Yves Nicolazic
Sainte Anne, ô bonne mère,
Toi que nous implorons,
Entends notre prière,
Et bénis tes Bretons !
Tel était à Rome, le chant de ralliement de toute la Bretagne, pendant le pèlerinage breton de l’Année Sainte.
Ce ne sont pas les Bretons qui ont choisi Anne pour patronne ; c’est Dieu lui-même qui a donné à Sainte Anne la Bretagne, et sainte Anne aux Bretons. Belle et curieuse histoire.
Il y a fort longtemps, s’élevait au village de Ker-Anna, (dans l’actuel Morbihan), une chapelle dédiée à l’aïeule de Jésus. De cette chapelle, détruite vers l’an 700, il ne resta dans les siècles suivants qu’un souvenir de plus en plus vague ; des vestiges de plus en plus rares, au champ du Bocenno.
Une nuit de l’année 1623, Yves Nicolazic, cultivateur au village de Ker-Anna est éveillé par une clarté qui remplit sa chambre. Au milieu de cette grande lumière, il voit une chandelle allumée.
Six semaines plus tard, même chose ; cette fois au Bocenno.
Souvent encore, Nicolazic trouve sa chambre illuminée par le mystérieux cierge : le plus fort est que, lorsqu’il rentre à la ferme à la nuit tombée, « la chandelle de cire « marche à côté de lui pour éclairer son chemin. Plus besoin de lanterne ! Et, chose curieuse, si le vent balaie la lande, et incline les genêts, la flamme de la chandelle ne vacille même pas.
Nicolazic s’inquiète. S’il avait bu, rien à cela d’étrange ; chacun sait que le cidre, ça donne des idées… Un brave homme n’a-t-il pas assuré avoir rencontré sur sa route une marée de serpents. Un peu plus loin, une troupe d’éléphants… en Bretagne ! Et que sais-je encore !… Mais Nicolazic ne buvait pas ; nul ne l’avait vu tituber au long des maisons et dans les chemins creux. Chrétien exemplaire, il jouissait de l’estime de tous. S’il apercevait des lumières à la maison, aux champs, il n’avait pour tant rien d’un illuminé. Alors, que signifiait tout cela ?
Si encore il ne faisait que voir ; mais il entend : deux fois en cinq semaines, à l’endroit de l’ancienne chapelle, il a été charmé par des chants angéliques accompagnés d’une musique agréable et d’une intense clarté qui éclairait jusqu’au village, à cent mètres de là.