Temps de lecture : 2 minutesLa vie s’écoulait, calme, tranquille, au milieu du labeur quotidien. Jésus, devenu grand, travaillait avec son père nourricier, et allait en ville porter le travail achevé. Un Dieu qui travaille ! Lui qui, d’un mot, a semé des millions d’arbres, rabote des planches, construit des charrues, gagne son pain à la…
Étiquette : <span>Obéissance</span>
Temps de lecture : 2 minutesLa Sainte Famille rentra donc à Nazareth où, jusqu’à l’âge de trente ans, Jésus fut soumis et obéit à Joseph et à Marie, comme un enfant docile. Joseph travaillait le bois. Marie s’occupait du ménage, faisant la cuisine, raccommodant le linge, allant puiser de l’eau à la fontaine. Jésus vivait…
Tonine a vingt ans. Zoé en a vingt-deux. Un soir, elle prend son courage à deux mains :
— Papa, je veux me faire religieuse !
Pierre Labouré devient rouge comme une écrevisse, mais tâche de se maîtriser.
Il bourre sa pipe, l’allume et déclare d’un ton sans réplique :
— J’ai donné une fille aux bonnes sœurs : je ne leur donnerai pas la deuxième.
Zoé a de qui tenir ! Ce qu’elle veut, elle le veut bien. Elle ne proteste pas, mais cette brusque flamme dans ses yeux prouve bien qu’elle est touchée au vif. Comment faire pour lui changer les idées ?
— Tout d’abord, pense le père, il faut la sortir d’ici. Ne vit-elle pas, depuis des années, comme une nonne cloîtrée ? Ni bals, ni distractions et Dieu sait ce que le brave Dom Mamert lui a fourré dans la tête ! Il faudrait qu’elle voie du beau monde, qu’elle se frotte à la société, qu’elle s’amuse ! Pour cela, il n’y a pas comme Paris. Au fait, mon Charles y tient un restaurant ? Çà y est, j’ai trouvé. Dans un an, cette brave Zoé ne pensera plus au couvent.
Aussitôt, il prend sa plume et adresse une missive à Charles Labouré, restaurateur, au faubourg de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. L’affaire est conclue en un tournemain et Zoé mise en face d’un fait accompli. Elle n’a qu’à faire son baluchon et partir.
Tonine pleure à chaudes larmes : « Si du moins tu partais au couvent pour être heureuse, mais dans ce grand Paris, que deviendras-tu » ?

Servante à Paris
Zoé étouffe ses sanglots et monte dans la diligence. C’est la première fois qu’elle part toute seule, pour un si long voyage. À l’autre bout son frère l’attend… rien que son frère ? Chaque jour la rapproche du plus beau des rendez-vous, mais elle l’ignore et chancelle sous le poids de l’épreuve.
Temps de lecture : 9 minutes
VI
Bernard vient d’arriver en tapinois. Il ferme sans bruit la porte d’entrée, traverse silencieusement le vestibule et lance un regard de gaieté malicieuse vers le jardin, où tout le monde semble réuni.
Bruno fait une page d’écriture ; Nicole, Pierre, penchés sur de petites tables, apprennent leurs leçons.
Bernard calcule sa distance, prend son élan, passe comme un bolide au-dessus de la tête des enfants ahuris, fait un rétablissement merveilleux au beau milieu du groupe et, les talons joints, salue.
On entend maman dire à travers les rires :
— Écoute, Bernard, tu nous donneras des maladies de cœur ! Tombes-tu du ciel, décidément ?
— Tout juste, ma tante, j’en arrive, en permission de huit jours. Il paraît que je suis fatigué par mes derniers vols au firmament !
— Fatigué, peste ! qu’est-ce que ce serait si tu ne l’étais pas ? proteste Colette. Allons, assieds-toi et dis-nous un peu posément d’où te vient cette aubaine.
— Il est très vrai que nous avons fait ces jours-ci une série de vols en formation de combat qui ont demandé des efforts sérieux. Ça a très bien marché. Le colonel est content, il a donné des permissions. Voilà.
— Jacques ne nous en avait pas parlé.
— Mais vous savez pourtant que je ne fais pas partie de l’escadrille de Jacques. C’est la nôtre qui a « trinqué » toute la semaine. Nous avons été jusqu’à la mer. Ce golfe Persique, quelle beauté ! Et puis nous avons survolé la Chaldée, passé au-dessus de Ur, et j’ai cru me souvenir qu’Abraham avait dû naître là au temps jadis. Nous avons traversé toute la Mésopotamie.
Les trois petits, le nez au vent, ont complètement oublié leurs leçons et écoutent, muets d’admiration.
Mais Nicole, comme prise d’une idée subite, interrompt tout à coup :
— Enfoncée, tante Colette, enfoncée !
— Enfoncée ?… quelle expression, et pourquoi ?
— Parce que l’oncle Bernard y est allé avant vous, au pays de l’Histoire Sainte !
Colette ne semble nullement consternée.
— Tant pis pour lui ! Il va falloir qu’il vous fasse un cours à ma place.
Chacun s’attendait aux protestations véhémentes de Bernard. À la surprise générale, il répond :
— Justement. Colette a beau croire que je suis un grand fou, je n’ai tout de mème pas complètement perdu la tête, ni même la mémoire. Et c’est toute l’Histoire Sainte qui défilait sous mes yeux en survolant ces grandes plaines. J’aurais voulu vous avoir là, près de moi dans ma carlingue, vous les petits, pour vous faire voir ce pays d’Abraham.
Cela me paraissait merveilleux de songer aux distances qu’il parcourut pour obéir à Dieu. Moi, je les survolais en quelques heures, mais lui…
Tâchez de le suivre avec moi.
Bernard sort de sa poche une carte d’état major et l’étale sur ses genoux. Arrivez ici, les petits. Regardez-moi ça. Habiter la Chaldée, traverser la Mésopotamie, revenir à Sichem, descendre en Égypte, et finalement s’installer dans cette vallée que vous voyez là, près d’Hébron, dites-moi s’il y a beaucoup d’hommes aujourd’hui à en faire autant ?
— Mais pourquoi qu’il a couru comme ça ? questionne Bruno de son petit air posé.
— Pour obéir à Dieu. Abraham a été l’obéissance même, l’obéissance héroïque.
— Raconte alors.
— Mais oui, je raconte. Seulement vous ne connaissez que le cinq cents à l’heure ! D’abord, il faut savoir qu’Abraham était un descendant de Sem et qu’à l’époque où il vivait en Chaldée, les hommes étaient presque tous devenus plus ou moins idolâtres.
La campagne était toute de neige autour du bourg de Bethléem, et les cubes blancs des maisons prenaient des teintes laiteuses parmi cette surnaturelle pureté.
Le ciel bombait au-dessus, comme un grand bocal d’un bleu pâle et translucide. Il y avait dans l’air une joie paisible comme si des anges venaient d’y passer.
À la vérité, des anges l’avaient traversé la nuit précédente. Jésus étant né, cette nuit-là, dans une grotte des environs, ils avaient chanté, devant un groupe de bergers d’abord, au-dessus de la grotte ensuite, un beau chœur à plusieurs voix dont le refrain est demeuré célèbre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. »
La nouvelle du miracle s’était répandue dans les maisons du bourg, et circulait sous le manteau, accueillie ici avec joie, là par des haussements d’épaules.
La fin de la classe du matin venait de lâcher les enfants dans les rues. Sur la placette, autour de la fontaine, beaucoup s’attardaient à bavarder, en petits groupes mystérieux et animés. La glissoire en pente luisait comme un marbre sombre, délaissée.
— Bien sûr que c’est vrai ! dit un gamin dont les yeux noirs étincelaient d’enthousiasme. Le père de Lévi doit le savoir, je suppose, puisqu’il y était !
— Mon père ne veut pas y croire, répliqua sans conviction un enfant mieux vêtu que les autres. Mon père est savant. Il doit avoir ses raisons. Mais j’aimerais mieux que ce soit vrai.
— Tiens ! intervint un troisième, pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ils étaient huit à aller à la grotte cette nuit, et tous racontent la même chose. Ils ont vu un ange, je vous dis, ils ont entendu le chant, ils ont vu l’Enfant et sa Mère.
— Mon père prétend que le Messie sera un Roi, objecta un autre. Alors, cet enfant pauvre ?…
— Oui, mais ces anges ? Est-ce qu’ils viennent chanter autour de notre maison, quand nous recevons un petit frère ou une petite sœur ?