Étiquette : <span>Miracle</span>

Auteur : Tanou | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 10 minutes

La cour du roi d’A­ra­gon était en grande liesse, car on fêtait aujourd’­hui le quin­zième anni­ver­saire du fils du roi : le Josiano.

Couleurs des princes d'Aragon - toison d'orC’é­tait un grand gar­çon, mince et souple, dont la dou­ceur n’ex­cluait ni la vaillance ni l’a­dresse. Ain­si, le jour même, en plu­sieurs jeux et com­bats, il avait fait triom­pher l’é­ten­dard d’A­ra­gon à raies rouges sur fond or. Main­te­nant, dans la lice, c’é­tait une somp­tueuse caval­cade de sei­gneurs aux che­vaux super­be­ment caparaçonnés.

Mais sou­dain, fen­dant la foule, un cava­lier arri­va au triple galop, sau­ta à terre et, tout hale­tant encore de sa course, s’a­ge­nouilla aux pieds du roi en lui ten­dant un message.

Ce der­nier fron­ça les sour­cils en pre­nant connais­sance de la lettre, puis, se levant, il fit un geste ; immé­dia­te­ment la fête s’in­ter­rom­pit. Alors, dans le silence angois­sé qui pla­na sou­dain, le roi prit la parole :

« Mes amis, une bien triste nou­velle vient de m’être man­dée : il nous faut inter­rompre toutes réjouis­sances. Voi­ci l’af­faire : Astorg de Peyre, notre vas­sal, qui vit au sein des mon­tagnes du Gévau­dan, s’est révol­té contre nous. Il a levé une armée sur ses terres et, fran­chis­sant rivières et mon­tagnes, s’en est allé atta­quer la cita­delle de Grèzes où réside le vaillant Hugues, qui gou­verne en mon nom. Ce der­nier, voyant le dan­ger, m’a dépê­ché ce mes­sa­ger, mais des semaines se sont écou­lées pour que me par­vienne l’ap­pel du fidèle Hugues. Qu’en est-il à pré­sent de la cita­delle de Grèzes ? »

Un mur­mure pas­sa sur la foule conster­née, et le roi se tour­na vers le prince Josiano.

« Mon fils, les affaires du royaume me retiennent ici, mais tu es d’âge à guer­royer : demain, au petit jour, tu par­ti­ras à la tête de nos che­va­liers et de nos archers pour déli­vrer Hugues et la cita­delle de Grèzes. »

Devant cette preuve de confiance, le visage du prince s’illumina.

« Je vous remer­cie, mon père.

— Va, conti­nua le roi, dès ce soir, il faut faire tes adieux à ta mère. »

Lorsque Josia­no entra chez sa mère, celle-ci, déjà pré­ve­nue de la dan­ge­reuse mis­sion confiée à son fils, était en larmes ; mais devant le jeune homme, cou­ra­geu­se­ment, elle refou­la ses pleurs.

« Adieu, mon fils, dit-elle en met­tant sa main sur les boucles brunes du gar­çon. Et n’ou­blie pas, chaque jour, de prier afin qu’elle te protège. »

* * *

Le len­de­main, dès l’aube, la colonne se mit en marche, accla­mée par la foule accou­rue sur le pas­sage des cavaliers.

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 7 minutes

C’é­tait le soir de . L’hor­loge du clo­cher venait de son­ner 23 heures. Peu après, les cloches appe­laient les fidèles. Le vent froid de la nuit ren­voyait la joyeuse invi­ta­tion à la , minuit à tra­vers les ruelles du vil­lage de Mon­ca­da, par-delà les rizières et les oran­ge­raies au loin jus­qu’à la ville de Valences. Quit­tant, les riches, leurs châ­teaux et les pauvres, leurs chau­mières, ces Espa­gnols habi­tués au soleil sous la bise gla­cée se mire en route. Rien au monde n’au­rait pu les chas­ser de leurs logis douillets ; mais par amour de l’, ils mar­chaient sans hési­ta­tion, fris­son­nants dans le noir. Même de petits enfants, force de volon­té, bien emmi­tou­flés dans leurs lai­nages, mar­chaient un peu som­no­lents, mais avec d’au­tant plus de mérite côté des parents, vers l’église.

Crèche de l'Eglise de San Ginés - Espagne - Miracle eucharistique de NoëlVoi­ci déjà que dans le pre­mier banc s’a­ge­nouillait une jolie petite pay­sanne de cinq ans, avec sa maman. Toute ani­mée du désir d’ad­mi­rer l’En­fant-Jésus avec , Joseph, les anges, , les ber­gers, et toutes les petites lumières, elle avait pres­sé la famille à par­tir vers l’é­glise. Brillants de bon­heur, ses yeux noirs et vifs allaient d’un ber­ger à l’autre, admi­raient Marie et Joseph dans la pauvre étable ins­tal­lée sur l’au­tel laté­ral de gauche. Tout à coup la petite pous­sa sa maman et demanda :

« La crèche est vide, où est donc l’Enfant-Jésus ?

– Après la messe, mon­sieur le Curé l’y met­tra. Alors

Auteur : Tharaud, Jérôme et Jean | Ouvrage : Les contes de la Vierge .

Temps de lec­ture : 4 minutes

Lac de Tibériade - monument en forme de harpeEn ce temps-là, le lac de ne por­tait pas ce nom. Ce ne fut que quelque temps après ce que je vais vous racon­ter, que le fils du cruel Hérode édi­fia sur ses bords la cité qu’il bap­ti­sa Tibé­riade, pour faire sa cour à l’Em­pe­reur. Le beau lac s’ap­pe­lait Kin­ne­reth, ce qui veut dire la Harpe, parce que ses contours har­mo­nieux offrent exac­te­ment la forme de cet ins­tru­ment de musique si cher au roi David.

Ce jour-là, un gros orage venait d’é­cla­ter sur la mon­tagne. Avec la fin du jour le vent empor­tait les der­nières nuées, le lac avait repris son calme, et les nom­breux oiseaux qui le hantent, cor­mo­rans, péli­cans, mouettes, alcyons, mar­tins-pêcheurs avaient recom­men­cé de plus belle leurs vols et leurs cris.

Dans le vil­lage de Naza­reth, trois enfants patau­geaient dans la boue du che­min, fort occu­pés à dres­ser un bar­rage pour rete­nir l’eau des ornières. Puis, ayant façon­né un lac pareil à celui de Kin­ne­reth, ils se mirent dans la tête de le peu­pler, lui aus­si, d’oi­seaux – d’oi­seaux de boue, s’entend.

L’un fit quelque chose d’in­forme, qui avait, je crois, la pré­ten­tion de res­sem­bler à ces beaux cor­mo­rans qui ont de grandes ailes pour accou­rir de loin et don­ner la chasse aux pois­sons. cormoran en terre cuiteL’autre pre­nait beau­coup de mal pour trans­for­mer sa boue en péli­can et main­te­nir en équi­libre l’é­norme tête et la besace sus­pen­due à son cou. Le troi­sième pétris­sait de ses petites mains une mouette posée sur la rive.

Cepen­dant, la nuit était venue. Déjà la lune se mon­trait et les pre­mières lumières s’al­lu­maient dans le vil­lage. Indif­fé­rents à cette obs­cu­ri­té qui tom­bait autour d’eux, les enfants ne s’ar­rê­taient pas de pour­suivre leurs tra­vaux fra­giles. Mais tout à coup, d’une mai­son, on enten­dit une voix qui criait :

Auteur : Amien, Henri | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

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Récit pour la jeunesse, un miracle - Nef de l'église Faverney

Faver­ney est un petit vil­lage dans la Haute-Saône. Le visi­teur qui l’a­borde ne peut man­quer de remar­quer l’im­mense bâtisse de l’an­cienne béné­dic­tine, actuel­le­ment sec­tion de phi­lo­so­phie du grand sémi­naire de Besan­çon. Tout près du sémi­naire nous trou­vons la Basi­lique de Faver­ney… église célèbre de -la-Blanche, célèbre aus­si par un grand que Jésus y fit pour mon­trer sa pré­sence dans l’.

Repor­tons-nous plus de trois cents ans en arrière. En ce 24 mai 1608, nous trou­vons les reli­gieux très occu­pés. Ils vont, ils viennent, sous les cloîtres, por­tant des fleurs, des ten­tures, des cierges. C’est que nous sommes à la veille de la Pen­te­côte ; et, en cette fête, de par la per­mis­sion du Pape, les reli­gieux de Faver­ney ont l’au­to­ri­sa­tion d’ex­po­ser pen­dant trois jours la Sainte Hos­tie à la véné­ra­tion des fidèles.

À l’en­trée du , le frère sacris­tain est occu­pé à dres­ser le repo­soir qui ser­vi­ra de trône à Jésus, tan­dis que les autres moines sus­pendent des guir­landes aux ten­tures et aux piliers de l’é­glise. Le jour de la Pen­te­côte, les ado­ra­teurs se suc­cèdent jus­qu’au déclin du jour. Cha­cun rentre alors chez lui ; les béné­dic­tins eux-mêmes songent à prendre leur repos.

Ils n’é­taient pas très fer­vents car, au lieu de se relayer pour mon­ter la garde devant Jésus, ils rega­gnèrent tous leur cel­lule après avoir lais­sé seule­ment au repo­soir quelques cierges allu­més. Le lun­di 26 mai, à trois heures du matin, le sacris­tain vient ouvrir les portes de l’é­glise et son­ner l’of­fice. Une âcre odeur de fumée le sai­sit à la gorge ; il se pré­ci­pite dans la nef enté­né­brée, n’o­sant croire l’hor­rible véri­té. Et cepen­dant oui, c’est bien cela : du beau repo­soir, il ne reste plus qu’un petit tas de choses informes qui achèvent de se consu­mer. Affo­lé, il court au dehors, il appelle au secours, ne pou­vant que répé­ter en mots inar­ti­cu­lés, cou­pés de san­glots : « Mon repo­soir, ma cha­pelle ! » Les reli­gieux, les habi­tants accourent. Il faut bien se rendre à l’é­vi­dence, le mal­heur n’est que trop réel. Des braises encore rouges, on retire quelques mor­ceaux cal­ci­nés. C’est tout ce qui reste de la table d’au­tel. Voi­ci un chan­de­lier, tor­du par la vio­lence des flammes. Voi­ci la plaque de marbre qui sup­por­tait le repo­soir, gisant bri­sée en trois mor­ceaux. Atter­rés les reli­gieux écartent avec des pinces les débris, remuent les char­bons, cher­chant à retrou­ver quelque chose de l’os­ten­soir qui a dû, avec son pré­cieux dépôt, être la proie des flammes. Tout à coup, alors que le jour nais­sant éclaire l’é­glise, la voix du plus jeune s’élève :

Auteur : Tharaud, Jérôme et Jean | Ouvrage : Les contes de la Vierge .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Dans l’é­glise de , la Mère de Dieu a fait tant de miracles qu’on en a écrit tout un livre. Je l’ai lu bien sou­vent, et par­mi les plus beaux, en voi­ci un que je veux racon­ter parce qu’il montre jus­qu’où peut aller la cour­toi­sie de .

Récit extraordiniaire pour les enfants - Miracle de la Vierge - Notre-Dame de RocamadourIl y avait, en ce temps, un très fameux, nom­mé Pierre de Syglar, qui, d’un bout de l’an­née à l’autre, allait de mou­tier en mou­tier, chan­tant la gloire de la . Se pou­vait-il qu’au moins une fois en sa vie, il ne pas­sât par le où, depuis les jours les plus loin­tains, une image de la Mère de Dieu, la plus belle que vous puis­siez voir, attire de tous les coins du monde un peuple immense à ses pieds ?… Il y pas­sa donc une fois. C’é­tait au soir d’une chaude jour­née. Il avait fait un long voyage, il avait faim, il avait soif, et ce n’é­tait pas sans envie d’en­trer se rafraî­chir qu’il regar­dait tout le long de la rue se balan­cer au-des­sus de sa tête les belles enseignes des auberges, car jamais bonne soupe et bon vin n’ont été mépri­sés par ménes­trels, viel­leurs, jon­gleurs et autres gens de cette espèce. Lui-même, tout dévot qu’il fût, ne mépri­sait pas la bou­teille. Mais il était venu visi­ter la vraie Hôtesse de l’en­droit, Notre-Dame Sainte- : mal­ap­pris s’il n’al­lait d’a­bord se pros­ter­ner devant Sa Seigneurie.

L’é­glise était toute rem­plie de pèle­rins age­nouillés, les yeux levés vers l’i­mage qui brillait au fond de la nef par­mi les cierges allu­més. Hum­ble­ment, lui aus­si, le jon­gleur s’a­ge­nouille, et son orai­son ter­mi­née, il tire de sa gaine de cuir la vielle pen­due à son épaule, passe son archet sur les cordes, et fait si bien son­ner son ins­tru­ment que cha­cun l’é­coute en silence avec ravis­se­ment, admi­rant en soi-même qu’une simple baguette pro­me­née sur trois cordes puisse émou­voir si fort le cœur. Puis, quand il eut loué long­temps, et de toute son âme, Celle pour laquelle il était venu, il s’é­cria d’une voix forte :

- Ô Mère de Dieu qui tout créa, si quelque chose t’a plu dans ma chan­son, je te demande en récom­pense de me don­ner un de ces cierges qui brûlent là-haut, près de toi, en si grand nombre que de ma vie, ni de près ni de loin, je n’en ai vu davan­tage. Dame sans pareille et sans peur, donne-le-moi, je t’en sup­plie, pour m’é­clai­rer dans mon auberge et faire la fête de mon sou­per. Je ne te demande rien d’autre, si vrai que Dieu m’entend !

Notre-Dame de Roca­ma­dour qui est fon­taine de cour­toi­sie, ruis­seau et source de dou­ceur, écou­ta sa prière, et aus­si­tôt on vit s’en­vo­ler comme un et venir se poser sur la vielle le plus beau, le plus blanc des cierges qui fai­saient autour de sa tête une cou­ronne de lumière. Et les pèle­rins de s’é­ba­hir et de chan­ter  ! Noël !

Mais un moine, du nom de Girard (pour sa plus grande confu­sion, l’his­toire a rete­nu com­ment il s’ap­pe­lait), homme fiel­leux et mélan­co­lique, et qui tirait quelque pro­fit des bouts de qu’il ven­dait, se mit en fureur et cria :

- C’est un sor­cier, un gueux à mettre à la potence !

Ce disant, il sai­sit le cierge et va le replan­ter là-haut, à la place d’où il était parti.

Retour­née par ces mots, la foule se prend à mur­mu­rer. Si le sacris­tain disait vrai ! Et si ce beau viel­leur n’é­tait qu’un envoyé du Malin !

Pierre écoute et ne souffle mot, car il est trop fin et trop sage pour s’in­di­gner des injures d’un pauvre sot. Et que lui font tous ces mur­mures ! La Mère de Dieu la enten­du, elle a exau­cé sa prière. Peut-il deman­der davan­tage ? Son âme est rem­plie d’al­lé­gresse, des larmes coulent sur ses joues. En silence il prie Notre-Dame et lon­gue­ment la remer­cie. Puis, repre­nant sa vielle, il impro­vise un si beau chant qu’il n’en est pas au monde que vous eus­siez écou­té plus volon­tiers. Et quand il eut fini, le cierge, quit­tant son chan­de­lier, revint se poser sur sa vielle, comme cha­cun put le voir de ses yeux.

Alors, plus prompt que chèvre ou vieux bouc encor­né, le furieux sacris­tain bon­dit au milieu de la foule, et suf­fo­qué par la , demeure quelque temps sans parole. Puis reje­tant son capuchon :

- Jamais de mon vivant, dit-il à Pierre, le poing ten­du, je ne vis telle enchanterie !

Et de nou­veau s’emparant du cierge, il s’é­lance vers l’au­tel, le plante sur le chan­de­lier, l’at­tache avec un lien de fer, et cela fait, s’écrie :