Étiquette : <span>Sainte Catherine Labouré</span>

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Dans les archives de la rue du Bac on conserve un humble cahier avec les notes spi­ri­tuelles de Cathe­rine. Comme sous l’é­corce d’un cra­tère couve la flamme vive, ain­si les paroles cri­blées de fautes d’or­tho­graphe de la « Sœur du Pou­lailler » sont toutes incan­des­centes de zèle uni­ver­sel, de sou­ci dévo­rant pour le salut du monde. Écoutons-la : 

« Dai­gnez, ô Reine des Anges et des hommes, jeter un regard favo­rable sur le monde entier… par­ti­cu­liè­re­ment sur la France et sur chaque per­sonne en par­ti­cu­lier. Il suf­fit que vous veuillez nous sau­ver pour que nous ne puis­sions man­quer d’être sau­vés… O Marie, ins­pi­rez-nous ce qu’il faut deman­der pour notre bon­heur qui sera celui du monde entier… ». 

Obs­cure, cette der­nière phrase d’une splen­deur incom­pa­rable ? N’y a‑t-il pas un seul bon­heur que toute âme réclame ? Ce que Cathe­rine refuse, c’est d’en exclure qui que ce soit. Son cœur « mou­lé » dans celui de la Vierge Imma­cu­lée embrasse l’univers.

Depuis 1830, les voca­tions dans les deux familles reli­gieuses de Saint-Vincent se mul­ti­plient d’une façon « incom­pré­hen­sible ». La petite médaille court, vole à tra­vers le monde, de petites mains, de petites âmes dif­fusent sa pré­sence, elle opère des mer­veilles, parce qu’elle est toute imbi­bée d’a­mour et de prières.

Soeur Catherine chute en revenant de la rue du Bac

Un 8 décembre, sœur Cathe­rine prend son gros para­pluie et s’en va en pèle­ri­nage à la cha­pelle de la rue du Bac. À genoux, très droite, immo­bile, n’ap­puyant à peine que les bouts de ses doigts joints, elle prie. Le soir, elle repart avec ses com­pagnes pour Enghien. En grim­pant dans l’om­ni­bus, elle glisse, se rac­croche, arrive à mon­ter, devient très pâle, sort de sa poche un mou­choir de Cho­let à petits car­reaux, le serre autour de son poi­gnet. Une jeune sœur l’ob­serve curieusement : 

« Ma sœur Labou­ré, est-ce un tré­sor que vous tenez si précieusement » ? 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Tonine a vingt ans. Zoé en a vingt-deux. Un soir, elle prend son cou­rage à deux mains : 

— Papa, je veux me faire religieuse ! 

Pierre Labou­ré devient rouge comme une écre­visse, mais tâche de se maîtriser. 

Il bourre sa pipe, l’al­lume et déclare d’un ton sans réplique : 

— J’ai don­né une fille aux bonnes sœurs : je ne leur don­ne­rai pas la deuxième. 

Zoé a de qui tenir ! Ce qu’elle veut, elle le veut bien. Elle ne pro­teste pas, mais cette brusque flamme dans ses yeux prouve bien qu’elle est tou­chée au vif. Com­ment faire pour lui chan­ger les idées ? 

— Tout d’a­bord, pense le père, il faut la sor­tir d’i­ci. Ne vit-elle pas, depuis des années, comme une nonne cloî­trée ? Ni bals, ni dis­trac­tions et Dieu sait ce que le brave Dom Mamert lui a four­ré dans la tête ! Il fau­drait qu’elle voie du beau monde, qu’elle se frotte à la socié­té, qu’elle s’a­muse ! Pour cela, il n’y a pas comme Paris. Au fait, mon Charles y tient un res­tau­rant ? Çà y est, j’ai trou­vé. Dans un an, cette brave Zoé ne pen­se­ra plus au couvent. 

Aus­si­tôt, il prend sa plume et adresse une mis­sive à Charles Labou­ré, res­tau­ra­teur, au fau­bourg de Notre-Dame de Bonne-Nou­velle. L’af­faire est conclue en un tour­ne­main et Zoé mise en face d’un fait accom­pli. Elle n’a qu’à faire son balu­chon et partir.

Tonine pleure à chaudes larmes : « Si du moins tu par­tais au couvent pour être heu­reuse, mais dans ce grand Paris, que deviendras-tu » ? 

Catherine est envoyé à Paris - Tonine pleure

Servante à Paris

Zoé étouffe ses san­glots et monte dans la dili­gence. C’est la pre­mière fois qu’elle part toute seule, pour un si long voyage. À l’autre bout son frère l’at­tend… rien que son frère ? Chaque jour la rap­proche du plus beau des ren­dez-vous, mais elle l’i­gnore et chan­celle sous le poids de l’épreuve. 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Un matin d’oc­tobre, en 1815, papa réveille ses petits en pleurant. 

— Venez vite dire adieu à votre  ! dit-il. 

Zoé s’ar­rête sur le seuil, toute inter­dite. Maman ne bouge pas, on dirait qu’elle dort ! De grands cierges solen­nels l’en­tourent, ses mains jointes tiennent un , elle semble sou­rire au milieu des fleurs que l’on apporte par brassées. 

Puis elle s’en va, lais­sant un grand vide dans le cœur de ceux qui l’aiment. Zoé souffre, mais garde le silence. Il y a tant de cha­grin tout autour, les yeux rou­gis de papa lui font tel­le­ment mal, qu’elle n’ose se plaindre. Les voi­sines hochent la tête : « Elle est trop petite pour comprendre ». 

Un jour la ser­vante entre sans bruit, ayant sur le seuil quit­té ses sabots, et s’ar­rête pétrifiée.

La sage Zoé est en train d’es­ca­la­der le buf­fet ! Pour voler des frian­dises ? Nen­ni ! La voi­ci qui se hausse sur les pointes des pieds pour mieux étreindre la de la Sainte Vierge. La tête blot­tie contre son coeur, d’une voix gon­flée de larmes, elle murmure :

« C’est vous, main­te­nant, qui serez ma Mère » !

La ser­vante se retire dou­ce­ment, émue jus­qu’aux larmes. 

Ah, si tous les orphe­lins savaient qu’ils ont au ciel la plus tendre des mamans ! 

Zoé le sait. À par­tir de ce jour les liens qui l’u­nissent à la Sainte Vierge deviennent plus étroits. Naï­ve­ment, elle lui conte ses joies, ses peines et dépose à ses pieds des gerbes de cha­pe­lets. Car elle prie comme elle res­pire, tout simplement. 

Catherine prend la statue de la Vierge Marie et dit : C'est vous, maintenant, qui serez ma Mère

Son ins­truc­tion laisse plus à dési­rer. L’é­cole des filles est à trois kilo­mètres de la mai­son, trop loin pour ses petites jambes. Après la mort de Mme Labou­ré, sa tante Mar­gue­rite l’emmène chez elle, mais n’a guère le temps de lui don­ner des leçons. Lors­qu’à douze ans Zoé retour­ne­ra à Fain pour sa pre­mière com­mu­nion, elle ne sau­ra guère lire ni écrire. Toute sa vie, elle fera des fautes d’orthographe… 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Elle est si petite qu’on la remarque à peine. 

Elle est si com­mune qu’on n’en fait pas cas. 

Elle est si impor­tante qu’à la nais­sance de bébé tout le monde se pré­ci­pite pour lui en mettre une, au cou… 

Voyez comme il louche, d’un petit air intri­gué, pour prendre pos­ses­sion de cette plaque en métal plus ou moins précieux !

Vous l’a­vez bien devi­né : il s’a­git de la médaille, dite « mira­cu­leuse », puisque la Sainte Vierge s’en sert pour faire des prodiges. 

Cela date de loin ! Cent-trente ans bien­tôt est un bel âge et la médaille que vous por­tez a fait ses preuves, sa renom­mée monte en flèche. Il n’y a pas de coin dans le monde tout entier où l’on ne la connaisse. Des mil­liers de lettres rap­portent chaque jour de nou­velles grâces, obte­nues par son entre­mise. Gué­ri­sons, conver­sions, sau­ve­tages en pleine mer, dans les airs, en mon­tagne, opé­ra­tions réus­sies, exa­mens pas­sés, dif­fi­cul­tés réso­lues… Cent gros volumes ne suf­fi­raient pas pour enre­gis­trer tant de mer­veilles. La médaille est par­tout à l’hon­neur. Com­ment expli­quer sa vertu ?

Ce serait une grande erreur de croire que cette humble plaque pos­sède un pou­voir magique comme la baguette enchan­tée ou la lampe d’A­la­din dans les contes de fées ! La médaille n’est pas un fétiche, mais un signe. Atten­tion : ce que je vais vous dire est capital ! 

Com­ment recon­naît-on la natio­na­li­té d’un sol­dat ? À son uni­forme, à ses galons, à son équi­pe­ment, à son dra­peau, par­fois à son panache. Les autos sont clas­sées selon leurs marques. Les avions arborent bien en vue leur signa­le­ment. Je connais des gar­çons mieux au cou­rant de la fabri­ca­tion des réac­teurs que de l’his­toire de France ! Lors­qu’on leur demande : « À quoi les recon­nais­sez-vous ? » ils répondent sans tré­bu­cher : « À telles enseignes ». 

La Sainte Vierge est Reine de l’U­ni­vers, donc NOTRE Reine. Cepen­dant, comme Dieu, Elle res­pecte notre liber­té. Si nous lui ouvrons la porte, Elle entre, si nous ver­rouillons l’en­trée de nos cœurs, Elle reste dehors. Pour obte­nir son secours, nous devons en quelque sorte lui don­ner des droits sur nous. Or, une médaille est comme un insigne mili­taire. En la por­tant, je m’en­rôle au ser­vice de Notre-Dame, je deviens son petit sol­dat. C’est un signe d’al­liance et de dépen­dance. Ma porte est grande ouverte et Notre-Dame PEUT agir. 

Connais­sez-vous le pre­mier miracle de Jésus à Cana en Gali­lée ? Sup­po­sons un ins­tant que les ser­vi­teurs aient faits la sourde oreille aux paroles de Marie : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ». S’ils n’a­vaient pas rem­pli d’eau les urnes en pierre, cette eau n’au­rait pu être trans­for­mée en vin ! 

Et pour­tant le geste de ces ser­vi­teurs était banal. Qui de vous n’a pui­sé de l’eau avec une cruche, un gobe­let ou un autre réci­pient ? Encore fal­lait-il le faire, ce geste de tous les jours, pour que Jésus opé­rât son pre­mier miracle. 

La médaille que je porte est une réponse per­ma­nente à l’in­vi­ta­tion de Notre-Dame : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ».