Catégorie : <span>Daniel-Rops</span>

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 15 minutes

Rab­bi Gama­liel fit un signe et se tut. Le cours était fini. Les dix ou douze ado­les­cents qui l’en­tou­raient se levèrent, s’é­brouèrent, com­men­cèrent à par­ler avec ani­ma­tion. Depuis près de trois heures qu’ils étaient là, assis en tailleur sur leurs petits tapis, les jambes croi­sées sous eux, et qu’ils écou­taient de toutes leurs oreilles les paroles de leur maître, ils avaient bien le droit de prendre un peu de mou­ve­ment. C’é­taient des jeunes gens de seize à dix-huit ans ; tous por­taient des vête­ments sombres et sans orne­ments aux­quels se recon­nais­saient les plus pieux des Juifs, les Phari­siens, et, accro­chés à leurs vête­ments, des sortes de petites boîtes qui conte­naient, reco­piés sur un mince rou­leau de par­che­min, quelques ver­sets de la Loi de Dieu.

Vie de Saint Paul pour les enfants - Ecole juive : Eleves écoutant le RabbitLa Loi de Dieu ! c’é­tait elle qu’ils étu­diaient, à lon­gueur de jour­née, avec une atten­tion infa­ti­gable. A cette époque, dans l’en­sei­gne­ment, on uti­li­sait peu de livres, mais, par contre, on fai­sait beau­coup appel à la mémoire. « Un bon élève, assu­rait un dic­ton, est comme une citerne sans fis­sures ; il ne laisse rien perdre de ce que son Maître a ver­sé en lui. » Donc, à lon­gueur de jour­nées, durant des années, les futurs « rab­bis » ou « doc­teurs de la Loi » écou­taient un Maître leur réci­ter des pas­sages du Livre Saint, puis les com­men­ter en citant tout ce que les anciens avaient pu dire à leur pro­pos. Tour à tour, ils appre­naient l’his­toire des Patriarches et celle des Rois ; ils chan­taient en chœur les admi­rables Psaumes ; ils s’en­thou­sias­maient à recher­cher, dans les écrits pro­di­gieux des Pro­phètes, les textes qui annon­çaient la venue du Sau­veur du monde, du Roi glo­rieux qui tire­rait Israël de sa misère, du Mes­sie. Et quand Rab­bi Gama­liel avait fini de par­ler, —comme il par­lait bien ! comme il était savant !— cha­cun des étu­diants devait se répé­ter en soi-même les phrases enten­dues pour être capable de les redire à son tour.

Ils s’é­loi­gnèrent par groupes, sor­tant de l’es­pla­nade du Temple, sous le por­tique duquel ils avaient assis­té au cours, se dis­per­sant à tra­vers Jéru­sa­lem par les petites rues en pente, cou­pées de marches. L’un d’eux, cepen­dant, demeu­ra seul. Quelques ins­tants il sem­bla médi­ter pro­fon­dé­ment. Puis, il sor­tit à son tour de l’es­pla­nade mais, au lieu de des­cendre en ville, s’en alla vers la porte for­ti­fiée, se diri­geant vers la cam­pagne. Quel âge avait-il ? On n’au­rait guère pu le dire. Son visage était déjà si grave, déjà si creu­sé pour un ado­lescent ! Il n’é­tait pas bien beau : de médiocre sta­ture, tra­pu, les jambes torses, l’air malingre ; sur sa tête les che­veux roux se clair­se­maient ; pour­tant pour qui consi­dé­rait son visage, aux sour­cils touf­fus et joints, au nez bom­bé, au regard d’une extrême viva­ci­té, il parais­sait bien évident que ce jeune homme était d’une intel­li­gence extra­or­di­naire. Pour faire ses études de Rab­bi, il était venu de la loin­taine ville où il avait vu le jour, en Cili­cie, et nul, depuis deux ans, par­mi les élèves du Maître Gama­liel, n’é­tait plus assi­du au labeur, ni plus atten­tif, plus avide d’ap­prendre et de com­prendre. Ce jeune homme tou­jours soli­taire se nom­mait .

* * *

Comme il venait de sor­tir de la ville, se diri­geant vers un bois d’o­li­viers où il avait des­sein de s’é­tendre pour réflé­chir et se répé­ter la leçon du jour, des cris le firent retour­ner. Une foule hur­lante jaillis­sait par la porte forte, ges­ti­cu­lant, fré­né­tique. Elle entou­rait un homme, un grand gar­çon mince, au regard fier, qui sem­blait extra­or­di­nai­re­ment calme au milieu de ce déchaî­ne­ment. Saul le vit et un violent mou­ve­ment se pro­dui­sit dans son cœur, de colère et de haine.

Encore un de ces gens-là ! Alors, cela n’a­vait donc pas suf­fi qu’on eût mis à mort, —et de quelle façon infa­mante !— leur fameux pro­phète ! Depuis six ans que tout Jéru­sa­lem avait pu le voir pen­du à une croix, comme un voleur ou un assas­sin, ils ne ces­saient de

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 16 minutes

Un bruit, trou­blant la paix de la nuit, l’é­veilla en sur­saut. Ce n’é­tait pas le gron­de­ment fami­lier du Cédron dont les eaux sales, en cette sai­son de prin­temps, bouillon­naient sur les cailloux à une por­tée d’arc de la mai­son. Ce n’é­tait pas non plus le cri régle­men­taire des sen­ti­nelles romaines qui, là-haut, sur les rem­parts de Jéru­sa­lem, de quart en quart d’heure, se ren­voyaient l’une à l’autre le mot de la garde. Que se pas­sait-il donc ? Dans ce coin de ban­lieue écar­té de la ville, tout était à l’or­di­naire si tran­quille ! Le gar­çon bon­dit de son lit, — un simple tapis posé sur une paillasse de roseaux, — et cou­rut à la fenêtre.

Il se nom­mait Marc et avait à peine quinze ans. Depuis la mort de son père, sa mère Marie l’a­vait éle­vé ; pour le faire vivre, elle gérait un petit com­merce : dans cette pro­priété qu’elle pos­sé­dait à peu de dis­tance de la ville, plan­tée d’o­li­viers cen­te­naires, elle avait ins­tal­lé un pres­soir à huile, où les gens du voi­si­nage venaient appor­ter leurs récoltes ; cela lui assu­rait un modeste reve­nu. C’est pour­quoi le do­maine était connu de tout le monde sous le nom de , qui veut dire « pres­soir à huile ». À cette heure, il n’é­tait pas pos­sible que ce fût un client !

Marc se pen­cha, scru­ta la nuit claire. La lune pleine navi­guait pai­si­ble­ment dans le ciel de nacre, et sa clar­té illu­mi­nait les puis­santes for­ti­fi­ca­tions au haut des­quelles s’a­per­ce­vait le Temple majes­tueux. Le bruit sus­pect venait du che­min roide qui dégrin­go­lait de la porte vers le gué du tor­rent, un bruit de voix, de cli­què­te­ments d’armes, de lourds bro­de­quins son­nant sur les cailloux. Trouant l’om­bre, Marc aper­çut des lueurs de torches. Son cœur bat­tit plus violemment.

D’un seul coup, il avait devi­né. Cette troupe qui descen­dait en hâte le rai­dillon… Il com­pre­nait quelle triste besogne elle venait faire. Il pen­sa à son grand ami et à ses compa­gnons qui devaient dor­mir, sans méfiance, au pied des oli­viers du jar­din, comme ils en avaient deman­dé l’autorisa­tion à sa mère. Les pré­ve­nir ! Dans sa hâte, il ne prit même pas le temps de s’ha­biller. Il ramas­sa son drap qui gisait à terre, s’en enve­lop­pa comme les Romains fai­saient de leur toge et, par la fenêtre, qui était peu haute, il sau­ta dans le jardin.

Duccio di Buoninsegna. L'Arrestation de Jésus. Maestà, 1308-1311, SienneTrop tard ! Au moment où il allait rejoindre les trois Gali­léens, les sol­dats et les poli­ciers avaient déjà cer­né le coin de l’o­li­vette où ils se trou­vaient. Marc se cacha der­rière le tronc d’un arbre, et, pas­sion­né­ment, la gorge ser­rée, regar­da. Il avait bien enten­du dire, depuis déjà pas mal de temps, que les chefs des prêtres vou­laient faire arrê­ter le mer­veilleux pro­phète… Pour­quoi ? Il en était indi­gné, mais il ne com­pre­nait pas. Qu’a­vait-il donc fait ? Rien de mal, rien que de géné­reux et de cha­ri­table. Lui, Marc, qui depuis six mois, l’a­vait sui­vi sur les routes de Judée, et l’a­vait si sou­vent écou­té, il pou­vait le jurer : non, Jésus n’a­vait rien fait de répré­hen­sible ! Il avait gué­ri des malades, ren­du la vue à des aveugles, mul­ti­plié les aumônes, conso­lé ceux qui souf­fraient. Était-ce donc cela 

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 15 minutes

C’é­tait à , la ravis­sante ville qui mirait ses palais, ses mai­sons, ses pal­miers, dans l’eau pure du plus beau des lacs. Par­mi les bandes d’en­fants qu’on voyait chaque jour jouer sur la rive, comme ont tou­jours fait les enfants de tous les pays et de tous les temps, à lan­cer de fra­giles esquifs sur les courtes vagues, ou à bâtir des châ­teaux avec du sable, l’un d’eux, depuis quelques mois, se fai­sait remar­quer par son air étrange, grave et médi­ta­tif, bien sur­pre­nant chez un petit gar­çon de six ans.

Caté : Mosaique jeune EnfantIl s’ap­pe­lait Mar­tial, ce qui était un nom latin, bien que ses parents fussent d’ex­cel­lente race juive, de la célèbre tri­bu de Ben­ja­min. Mais son père avait ser­vi dans les troupes auxi­liaires de Rome et quand son fils était né, il avait vou­lu qu’il por­tât le nom d’un de ses com­pa­gnons de com­bats. Mar­tial avait été éle­vé comme tous les petits gar­çons de son temps, c’est-à-dire fort libre­ment. Il lui arri­vait sou­vent, mal­gré son jeune âge, de par­tir dans la cam­pagne, en com­pa­gnie de sa che­vrette fami­lière qui le sui­vait par­tout, et de s’en aller dans quelque belle prai­rie au-des­sus du lac, pas­sant des heures à cueillir des fleurs, à regar­der un vol de fla­mants rosés tour­ner en criant dans le grand ciel bleu ou encore à se chan­ter pour lui-même de belles chan­sons qu’il ne répé­tait à per­sonne, car per­sonne n’au­rait pu le comprendre…

Or, un jour qu’il était allé cher­cher des ané­mones — de magni­fiques ané­mones d’un rouge sombre, au cœur vio­let, comme il s’en cachait dans les creux de rochers qu’il connais­sait, — Mar­tial avait fait une ren­contre. Il venait de grim­per sur un mon­ti­cule, à quatre pattes, sa petite chèvre blanche bon­dis­sant, plus leste, à côté de lui, quand, à dix pas peut-être, il avait vu un homme, tout seul, immo­bile, qui se tenait les bras levés,comme en prière,et la tête ten­due vers le ciel. Un ins­tant, l’en­fant était demeu­ré immo­bile, consi­dé­rant atten­ti­ve­ment l’inconnu.

Puis l’homme avait bais­sé la tête ; ses bras étaient re­tombés dou­ce­ment et, à ce moment, son regard s’é­tait posé sur Mar­tial et, en silence, l’a­vait fixé. Quel regard!… Ja­mais l’en­fant n’a­vait par­lé à qui­conque de cette ren­contre, même à sa mère ou à son père. Jamais il n’a­vait racon­té ce qui s’é­tait pas­sé lorsque l’in­con­nu lui avait fait signe d’a­van­cer et qu’il était allé vers lui. Jamais il n’a­vait répé­té les paroles qu’il avait entendues.

Mais c’é­tait depuis cette ren­contre que Mar­tial était mys­té­rieu­se­ment grave, comme s’il por­tait dans son jeune cœur un secret immense, une image à laquelle il ne ces­sait de penser.

Le prin­temps était là, le mer­veilleux prin­temps de Pa­lestine, tout empli d’air léger, de jeune soleil, de chants d’oi­seaux. La vigne en fleurs exha­lait son par­fum et l’on enten­dait reten­tir dans les syco­mores le rou­cou­le­ment des tour­te­relles et des pigeons.

Dans la bande des gar­çons qui jouaient au bord du lac, tout heu­reux de bar­bo­ter, pieds nus, dans l’eau si douce, les aînés par­laient beau­coup d’une his­toire qu’ils avaient enten­du racon­ter par leurs pères et qui les sur­ex­ci­tait fort. Ne disait-on pas qu’un pro­phète était appa­ru ? Oui, un pro­phète, un de ces hommes étranges, extra­or­di­naires, que Dieu avait envoyés maintes fois à son peuple, — ain­si qu’on l’ap­pre­nait à l’é­cole de la syna­gogue, — pour l’a­ver­tir, le conseiller ou le conso­ler. Il y avait cepen­dant bien des années, des cen­taines d’an­nées, qu’il n’a­vait pas été ques­tion de pro­phètes. Por­tait-il des vête­ments faits de peaux de bête ? Le Sei­gneur lui avait-il puri­fié les lèvres avec un char­bon ardent ? Ou, comme le grand Élie, se pro­me­nait-il dans le ciel sur un char de feu ? Car ces enfants, qui appre­naient à lire dans la Bible, connais­saient à mer­veille tous les épi­sodes du Livre Saint.

En tout cas, il avait fait des miracles, c’é­tait cer­tain. Il avait gué­ri la mère d’un des pêcheurs du lac, que tous connais­saient, le bon Simon, celui qui avait la grande barque à dix rames. Et à Caphar­naüm, tout près de là, on racon­tait qu’un offi­cier était allé le trou­ver pour le sup­plier de sau­ver son ser­vi­teur atteint d’une grave fièvre et que, sans même voir le malade, de loin, d’un seul mot, il l’a­vait remis debout. Ain­si, dans ces jeunes âmes, l’his­toire du Nou­veau Pro­phète éveillait-elle une curio­si­té ardente.

Aus­si quand, un matin, la petite Rébec­ca, qui savait tou­jours tout, — curieuses, les filles le sont encore plus que les gar­çons, — accou­rut sur la plage en criant : « Il est là ! Je le sais ! Il est dans le champ là-haut, assis avec ses amis, dans les aspho­dèles. Et il parle…», pas un des enfants n’hé­sita une seconde à com­prendre de qui il s’a­gis­sait. À toutes jambes, comme un vol d’a­louettes, ils s’é­lan­cèrent, mon­tant le che­min caillou­teux que 

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 17 minutes

Au pied des Pyré­nées, dans un site beau, mais sévère, le vil­lage de menait, il y a cent ans, la vie simple, labo­rieuse, mono­tone, de tant de vil­lages de par le monde, et rien n’in­di­quait qu’un jour il devien­drait un des lieux les plus célèbres de la terre. Les ber­gères y gar­daient leurs mou­tons dans les pâtu­rages ; le Gave soli­taire rou­lait ses eaux vives sur les cailloux ; les gens n’y étaient ni meilleurs ni pires qu’en d’autres pays… Et pour­tant, des faits mer­veilleux allaient s’y dérou­ler, et l’hu­ma­ni­té chré­tienne entière tour­ne­rait les yeux vers ce pauvre vil­lage, et les foules y accour­raient, innom­brables. Pour­quoi ? A cause d’une très humble petite fille, à qui la Sainte Vierge parla…

* * *

Portrait de Ste Bernadette SoubirousDonc, le jeu­di 1858, vers neuf heures et demie du matin, les sœurs Toi­nette et Ber­na­dette Sou­bi­rous, accom­pa­gnées de leur insé­pa­rable amie Jean­nette, sor­tirent pour aller ramas­ser du bois mort. Le besoin d’un peu de feu se fai­sait cruel­le­ment sen­tir dans la misé­rable mai­son des Sou­bi­rous ! Toi­nette et Jean­nette mar­chaient d’un bon pas, en riant ; Ber­na­dette sui­vait, ser­rant sur ses épaules un petit capu­chon de laine qu’une voi­sine cha­ri­table lui avait prê­té. Pas bien brillante, Ber­na­dette ! Une fra­gile enfant de qua­torze ans, qui en parais­sait dix à peine, visi­ble­ment une qui ne man­geait pas à sa faim. De temps en temps, elle tous­sait, comme chaque hiver, et ce n’é­tait pas sa robe de futaine qui aurait pu la pro­té­ger bien du froid. Mais si vous l’a­viez ren­con­trée, cette enfant souf­fre­teuse, si vous aviez regar­dé son visage à l’o­vale par­fait, au nez déli­cat, au front large et pur, sur­tout si vous aviez croi­sé son lumi­neux regard, assu­ré­ment vous n’au­riez pu man­quer de vous dire : « Quelle petite fille aimable, et quelle jolie âme elle doit avoir ! »

« Fais comme nous, déchausse-toi et passe le gué ! crient Toi­nette et Jean­nette, avec de grands rires. Pares­seuse ! tu nous laisses ramas­ser seules le bois mort ! »

Pour atteindre le coin de forêt où l’on trouve des branches tom­bées, il fal­lait fran­chir le canal qui, du tor­rent, menait l’eau vers le mou­lin et comme sa mère lui avait recom­man­dé de bien faire atten­tion et de ne pas prendre froid, Ber­na­dette ne vou­lait pas se mouiller les pieds. Elle res­ta donc dans l’île entre le canal et le gave, seule… Et soudain…

Ce fut pour elle un moment inima­gi­nable, extra­or­di­naire. Que se pas­sa-t-il exac­te­ment ? Elle avait l’im­pres­sion d’être entou­rée par un vent ter­rible qui aurait vou­lu l’emporter, mais en même temps, elle se ren­dait bien compte que

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Les lourds bro­de­quins des légion­naires sonnent sur les dalles des rues. A la porte de la mai­son, des coups vio­lents. Le jour se lève à peine sur Rome. « Ouvrez ! » Les sol­dats entrent, mena­çants, glaive en main, prêts à frap­per qui leur résis­te­rait. Mais ceux qu’on vient arrê­ter ne résistent nul­le­ment. D’a­vance, ils ont accep­té le sort qui les attend ; d’a­vance ils ont don­né leur vie au Christ.

Ils ne le renie­ront pas. Emme­nés devant un magis­trat de l’Em­pire, ils lui tien­dront tête sans trem­bler. On enten­dra à peu près ce dialogue :

récit du martyre de chrétiens jetés aux lions— Es-tu chrétien ?

— Oui, je le suis.

— Acceptes-tu d’of­frir un sacri­fice aux dieux de Rome ?

— Je ne puis pas.

— Si tu refuses, tu mourras.

— Je refuse.

Ce dia­logue, c’est par dizaines, par cen­taines qu’il s’est répé­té. Innom­brables ont été les hommes, les femmes, les enfants, qui, en face des auto­ri­tés impé­riales, ont pro­cla­mé fiè­re­ment leur foi dans le Christ Jésus et pré­fé­ré mou­rir plu­tôt que de le tra­hir. C’est sans doute le cha­pitre le plus admi­rable de toute l’his­toire de l’É­glise que celui que com­posent ces « Pas­sions », ces récits sublimes du sacri­fice accep­té, dési­ré, par des géné­ra­tions de chré­tiens, et nos ancêtres au Moyen Age, dans les pages de la Légende dorée, ont par­ti­cu­liè­re­ment aimé à entendre celles où cet héroïsme était glo­ri­fié. Les mar­tyrs ne sont-ce pas les témoins du Christ ? —en grec, veut dire témoin. Ne sont-ce pas les preuves vivantes que, pour des chré­tiens, la fidé­li­té aux pro­messes du bap­tême est plus impor­tante que l’exis­tence même ? De siècle en siècle on cite­ra leurs noms, on répé­te­ra leur his­toire, on les invo­que­ra comme des inter­ces­seurs auprès de Dieu.

Dans cette troupe glo­rieuse, ce n’est pas une des moindres causes d’ad­mi­ra­tion que de voir figu­rer de nom­breux enfants. Aus­si cou­ra­geux que les grandes per­sonnes, ils ont, comme leurs parents, fait preuve d’un héroïsme sans fis­sure en face des pires sup­plices. Et quels sup­plices ! Car, aux mar­tyrs chré­tiens, les Romains païens ont réser­vé des tor­tures à