Et maintenant une histoire ! Posts

Auteur : Bernard, Jean | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Le voi­là ! Le voi­là ! cou­rons vite… »

Sai­sis­sant la main de sa petite sœur, Jacques l’en­traîne à toute vitesse sur le sen­tier rocailleux. Il y a de la joie par­tout aujourd’­hui : dans l’air pur et le ciel bleu, dans le soleil qui brille radieux, et sur le visage de tous ces gens qui courent, char­gés de branches vertes, dans la direc­tion d’un point mys­té­rieux où la foule s’a­masse peu à peu.

« Hosan­na ! Hosanna .…»

Des cris arrivent jus­qu’aux oreilles de Jacques et de Myriam qui, tout essouf­flés, cherchent à se fau­fi­ler par­mi les groupes. Comme ils sont petits, ils arrivent sans trop de peine à se frayer un pas­sage à tra­vers la foule qui s’a­gite de plus en plus, bran­dis­sant ses palmes et redou­blant ses cris :

« Hosan­na ! Hosan­na ! Gloire au fils de David !… »

Enfants à la prossession des Rameaux

Les enfants sont arri­vés au pre­mier rang, au bord même du sen­tier où ils demeurent sou­dain immo­biles, le cœur bat­tant d’é­mo­tion. A quelques pas d’eux, les hommes s’a­vancent, essayant tant bien que mal d’é­car­ter la foule. Au milieu d’eux, assis sur un ânon : le Pro­phète… le fameux pro­phète qui, depuis tant de mois, par­court le pays en fai­sant le bien, et que plu­sieurs pré­tendent être le Mes­sie tant atten­du de tous… Comme Il a l’air bon ! Son visage est lumi­neux comme le soleil, son regard plus doux que le miel.

De tous leurs yeux, Jacques et sa sœur regardent. Myriam est si émue qu’elle ne peut plus par­ler. Elle a joint ses petites mains et fixe éper­du­ment Celui qui vient, tan­dis que Jacques, débor­dant d’en­thou­siasme, agite ses palmes et crie tant qu’il peut de vibrantes acclamations.

Quelques minutes encore, et le Sei­gneur sera tout près d’eux. Il arrive… Le voi­là… Tout d’un coup, Jacques et Myriam, éper­dus, tombent à genoux sur le che­min… En pas­sant près d’eux, le Pro­phète les a lon­gue­ment regar­dés, puis Il leur a sou­ri, et son sou­rire, péné­trant jus­qu’au fond de leur cœur, y a mis une lumière si claire, si chaude, qu’elle est en eux comme un vivant soleil.

C’est Jacques qui s’est res­sai­si le pre­mier. Il s’est rele­vé d’un bond et s’est pré­ci­pi­té sur les pas du Sei­gneur pour mêler ses cris à ceux du bruyant cor­tège qui, sans fin, conti­nue à L’acclamer.

* * *

Le soleil avait depuis long­temps dis­pa­ru à l’ho­ri­zon lorsque Jacques, tout cou­vert de pous­sière, est reve­nu à la mai­son. Hors de lui, le gar­çon n’en finit pas de racon­ter sa jour­née ; et demain, oui, demain sûre­ment, et les autres. jours, il recom­men­ce­ra à suivre le Pro­phète, à L’ac­cla­mer, et, qui sait, peut-être même arri­ve­ra-t-il à se faire connaître de Lui ?

Chemin de Croix 2014.

Chemin de Croix 2014.

Auteur : Cordier, Y. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 10 minutes

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Toutes les fleurs sont écloses, l’at­mo­sphère est tiède, le soleil dans un ciel sans nuage, et les oiseaux s’é­go­sillent à qui mieux-mieux, lan­çant sous les ombrages du parc leurs chants clairs comme des sources : tout invite à la joie ; le cœur le plus fer­mé ne peut res­ter insen­sible au charme de cette fin de prin­temps. Plus que par­tout ailleurs, c’est jour de joie dans la mai­son de Patri­cia dont on fête aujourd’­hui les seize ans.

Dans la cour, les bas­sins ont été rem­plis soi­gneu­se­ment et les jets d’eau jaillissent très haut pour retom­ber en fines gout­te­lettes sur les bras nus des fillettes rieuses qui devisent gaie­ment autour de la vasque de marbre…

Constantin Hölscher - Dans le temple des Vestales« Mais où donc se cache Patri­cia ? Nous ne l’a­vons pas encore aper­çue. », deman­da Lau­ra, une jolie bru­nette au visage mutin.

« Tiens, regarde, la voici.

— Ohé ! Patricia. »

Avec de grands gestes, Lau­ra, Céci­lia et Fla­via appellent leur amie. Celle-ci rapi­de­ment a rejoint le groupe joyeux et qui s’ex­ta­sie sur la beau­té de la fête ; les jeunes filles se dirigent vers le parc, à l’ex­tré­mi­té duquel est ins­tal­lée la nou­velle volière : le magni­fique cadeau d’an­ni­ver­saire de Patri­cia. Devant les oiseaux au plu­mage écla­tant, Lau­ra ne peut rete­nir un « Oh ! » d’admiration.

« Que tu as de la chance, Patri­cia. », mur­mure Fla­via avec une pointe d’envie.

* * *

Tard dans la nuit, la fête se pro­longe. Au fur et à mesure que l’heure avance, Patri­cia sent mon­ter en elle une immense joie, mais aus­si un peu d’an­goisse : si elle allait ne pas pou­voir sor­tir ! Les der­niers invi­tés ont fran­chi le seuil et l’on entend le bruit de leurs pas dimi­nuer dans la nuit.

Patri­cia a rejoint sa chambre. La mai­son a retrou­vé son calme ; aucun bruit ne trouble plus le grand silence de la nuit, si ce n’est le chant du ros­si­gnol qui s’é­go­sille tout en haut du grand oranger.

Alors, len­te­ment, Patri­cia revêt sa robe sombre et, fur­tive, se glisse dans le jar­din. Son pas est si léger, que c’est à peine si le gra­vier crisse sous ses pieds. Le por­tail fran­chi, elle se hâte, la petite Patri­cia, elle se hâte dans les rues désertes. Par­fois, une ombre fur­tive comme elle semble se diri­ger dans la même direc­tion, mais sait-on jamais ? Alors, Patri­cia longe les grands murs d’un peu plus près, comme pour se confondre avec les pierres grises. Si vite elle a mar­ché, que déjà elle aper­çoit les cyprès du cime­tière. Son cœur bon­dit de joie ; en ses yeux brille la flamme que seul un grand bon­heur peut y allu­mer. Est-ce parce que Patri­cia a seize ans qu’elle est si heureuse ?

Chemin de Croix 2014.