doigt. Mais ma surprise a été encore bien plus complète, quand j’ai vu tous les cierges et flambeaux allumés, ce qui me rappelait la Messe de minuit. Cependant, je ne voyais pas la Sainte Vierge.
« L’enfant me conduisit dans le sanctuaire, à côté du fauteuil de M. le Directeur, et là, je me suis mise à genoux, et l’enfant est resté debout tout le temps. Comme je trouvais le temps long, je regardais si les veilleuses (les sœurs désignées pour veiller la nuit) ne passaient pas par la tribune.
« Enfin l’heure est arrivée. L’enfant me prévient. Il me dit : « Voici la Sainte Vierge, La voici » ! J’entends comme un bruit, comme le frou-frou d’une robe de soie qui venait du côté de la tribune. L’enfant qui était là me dit : « Voici la Sainte Vierge ! ». Regardant la Sainte Vierge, je n’ai fait qu’un bond auprès d’elle, à genoux, sur les marches de l’autel, les mains appuyées sur les genoux de la Sainte Vierge.
Temps de lecture :9minutesLa vie était toujours très gaie dans la famille Dumas. Cela ne peut être autrement dans une maison où habitent quatre enfants, tous en bonne santé. Léon, qui était en cinquième classe, aimait à siffler, ou à crier. Suzette, fillette de dix ans, sautait et chantait toute la journée. Et les deux autres, les petits, un frère de deux ans et une sœur de cinq semaines, faisaient du bruit aussi, à leur façon.
* * *
Un jour tout se trouva calme dans la maison, bien que, personne ne manquât. Y avait-il quelqu’un de malade ? Pas précisément, mais depuis quelques jours déjà, Léon était de mauvaise humeur ; il avait mal aux dents. Depuis hier, il avait une joue enflée, et son humeur allait de mal en pis. On n’aurait su dire ce qui le tourmentait le plus : ses dents, ou ce que sa maman avait ordonné : aller chez le dentiste. Ah ! on n’aime pas y aller, chez le dentiste !
Mais Suzette, pourquoi était-elle penchée sur son livre, toute silencieuse ? Il y avait sûrement quelque chose qui n’allait pas. Elle n’était pas à son affaire. Distraite, elle regardait toujours la même page, sans pourtant la lire. Était-ce compassion envers son frère ? — Avait-elle mal, elle aussi ?
Oui, Suzette avait mal ; pas aux dents. Suzette avait mal dans son cœur, qui battait fort et drôlement, surtout le soir, quand elle ne pouvait pas dormir. Suzette avait peur de la